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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 23 mai 2001, n° 1999-01710

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Goma Camps (SA)

Défendeur :

Comité National Olympique et Sportif Français

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

Mme Lachacinski, Mme Magueur

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Annie Baskal

Avocats :

Me Leroux, SCP Nataf, Fajgenbaum.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 9 oct. 1…

9 octobre 1998

La société de droit espagnol Goma-Camps est propriétaire de la marque internationale complexe " Olimpic " déposée le 28 janvier 1986, visant la France, enregistrée sous le numéro 499 888 pour désigner le papier, en particulier le papier hygiénique, produit relevant de la classe 16.

Le Comité National Olympique et Sportif Français, ci-après CNOSF, est titulaire de la marque figurative constituée de cinq anneaux entrelacés, déposée le 9 avril 1986, renouvelée le 22 mars 1996, enregistrée sous le numéro 1.361.389, pour désigner notamment le papier, carton, articles en papier ou en carton (non compris dans d'autres classes), les imprimés, journaux, périodiques, livres, produits relevant de la classe 16.

Estimant que le dépôt par la société Goma-Camps de la marque n° 499 888 porte atteinte à ses droits sur la marque figurative N° 1.361.389, sur sa dénomination sociale et caractérise une exploitation injustifiée et préjudiciable de la marque d'usage notoire "Olympique" et de la flamme olympique, attribut du mouvement olympique, le CNOSF a saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 9 octobre 1998, a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir du CNOSF,

- prononcé la déchéance des droits de la société Goma-Camps sur la partie française de la marque internationale " Olimpic " n° 499 888,

- dit qu'en déposant la marque complexe internationale " Olimpic " N° 499 888 visant la France, pour désigner le papier et en particulier le papier hygiénique, la société Goma-Camps a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 713-5 du CPI et a commis des actes de contrefaçon de la marque N° 1.361.389 dont est titulaire le CNOSF ainsi que des actes de concurrence déloyale en portant atteinte à la dénomination sociale de ce dernier,

- dit qu'elle a en outre commis des actes de parasitisme en associant la flamme olympique au terme "OLIMPIC" et aux anneaux olympiques,

- interdit la poursuite de tels agissements sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- condamné la société Goma-Camps à payer au CNOSF la somme de 150.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 12.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonné la publication de la décision dans trois journaux ou revues au choix du CNOSF sans que le coût total des insertions excède la somme de 50.000 F HT,

- dit qu'en ce qui concerne la déchéance des droits de la société Goma-Camps sur la marque " Olimpic ", le jugement sera transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle sur réquisition du greffier pour inscription au Registre national des marques,

- rejeté le surplus des demandes.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 11 janvier 1999 par la société Goma-Camps ;

Vu les dernières écritures signifiées le 19 mars 2001 par lesquelles la société Goma-Camps, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soulève l'irrecevabilité de l'action du CNOSF fondée sur la défense de la dénomination " Olympique ", la représentation de la flamme olympique et de la marque d'usage constituée de cinq anneaux pour n'en être pas propriétaire et fondée sur l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle à raison de l'emploi de la dénomination " Olimpic ", de la représentation de la flamme olympique et des cinq anneaux, fait valoir qu'elle a utilisé publiquement et régulièrement la marque " Olimpic " qui ne peut faire l'objet d'une déchéance et invoquant le défaut d'exploitation par le CNOSF de la marque constituée des cinq anneaux pour désigner du papier, carton, des articles en papier ou en carton, de la papeterie, conclut à sa déchéance pour ces produits, et demande à la Cour de dire qu'elle n'a commis ni actes de contrefaçon, ni fait d'usurpation de la dénomination sociale du CNOSF ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 mars 2001 aux termes desquelles le CNOSF sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts et sur le coût des publications qu'il demande à la Cour de porter respectivement à la somme de 1.500.000 F et de 500.000 F HT, réclamant en outre l'allocation d'une somme de 150.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Sur quoi,

- Sur la recevabilité de l'action du CNOSF

Considérant que le CNOSF, titulaire de la marque figurative N° 1.361.389, constituée de la représentation de cinq anneaux entrelacés, est recevable à agir en contrefaçon en réparation des atteintes portées à ce signe distinctif ;

Considérant que la société Goma-Camps ne conteste pas le caractère de marque d'usage notoire au mot " Olympique " mais soutient que si l'article 17 de la Charte Olympique a mis à la charge du CNOSF l'obligation d'interdire l'usage de certains signes, elle ne lui permet pas d'agir en contrefaçon ou sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle ; qu'elle ajoute que cette Charte ne contient aucune disposition particulière relativement à la protection ou à la défense de la flamme olympique ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17-2 de la Charte Olympique, chaque CNO (Comité national olympique) est responsable, à l'égard du CIO, du respect dans son pays, des règles 12, 13, 14, 15, 16 et 17 et de leur texte d'application. Il prendra des mesures pour interdire tout usage du symbole, du drapeau, de la devise ou de l'hymne olympiques qui seraient contraires à ces règles ou à leur texte d'application. Il s'efforcera également d'obtenir la protection des termes "olympique" et " Olympiade " au profit du CIO ;

Que si l'article 18 de la Charte énonce que le CIO détient tous les droits quels qu'ils soient se rapportant à l'utilisation de la flamme olympique, l'article 31 qui définit la mission et le rôle des CN0 précise qu'ils assurent le respect de la Charte olympique dans leur pays ;

Que l'exécution de cette mission suffit a rendre recevable le CNOSF dans son action tendant à l'application des dispositions de l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle et de l'article 1382 du code civil ;

Qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Goma-Camps ;

- Sur la déchéance de la marque N°499 888 appartenant à la société Goma-Camps

Considérant que le CNOSF soutient que la société Goma-Camps ne justifie pas d'un usage sérieux de la marque N°499 888, en France, pour les produits visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans et conclut à la déchéance de ses droits sur la partie française de ce signe, à compter du 28 décembre 1996 ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la période d'inexploitation visée se situe du 28 décembre 1991 au 28 décembre 1996 ;

Mais considérant que si, comme le relève le CNOSF, aucun des catalogues en langue française mentionnant la marque " Olimpic " ne comporte de date, la société Goma- Camps justifie par la production de trente factures relatives à des ventes de serviettes en cellulose, papier hygiénique et essuie-tout " Olimpic " en 1993, 1994, 1995 et 1996, d'une exploitation réelle et sérieuse de ce signe sur le territoire français ; que rien ne permet de mettre en cause le caractère probant de ces factures et bordereaux de livraison adressées à différentes sociétés ayant leur siège social en France ; que les quantités livrées attestent la réalité de l'exploitation ;

Que l'exception de déchéance soulevée par le CNOSF doit donc être rejetée ;

- Sur la déchéance de la marque N° 1.361.389 appartenant au CNOSF

Considérant que la société Goma-Camps, à qui la marque N° 1.361.389 est opposée, justifie d'un intérêt légitime à former par la voie reconventionnelle une demande en déchéance de ce signe ;

Considérant qu'il ressort des affiches, extraits de magazines, revues périodiques, brochures, livres, cartons d'invitation, cartes postales produites aux débats, que la marque figurative N° 1.361.389, constituée des cinq anneaux entrelacés est exploitée de manière publique, continue et non équivoque pour les produits de la classe 16 visés dans l'enregistrement ;

Que cet usage sérieux, conforme aux prescriptions de l'article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, fait obstacle à la demande en déchéance ;

- Sur la contrefaçon de la marque N° 1.381.389

Considérant que le CNOSF prétend que la marque déposée par la société Goma-Camps reproduite ci-dessous ;

010523IMAG.JPG

constitue la contrefaçon ou à tout le moins l'imitation de la marque figurative N° 1.381.389 composée de la représentation de cinq anneaux entrelacés ;

Considérant que l'association de cinq anneaux entrelacés, selon un graphisme identique à celui de la marque première, au terme " Olimpic " et au dessin d'une flamme olympique, qui représente l'un des emblèmes des jeux olympiques, est de nature à induire en erreur le public sur l'origine des produits couverts par la marque en laissant accroire l'existence d'un partenariat avec le Comité Olympique ;

Que la marque ° 499 888 constitue donc la contrefaçon par imitation de la marque N° 1.381.389 ;

- Sur la responsabilité de la société Goma-Camps du fait de l'emploi de la marque d'usage " Olympique "

Considérant que l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur, s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si son emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à l'emploi d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée ;

Considérant que la société Goma-Camps reconnaît à la dénomination " Olympique " le caractère de marque d'usage notoire mais conteste tout risque de confusion entre ce signe et sa marque ;

Considérant que si l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle ne permet de faire sanctionner que l'emploi par un tiers d'un signe identique à la marque jouissant d'une renommée mais non l'utilisation d'un signe voisin par sa forme ou les évocations qu'il suscite, en l'espèce le terme " Olimpic ", utilisé isolément par la société Goma-Camps, à l'exclusion des éléments figuratifs composant la marque complexe, pour désigner ses produits sur ses catalogues et ses documents commerciaux et comptables, reproduit phonétiquement la marque d'usage notoire ; qu'il convient d'observer au surplus que ce néologisme provient de la traduction et de la contraction du mot " Olimpico " signifiant " Olympique " dans la langue espagnole, comme en atteste l'extrait du Dictionnaire de poche espagnol versé aux débats ;

Considérant que la dénomination " Olimpic ", dans cette écriture, évoque nécessairement dans l'esprit du public l'événement sportif de renom ;

Qu'il s'ensuit que son emploi pour désigner du papier et notamment du papier hygiénique porte atteinte à la valeur patrimoniale et au prestige de la marque notoire, sur laquelle le CNOSF jouit d'un monopole d'exploitation sur le territoire français ;

- Sur les autres actes de concurrence déloyale et parasitaires

Considérant que le terme " Olympique " constitue l'élément essentiel de la dénomination sociale du CNOSF et traduit son objet spécifique, celui d'assurer la représentation de la France aux jeux Olympiques;

Que l'usage du terme " Olimpic " par la société Goma-Camps, par l'évocation immédiate qu'il suscite dans l'esprit du public, porte atteinte à la dénomination sociale du CNOSF en laissant croire à l'existence de liens contractuels librement négociés entre les deux personnes morales;

Considérant par ailleurs, que les premiers juges ont exactement relevé que l'association dans la marque incriminée du terme " Olimpic ", des cinq anneaux entrelacés et de la flamme olympique, ces deux éléments figuratifs symbolisant les emblèmes olympiques, constituent des actes de parasitisme au préjudice du CNOSF;

- Sur les mesures réparatrices

Considérant que le dépôt par la société Goma-Camps de la marque litigieuse et son usage sur le territoire français ont porté atteinte à la valeur patrimoniale de la marque constituée des cinq anneaux entrelacés, de la marque d'usage " Olympique " et au prestige dont jouissent les emblèmes olympiques ; que le préjudice en résultant pour le CNOSF sera intégralement réparé, au vu des éléments versés aux débats, par l'allocation d'une indemnité de 500.000 F ;

Considérant que les mesures d'interdiction prononcées par les premiers juges apparaissent justifiées pour mettre un terme aux agissements délictueux ; que le coût des publications, qui feront mention du présent arrêt, sera porté à la somme globale de 100.000 F HT ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier au CNOSF ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 150.000 F ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Goma-Camps ; dit qu'en déposant la marqué complexe internationale Olimpic N° 499 888, visant la France, la société Goma- Camps a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque N° 1.361.389, a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle au préjudice du CNOSF, porté atteinte à la dénomination sociale du CNOSF et commis des actes de parasitisme au préjudice de ce dernier ; prononcé une mesure d'interdiction ; condamné la société Goma-Camps à payer au CNOSF la somme de 12.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau ; Rejette l'exception de déchéance des droits de la société Goma-Camps sur la partie française de la marque internationale N° 499 888 soulevée par le CNOSF ; Rejette l'exception de déchéance des droits du CNOSF sur la marque N° 1.361.389 soulevée par la société Goma-Camps ; Condamne la société Goma-Camps à payer au CNOSF la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et parasitaire et des agissements fautifs ; Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues au choix du CNOSF, aux frais de la société Goma-Camps, sans que le coût total des insertions excède à sa charge la somme de 100.000 F HT ; Condamne la société Goma-Camps à payer au CNOSF la somme complémentaire de 150.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la société Goma-Camps aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.