CA Dijon, ch. civ. B, 12 juin 2001, n° 00-00070
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Worex (SNC)
Défendeur :
Monot-Bernard (SCI), Monot, Schummer, Fioul Sombernon (SARL), Bernard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner
Conseillers :
M. Kerraudren, Mme Arnaud
Avoués :
SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, Me Gerbay
Avocats :
Me Darmerval, Cluzeau.
Exposé des faits et de la procédure :
La SNC Worex a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de Commerce de Dijon du 28 octobre 1999 qui l'a déboutée des demandes en dommages et intérêts et interdiction d'exercice qu'elle avait formées à l'encontre de la SCI Monot Bernard, Madame Monot, la SARL Fioul Sombernon, Monsieur Bernard et Madame Schummer pour concurrence déloyale et l'a condamnée à payer 10.000,00 francs à la SARL Fioul Sombernon tant en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile qu'à titre de dommages et intérêts.
Elle expose qu'elle exploite depuis 1995 un fonds de commerce de vente de produits pétroliers dans des locaux, acquis par la SCI Monot Bernard en 1997 et où la gérante de cette société, Madame Monot, exploite elle-même un magasin à enseigne Brico Loisirs. Elle indique que les 1er et 2 septembre 1998, ses salariés, Madame Schmummer et Monsieur Bernard, père de Madame Monot et associé de la SCI Monot Bernard, ont démissionné pour constituer entre eux une SARL Fioul Sombernon qui a débuté ses activités, identiques aux siennes, le 15 novembre 1998, dans les dits locaux,
Elle précise qu'elle a acheté son fonds de commerce 850.000,00 francs et estime qu'il aurait été plus loyal pour Monsieur Bernard et Madame Schummer de l'acquérir eux-mêmes plutôt que de la laisser le développer, en payant un loyer et des salaires, pour le reprendre ensuite.
Elle soutient que la concurrence déloyale est caractérisée par la démission concertée des salariés, l'ouverture d'un commerce identique à proximité du sien, la relation avec la même clientèle, la confusion entretenue par le choix du nom commercial et enfin la gêne dans son exploitation compte tenu de la configuration des lieux.
Elle chiffre son préjudice à 170.000,00 francs et réitère sa demande visant à voir interdire à la SARL Fioul Sombernon d'exercer une activité constitutive de concurrence déloyale. Elle sollicite 30.000,00 francs en remboursement de ses frais irrépétibles.
La SCI Monot Bernard et Madame Monot sollicitent leur mise hors de cause.
Madame Schummer et Monsieur Bernard font valoir qu'ils n'étaient tenus par aucune clause de non concurrence et qu'ils étaient libres de tout engagement lorsqu'ils ont constitué leur société. Avec la SARL Fioul Sombernon, ils contestent avoir commis une faute en s'installant dans les mêmes locaux que la SNC Worex et réfutent les accusations de risques de confusion. Ils ajoutent que la preuve d'un préjudice n'est pas apportée.
Soutenant être elle-même victime d'actes de concurrence déloyale, la SARL Fioul Sombernon sollicite, outre la confirmation du jugement, 50.000,00 francs à titre de dommages et intérêts.
En outre, une indemnité de 20.000,00 francs est réclamée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
Discussion :
Attendu qu'il y a lieu de préciser que la SNC Worex a acquis son fonds de commerce, où travaillaient déjà Monsieur Bernard et Madame Schummer, de la SARL Tainturier qui l'exploitait dans des locaux appartenant à Monsieur Tainturier, vendus deux ans plus tard à la SCI Monot Bernard ; que faute de démonstration d'un lien autre qu'un contrat de travail, entre la SARL Tainturier et Monsieur Bernard, l'on comprend mal le reproche qui est fait aux intimés d'avoir "d'abord vendu un fonds de commerce qu'ils savaient pouvoir récupérer très facilement" ;
Attendu qu'il est établi que les deux salariés de la SNC Worex ont démissionné de manière concertée pour constituer une SARL ayant le même objet social que celle-ci ; que cependant, ceci ne peut être considéré comme fautif dès lors, d'une part, qu'il n'est ni démontré, ni même soutenu que leur contrat de travail comportait une clause de non concurrence et, d'autre part, que la SARL n'a débuté son exploitation qu'après l'expiration des délais de préavis (15 novembre 1998 - 2 novembre 1998) ;
Attendu ensuite que le fait que les deux sociétés exercent dans les mêmes Locaux n'est pas en soi constitutif d'un acte de concurrence déloyale ;qu'à cet égard, le constat établi par Maître Martin le 6 janvier 2000 n'est pas pertinent puisqu'il en résulte qu'à l'extérieur du magasin, elles ont chacune une pancarte avec l'indication de leur numéro de téléphone ;
Attendu que le nom Fioul Sombernon n'est pas de nature non plus en lui-même à créer dans l'esprit du public une confusion avec celui de Fioul Service Worex ;
Attendu en définitive que pour établir les manœuvres déloyales, dont elle se prétend victime la SNC Worex se prévaut uniquement d'une attestation de Monsieur Charamon, en date du 4 février 1999 selon laquelle une communication téléphonique qui lui était adressée a été reçue par la SARL Fioul Sombernon qui a tenté de prendre la commande à sa place ;
Mais attendu que ce fait, unique, parait plus s'expliquer par un défaut d'organisation de la SNC Worex, qui faute de secrétaire n'aurait pu, en tout hypothèse, prendre la commande, que par une volonté délibérée de la SARL Fioul Sombernon de capter sa clientèle de manière déloyale ; que celle-ci produit en effet aux débats de nombreuses attestations de clients certifiant avoir eu connaissance de sa création par de la publicité et avoir choisi de s'adresser à elle, plutôt qu'à la société Worex, pour des raisons personnelles, sans les avoir jamais confondues :
Attendu qu'à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour adopte, le tribunal a considéré que la SNC Worex ne démontrait pas avoir été victime d'actes de concurrence déloyale de la part des intimés, que se soit à titre d'auteurs ou de complices et l'a déboutée de ses demandes à leur encontre ;
Attendu que de son côté, la SARL Fioul Sombernon ne démontre pas avoir été victime de la part de la SNC Worex d'actes de concurrence excédant ceux que la loyauté du commerce autorise ; qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts ;
Attendu en revanche que l'équité commande de lui allouer 15.000,00 francs en remboursement de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SNC Worex de ses demandes, Réformant, Déboute la SARL Fioul Sombernon de sa demande en dommages et intérêts, Condamne la SNC Worex à lui payer 15.000,00 francs (soit 2 286,74 Euros) en remboursement de ses frais irrépétibles, Condamne la SNC Worex aux dépens et dit que Maître Gerbay, avoué, pourra les recouvrer directement conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.