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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 16 janvier 2002, n° 99-05156

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MHP Production (SA)

Défendeur :

Coudène (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Paris

Conseillers :

M. Torregrosa, Mme Bresdin

Avoués :

Me Auche-Hedou, SCP Salvignol Guilhem Delsol

Avocats :

Mes Richer, Pierchon, Lezer.

TGI Montpellier, du 28 sept. 1999

28 septembre 1999

LES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 18 décembre 1996, la société MHP Production qui fabrique et conditionne des préparations alimentaires a assigné la SA Coudène en contrefaçon, et à tout le moins imitation illicite ou frauduleuse, de la marque semi-figurative déposée le 6 avril 1994 et qui orne notamment ses étiquettes.

Par jugement en date du 28.09.99, le Tribunal de Grande Instance de Montpellier a débouté MHP Production de l'ensemble de ses prétentions. La SA Coudène a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts, mais il lui a été alloué 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société MHP Production a relevé appel.

Dans le dernier état de ses conclusions, MHP Production estime que son action en contrefaçon est justifiée (pour la marque semi-figurative déposée le 6-4-94 sous le numéro d'ordre 945 145 59) et demande à la Cour l'interdiction de l'usage de cette marque ou de ses éléments sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée à compter de la signification.

La destruction de tous les produits encore en stock imitant ou contrefaisant la marque sera ordonnée sous la même astreinte.

En toute hypothèse, l'action de la SA Coudène constitue une concurrence manifestement déloyale par création d'une confusion entre les produits respectifs des deux sociétés.

Sur les préjudices, un expert sera désigné, et a défaut le préjudice de MHP ne peut être estimé à moins de 1.500.000 F, outre 50.000 F en réparation de l'atteinte commerciale. La publication du jugement à intervenir dans la presse sera ordonnée et une somme de 20.000 F est réclamée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (conclusions du 04.09.2000).

La SA Coudène sollicite la confirmation, outre la condamnation de MHP à payer 50.000 F à titre de dommages et intérêts et 20.000 F au titre des frais irrépétibles (conclusions du 12.07.2000).

Sur ce,

Sur la marque protégée :

Attendu que le premier juge a pris soin de relever que les droits dont se prévaut MHP Production résultent de l'enregistrement d'une marque semi-figurative "Marie Amélie" auprès de l'INPI suivant dépôt du 06-04-1994 sous le numéro d'ordre 945 14559 pour les produits de classes CL29 et CL30 tels que soupe de poissons, soupe de crabe, bisque de homard, etc...;

Attendu que ce même juge a pris aussi le soin de décrire très précisément les éléments figuratifs déposés, qui sont repris dans les conclusions de MHP Production en appel de façon identique;

Attendu qu'il est donc essentiel de noter à ce stade de l'analyse qu'il n'existe aucune divergence sur les éléments soumis au juge qui font l'objet d'une protection, et qui conditionnent toute la question de la contrefaçon;

Sur la contrefaçon:

Attendu que le premier juge, tout comme la Cour, devait se livrer à un examen comparatif des photographies annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon (4/12/96) et des éléments déposés protégés tels que strictement définis ci-dessus;

Attendu que le premier juge s'est livré à cet examen et a justement conclu à l'absence de contrefaçon, dès lors que l'essentiel de l'argumentation comparative de MHP, y compris en appel, ne repose que sur des éléments peut-être importants mais annexes par rapport au strict dépôt protégé;

Attendu qu'ainsi, n'ont pu être retenus au titre de la contrefaçon la taille et la forme du bocal, la collerette identique, l'emplacement et le graphisme de l'intitulé "soupe de poissons à la Sétoise", tout simplement parce que tous ces éléments débordent de ceux qui ont été déposés et qui seuls bénéficient de la protection de la marque;

Attendu que pour le reste, le premier juge a parfaitement retenu que "Marie Amélie" et "Coudène" ne peuvent être rapprochés, et qu'il n'est pas possible de retenir une contrefaçon qui découlerait du seul encadré de l'étiquette, qui a un caractère banal (deux traits, l'un fin, l'autre épais) et qui n'est d'ailleurs pas exactement semblable dans sa forme;

Attendu qu'en conclusion sur ce premier volet, il ne peut être établi à l'encontre de Coudène SA des emprunts d'éléments protégés;

Sur la concurrence déloyale:

Attendu que s'il n'est pas possible de déduire de l'absence de contrefaçon l'absence de concurrence déloyale, il n'en demeure pas moins que les deux actions ont des fondements différents et que les mêmes faits allégués comme portant atteinte à des intérêts protégés ne peuvent servir de fondement à une action en concurrence déloyale s'ils ont été rejetés au titre de la contrefaçon;

S'agissant des éléments non protégés, seule hypothèse où la concurrence déloyale peut donc se concevoir en droit et nécessite examen en fait, la Cour estime que la forme et la contenance du bocal, la collerette et la similitude partielle de la position et de la police des mots ne créent pas de confusion eu égard notamment au caractère banal de ces éléments et à la marque radicalement différente, et ne suffisent nullement à rapporter la preuve d'une faute en rapport direct avec un préjudice qui n'est envisagé dans les conclusions des MHP que par voie d'affirmations pures et simples ; qu'ainsi aucune pièce comptable n'est fournie qui tendrait à démontrer, par exemple, que les ventes de MHP ont sensiblement baissé depuis la mise sur le marché des produits Coudène;

Attendu que MHP n'a pas cru utile de justifier de ce que les produits sont concurrents sur les mêmes segments de marché, ou voisins sur les rayons des grandes surfaces, malgré les conclusions précises de Coudène contestant la réalité même d'une concurrence;

Attendu qu'enfin, il est de jurisprudence établie (jurisprudence LEGO - CA Paris) que "le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas comme tel un acte de concurrence fautif, le principe étant qu'une prestation qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite", même si demeure sanctionnable au titre du parasitisme la création volontaire d'un risque de confusion, dont il a été motivé supra ; qu'en l'espèce la preuve n'est pas rapportée tant pour ce qui est de la confusion que de la création volontaire;

Sur les demandes annexes:

Attendu que la Cour ne trouve pas matière aux éléments du dossier à caractériser un abus manifeste de la société MHP ; qu'il n'y a pas lieu pareillement de considérer que des frais irrépétibles aient été inéquitablement engagés en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit l'appel de MHP Production. Au fond, la déboute et confirme l'intégralité des dispositions du jugement de premier ressort (Tribunal de Grande Instance Montpellier, 28/9/99); Condamne MHP Production aux entiers dépens, avec application au bénéfice de Maître Salvignol, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.