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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 23 juin 1998, n° 95-20317

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Agir Ici Pour Un Monde Solidaire (Sté)

Défendeur :

Etienne Lacroix - Tous Artifices (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Conseillers :

MM. Mc Kee, Le Dauphin

Avoués :

SCP Regnier-Bequet, Me Moreau

Avocats :

Mes Bourdon, Combeau.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 19 mai 1…

19 mai 1995

Le 14 novembre 1994, le secrétaire national de l'association Agir Ici a adressé au président de la société Etienne Lacroix Tous Artifices (la société Lacroix) une lettre contenant notamment les énonciations suivantes : " Comme vous le savez sans doute, une campagne internationale contre la production et la commercialisation des mines antipersonnel - et plus généralement des moyens antipersonnel - se déroule actuellement dans de nombreux pays, dont la France... Notre association vient de lancer une campagne d'opinion pour obtenir que les entreprises françaises productrices de mines, et plus généralement de " moyens antipersonnel ", s'engagent à ne plus produire ces matériels. Votre entreprise est très présente dans le secteur de l'armement, notamment dans le domaine des moyens antipersonnel (système Galix). Nous tenons à vous informer dès à présent que nous demandons à nos sympathisants d' interpeller leur maire pour s'assurer que le fournisseur de feux d'artifices de leur ville ne produit pas également des moyens antipersonnel. Les mairies qui se fournissent auprès de votre entreprise vont donc probablement vous demander des engagements et des garanties pour arrêter immédiatement la production des moyens antipersonnels, quels qu'ils soient. Cette campagne vient de commencer et se déroulera pendant trois mois. Au cours de cette campagne, nous sommes disposés à prendre en compte toutes les propositions que vous pourriez faire et qui modifieraient votre position actuelle sur cette question ".

A l'époque de l'envoi de la lettre précitée l'association Agir Ici a invité chacun de ses adhérents ou sympathisants à faire parvenir soit au maire de sa commune, soit au conseiller général de son canton une lettre-type ainsi rédigée : " Chaque année dans le monde, des milliers de civils sont grièvement blessés ou tués par l'explosion de mines antipersonnel. De nombreux reportages ont montré le caractère particulièrement atroce de ces armes. Plusieurs pays, dont la France depuis 1993, ont décidé un moratoire sur les exportations de mines antipersonnel. Mais il ne s'agit que d'une demi-mesure. Je pense qu'il est nécessaire d'interdire la fabrication des mines et de leurs composants par les entreprises françaises comme cela a déjà été fait pour les armes chimiques et bactériologiques. Une telle décision servira d'exemple aux autres pays producteurs. En France, deux grandes entreprises fabricant des feux d'artifice produisent des mines antipersonnel Ruggieri et Lacroix. Nous vous demandons de vérifier que votre prestataire de feux d'artifice n'est ni un producteur de mines ni même en relation avec ces entreprises. Si tel est le cas, je vous demande de poser comme condition au renouvellement du contrat pour 1995, un engagement de votre prestataire à ne plus produire - ou à ne plus avoir de lien avec les entreprises qui produisent - des mines antipersonnel. S'il refuse d'accéder à votre demande, je tiens à votre disposition des noms d'entreprises de feux d'artifice non compromises dans la production de mines antipersonnel ".

L'association a, en outre, diffusé un document intitulé " Campagne n° 26, Nov.94- Janv.95 pour l'interdiction des mines antipersonnel ", lequel contient notamment les énonciations suivantes :

" Les maires des villes qui réalisent au moins un feu d'artifice par an sont invités à questionner leur fournisseur de feux d'artifice. Cette pression, via les mairies, devrait s'avérer efficace car elle touche directement l'image et le chiffre d'affaires des ces entreprises dont la façade " feux d'artifice " cache les activités dans le domaine de l'armement. Cette action soit amènera les entreprises à renoncer à la production de moyens antipersonnel, soit conduira les villes à changer de fournisseur, car il existe des entreprises de feux d'artifice non compromises dans la production de mines...

L'entreprise Lacroix a créé Galix, un système " équipé d'un boîtier de tir qui commande les tubes lanceurs dans lesquels sont chargées des munitions... ". La variante Galix 4 est spécialisée dans la dispersion des moyens antipersonnel. Dans la panoplie des moyens antipersonnel de Lacroix, on relève également le système de protection des points sensibles Sphinx. Si Ruggieri et Lacroix ne sont pas les seules productrices de moyens antipersonnel, elles sont les seules à faire cohabiter au sein de leurs usines deux activités dont les objectifs semblent radicalement opposés les mines et les feux d'artifice. Avec Ruggieri et Lacroix on ne bondit pas partout de la même manière...

Hormis Ruggieri leader en France dans le secteur des feux d'artifice et Lacroix que reste-t-il à nos mairies pour célébrer tel ou tel événement ? Le choix n'est certes pas vaste mais d'après nos informations les entreprises Pyragric (Rilleux-la-Pape 69) et Legoux (Tourville-en-Auge 14) ne fabriquent pas de moyens antipersonnel et de nombreux artificiers, dont Eurodrop (Choisy-le-Roi 94), se fournissent déjà auprès de Pyragric. "

Prétendant que la diffusion des documents précités constituait à son égard un acte de dénigrement fautif, la société Lacroix a, le 8 février 1995, assigné l'association Agir Ici devant le Tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 1 000 000 de F à titre de dommages-intérêts.

La société Lacroix a, en outre, demandé au tribunal d'ordonner, sous astreinte, à l'association Agir Ici, d'une part, de détruire tous documents, par elle édités ou diffusés, faisant référence à son nom, d'autre part, de lui communiquer la liste des destinataires desdits documents et d'envoyer à chacun de ces destinataires une copie du jugement par lui rendu.

La société Lacroix a, enfin, demandé au tribunal d'ordonner la publication intégrale de ce jugement dans trois journaux de diffusion nationale de son choix et de condamner l'association Agir Ici à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 mai 1995, le tribunal a dit que l'association Agir Ici avait entrepris contre la société Lacroix une campagne de dénigrement engageant sa responsabilité délictuelle, condamné l'association Agir Ici à payer à la société Lacroix la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts, ordonné, à compter du jour de la signification du jugement, la confiscation de tous documents jugés dénigrants se trouvant entre les mains de l'association Agir Ici et la remise de ceux-ci à la société Lacroix pour être détruits en présence d'un huissier, aux frais de l'association Agir Ici, assorti cette prescription d'une astreinte de 1 000 F par jour de retard pendant deux mois, autorisé la société Lacroix à publier le dispositif du jugement dans trois journaux de son choix, aux frais de l'association Agir Ici, limité à la somme de 45 000 F le montant, hors taxes, du coût global de ces insertions et condamné l'association Agir Ici à payer à la société Lacroix la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'association Agir Ici a formé appel à l'encontre de ce jugement.

Concluant à la réformation de celui-ci, elle a demandé à la cour, principalement, de déclarer la société Lacroix irrecevable en ses demandes, subsidiairement, de rejeter celles-ci, à défaut d'ordonner une expertise à l'effet d'examiner les systèmes d'armement fabriqués par ladite société et de rechercher si l'un au moins d'entre eux peut être utilisé comme une mine antipersonnel.

Par arrêt en date du 14 mai 1996, la cour a : - rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l'association Agir Ici, - avant dire droit sur le fond du litige, ordonné une expertise, - nommé à titre d'expert M. Malherbe, lequel a été remplacé par M. Quichon ; donné à celui-ci mission : d'examiner les systèmes de défense Sphinx et Galix et les munitions utilisées pour les faire fonctionner ; de décrire les divers modes de fonctionnement de chacun de ces systèmes de défense ; de rechercher, pour chaque mode de fonctionnement, si le système de défense examiné peut, ou non, constituer une mine (c'est-à-dire un engin placé sous ou sur le sol ou une autre surface ou à proximité, et conçu pour exploser ou éclater du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne ou d'un véhicule) à effet antipersonnel.

L'expert ayant déposé le rapport rendant compte de l'accomplissement de sa mission, l'association Agir Ici demande à la cour, principalement, de lui donner acte de ce qu'elle maintient les moyens sur le fondement desquels elle demande que soit constatée la prescription de l'action dirigée à son encontre par la société Lacroix, subsidiairement, de n'homologuer que partiellement le rapport d'expertise, de rejeter les prétentions de ladite société et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 80 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de sa demande de donner acte, l'association Agir Ici expose que les moyens de défense au fond qu'elle invoque n'impliquent aucune renonciation aux exceptions qu'elle avait précédemment développées afin que soit constatée la prescription de l'action exercée à son encontre par la société Lacroix.

Au soutien de ses autres prétentions, l'association Agir Ici fait valoir : - que si l'expert conclut que ni le système Sphinx, ni le système Galix ne peuvent être considérés comme des mines antipersonnel, la démonstration sur laquelle il se fonde " reste très partielle ", - qu'en effet, d'abord, l'expert n'a ru procédé à la recherche complète de toutes les informations utiles à l'accomplissement de sa mission, ni tiré les conclusions qui s'imposaient du refus de la société Lacroix de communiquer certains documents qu'elle réclamait, - qu'ensuite, s'agissant du système Galix, les conclusions de l'expert reposent sur des affirmations qui soit sont peu, ou ne sont pas, étayées, soit sont contredites par les documents commerciaux de la société Lacroix, - qu'encore, est dépourvu de pertinence l'avis de l'expert selon lequel, sauf à être frauduleusement modifié, l'allumeur F2 serait par nature incapable de provoquer la mise à feu des munitions du système Sphinx, - qu'enfin, " il est patent que l'expert n'a pas tiré exactement les conclusions logiques de ce qu'il avait consigné lors de ses investigations dans le corps de son rapport ", - que, dès lors, même si le troisième stade du système Sphinx, dénommé Moder, ne constitue pas une mine antipersonnel, il résulte tant des documents commerciaux relatifs aux différentes versions de ce système que des diverses informations afférentes à celui-ci, d'une part, qu'il a pu exister au moins une version dudit système constituant une mine antipersonnel et que cette version existait encore en 1994, d'autre part, que constitue une telle mine la version de ce même système, dénommée Galix, portée par un char.

L'association Agir Ici ajoute : - que les éléments dont elle disposait pour étayer la campagne d'information litigieuse, notamment l'annuaire Jane's, pouvaient légitimement l'amener à penser que la société Lacroix était un fabricant de mines antipersonnel, - qu'ainsi, d'une part, celle-ci n'a jamais émis de protestations lors de la parution d'articles de presse la présentant comme fabricant d'armes pouvant servir de mines antipersonnel, - que d'autre part, elle a procédé à une enquête établissant que la société Lacroix a développé un système de mines antipersonnel en concours avec la société Alsetex, fabricant avéré de telles armes, et a déposé des brevets de mines antipersonnel dont plusieurs font référence à un système analogue au système Sphinx, - qu'elle était donc fondée à organiser la campagne d'information litigieuse, - qu'au demeurant, en sa qualité de participante à la campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnel elle a reçu le prix Nobel de la paix.

L'association Agir Ici fait encore valoir : - qu'elle est restée de bonne foi dans la conduite de cette campagne, laquelle ne revêt aucun caractère fautif à l'égard de la société Lacroix, - qu'en effet il est établi, - qu'elle a agi, conformément à son objet, dans le seul but de contribuer à mettre fin à l'usage des mines antipersonnel, - que ladite campagne avait pour destinataire non le grand public mais le premier ministre et les élus municipaux, - qu'elle a spontanément indiqué à ceux-ci que la société Lacroix, qu'elle avait invitée à faire connaître son point de vue sur ses affirmations, contestait celles-ci, - que sont dépourvues de fondement les allégations de cette société selon lesquelles la campagne litigieuse aurait été poursuivie avec une rare virulence au cours des mois ayant suivi le prononcé du jugement attaqué, - qu'elle n'a donc commis aucun dénigrement fautif à l'encontre de ladite société, - qu'au demeurant cette dernière n'apporte pas la preuve de l'existence du préjudice qu'elle invoque.

La société Lacroix demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ses dispositions autres que celles relatives aux sommes qui lui ont été allouées et aux publications ordonnées par ce jugement, de réformer ces dernières dispositions, de condamner l'association Agir Ici à lui payer la somme de 600 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de décider que le présent arrêt fera aussi l'objet desdites publications et d'élever le montant maximum du coût de celles-ci de 45 000 F à 100 000 F.

A l'appui de ces prétentions, la société Lacroix fait valoir : - que, selon l'expert, dont l'avis n'encourt aucune des critiques articulées par l'association Agir Ici, ni le système Sphinx n° 3, ni les munitions Galix, ni le système combiné Galix et Sphinx ne peuvent être assimilés à des mines antipersonnel, - que ni l'article publié dans l'annuaire Jane's 1994-1995, ni aucun des autres documents invoqués par l'association Agir Ici ne sont de nature à étayer les affirmations articulées à son encontre par celle-ci, - que de telles affirmations revêtent donc un caractère mensonger et dénigrant, - que c'est de mauvaise foi et à l'effet de lui porter préjudice que l'association Agir Ici a conduit la campagne litigieuse, engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, - qu'en effet, avant d'entreprendre cette campagne l'association Agir Ici ne s'est pas interrogée sur le point de savoir si le système Sphinx Galix pouvait être considéré comme une mine antipersonnel par les spécialistes de cette question, ni ne l'a interrogée sur ce point, - que dans les documents qu'elle a diffusés à l'occasion de la campagne litigieuse, l'association Agir Ici n'a cessé de la viser et d'inviter les municipalités à ne plus s'adresser à elle mais à traiter avec d'autres entreprises dont elle leur communiquait la liste, - que l'association Agir Ici a en outre fait en sorte que ses accusations soient relayées par la presse et, ainsi, largement diffusées auprès des particuliers, - que la campagne litigieuse revêt donc le caractère d'une campagne de dénigrement systématique à l'appui de laquelle des affirmations mensongères sont utilisées afin de lui nuire et de favoriser certains de ses concurrents, de sorte qu'outre qu'elle porte atteinte à son image cette campagne, qui s'est poursuivie postérieurement au prononcé du jugement attaqué, lui a causé un important préjudice commercial.

Sur ce, LA COUR,

SUR LA DEMANDE DE DONNER ACTE,

Considérant que l'arrêt précité du 14 mai 1996 a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l'association Agir Ici sur le fondement de la prescription de l'action exercée à son encontre par la société Lacroix ;

que l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt est exclusive de la demande de donner acte dès lors que celle-ci tend à constater que l'association Agir Ici " maintient " les moyens par elle articulées à l'appui de cette fin de non-recevoir ;

SUR LE FOND,

Considérant qu'aux termes des documents ilminairement cités, l'association Agir Ici impute à la société Lacroix la fabrication de mines antipersonnel et attribue cette qualification aux systèmes de défense rapprochée dénommés Sphinx et Galix ;

Considérant que l'expert a procédé à l'examen de ces deux systèmes de défense ;

qu'il résulte du rapport relatant le déroulement des opérations d'expertise que, contrairement aux allégations de l'association Agir Ici, l'ensemble des documents et matériels nécessaires à l'accomplissement de la mission de l'expert ont été mis à la disposition de celui-ci par la société Lacroix ;

qu'après avoir minutieusement décrit tant le mode de fonctionnement que les applications de chacun desdits systèmes de défense, l'expert exprime l'avis suivant ;

" Ni le système Sphinx basé au sol, maintenant adopté par l'armée de terre sous l'appellation Moder, ni ses munitions ne peuvent être assimilés à des mines terrestres antipersonnel, car leur fonctionnement nécessite toujours la décision volontaire d'un tireur et ne peut être déclenché par la simple présence d'un passant ; cela est aussi valable pour le stade intermédiaire étudié en 1993, avant l'action d'Agir Ici.

Il en est a fortiori de même pour le système Galix porté par un char ou un véhicule de combat, même si la protection de celui-ci contre les missiles oblige à un asservissement du tir de munitions fumigènes ou infrarouges qui ne sont pas vuinérantes pour le personnel " ;

que cet avis, qui s'appuie sur une motivation pertinente que ne contredit aucune des pièces produites par l'association Agir Ici, emporte la conviction ;

qu'il en résulte qu'en ce qu'elles qualifient de mines antipersonnel les deux systèmes de défense rapprochée Sphinx et Galix les allégations contenues dans les documents liminairement cités sont erronées ;

Considérant que l'association Agir Ici ne prouve pas non plus que la société Lacroix ait fabriqué des armes, autres que ces deux systèmes de défense, susceptibles d'entrer dans la catégorie des mines antipersonnel, de sorte qu'en ce qu'elles qualifient ladite société de producteur de mines antipersonnel les allégations contenues dans ces mêmes documents sont également erronées ;

Considérant que l'association Agir Ici ne produit aucun élément de preuve propre à étayer ses allégations selon lesquelles, lors de la campagne litigieuse, elle pouvait légitimement croire que la société Lacroix fabriquait, ou avait fabriqué, des mines antipersonnel ;

Considérant, en conséquence, que dès lors qu'elles ont été articulées à l'occasion d'une campagne d'information organisée par l'association Agir Ici à l'effet de convaincre les autorités municipales, auxquelles la société Lacroix fournissait des feux d'artifice, de mettre fin aux relations commerciales qu'elles entretenaient avec celle-ci et de les inciter à acheter ces mêmes produits à des sociétés concurrentes nommément désignées, les allégations erronées précitées, revêtent à l'égard de la société Lacroix le caractère d'un dénigrement imputable à faute à l'association Agir Ici ;

Considérant qu'en une motivation pertinente que la cour adopte les premiers juges ont caractérisé le préjudice causé à la société Lacroix par ce dénigrement fautif et pertinemment déterminé les modalités de la réparation que ce préjudice appelait ;

que la société Lacroix ne prouve pas, que postérieurement au prononcé du jugement attaqué, la campagne litigieuse se soit poursuivie à l'initiative de l'association Agir Ici, de sorte qu'il convient de confirmer tant la disposition lui allouant la somme de 300.000 F à titre de dommages-intérêts, que celle prescrivant des mesures complémentaires de confiscation et de publication ;

qu'il y a lieu toutefois, s'agissant de cette dernière mesure, de dire que chacune des publications reproduisant la teneur du dispositif du jugement attaqué mentionnera que celui-ci a été confirmé par le présent arrêt ;

que cet ajout ne justifie pas que soit augmenté le montant maximum du coût de ces publications ;

Considérant que l'association Agir Ici n'obtenant pas gain de cause il convient de la condamner aux dépens et de rejeter la demande par elle formée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

qu'en revanche il y a lieu d'accueillir partiellement la demande formée sur ce même fondement par la société Lacroix ;

Par ces motifs : Rejette la demande de donner acte présentée par l'association Agir Ici ; Confirme le jugement rendu entre les parties le 19 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Paris ; Y ajoutant, dit que chacune des publications reproduisant le dispositif de ce jugement mentionnera que celui-ci a été confirmé par le présent arrêt ; Condamne l'association Agir Ici à payer la société Etienne Lacroix Tous Artifices la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette la demande formée sur ce même fondement par l'association Agir Ici ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne l'association Agir Ici aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.