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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2001, n° 99-20.756

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Euro techni controle (SARL), Société industrielle de radiographie et de contrôle (Sté), Normatest (SARL)

Défendeur :

Association interprofessionnelle de France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Gatineau

Douai, 2e ch. civ., du 13 févr. 1997

13 février 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 février 1997), que l'Association interprofessionnelle de France (l'AINF) a pour activité le " contrôle non destructif " consistant à contrôler dans le milieu industriel, la tenue de la matière dans le temps; que s'estimant victime de concurrence déloyale de la part des sociétés Euro Techni Contrôle (société ETC), Normatest et Sirac, l'AINF les a assignées en paiement de dommages-intérêts ; que reconventionnellement les sociétés ETC, Normatest et Sirac ont sollicité la condamnation de l'AINF sur le même fondement;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et sur le second moyen, pris en ses deux branches, réunis: - Attendu que les sociétés ETC, Normatest et Sirac font grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elles s'étaient rendues coupables de concurrence déloyale à l'égard de l'AINF, de les avoir condamnées au paiement d'une indemnité provisionnelle, d'avoir ordonné une expertise sur le préjudice, et d'avoir rejeté leur demande fondée sur la concurrence déloyale dirigée contre l'AINF alors, selon le moyen : 1- que l'exercice par une société d'une activité commerciale concurrente à celle d'une association sans but lucratif ne peut constituer un acte de concurrence déloyale dès lors que n'étant pas prévue par ses statuts, l'activité commerciale de l'association est illicite; qu'en l'espèce, il résultait des propres énonciations de l'arrêt que l'AINF, association sans but lucratif, avait pour objet social l'amélioration des conditions de travail et de vie; que dès lors le fait d'exercer l'activité commerciale de "contrôle non destructif" qui -leur fût-elle conforme-, n'était pas mentionnée par ses statuts, constituait une pratique paracommerciale illicite; qu'en cet état, la cour d'appel ne pouvait imputer à faute aux sociétés ETC, Normatest et Sirac l'exercice concurrent de cette activité sans violer les articles 1382 du Code civil et 37 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; 2- que commet des actes de concurrence déloyale, l'association à but non lucratif exerçant, à titre habituel, une activité commerciale qui n'est pas prévue par ses statuts ; qu'en l'espèce, les sociétés ETC, Normatest et Sirac soutenaient explicitement dans leurs conclusions d'appel qu'en se livrant à la même activité commerciale de " contrôle non destructif " alors que celle-ci n'était pas prévue par ses statuts et se révélait contraire à l'article 5 de son règlement général, l'AINF se rendait coupable d'actes de concurrence déloyale à son encontre; qu'en se bornant, dès lors, pour écarter le comportement déloyal de l'association, à relever que l'exercice de cette activité commerciale était conforme à son objet social, l'amélioration des conditions de travail et de vie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 du Code civil et 37 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; 3- qu'en se fondant sur l'antériorité de l'activité de l'AINF, critère impropre à rendre licite l'exercice par une association à but non lucratif d'une activité commerciale non statutaire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles 1382 du Code civil et 37 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'activité de "contrôle non destructif" qui consiste à contrôler dans le milieu industriel, la tenue de la structure de la matière dans le temps, est conforme à l'objet social de l'AINF constitué pour l'amélioration des conditions de travail et de vie, ce dont il résulte que cette activité prévue dans l'objet social nécessairement défini par les statuts entrait dans les prévisions de ceux-ci, la cour d'appel a pu décider que l'AINF exerçait licitement son activité laquelle était juridiquement protégeable contre une action en concurrence déloyale et a par ce seul motif légalement justifié sa décision d'écarter l'action en concurrence déloyale exercée par les sociétés ETC, Normatest et Sirac, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen; que le moyen, qui n'est pas fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli en sa troisième;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour décider que les sociétés ETC, Normatest et Sirac s'étaient rendues coupables de concurrence déloyale à l'égard de l'AINF, l'arrêt retient qu'il est établi que "M. Degremont directeur du département "contrôle non destructif" de l'AINF après son départ de cette entreprise a entraîné par l'entremise de son ancien adjoint treize salariés d'AINF après avoir mis en œuvre son projet d'installer sur place son propre atelier de contrôle non destructif, que ces salariés ont été embauchés par les sociétés ETC, Normatest et Sirac pour mettre à leur disposition leur expérience, la clientèle qui les connaissait et que ces sociétés ont été créées et n'ont d'existence que pour concurrencer l'AINF ayant emprunté l'activité, la clientèle et des salariés de celle-ci";

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser l'existence d'une concurrence déloyale, faute d'avoir relevé l'existence de manœuvres illicites de débauchage de personnel ou l'appropriation de la clientèle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ses motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que les sociétés ETC, Normatest et Sirac s'étaient rendues coupables de concurrence déloyale envers I'AINF, les a condamnées au paiement d'une indemnité provisionnelle et ordonné une expertise, l'arrêt rendu le 13 février 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.