CA Paris, 4e ch. B, 25 mai 2001, n° 1999-18911
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SRC Profiles (SARL)
Défendeur :
Plastil (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
Mmes Schoendoerffer, Regniez
Avoués :
Me Bettinger, SCP Hardouin
Avocats :
Mes Landon, Armengaud.
La cour statue sur l'appel interjeté par la société SRC Profiles d'un jugement rendu le 11 mai 1999 par le tribunal de grande instance de Créteil dans un litige l'opposant à la société Plastil.
SRC est titulaire de la marque figurative n° 92 402577 déposée le 24 janvier 1992 en classes 6 et 20 pour désigner notamment "les métaux et leurs alliages...les contructions métalliques,...serrurerie, quincaillerie, profilés et baguettes métalliques, meubles glaces, miroirs et cadres...". Cette marque est représentée ci-après :
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Par acte du 20 mai 1996, SRC a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil Plastil à laquelle elle reprochait de fabriquer et vendre des profilés constituant des copies serviles de ceux qu'elle-même fabriquait depuis 20 ans. Elle faisait valoir que ces actes constituaient à la fois une contrefaçon de sa marque n° 92 402577 et des agissements constitutifs de concurrence déloyale. Dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal elle demandait, outre les mesures habituelles d'interdiction sous astreinte et de publication, que son adversaire soit condamnée à lui payer à titre de provision les sommes de 100.000 F respectivement pour l'atteinte à sa marque et la concurrence déloyale, dans l'attente des résultats d'une expertise également sollicitée.
Plastil avait conclu au débouté, exposant qu'elle avait exploité les profilés litigieux dès 1981 soit avant la commercialisation du profilé invoqué par SRC et avant le dépôt de la marque n° 92 402577, soulevant l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon en excipant d'un défaut d'enregistrement de la marque, et réclamant la nullité de cette marque au regard de l'article L. 711-2 e) du Code de la propriété intellectuelle. Elle avait en outre contesté la matérialité de la contrefaçon et, subsidiairement, demandé la déchéance de la marque invoquée, enfin, réclamé des dommages intérêts pour procédure abusive.
Par son jugement du 11 mai 1999, le tribunal a :
- constaté que la marque figurative 92 402.577 est enregistrée,
- dit en conséquence, que la demande de la société SRC est recevable,
- dit que la marque figurative 92 402577, en ce qui concerne les profilés et les
baguettes métalliques, est nulle, par application de l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle, comme étant une forme imposée par la nature du produit et lui conférant sa valeur substantielle,
- constaté que la demande de déchéance n'a été formulée qu'à titre subsidiaire,
- en conséquence, débouté la société SRC de sa demande en contrefaçon,
- condamné la société SRC à verser à la société Plastil la somme de 20.000 F du chef de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- débouté pour le surplus la société SRC et la société Plastil de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société SRC aux dépens,
- dit que le jugement en ce qu'il prononçait la nullité partielle de la marque figurative 92 402577, serait transmis à 1'INPI pour retranscription.
Ayant interjeté appel, SRC, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 8 mars 2001, prie la cour de:
" - déclarer la société SRC recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 11 mai 1999 par la 1 ère Chambre du Tribunal de Grande Instance de Créteil,
- réformer ledit jugement en son entier et statuant de nouveau,
- déclarer la société SRC recevable et bien fondée en son action en contrefaçon de la marque ° 92.402.577 contre la société Plastil pour la fabrication et/ou la vente, directement ou indirectement, du profité "Plastil 118" ou route autre référence, en application des articles L. 713 à L. 713-3 et L. 716-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle,
- déclarer la société SRC recevable et bien fondée en son action en concurrence déloyale pour les actes antérieurs au dépôt de sa marque le 24 janvier 1992 de fabrication et/ou la commercialisation, directe ou indirecte, des profilés par la société Plastil engageant sa responsabilité civile sous le fondement de l'article 1382 du Code Civil,
- condamner la société Plastil à verser à la société SRC une provision indemnitaire de 100 000 francs, à parfaire à dire d'expert qu'il plaira à la Cour de désigner afin d'évaluer l'étendue du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale puis de la contrefaçon de marque, par l'allocation de la marge brute réalisée par la société Plastil depuis le 20 mai 1986,
- constater les actes complémentaires de concurrence déloyale de la société Plastil engageant la responsabilité civile en application de l'article 1382 du Code Civil, en raison de l'adoption des caractéristiques de couleurs et de dimensions du profilé SRC et allouer à la société SRC sur ce seul chef une indemnité de 50 000 francs,
- interdire à la société Plastil de poursuivre la fabrication et/ou la vente directement ou indirectement, et l'usage sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, du profilé "Plastil 118" sous cette dénomination ou tout autre, sous astreinte provisoire de 10 000 francs par acte constaté, passé un délai de 15 jours à compter de la signification d'un arrêt à intervenir, puis une astreinte définitive du même montant passé le délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner le retrait du marché et la destruction, sans délai, qui devront être justifiés dans les 8 jours de l'arrêt à intervenir, au-delà sous astreinte provisoire puis définitive conformément à l'échéancier précédent, des justificatifs par la société Plastil à la société SRC,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en entier ou par extrait, dans trois périodiques au choix de la société SRC et aux frais de la société Plastil pour un montant global de 60.000 francs hors taxes; en tant que de besoin, condamner la société Plastil au paiement de cette somme de 60.000 francs et de la TVA y afférente,
- condamner la société Plastil aux dépens de première instance et d'appel."
Plastil, dans ses dernières conclusions signifiées le 5 avril 2001, demande à la cour de:
" - déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondée la société SRC Profiles en son appel;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- dire et juger que le dépôt de la marque n° 92 402 577 est frauduleux et donc
nul,
- dire et juger que le dispositif de la société Plastil, incriminé par la société SRC Profiles, n'est qu'un élément technique participant au fonctionnement d'un ensemble formant un rideau coulissant et de ce fait, il ne saurait en tout état de cause constituer un quelconque signe désignant un produit ou un service,
- dire qu'en tout état de cause, le dispositif de la société Plastil ne reproduit pas l'objet du dépôt de la marque 92 402 577,
- dire et juger qu'en introduisant une telle instance sur le fondement du droit des marques et sur la concurrence déloyale, la société SRC Profiles a commis une procédure abusive et vexatoire,
- dire que son appel est d'autant plus abusif,
- condamner la société SRC PROFILES à payer à la société Plastil la somme de 200 000 F pour procédure abusive et celle de 20 000 F au titre d'amende civile,
- condamner la société SRC PROFILES à payer à la société Plastil la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ".
Sont ici expressément visées les conclusions ci-dessus mentionnées.
Sur ce, LA COUR :
Sur la marque n° 92.402.577
Considérant que pour annuler cette marque en ce qu'elle désigne les profilés et baguettes métalliques, le tribunal a retenu que :
- il ressortait des figures du brevet n° 89.4010772.7 protégeant le profilé de la société SRC que le mode d'exécution de l'invention brevetée, représenté en figure 2, avait pour objet la forme du profilé déposé à titre de marque,
- il s'ensuivait que cette forme... ne pouvait pour des rails supports ou encore des profilés, constituer une forme protégeable au regard du droit des marques,
- la marque était nulle pour protéger des profilés et baguettes métalliques par application de l'article L. 711-2 c du Code de la propriété intellectuelle comme étant une forme imposée par la nature du produit et lui conférant sa valeur substantielle ;
Considérant que poursuivant la réformation du jugement de ce chef, SRC fait valoir qu'aux termes de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle peuvent constituer des marques valables les formes notamment celles d'un produit ou de son conditionnement, que le dessin faisant l'objet de la marque 92.402577 témoigne d'une recherche d'ordre esthétique, n'est pas imposé par la technologie et ne fait pas l'objet des revendications du brevet n° 89.4010772.7, que Plastil aurait acquiescé à la validité de la marque, aurait ainsi renoncé à la demande en nullité et serait irrecevable à invoquer pour la première fois en appel, au surplus sans motiver sa demande de ce chef, le caractère prétendument frauduleux du dépôt ;
Considérant que Plastil conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la marque pour caractère distinctif, et soutient en outre que le dépôt est nul comme frauduleux parce que SRC a tenté de se ménager par le biais du droit des marques un monopole sur un dispositif technique protégé par son brevet n° 89.4010772.7 ;
Considérant cela étant exposé que si Plastil dans les motifs de ses conclusions développe une argumentation complexe suivant laquelle elle indique que la forme déposée à titre de marque serait distinctive, vue dans une perspective particulière, elle demande dans ces mêmes motifs et réitère dans le dispositif de ses conclusions la demande de confirmation du jugement ayant annulé la marque pour défaut de distinctivité, et ajoute que le dépôt opéré par SRC pour se constituer un monopole indu aurait un caractère frauduleux, et devrait à ce titre également être annulé ;
Considérant qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient SRC, Plastil n'a pas reconnu purement et simplement le caractère distinctif de la marque litigieuse, et qu'elle réclame bien la confirmation du jugement ayant annulé ladite marque par application de l'article L. 711-2 c) ; que conformément à ce texte, et sans qu'il soit besoin de recourir à la notion de fraude, qui requiert la démonstration d'une mauvaise foi qui n'est pas rapportée en l'espèce, il convient de constater comme l'a fait le tribunal que la forme faisant l'objet du dépôt correspond effectivement à celle du profilé représenté par la figure 2 du brevet n° 89.4010772.7 de SRC ; qu'il doit en outre être relevé que cette forme est également très exactement celle du rail réf. 360 représenté (et même particulièrement mis en évidence) dans le catalogue SRC de 1988 versé aux débats; qu'il ressort des éléments qui précèdent que cette forme est imposée par la nature spécifique du produit concerné et qu'elle confère à celui-ci sa valeur substantielle, ladite forme jouant un rôle déterminant dans le choix de l'acheteur et étant recherchée pour elle-même; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a
- annulé la marque n° 92 402577, déposée le 24 janvier 1992, par application de l'article L.711-2 c) du Code de la propriété intellectuelle, en ce qu'elle désigne des profilés et baguettes métalliques,
- débouté SRC de sa demande en contrefaçon ;
Sur le grief de concurrence déloyale
Considérant que SRC réitère devant la cour sa demande en concurrence déloyale repoussée par le tribunal ; qu'elle reproche à Plastil d'avoir commercialisé des profilés Plastil 118 qui non seulement reprennent la forme en trois dimensions de son profilé SRC 360 mais en reproduisent les couleurs (marron), dimensions et poids, quasiment à l'identique ;
Mais considérant que la concurrence déloyale par imitation de produit suppose que celui qui l'invoque établisse notamment sa "possession" antérieure dudit produit; qu'en l'espèce si Plastil justifie avoir commercialisé son profilé incriminé dès 1981, SRC ne démontre pas avoir commercialisé son profilé 360 (dans 5 couleurs dont le marron) avant 1988 date du premier document comportant une reproduction dudit profilé qu'elle verse aux débats; que l'appelante fait valoir que son animateur, M. Poutout, avait dirigé auparavant une société ABAC qui avait offert en vente un profilé similaire à partir de 1970, mais ne justifie pas venir aux droits de cette société qui n'est pas dans la cause; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté SRC de sa demande en concurrence déloyale, étant d'ailleurs ajouté, que comme l'a relevé le tribunal, elle ne met aux débats que des courriers qui ne permettent pas de vérifier que la combinaison de caractéristiques reprochée a bien été reproduite par Plastil - ce que celle-ci conteste ;
Considérant que Plastil ne démontre pas que SRC, qui a pu se méprendre sur la portée de ses droits, a exercé et poursuivi de manière fautive la présente instance; qu'elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts pour procédure abusive; qu'il n'y a pas lieu de prononcer d'amende civile ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Plastil une indemnité complémentaire de 10.000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Condamne la société SRC Profiles à payer une indemnité complémentaire de 10.000 F à la société Plastil par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société SRC Profiles aux dépens d'appel ; Admet la SCP Hardouin au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.