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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 8 mars 2002, n° 2000-04524

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Planète Prod (SARL)

Défendeur :

Planète Cable (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mme Schoendoerffer, Regniez

Avoué :

SCP Bommart- Forster

Avocats :

Mes Brault, Cassin.

TGI Paris, 3e ch., du 22 oct. 1999

22 octobre 1999

La société Planète Câble, qui a pour activité la télévision par câble, est titulaire des marques :

- nominative " Planète " enregistrée sous le numéro 1.472.319, déposée le 20 juin 1988 pour désigner les services de " communication par l'intermédiaire de tous médias, notamment hertziens, console, satellite et câble, d'émissions, programmes et tous documents à vocation d'éducation et de divertissement " en classes 38 et 41,

- semi-figurative " Planète Câble " numéro 1.500.698 désignant les mêmes services, déposée le 29 novembre 1988,

- semi-figurative " Planète Câble " numéro 1.681.279, désignant des produits et services des classes 9, 16 et 35 notamment " appareils pour l'enregistrement et la transmission du son ou des images (...) papier carton (...) publicité ", déposée le 18 juillet 1991,

- semi-figurative " Planète " n° 97/706052 notamment pour les services de " communication par hertzienne, satellite ou câble, émissions de documents, de films et de programmes de télévision, agences de presse et d'informations, communication radiophoniques et tous documents à vocation d'éducation et de divertissement (...) productions de films de série et d'émission de télévision " en classes 38 et 41, déposée le 26 novembre 1997.

Ayant constaté qu'une société ayant pour activité la production d'émissions télévisuelles avait adopté, les termes de " Planète Prod " à titre de dénomination sociale et considérant que cette dénomination constituait la contrefaçon de ses marques et portaient atteinte à sa propre dénomination sociale ainsi qu'à son nom commercial, Planète Câble a fait assigner la société Planète Prod en contrefaçon et concurrence parasitaire, ainsi qu'aux fins de paiement de dommages-intérêts et de mesures d'interdiction et de publicité.

Par jugement rendu le 2 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit qu'en utilisant la dénomination Planète Prod, la société Planète Prod a porté atteinte aux droits de la société Planète Câble sur sa dénomination sociale et son nom commercial et a commis des actes de contrefaçon des marques Planète n° 1 472 319 et Planète Câble n° 1 500 698,

- interdit à la société Planète Prod de faire usage de la dénomination Planète sous astreinte de 1.000 Francs par infraction constatée à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification de sa décision,

- ordonné l'exécution provisoire de cette mesure,

- condamné la société Planète Prod à verser à la société Planète Câble la somme de 100.000 Francs à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- autorisé la demanderesse à faire publier le dispositif de sa décision dans trois journaux ou revues de son choix aux frais de la défenderesse sans que le coût total des insertions à la charge de celle-ci excède la somme de 60.000 Francs hors taxes,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la société Planète Prod aux dépens.

La société Planète Prod a interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2000.

Par ses dernières écritures en date du 17 janvier 2002, elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, sauf en ce qu'il a été jugé que les marques " Planète Câble " n° 1681279 et " Planète " n° 97/706 052 ne pouvaient lui être opposées.

Elle conclut pour le surplus au débouté de toutes les prétentions de Planète Câble tant au titre de la concurrence déloyale et de l'atteinte à sa dénomination sociale qu'au titre de la contrefaçon de marques.

Elle demande le paiement par l'intimée d'une somme de 30.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamnation de celle- ci aux entiers dépens.

La société Planète Câble, par ses dernières écritures signifiées les 23 octobre 2000 et 28 janvier 2002, conclut en ces termes :

Vu notamment l'article 1382 du Code Civil, et les articles L. 713-3, L. 713-6 alinéa 4, et L. 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle,

- confirmer le Jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- dire et juger que Planète Prod porte atteinte aux droits exclusifs de Planète Câble sur sa propre dénomination sociale et son nom commercial et est coupable de ce fait de concurrence déloyale et de parasitisme,

- dire et juger que Planète Prod a commis des actes de contrefaçon au préjudice de Planète Câble,

- interdire à Planète Prod de faire usage du signe Planète Prod sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte,

En conséquence,

- dire et juger que l'astreinte a valablement commencé à courir à compter du 14 mars 2000,

- dire et juger que Planète Prod devra justifier à Planète Câble de l'accomplissement des formalités de changement de dénomination sociale requises notamment auprès du Registre du Commerce et des Sociétés,

- condamner Planète Prod à payer à Planète Câble à titre de dommages-intérêts la somme de 500.000 francs, sauf à parfaire,

- ordonner et ce, à titre de complément de dommages-intérêts, la publication de la décision à intervenir dans 10 journaux ou revues au choix de Planète Câble, et aux frais de l'appelante et ce, à concurrence de 30.000 francs par insertion,

Vu l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,

- se réserver la liquidation des astreintes qui seront prononcées,

- condamner Planète Prod à lui payer la somme de 60.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamner Planète Prod en tous les dépens (...).

Ceci exposé, LA COUR,

Sur la contrefaçon des marques de Planète Câble

Considérant que le jugement entrepris ne fait l'objet d'aucune critique en ce qu'il a dit que les marques " Planète Câble " n° 1681279 et " Planète " n° 97/706 052 ne pouvaient être opposées à Planète Prod, en ce qui concerne la première, en raison des services et produits désignés qui ne peuvent donner lieu à aucune confusion avec l'activité de Planète Prod et, en ce qui concerne la seconde, en raison de son dépôt postérieur à l'adoption de la dénomination sociale de Planète Prod ;

Considérant que, s'agissant des marques " Planète " n° 1.472.319, déposée le 20 juin 1988 pour désigner les services de " communication par l'intermédiaire de tous médias, notamment hertziens, console, satellite et câble, d'émissions, programmes et tous documents à vocation d'éducation et de divertissement " en classes 38 et 41 et " Planète Câble " n° 1.500.698, désignant les mêmes services, déposée le 29 novembre 1988, Planète Prod soutient que son activité ne peut être confondue avec les services désignés dès lors qu'elle produit des émissions " d'infotainement " sans rapport avec les films et documentaires produits par Planète Câble et qu'elle s'adresse à des professionnels de la communication, notamment les chaînes de télévision françaises, pour lesquelles il n'existe aucun risque de confusion ;

Considérant, cependant que l'activité de " conception, réalisation, production et commercialisation de programmes audiovisuels " de la société Planète Prod entre dans les services visés par les marques invoquées et notamment les services de " programmes et tous documents à vocation d'éducation et de divertissement " et que le tribunal a exactement retenu que les services visés par les marques invoquées étaient susceptibles d'être attribués à Planète Prod, eu égard à son activité, et ce, quelle que soit la clientèle à laquelle s'adressent les deux sociétés ;

Considérant que s'il ne peut être jugé que la dénomination " Planète Prod " reproduit les marques " Planète " ou " Planète Câble ", il convient encore de rechercher si cette dénomination ne constitue pas une imitation des dites marques ;

Que contrairement à ce que soutient Planète Prod, il n'est nullement établi que le terme " Planète " serait la désignation usuelle des services visés dans l'enregistrement ou qu'il serait purement descriptif desdits services " qu'en effet, ainsi que le tribunal l'ajustement relevé, cette société ne démontre pas que l'usage du terme " Planète " se serait généralisé dans le langage courant pour désigner les services de production audiovisuelle ; que le fait que ce terme soit évocateur du contenu de certains documentaires qui ont pour sujet l'histoire, la nature, les civilisations, les sciences les techniques, les sociétés de la planète terre, ou qu'il soit plusieurs fois repris dans diverses marques et dénominations, n'a pas pour effet de le priver de son caractère distinctif pour désigner des programmes et documents à vocation d'éducation et de divertissement ;

Que la seule adjonction du terme " Prod ", abréviation du mot " production " et qui désigne directement l'activité de l'appelante n'est pas de nature à éviter une confusion avec les programmes et documents protégés par la marque " Planète " ;

Que, s'agissant de la marque " Planète Câble " la substitution du terme " Prod " au terme " Câble " après la reprise du terme d'attaque " Planète ", visuellement et phonétiquement dominant, n'est pas davantage de nature à éviter une confusion ;

Qu'un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux où dans un temps proche à l'oreille est susceptible d'attribuer à la société Planète Prod les services protégés par les marques " Planète " et " Planète Câble " ou de croire que la désignation " Planète Prod " est une déclinaison desdites marques ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu le caractère contrefaisant de la dénomination " Planète Prod "

Sur l'atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de Planète Câble et la concurrence déloyale :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Planète Prod, le grief d'imitation de la dénomination et du nom commercial " Planète Câble " est distinct du grief de contrefaçon des marques " Planète " et " Planète Câble " ;

Que l'activité de " télévision par câble " de la société Planète Câble recouvre celle de " conception, réalisation, production et commercialisation de programmes audiovisuels " de la société Planète Prod, observation faite que le tribunal a justement retenu que " Planète " était l'élément porteur de l'essentiel de la distinctivité des deux dénominations, que Planète Câble démontre, en outre, que Planète Prod produit notamment des émissions diffusées sur le câble et que ces émissions, et les siennes font l'objet de communications dans les mêmes publications ;

Qu'en adoptant la dénomination de Planète Prod, que celle-ci ait été, ou non, inspirée par la dénomination d'une agence de presse dite " Presse Planète " dont la création est d'ailleurs postérieure à celle de la société Planète Câble, l'appelante a généré un risque de confusion avec les dénomination sociale et nom de commercial de Planète Câble constitutif de concurrence déloyale;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que Planète Câble, formant appel incident, demande que Planète Prod soit condamnée à lui payer une somme de 500.000 Francs à titre de dommages-intérêts, toute cause de préjudice confondue ; qu'elle demande la publication de la décision à intervenir dans 10 journaux ou revues de son choix ;

Que Planète Prod fait valoir que Planète Câble ne rapporte la preuve d'aucun préjudice et conclut au débouté de toutes les demandes et subsidiairement à ce qu'il soit alloué à l'intimée une somme d'un Franc ;

Considérant qu'aucun élément nouveau en appel ne justifie une modification de la somme de 100.000 Francs exactement appréciée par le tribunal et allouée en réparation du préjudice subi par Planète Câble du fait de l'atteinte à ses marques n° 1.472.319 et 1.500.698 et de la concurrence déloyale résultant de l'atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial ;

Considérant que le jugement sera, en outre, confirmé en ce qu'il a :

- fait interdiction sous astreinte à Planète Prod de faire usage du signe " Planète Prod ",

- autorisé la publication de sa décision dans trois journaux ou revues au choix de Planète Câble, sans que le coût total des insertions à la charge de l'appelante puisse excéder la somme totale de 60.000 Francs hors taxe,

- alloué à Planète Câble une somme de 15.000 Francs au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Considérant qu'à ce dernier titre il sera, en outre, alloué à l'intimée pour l'instance devant la cour une somme complémentaire de 2.300 Euros ;

Considérant que la cour n'estime pas devoir se réserver la liquidation de l'astreinte, dont Planète Câble lui demande de fixer le point de départ, alors qu'elle court pour chaque infraction constatée et qu'il n'est justifié ni de la signification du jugement ni de la constatation d'une infraction ;

Par ces motifs, Confirme la décision entreprise, Y ajoutant, Condamne la société Planète Prod à payer à la société Planète Câble la somme complémentaire de deux mille trois cents euros (2.300 Euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Planète Prod aux entiers dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.