CA Nîmes, 2e ch. B, 13 septembre 2001, n° 95-4345
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Askle (SA), Blanc (ès qual.), Torelli (ès qual.)
Défendeur :
Roho International (Inc)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseiller :
M. Bancal
Avoués :
Me d'Everlange, SCP Pomies Richaud Astraud
Avocats :
Mes Cazottes, Bouaziz Torron.
Faits et procédure :
La Société américaine Roho International Inc, fabrique et commercialise du matériel médical, et notamment des coussins anti-escarres reposant sur le principe de la flottaison sèche.
Ces coussins " Dry Floatation " de couleur noire, sont composés d'alvéoles gonflables à 4 arrêtes, en polychloroprène de marque Néoprène.
A partir de 1989, cette Société confie à la société Askle, ayant son siège à Nîmes, la distribution de ses produits sur le territoire français, distribution qui serait devenue exclusive à partir du 1er janvier 1990 (page 4 des écritures de la société Roho International) ou au cours de l'année 1991 (p. 5 écritures de la société Askle). Aucun contrat de distribution n'a été signé par les deux parties.
La société Roho International Inc indique avoir appris de son distributeur suédois en mai 1993, que des cousins identiques aux coussins " Dry Floatation ", sont commercialisés sur ce marché, sous la marque " R'KO ".
Le mois suivant, elle précise que des faits semblables lui sont signalés en Norvege, puis en Grande Bretagne, ou sont commercialisés des coussins " Flot'air " sous emballage Askle.
Ce coussin " Flot'air " est également commercialisé en France, à partir de l'année 1993, par la société Askle.
Par lettres du 20 juillet 1993, la société Roho International Inc écrit à la société Askle pour protester contre la fabrication et la commercialisation des coussins Flot'air, et rappeler les exigences du contrat de distribution.
Le 23 juillet 1993, la société Askle lui répond n'avoir jamais accepté un quelconque accord de distribution, et conteste donc la violation alléguée.
Par lettre du 28 juillet 1993, la société Roho International Inc indique à la société Askle qu'elle " résilie " ses relations commerciales avec elle, considérant qu'elle a reconnu implicitement fabriquer et commercialiser, des coussins similaires à ceux de la société Roho International Inc.
Une procédure judiciaire engagée au Royaume Uni par la société Roho International Inc., et son distributeur britannique, à l'encontre du distributeur anglais des produits Askle, donnait lieu, le 7 juillet 1993, à une décision d'interdiction de commercialiser, puis à une décision contraire rendue le 20 juillet 1994, déboutant les requérants.
En France, la société Roho International Inc. indique avoir d'abord engagé, en mai 1993, une procédure de référé devant le Président du Tribunal de commerce de Paris, qui donna lieu à une décision d'incompétence.
Une nouvelle procédure de référé, initiée par elle, devant le Président du Tribunal de commerce de Nîmes, aboutissait aussi à une décision d'incompétence.
Sur appel de la société Roho International Inc, par arrêt rendu le 22 février 1995, la Cour de ce siège, faisait notamment défense à la société Askle, dès signification de l'arrêt, sous astreinte de 20.000 F par infraction constatée, de mettre en vente et livrer des coussins anti-escarres " Flot'air " et de diffuser toute documentation s'y rapportant.
En 1995, la société Askle commercialise ensuite un autre coussin, anti-escarres, reposant sur le principe de la flottaison sèche, dénommé " Kinéris ".
Sans attendre le prononcé de l'arrêt du 22 février 1995, la société Roho International Inc faisait assigner la SARL Askle le 23 janvier 1995, devant le Tribunal de commerce de Nîmes, en sollicitant diverses mesures sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement rendu le 5 septembre 1995, ce Tribunal :
- constatait que la SARL Askle avait commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Roho International Inc, en fabriquant et commercialisant des coussins " Flot'air " ;
- prononçait une interdiction de fabriquer ou commercialiser ces coussins ou tous coussins copiant les coussins " Dry Floatation " de la société Roho International Inc. ;
- ordonnait confiscation et publication ;
- condamnait la société Askle à verser à la société Roho International Inc, une provision de 810.000 F. à valoir sur son préjudice ;
- ordonnait une expertise comptable, confiée à Monsieur Fabrega.
Le 12 octobre 1995, la SARL Askle interjetait appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 juin 1996, le Conseiller de la mise en état ordonnait l'exécution provisoire
- des mesures d'interdiction de fabriquer et commercialiser, de confiscation,
- et de l'expertise.
Par arrêt rendu le 12 juin 1997, la Cour de ce siège :
- ordonnait une expertise technique des coussins anti-escarres ;
- et commettait pour y procéder Monsieur Michel Dalsace.
Par ordonnance du 2 octobre 1997, le Conseiller de la mise en état rejetait la requête de la SA Askle, aux fins de sursis aux opérations d'expertise.
L'expert Dalsace déposait son rapport le 25 janvier 1999.
Celui de l'expert Fabrega était rédigé le 24 mars 2000.
Par jugement du 14 juin 2000, le Tribunal de commerce de Nîmes :
- ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA Askle ;
- désignait :
- Maître Jean-François Blanc comme administrateur avec une mission d'assistance,
- Maître Torelli en qualité de représentant des créanciers.
A l'audience du 21 juin 2000, une demande de renvoi était formulée pour mise en cause des organes de la procédure.
Les assignations en intervention forcée de Maîtres Blanc et Torelli, ès qualités, étaient délivrées les 25 juillet 2000 et 1er août 2000.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions récapitulatives et en réponse après expertise Dalsace n° 2, signifiées le 23 avril 2001, la SA Askle, Maître Blanc ès qualités d'administrateur ayant reçu une mission d'assistance de ladite Société, Maître Torelli en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la même Société, sollicitent
- au principal :
- l'infirmation,
- de débouter la société Roho International Inc de toutes ses demandes,
- de la condamner à payer à la SA Askle : 1.000.000 F à titre de provision, en réparation du préjudice causé par l'interruption de la commercialisation de son coussin Flot'air ;
- une expertise pour évaluer son préjudice ;
- la condamnation de la société Roho International Inc à payer à la SA Askle 100.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- à titre subsidiaire :
- une nouvelle expertise confiée à Monsieur Dalsace ou à un autre expert, pour donner un avis sur les examens techniques à effectuer par le Laboratoire national d'essais.
Un bordereau récapitulatif est annexé aux dites conclusions.
Par conclusions récapitulatives après expertise n° 2, signifiées le 10 avril 2001, la société Roho International Inc sollicite :
- la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
- la fixation de sa créance à 39.741.759,06 F ;
- que la SA Askle soit déboutée de toutes ses demandes ;
- de dire qu'elle est débitrice à son égard, de la somme de 500.000 F, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Un bordereau récapitulatif est annexé aux dites conclusions.
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité et l'évocation:
La recevabilité des appels n'est ni contestée, ni contestable.
La société Roho International Inc, et les organes de la procédure demandent de fixer le préjudice subi, et donc d'évoquer.
La Cour constate que la Société appelante n'a nullement contesté cette demande d'évocation, et qu'il est de bonne justice, compte tenu notamment de l'ancienneté de la procédure, des longues explications données par les parties devant les premiers Juges, les experts et la Cour, et de l'ensemble des pièces communiquées, de donner à l'affaire une solution définitive quant aux questions non jugées par le Tribunal de commerce de Nîmes.
Sur la concurrence déloyale :
A) La faute de la SA Askle
La société Roho International Inc reproche notamment à la société Askle :
- d'avoir tiré profit de sa qualité d'ancien distributeur de ses produits, pour obtenir des informations confidentielles sur les coussins en cause ;
- d'avoir copié servilement les coussins " Dry Floatation " ;
- d'avoir, avec cette imitation, créé une confusion dans l'esprit de la clientèle ;
- d'avoir fait l'économie de frais de recherche et de développement, lui permettant de vendre moins cher, ses coussins anti-escarres ;
- d'avoir profité de façon déloyale de la notoriété des produits Roho, dans le sillage desquels elle entend se placer à moindre frais, ce qui constitue du parasitisme.
Il résulte :
- des explications des parties,
- et des différentes pièces produites par elles,
- de l'examen comparatif : du coussin " Dry Floatation " de la société Roho International Inc et du coussin " Flot'air " de la société Askle,
- du rapport de l'expert Dalsace,
- des photographies annexées au rapport de l'expert Dalsace,
que de 1989 à 1993, la société Askle a distribué en France les produits de la société Roho International Inc, et notamment les coussins anti-escarres Dry Floatation, à flottaison sèche ;
qu'elle n'était alors que distributrice de ces produits, avant de devenir de 1991 à 1993, leur importateur exclusif pour la France ;
que selon la Direction Générale de la Santé (lettre du 14 décembre 1994), les seuls coussins anti-escarres trouvés sur le marché en 1988, lorsqu'une classe de la nomenclature et du cahier des charges du TIPS a été ouverte, pour permettre le remboursement de ces coussins, étaient ceux de la société Roho International Inc ;
qu'en 1992, est intervenue une procédure administrative d'Agrément, imposant des caractéristiques minimales aux coussins anti-escarres à air ;
- qu'une procédure d'Agrément a été diligentée sur le territoire français, par la société Askle qui a sollicité et obtenu, en 1992 :
-- l'agrément des coussins Roho,
- mais également l'agrément des coussins Askle ; (cf lettre Direction Générale de la Santé du 22 décembre 1992) ;
- qu'à partir de 1993, la société Askle a en effet commercialisé des coussins anti-escarres à flottaison sèche dénommés " Flot'air "
- que l'examen comparatif de ces coussins avec les coussins Roho, révèle qu'ils avaient :
- le même aspect : soit huit rangées de huit alvéoles gonflables à 4 arrêtes,
- la même couleur noire,
- qu'ils étaient :
constitués du même matériau, le Néoprène,
dotés de valves fabriquées par la même Société (Robert), de tétines, et d'oeillets, disposés sur le coussin au même endroit,
avec un mécanisme de circulation d'air comparable ;
- que cette similitude n'est nullement justifiée par des considérations techniques ou réglementaires;
- puisque la réglementation relative à l'Agrément (arrêté du 15.04.88 et protocole du GLEMR) n'imposait nullement :
- un matériau particulier,
- une forme précise pour les cellules,
- une couleur déterminée ;
- que l'expert Dalsace a indiqué, sans être démenti, que d'autres " choix de fabrication ", que celui choisi par Askle, existaient (page 29 du rapport) ;
- qu'il a relevé, sans être contredit, que le matériau utilisé pouvait être coloré;
- ce qui fut le cas pour le modèle Kineris présenté, de couleur bleue ;
- ce qu'il a relevé également pour le coussin Polyair (Systam) (lui aussi agréé, de couleur orange avec des cellules à 6 ailettes et non à 4) (pages 29, 37 du rapport).
Ainsi,il peut être reproché à la société Askle, ancien distributeur des coussins Roho, d'avoir commercialisé sur le marché français, des coussins ayant une présentation similaire, ne permettant pas de les distinguer d'emblée, des produits de son concurrent.
S'il est exact que la société Roho International Inc ne peut revendiquer, et ne revendique d'ailleurs pas, le bénéfice de la propriété intellectuelle pour ses coussins, et que la reproduction de produits non brevetés est en principe libre, la production et la vente de coussins similaires est ici fautive, dans la mesure où elle tend à créer une confusion, dans l'esprit de la clientèle. (Cette confusion est d'ailleurs établie par les pièces 19, 20 et 21 de Roho).
S'il est prétendu que les caractéristiques techniques, du coussin Flot'air, sont différentes de celles du coussin " Dry Floatation ", et qu'il ne peut donc y avoir de confusion, la Cour rappelle que le bien fondé d'une action en concurrence déloyale, engagée en raison de la similitude de produits concurrents, s'apprécie d'après les ressemblances, et non d'après les différences, le juge devant rechercher si l'impression d'ensemble, est de nature à établir une confusion dans l'esprit de la clientèle.
En outre, pour un litige concernant le droit de la concurrence déloyale, et non le droit de la propriété industrielle, et une éventuelle contrefaçon, la société Askle ne peut utilement faire état de brevets, notamment ceux déposés le 13 janvier 1995 (demande de brevet européen) ou le 20 juin 1995 (demande de brevet, déposée pour les USA) ; soit postérieurement à 1993, début de la commercialisation des coussins Flot'air.
Et, s'il est exact que des essais comparatifs des deux coussins concurrents, n'ont pas eu lieu, auprès d'un laboratoire national d'essai, la société Askle ne peut contester que les deux coussins se ressemblent fortement dans l'ensemble, et que l'expert Dalsace, dont le sérieux, la compétence et l'impartialité ne sont pas mis en cause, a pu relever :
- l'absence de différenciation substantielle, sur le plan technique ou fonctionnel,
- et la difficulté de quantifier les avantages " théoriques " procurés par certaines différences structurelles (page 42).
Alors qu'il est établi que les coussins " Dry Floatation " de Roho, et " Flot'air " d'Askle, ont la même présentation, et que des similitudes ont ainsi été relevées :
- quant à la dimension,
- quant à la forme des alvéoles,
- quant au matériau,
- quant à sa couleur,
- quant au système de gonflage,
la demande de complément d'expertise ou de contre-expertise formulée par la société Askle n'est pas justifiée, n'étant pas utile à la solution du litige.
Imitant le produit Roho, la société Askle l'a en outre vendu à un prix inférieur de 50 % à celui de son concurrent.
La société Roho International Inc estime que la société Askle a fait l'économie de frais de recherches et de développement puisque disposant :
- des caractéristiques techniques des coussins Roho, nécessaires à l'agrément sollicité des autorités administratives françaises,
- de la connaissance du marché français, à la suite de la commercialisation par elle, de coussins anti-escarres Roho de 1989 à 1993.
Cette double qualité de distributeur de produits devenus concurrents, et de parfait connaisseur du produit,dont l'Agrément a été sollicité par elle en 1992, ne peut être contestée par la société Askle.
Elle lui a donc permis, en raison de cette expérience, de fabriquer et commercialiser plus vite, et à moindre coût, ses produits, n'ayant pas, notamment, à étudier, le marché pertinent des coussins anti-escarres à flottaison sèche.
Enfin, il peut être reproché à la société Askle un comportement parasitaire.
Cette Société ne conteste pas avoir d'abord vendu en Suède, un coussin anti-escarres de marque " R'KO ", cherchant à opérer une confusion de nom.
Même si elle n'avait pas l'intention de nuire à Roho, elle a utilisé sa réputation, et son savoir- faire, en mettant en vente sur le marché français, un produit similaire à celui qu'elle commercialisait avec succès pour la société Roho International Inc, produit dont elle a obtenu l'Agrément, comme elle l'avait fait pour le coussin Roho.
Connaissant la réputation de Roho, bien implantée sur le marché du handicap pour les coussins anti-escarres " air ", dont elle était le distributeur exclusif, elle est devenue, sur le même marché français, fabricant et distributeur de produits concurrents, se plaçant dans le sillage de Roho.
La société Askle ne peut arguer utilement de la décision rendue le 20 juillet 1994, par la " High Court " de Londres :
- le fondement retenu par ce magistrat était différent (procédure de " Making off ") ;
- la copie du coussin Roho par Askle a clairement été reconnue par le Juge britannique ;
- le contexte de l'affaire n'était pas identique, puisque le Juge a débouté la société Roho International Inc et son distributeur anglais, en estimant notamment que les acheteurs, professionnels avertis, ne pouvaient être induits en erreur, " trompés " sur le produit qu'ils achetaient.
En outre, il n'est fait état d'aucune procédure d'exequatur, pour une affaire concernant le marché du Royaume Uni.
II n'est d'ailleurs pas établi que la clientèle française concernée par les coussins anti-escarres à flottaison sèche, ne soit constituée que de professionnels de la santé, alors que le développement du marché de ces coussins concernerait :
- des personnes handicapées à la suite d'accidents, mais encore jeunes,
- et des personnes âgées ou très âgées.
En outre, le marché français des coussins anti-escarres doit être examiné, en tenant compte du rôle des organismes sociaux, prenant en charge, partie du prix de ces coussins, figurant désormais à la nomenclature du TIPS.
C'est donc à juste titre, que les premiers Juges ont estimé que la société Askle avait eu une attitude fautive.
B) sur le préjudice et sa réparation :
1°) préjudice de la SA Askle :
Alors qu'elle a eu une attitude fautive, la SA Askle ne justifie nullement de l'existence d'un préjudice qui résulterait selon elle, de l'interruption de la commercialisation de son coussin Flot'air.
Elle ne peut qu'être déboutée de ses demandes d'indemnisation et d'expertise concernant ce prétendu préjudice.
2°) préjudice de la société Roho :
Comme l'ont indiqué à juste titre les premiers Juges, l'attitude de la société Askle a nécessairement généré pour la société Roho International Inc un préjudice.
La mise en vente de produits concurrents, à un tarif nettement inférieur, sur un marché où elle était alors pratiquement seule, pour ce type de coussin, a d'abord perturbé son réseau de distribution en France, puisqu'elle a dû changer d'importateur.
Un préjudice commercial a été subi par la société Roho International Inc.
En présence d'un nouveau concurrent qui n'était autre que son importateur exclusif, elle a d'abord perdu la chance de développer ses ventes, et donc ses marges.
Comme le démontrent les recherches de l'expert comptable Fabrega, la société Askle a pu s'enrichir au détriment de Roho, en multipliant ses ventes.
Cette attitude justifiait donc d'ordonner :
- l'interdiction de fabriquer ou commercialiser des produits concurrents,
- des mesures de confiscation de ces produits, et des documents commerciaux les concernant,
- des mesures de publication, telles que prescrites par les premiers Juges.
La société Roho International Inc demande la fixation de son préjudice à la somme de 39.741.759.06 F, soit les postes suivants :
1°) 11 931 552,06 F correspondant, pour la période 1993-1995 au manque à gagner dû à la commercialisation des coussins Flot'air d'Askle,
- sur la base d'un taux de marge de 64 %,
- de 4 445 pièces vendues par la société Askle en 1993-1994,
- et de 11 155 pièces vendues par cette Société en 1994-1995 (pages 32 à 36 de ses écritures) ;
2°) 24 769 207 F, correspondant à une perte de marge résultant de la commercialisation des coussins Kineris par la société Askle de 1996 au 30 juin 2000 (pages 37 et 38 de ses conclusions) ;
3°) 1 541 000 F au titre de la " perte des investissements " réalisés en frais de recherche, immobilisation et personnels, à hauteur de 10 % des sommes dépensées en Europe, la France représentant pour la société Roho International Inc., 10 % du marché européen ;
4°) 1 500 000 F au titre du préjudice moral.
En l'état des pièces communiquées à l'expert comptable Fabrega, des recherches de cet expert judiciaire, des explications des parties, il est établi :
- que de 1990 à 1993 la société Askle a commercialisé, en France, les " produits " Roho dans les conditions suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
- que la vente des coussins anti-escarres représentait 70 à 75 % du chiffre d'affaires en cause ;
- que la marge brute de la société Roho International Inc s'établissait à environ 64 % ;
- que le marché français représentait en 1992, environ 10 % du marché européen de Roho (page 7 du rapport Fabrega) ;
- qu'ainsi pour 1992, le chiffre d'affaires réalisé par la société Askle au titre des seuls coussins anti-escarres peut être chiffrée à hauteur de 301.362 $ x 70 % = 210.953,4 $ ce qui pourrait correspondre à environ 910 coussins vendus, sur la base d'un prix moyen de 231,82 $ l'unité ;
- que postérieurement à la rupture des relations commerciales, le nombre d'unités Roho vendues en France, en 1994 et en 1995, n'est pas connu tandis que le chiffre d'affaires réalisé alors par Roho en France s'est élevé :
- pour 1994 à 58.965 $ (au lieu de 301.000 $ environ en 1992 et 1993).
- et pour 1995 à 321.488 $, retrouvant ainsi un niveau comparable, à celui connu auparavant ;
- qu'il y a donc bien eu, pour l'année 1994, effondrement des ventes des produits Roho, dont les coussins anti-escarres représentaient la majorité, mais redressement en 1995;
- que du 31 août 1993 au 27 février 1995, la commercialisation des " produits " Flot'air, par la société Askle, a représenté en France et à l'étranger: 15.500 unités au prix de vente moyen de 1.030 F environ (page 6 du rapport Fabrega),
- que sur la base d'une progression de, 30 % en volume par an :
- soit 1.700 coussins Roho qui auraient pu être vendus par la société Askle en 1993-1994,
- 2.200 susceptibles d'être vendus en 1994-1995,
à un prix moyen de 234,68 $, et avec une marge brute de 64 % environ, l'expert Fabrega propose d'évaluer comme suit le " manque à gagner " de Roho :
1.460.000 F pour 1993-1994,
1.601.000 F pour 1994-1995 ;
- qu'après avoir suggéré de prendre en compte les investissements réalisés en Europe par Roho, mais concernant le seul marché français, à hauteur de 100.000 F. (page 10 du rapport), l'expert propose une fixation du préjudice commercial à hauteur de 3.200.000 F.
Si la société Roho International Inc. réclame des sommes nettement supérieures, la Cour relève :
- que cette Société ne peut réclamer d'indemnisation qu'au titre du gain manqué ou de la perte subie, résultant directement des agissements fautifs d'Askle ;
- que l'attitude de cette dernière est à l'origine :
- de la perte d'un réseau de distribution exclusive,
- de la nécessité de réorganiser ses ventes en France,
- de la perte de ventes, en raison de la mise sur le marché de produits directement concurrents, ayant reçu comme elle, l'agrément des autorités administratives, et vendus moins chers ;
- que néanmoins, compte tenu de la diversité de la clientèle, non contestée par Roho : personnes handicapées encore jeunes, ou personnes âgées, des pratiques tarifaires d'Askle offrant des produits similaires à moitié prix, du système de remboursement des coussins anti-escarres par les organismes sociaux, Roho ne peut prétendre à une indemnisation calculée sur la totalité des ventes des coussins Flot'air, réalisées entre 1993 et 1995.
Ayant vendu par l'intermédiaire de la société Askle 1.300 " unités " en 1992, et 1.138 en 1993, elle ne peut sérieusement prétendre qu'en raison de la croissance du marché, elle aurait vendu 15.500 unités, soit ce qu'Askle a commercialisé, en produits Flot'air, sur deux années.
Alors que le coussin Kineris de couleur bleue, se distingue du coussin Flot'air de couleur noire, que dans son dire à expert du 18 octobre 1999 (annexes du rapport Fabrega), elle ne sollicitait nullement l'indemnisation du préjudice, résultant de la vente des coussins Kineris, la société Roho International Inc ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre, les faits de concurrence déloyale, et de parasitisme, n'étant établis clairement, que pour les coussins Flot'air de couleur noire.
Par ailleurs, la société Roho International Inc, ne justifie pas pour les années postérieures à 1995 :
- du nombre de coussins anti-escarres Dry Floatation vendus en France,
- du chiffre d'affaires en résultant,
- de la marge brute ainsi réalisée.
Si la société Roho International Inc. réclame la somme de 1.541.000 F, au titre de la perte d'investissement, la Cour doit cependant tenir compte de la situation de la société Roho International Inc en France, (10 % de son marché européen) et de l'appréciation comptable susceptible d'être donnée aux USA ou en France au titre de ces " investissements ". (cf page 10 du rapport Fabrega).
Il n'en demeure pas moins que la société Askle n'a pas véritablement et effectivement justifié, du montant de frais de recherche et de développement, antérieurs à la mise sur le marché des coussins Flot'air. L'expert Fabrega s'est, d'ailleurs, interrogé sur la réalité des frais engagés, à ce titre, par la société Askle, de 1993 à 1995 (page 6 du rapport).
En l'état, la société Roho victime d'agissements parasitaires, est néanmoins fondée à invoquer, une " perte de substance ", résultant de l'appropriation par la société Askle, du " savoir-faire " qu'elle lui communiqua en 1992, pour que ses produits reçoivent l'agrément des autorités administratives françaises.
Compte tenu de l'ensemble des éléments précités, au moment où la Cour statue, le préjudice subi par la société Roho International Inc, du fait de l'attitude fautive de la société Askle, doit être indemnisé à hauteur de la somme de : 5.000.000,00 Francs, cette créance étant fixée au passif du redressement judiciaire de la société Askle.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
L'équité ne commande nullement d'allouer à la société Askle et aux organes de la procédure collective la concernant, la moindre somme, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par contre, l'équité commande, compte tenu, notamment, de la durée de la procédure, de l'existence de multiples incidents, des deux expertises judiciaires diligentées, d'allouer à la société Roho International Inc., la somme de 50.000 F qui sera fixée au passif du redressement judiciaire de la société Askle.
Sur les dépens :
Compte tenu des circonstances de la cause, les dépens de première instance et d'appel, constitueront des frais privilégiés de procédure collective.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, après communication au Ministère public, En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Confirme le jugement déféré, sauf à évoquer pour statuer sur le montant des dommages et intérêts réclamés par la société Roho International Inc., Fixe la créance de la société Roho International Inc. à l'égard de la société Askle : - à 5.000.000 F à titre de dommages et intérêts, - et à 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ; Fait masse des dépens de première instance et d'appel, qui comprendront en outre le coût des expertises Dalsace et Fabrega, et dit qu'ils constitueront des frais privilégiés de procédure collective.