Livv
Décisions

CA Amiens, ch. com., 11 janvier 2000, n° 98-00901

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ambulances Favier (SA)

Défendeur :

Ambulances Gérard Drouard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

M. Roche, me Rohart Messager

Avoués :

SCP Selosse, Bouvet, André, SCP Tetelin, Marguet, de Surirey

Avocats :

Mes Lefèvre-Franquet, Delpierre.

CA Amiens n° 98-00901

11 janvier 2000

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la SA Ambulances Favier d'un jugement du Tribunal de Commerce de Soissons du 28 novembre 1997 qui l'a condamnée à payer à la SA Ambulances Gérard Drouard (Drouard) la somme de 375 689 F avec intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi que la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions de l'appelante du 24 mars 1999 par lesquelles elle prie la Cour de : - infirmer le jugement, - débouter la Société Drouard de toutes ses demandes, - la condamner à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Selosse Bouvet & André, avoués.

Vu les conclusions de l'intimée du 21 avril 1999 par lesquelles elle prie la Cour de : - confirmer le jugement, - condamner la SA Ambulances Favier à lui payer une indemnité de 10 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, - la condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Tetelin Marguet et de Surirey Avoués, - subsidiairement, si la Cour l'estime utile, ordonner une mesure d'instruction et commettre pour y procéder un expert comptable à l'effet d'évaluer le préjudice qu'elle a subi consécutivement aux actes de concurrence déloyale de la SA Ambulances Favier.

Sur ce, LA COUR : - Attendu que Drouard exploitait une activité de transports ambulanciers tant à Soissons qu'à Château-Thierry ;

Que l'activité de Château-Thierry comportait d'une part une activité provenant d'une convention signée avec le Centre Hospitalier de Château-Thierry et d'autre part une clientèle privée dans cette même région ;

Qu'au début de l'année 1993 cette entreprise comptait huit chauffeurs ambulanciers ;

Qu'en janvier 1993 les parties étaient informées qu'à compter du 14 mars 1993 le marché public du Centre hospitalier de Château-Thierry était confié aux Ambulances Favier aux lieu et place des Ambulances Drouard ;

Que dès janvier 1993 puis en février 1993 quatre chauffeurs ambulanciers de Drouard notifiaient leur démission et étaient immédiatement embauchés par la SARL Ambulances les Saules dirigée par Monsieur Favier, laquelle les mettaient à disposition des Ambulances Favier, à Château-Thierry, en violation des clauses de non concurrence contenues dans leurs contrats de travail ;

Que les Ambulances Drouard faisaient alors paraître un encart dans la presse de Château-Thierry pour préciser que l'entreprise n'avait pas été absorbée par les Ambulances Favier ; qu'elle faisait citer les quatre salariés devant le Conseil de Prud'hommes de Château-Thierry ; que la Chambre Sociale de la Cour d'Appel d'Amiens par des arrêts confirmatifs condamnait chaque salarié à verser aux Ambulances Favier 12 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Que par acte du 12 juin 1995 les Ambulances Drouard assignaient les Ambulances Favier en paiement d'une somme de 800 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

Attendu que les Ambulances Favier soutiennent que ce sont les Ambulances Les Saules qui ont engagé les salariés démissionnaires ;

Attendu cependant que dès l'embauche des salariés ceux-ci ont été mis à disposition des Ambulances Favier à Château-Thierry par les Ambulances Les Saules, dont le dirigeant est Monsieur Favier ;

Que, de fait, les 4 salariés démissionnaires des Ambulances Drouard travaillaient dans la branche d'activité et le secteur géographique concurrents de Drouard violant ainsi leur clause de non concurrence ;

Qu'en droit l'identification de l'employeur s'opère par l'analyse du lien de subordination ; qu'est employeur celui au profit duquel le travail est accompli et sous l'autorité et la direction de qui le salarié exerce son activité ; que pour identifier l'employeur il ne suffit pas de s'en tenir aux documents contractuels qui le désignent comme tel ; qu'il convient dès lors de constater, ce qui n'est pas démenti, que les anciens salariés de Drouard travaillaient à Château-Thierry pour les Ambulances Favier et étaient nommément désignés auprès de la DASS organisme de contrôle ;

Attendu que le nouvel employeur qui engage sur une période de deux mois quatre salariés conducteurs ambulanciers d'une entreprise concurrente qui ne comprenait que 7 conducteurs ambulanciers, sans s'assurer que ces salariés étaient dégagés de toute obligation à l'égard de leur ancien employeur engage sa responsabilité délictuelle envers son concurrent ;

Qu'en agissant de la sorte les Ambulances Favier ont commis des actes de concurrence déloyale et ont causé aux Ambulances Drouard un préjudice dont ils doivent réparation ;

Attendu que les Ambulances Favier prétendent que l'action en concurrence déloyale nécessite non seulement l'existence d'une faute commise par le défendeur mais aussi celle d'un préjudice souffert par le demandeur ; qu'elles indiquent que, faute d'amener la preuve d'un préjudice la demande des Ambulances Favier doit être déclarée irrecevable ;

Mais attendu qu'il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice résultant des procédés fautifs ;

Qu'au surplus il est clair que l'embauche par un concurrent de 4 conducteurs ambulanciers dans un court laps de temps est de nature à désorganiser gravement une entreprise ;

Que si le débauchage du personnel n'est pas le seul motif de la baisse du chiffre d'affaires des Ambulances Favier à Château-Thierry et, que celui-ci a très certainement chuté en raison de la perte du contrat avec le Centre Hospitalier de Château-Thierry, il demeure cependant que l'expert comptable a mis en évidence une chute extrêmement importante du chiffre d'affaires ; que les premiers juges ont par des motifs pertinents, que la Cour adopte, justement fixé le préjudice à la somme de 375 689 F ; qu'il convient de confirmer le jugement ;

Attendu que les Ambulances Favier qui seront condamnées aux dépens verseront aux Ambulances Drouard la somme de 10 000 F sollicitée -nullement exagérée pour frais hors dépens exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs : La COUR statuant publiquement et contradictoirement. Reçoit l'appel en la forme. Au fond confirme le jugement. Condamne la Société Ambulances Favier aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tetelin Marguet et de Surirey Avoués. La condamne à verser à la Société Ambulances Gérard Drouard une somme de 10 000 F pour frais hors dépens exposés en cause d'appel.