CA Lyon, 1re ch., 13 décembre 2001, n° 2000-03503
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Xyphos (SARL)
Défendeur :
Le Queen (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loriferne
Conseillers :
M. Roux, Mme Biot
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, Me Guillaume
Avocats :
Me Pasta, SCP Plazanet-Pedler.
Faits - Procédure - Prétentions des parties
La Société anonyme Le Queen est titulaire des droits sur :
- la marque semi-figurative Le Queen composée du terme Queen avec un Q majuscule surmonté d'une couronne, déposée le 9 novembre 1993, enregistrée sous le n° 93-491 385, pour désigner les discothèques relevant de la classe 41,
- la marque nominative Queen déposée le 29 avril 1994 enregistrée sous le n° 94 158 098 et servant à désigner les produits et services des classes 38, 41 et 42 dont notamment les divertissements.
La Société Le Queen a un usage constant de ses marques pour exploiter une discothèque située avenue des Champs-Elysées à Paris (notoirement connue en France et à l'étranger).
Ayant constaté que la société à responsabilité limitée Xyphos exploitant la discothèque Le Titan à Couzon-au-Mont-d'Or avait diffusé un prospectus annonçant une soirée intitulée "Queen's Party" à l'occasion de la Gay Pride le 6 juin 1998 et qu'une publicité avait été insérée dans le journal Lyon Poche, la Société Queen après avoir fait sommation le 3 juin 1998 à la société Xyphos d'avoir à cesser la diffusion du prospectus et de supprimer toute référence à l'établissement Le Queen lors de sa soirée du 6 juin 1998, se fondant sur un constat d'huissier de ce même jour, a saisi le Tribunal de Grande Instance de Lyon d'une action en contrefaçon de marques et parasitisme.
Par jugement du 18 mai 2000, ce tribunal, constatant les actes de contrefaçon résultant de l'utilisation des termes Queen's Party associée à une référence à "Monsieur Charles Schillings DJ Résident Queen's" :
- a fait défense à la Société Xyphos d'utiliser lesdites marques et ce sous astreinte de cinq mille francs (5.000 F) par infraction constatée ;
- a ordonné l'exécution provisoire de cette mesure ;
-a ordonné la publication par extraits dans trois journaux ou périodiques au choix de la Société Le Queen, aux frais de la Société Xyphos sans que le coût de chaque insertion puisse excéder, à la charge de cette dernière, douze mille francs (12.000 F) ;
- condamné la Société Xyphos à payer à la Société Queen :
* la somme de cinquante mille francs (50.000 F) en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon,
* la somme de trente mille francs (30.000 F) en réparation du dommage subi du fait des actes parasitaires,
* la somme de quinze mille francs (15.000 F) en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
et condamné la défenderesse aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
La Société Xyphos, appelante, conclut à la réformation du jugement et au rejet des demandes de la Société Le Queen.
Elle conteste les actes de contrefaçon de marques et le parasitisme reprochés et indique que le terme Queen's Party désignait une soirée exceptionnelle dans le cadre de l'événement particulier de la "Gay Pride" et que le terme Queen était le diminutif du terme "Drag Queen", c'est-à-dire travesti.
Elle prétend donc qu'elle pouvait utiliser ce nom commun et qu'à aucun moment elle n'a reproduit la marque semi-figurative déposée, soit la couronne surmontant le sommet de la première lettre du mot Queen qui constitue le seul élément distinctif.
La Société Xyphos invoque sa bonne foi et insiste sur l'impossibilité de confusion dans l'esprit du public, les établissements étant éloignés de cinq cents kilomètres et l'absence de dénigrement ou d'atteinte à l'image.
Elle conclut subsidiairement à une diminution de l'indemnité allouée en réparation du préjudice sachant que le chiffre d'affaires réalisé autour de la soirée du 6 juin 1998 s'est élevé à 30.820 francs.
La Société Le Queen, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf à élever à 100.000 francs la somme allouée en réparation du préjudice causé par la contrefaçon et à 100.000 francs celle allouée en réparation du préjudice lié au parasitisme.
Elle réclame en outre une indemnité de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La société intimée rappelle que toute atteinte à la marque fût-elle de bonne foi est constitutive de contrefaçon et affirme qu'en l'espèce la mauvaise foi de la Société Xyphos est établie puisqu'elle a utilisé la réputation du disc-jockey Charles Schillings afin d'attirer la clientèle dans son établissement en profitant de la confusion dans l'esprit du public.
Motifs et décision
Attendu que la Société Le Queen qui justifie de ses droits sur les marques Le Queen et Queen visant les discothèques relevant de la clause 41 et les produits et services des classes 38, 41 et 42 dont notamment les divertissements est fondée en application des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle à poursuivre toute reproduction non autorisée de ces marques ;
Attendu qu'en l'espèce sur le prospectus annexé au procès-verbal de constat du 6 juin 1998 établi par Maître Cédric Boucharlat huissier de justice à Lyon figure au recto le titre "Queen's Party" suivi de l'indication : "toute l'équipe de DJ'S et danseurs qui ont fait la renommée du Queen vous invite à partager une soirée royale - et au verso Monsieur Charles Schillings D.J Resident Queen Paris nominé aux victoires de la musique métropole Techno-Bercy " ;
Attendu que l'utilisation dans ce document du terme Queen identique à la marque déposée et l'ambiguïté volontairement entretenue avec la discothèque parisienne constituent d'une part une contrefaçon de marque et d'autre part une concurrence déloyale ;
Qu'en effet le terme Queen n'est pas usuellement le diminutif du terme drag-queen et que la mise en exergue du mot Queen dans la formule "la renommée du Queen" est une allusion à la discothèque et non pas le simple emploi d'une traduction anglaise pour une soirée exceptionnelle dite royale ;
Attendu que la diffusion de ce prospectus faisait suite à une parution dans l'hebdomadaire "Lyon Poche" intitulée Welcome to the Queen, ce qui conforte la volonté de créer la confusion entre les deux établissements ;
Attendu que le tribunal a donc justement constaté l'atteinte aux droits privatifs de la Société Le Queen ;
Attendu que le préjudice causé à cette Société par l'atteinte à sa marque et par le parasitisme a été exactement évalué par le tribunal;
Que les mesures accessoires justifiées doivent être confirmées ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la Société Le Queen la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles ; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité complémentaire de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la Société Xyphos à payer à la Société Le Queen une somme complémentaire de Dix Mille Francs (10.000 F) en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Guillaume, avoué.