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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 novembre 2001, n° 2000-07584

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Editions Taitbout (SA)

Défendeur :

Bayard Presse (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

Mmes Magueur, Régniez

Avoué :

SCP Roblin Chaix de Lavarène

Avocats :

Mes Curvelier, Boespflug.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 14 janv.…

14 janvier 2000

La société Editions Taitbout est titulaire de la marque dénominative "Pleine Vie" déposée le 11 avril 1996, enregistrée sous le numéro 96/620 410, pour désigner divers produits des classes 16 et 41 parmi lesquels les journaux, livres, périodiques et magazines.

Elle publie et diffuse sous cette marque un mensuel destiné aux personnes retraitées.

Estimant que l'expression "Plein Jour" pour désigner un magazine destiné au même lectorat constitue la contrefaçon par imitation de sa marque et caractérise des actes de concurrence déloyale, la société Editions Taitbout a assigné la société Bayard Presse, qui édite le magazine litigieux, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 14 janvier 2000, le tribunal a débouté la société Editions Taitbout de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société Bayard Presse la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 23 mars 2000 par la société Editions Taitbout ;

Vu les dernières écritures signifiées le 31 mai 2001 par lesquelles la société Editions Taitbout, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, prétend à cet effet que :

- l'expression "Plein Jour", associant deux termes monosyllabiques évoquant la clarté et la vitalité, crée avec la marque "Pleine Vie", dont le radical d'attaque est identique, un risque de confusion, les deux magazines en cause s'adressant au même public,

- en concluant plus de six mois après qu'elle ait fait l'objet d'une action en contrefaçon et près de deux ans après le début de l'exploitation du magazine "Pleine Vie" un contrat de licence sur une marque antérieure "Plein Jour", la société Bayard Presse a cherché à faire échec à ses revendications et commis un acte déloyal,

et demande à la Cour de :

- dire qu'en exploitant le titre "Plein Jour" pour désigner une publication, la société Bayard Presse a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "Pleine Vie" N° 96 620 410,

- dire qu'en choisissant ce titre pour individualiser son magazine dont le thème et le lectorat sont identiques à ceux du magazine "Pleine Vie", la société Bayard Presse a commis des actes de concurrence déloyale,

- dire que le contrat de licence entre la société Bayard Presse et la Caisse de prévoyance des Cadres d'Entreprises Agricoles CPCEA a été conclu en fraude de ses droits de marque et constitue en soi un acte de concurrence déloyale,

- interdire à la société Bayard Presse tout usage de l'expression "Plein Jour" pour désigner le titre d'un magazine et tous produits et services identiques ou similaires à ceux visés au libellé de la marque "Pleine Vie", sous astreinte de 500.000 F par infraction constatée, à compter de la date de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Bayard Presse à lui verser la somme de 1.000.000 F de dommages-intérêts et celle de 80.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais de la société Bayard Presse, dans trois journaux de son choix, à hauteur de 30.000 F HT par publication ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 juin 2001 aux termes desquelles la société Bayard Presse sollicite la confirmation du jugement entrepris, faisant valoir qu'il n'existe entre les dénominations en cause aucune similitude visuelle, phonétique ou intellectuelle, que les négociations engagées avec la CPCEA ont débuté avant que soit introduite la présente procédure et que les magazines "Pleine Vie" et "Plein Jour" ne constituent pas des produits identiques s'adressant au même public et réclame l'allocation d'une somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Sur quoi,

- Sur la contrefaçon de marque

Considérant que les deux expressions "Pleine Vie" et "Plein Jour" présentent la même architecture en deux mots monosyllabiques et un terme d'attaque quasi-identique, l'adjectif "plein", "pleine" ;

Mais considérant que, contrairement à ce que soutient la société Editions Taitbout, ces deux expressions d'usage courant sont revêtues d'une signification propre et possèdent un pouvoir évocateur distinct ; que si l'expression "Pleine Vie" est synonyme de vitalité et de dynamisme, l'expression "Plein Jour", dans son acception première, telle qu'elle résulte des définitions qu'en donnent les dictionnaires "Le Petit Robert" et "Le Petit Larousse" dont des extraits sont versés aux débats, signifie la lumière du milieu de la journée, la pleine lumière ; que rien ne permet d'affirmer que la locution "Plein Jour" renvoie immédiatement à l'idée de vie ; que, comme le relève à juste titre la société Bayard Presse, dans l'expression litigieuse, le mot "Jour" est doté d'un sens différent de celui qui est le sien au sein des locutions "donner le jour", "voir le jour" qui évoquent la vie ;

Que la société Editions Taitbout prétend à tort que le sous-titre "La Foi dans la Vie" utilisé par la société Bayard Presse conforte l'idée de vitalité et de dynamisme que sous-entend l'expression "Plein Jour" alors d'une part, que la comparaison doit s'effectuer entre les signes en cause et d'autre part, que la société Bayard Presse justifie faire usage de ce sous-titre depuis 1994, soit antérieurement au dépôt de la marque "Pleine Vie" ;

Que bien qu'appliqués à des magazines destinés à un lectorat composé de retraités, les seules similitudes visuelles tenant à la structure des expressions et à la présence du même adjectif sont insuffisantes pour entraîner un risque de confusion entre les deux signes qui se distinguent du point de vue phonétique et conceptuel ;

Qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le grief de contrefaçon par imitation ;

- Sur la concurrence déloyale

Considérant que la société Editions Taitbout reproche à la société Bayard Presse d'avoir conclu un contrat de licence sur une marque antérieure "Plein Jour", plus de six mois après avoir fait l'objet d'une action en contrefaçon et deux ans après qu'elle ait commencé l'exploitation de son magazine "Pleine Vie" ; qu'elle lui fait en outre grief d'avoir délibérément abandonné le titre "Vermeil" au profit de l'expression "Plein Jour" qui présente des similitudes incontestables avec le titre "Pleine Vie" ;

Mais considérant que la société Bayard Presse justifie avoir engagé des négociations avec la CPCEA titulaire de la marque "Plein Jour" dès le mois de février 1998, soit antérieurement à l'introduction de la présente instance; qu'il n'est donc pas démontré qu'elle a conclu le contrat de licence dans le dessein de faire échec à l'action en contrefaçon engagée à son encontre ou de nuire aux intérêts de la société Editions Taitbout ;

Considérant que si les deux magazines intitulés "Pleine Vie" et "Plein Jour" s'adressent à un lectorat de retraités, le premier traite de tous les thèmes pouvant intéresser des personnes d'âge mur alors que le second, d'obédience catholique, est essentiellement axé sur la vie spirituelle; qu'il n'est en outre pas établi qu'en adoptant le titre "Plein Jour" au lieu de "Vermeil", la société Bayard Presse, qui édite également un magazine à vocation plus générale sous le titre "Notre Temps", a cherché à se placer dans le sillage de la société Editions Taitbout en créant un risque de confusion sur l'origine des produits en cause;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société Editions Taitbout de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la société Bayard Presse ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 30.000 F ;

Que la société Editions Taitbout qui succombe en son appel doit être déboutée de sa demande sur ce même fondement ;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne la société Editions Taitbout à payer à la société Bayard Presse la somme complémentaire de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne la société Editions Taitbout aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.