Livv
Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 9 octobre 2001, n° 00-00777

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coréal (SARL)

Défendeur :

Cousin (SA), Pelletier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lerner

Conseillers :

MM. Andrault, Pascot

Avoués :

SCP Musereau-Mazaudon, SCP Landry-Tapon

Avocats :

Mes Beauchard, Blanchard.

T. com. La Roche-sur-Yon, du 23 nov. 199…

23 novembre 1999

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SA Cousin dont l'objet est la distribution de produits alimentaires a employé Monsieur Biret en qualité d'attaché commercial du 22 février 1994 au 17 janvier 1997, date de sa démission. Monsieur Biret a ensuite été embauché à compter du 1er mars 1997 par la société Coréal, concurrente de la société Cousin.

Par jugement en date du 23 novembre 1999, le Tribunal de Commerce de la Roche-sur-Yon a notamment condamné la société Coréal à verser à la SA Cousin la somme de 200.000 F à titre de dommages intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale.

Par acte du 6 mars 2000, la société Coréal a interjeté appel de cette décision.

La société Coréal entend voir la Cour dire que la société Cousin n'établit pas la réalité de son préjudice, dire que celui-ci n'est que de principe et l'évaluer en conséquence. Elle fait valoir en effet :

-que Monsieur Biret lui a caché la clause de non-concurrence qui le liait et qu'elle était de bonne foi,

-qu'aucune tentative de débauchage n'est établie et qu'une simple tentative ne saurait en tout cas constituer un préjudice,

-qu'aucune perte durable de clientèle n'est démontrée,

-qu'il n'est attesté d'aucune baisse du chiffre d'affaire sur la période concernée.

La SA Cousin sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Coréal à lui verser la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au motif :

-que la société Coréal a commis des fautes en embauchant un salarié au mépris d'une clause de non-concurrence, en détournant des clients et en tentant de débaucher du personnel,

-qu'un préjudice se déduit nécessairement des actes déloyaux, consistant en un trouble commercial et un préjudice moral.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2001. Ce même jour, la société Cousin a déposé des écritures dont l'appelante sollicite le rejet des débats comme étant tardives.

MOTIFS DE LA DECISION :

Au préalable, la Cour constate que les dernières écritures au fond de la société Cousin datent du 15 juin 2001. Des conclusions déposées en réponse le 6 septembre 2001, date de l'ordonnance de clôture, doivent être considérées comme tardives dans la mesure où elles ne permettent pas à la société Coréal de bénéficier de la contradiction. Elles seront en conséquence rejetées des débats.

Sur les fautes reprochées a la société Coréal :

Ces fautes concernent le non-respect de la clause de non-concurrence et la tentative de débaucher le personnel de la société Cousin.

En ce qui concerne les tentatives de débauchage de personnel, la société Cousin verse aux débats des attestations de Mesdames Rantiere et Blondel d'où il résulte que Monsieur Biret leur aurait proposé de le rejoindre. Force est cependant de constater que d'une part, il s'agit simplement de suggestions exprimées en termes vagues et que d'autre part, elles émanent de Monsieur Biret sans qu'aucun élément puisse attester qu'il agirait sur instigation de la société Coréal, personne morale partie à l'instance.

S'agissant en revanche de la clause de non-concurrence, la lecture du contrat de travail qui unissait la société Cousin à Monsieur Biret permet de constater que celui-ci était lié par une telle clause. Or, en admettant que la société Coréal ait pu dans un premier temps en ignorer l'existence, tel ne pouvait plus être le cas à compter du courrier adressé le 2 juin 1997 par la société Cousin à la société Coréal dans lequel était clairement visée la clause de non-concurrence litigieuse. Quand bien même un doute aurait alors existé sur la validité de la clause en question, l'attitude de la société Coréal devenait critiquable. Et ce d'autant qu'un arrêt de la chambre sociale de la Cour d'Appel de Poitiers a été rendu le 19 mai 1998, qui a déclaré licite ladite clause de non-concurrence.

La société Cousin est donc fondée en ce qu'elle reproche à la société Coréal d'avoir commis une faute.

Sur le préjudice :

Il résulte des factures versées aux débats par la société Cousin, que certains distributeurs, préalablement facturés par elle-même l'étaient, à compter du mois de mars 1997 par la société Coréal et ce, sur le secteur d'activité de Monsieur Biret.

Au vu des factures produites, le préjudice subi par la société Cousin est relativement faible. L'intervention d'un expert permettrait éventuellement de connaître précisément la perte subie en termes de bénéfices. Cependant il convient de rappeler que l'objet de l'indemnité allouée dans le cadre d'une action en concurrence déloyale n'a pas pour seul objet de réparer le préjudice matériel. Elle vient compenser le "trouble commercial" et a en conséquence une vocation préventive, disciplinaire et réparatrice du préjudice "moral". C'est au vu de l'ensemble de ces éléments que l'indemnité doit être évaluée. Dans ces conditions, même si le préjudice en termes de bénéfices est faible, l'indemnité ne peut se limiter, comme le demande la société Coréal, à une somme purement symbolique. Les éléments d'appréciation soumis à la Cour lui permettent une évaluation, nécessairement approximative et forfaitaire, à hauteur de la somme de 70.000 F.

La société Coréal qui succombe sera condamnée aux dépens et par conséquent au paiement de la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs, LA COUR, Ordonne le rejet des débats des conclusions déposées le 6 septembre 2001 par la société Cousin, Continue le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité qui sera limité à la somme de 70.000 F, Y ajoutant, Condamne la société Coréal au paiement de la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Coréal aux dépens, Dit que les dépens seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile