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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 18 mai 2001, n° 1999-05026

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Atco Asia Company Limited (Sté)

Défendeur :

International Toys Agencies (Sté), Meccano (SA), Becquet (ès qual.), Wiart (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Schoendoerffer, Regniez

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Legrand, Leroux

TGI Bobigny, 1re ch., du 8 oct. 1998

8 octobre 1998

La cour statue sur l'appel interjeté par les sociétés Atco Asia Company et International Toys Agency d'un jugement rendu le 8 octobre 1998 par le tribunal de commerce de Bobigny dans un litige les opposant à la société Meccano, entre-temps placée en redressement judiciaire et représentée par Me Wiart ès qualités de représentant des créanciers et Me Becquet ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession, aux cotés desquels intervient volontairement la société Meccano SN, nouvel exploitant du fonds de commerce de Meccano.

Au moment de l'introduction du litige en première instance, Meccano, exerçant ses activités dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation de jouets de construction depuis près d'un siècle, indiquait :

- avoir commercialisé depuis au moins 1965 des jeux de construction en matière plastique, "dans des couleurs spécifiques et traditionnelles, à savoir : le bleu, le rouge et le jaune",

- qu'à partir de 1993, elle avait engagé des frais de recherches, de production et de communication très importants (20 millions de francs, selon elle) en vue de développer une nouvelle gamme de jeux de construction en matière plastique dénommée "Meccano Junior",

- qu'elle était titulaire d'un modèle international, visant notamment la France, déposé le 6 janvier 1994 sous le n° DM 028335 couvrant un modèle de jeu de construction et différentes pièces constitutives,

- que ce jeu était commercialisé par elle sous la dénomination "Meccano Junior", les boîtes de jeu ainsi que les pièces les composant étant systématiquement de couleurs bleue, rouge et jaune,

- qu'à l'occasion du salon du jouet tenu en janvier 1997 à Villepinte elle avait découvert l'existence d'une gamme de jeux de construction en matière plastique présentés en utilisant la même combinaison de couleurs traditionnelles que la sienne, à savoir le bleu, le rouge et le jaune, fabriqués par la société Atco, de Hong Kong, représentée en France et sur le salon par la société de droit beige ITA,

- qu'ITA ayant pris l'initiative, dès l'ouverture du salon, de lui présenter les jeux concernés pour savoir s'ils soulevaient des difficultés à son égard, elle avait estimé que ces jeux portaient atteinte à ses droits,

- qu'elle avait fait ainsi dresser un procès verbal de saisie contrefaçon portant sur les boites de jeux de construction Atco n° 10001 et 10034 sur le stand d'ITA le 27 janvier 1997,

- qu'elle avait ensuite, par acte du 5 février 1997, fait assigner Atco et ITA devant le tribunal de commerce de Bobigny en contrefaçon de son modèle DM 028.335 et en concurrence déloyale et parasitaire,

- que des pourparlers engagés entre les conseils en propriété industrielle des parties n'avaient pas abouti, la proposition d'Atco/ITA consistant à offrir d'introduire une couleur supplémentaire dans ses jeux ne lui étant pas apparue suffisante.

Les sociétés Atco et ITA avaient, devant le tribunal, conclu principalement à la nullité du modèle DM 028 335 et au débouté de Meccano, demandé subsidiairement qu'il soit dit que son préjudice en l'absence de commercialisation effective des jeux incriminés ne pouvait excéder la somme de 1 F, réclamé reconventionnellement que Meccano soit condamnée à leur payer la somme de 500.000 F à titre de dommages intérêts.

Par décision en date du 8 octobre 1998, le Tribunal de Commerce de Bobigny a :

- déclaré nul le dépôt de modèles groupé n° DM 028/335 du 6 janvier 1994 de la société Meccano,

- dit que les sociétés Atco et ITA en exposant et en proposant à la vente au Salon du jouet de Villepinte en janvier 1997 un modèle de jeu de construction dénommé "Construction Block Series" avaient commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire sanctionnés par l'article 1382 du Code Civil,

- condamné les sociétés Atco et ITA au paiement de la somme de 1 Franc à titre de dommages intérêts,

- interdit sous astreinte aux Sociétés Atco et ITA de poursuivre l'exposition et la mise en vente des jeux incriminés et la diffusion de catalogues et prospectus s'y rapportant,

- autorisé trois mesures de publication aux frais d'Atco et ITA dans la limite d'un coût de 8.000 F par insertion,

- ordonné l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la publication,

- condamné les sociétés Atco et ITA au paiement de la somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Atco et lTA ont interjeté appel. A la suite de la mise en redressement judiciaire de Meccano, elles ont déclaré leur créance, et assigné en intervention forcée Me Becquet ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de cette société. Meccano SN qui a repris le fonds de commerce de Meccano SA est intervenue volontairement.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 5 avril 2001, Atco et ITA prient la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée délivrée à Maître Jean-Marie Becquet ès qualités de Commissaire à l'Exécution du plan de la Société Meccano, sur le fondement de l'article 555 du NCPC,

- constater l'intervention volontaire de Maître Jean-Marie Becquet ès qualités de Commissaire à l'Exécution du plan de la Société Meccano,

- déclarer les Sociétés Atco et lTA recevables et bien fondées en leur appel,

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 8 octobre 1998, en ce qu'il a déclaré nul le dépôt de modèle international n° DM 028 335 du 6 janvier 1994 appartenant à la Société Meccano,

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau :

- écarter des débats comme dépourvus de tout caractère probant le contenu des boîtes de jeux Atco n° 10 001 et 10 034 saisies et déposées au Greffe, ainsi que

la photographie produite sous le n° 13 par les intimés,

- déclarer non contrefaits les modèles n° 1.13, 1.14 et 1.23 du DM n° 028 335 de

la Société Meccano,

- débouter la Société Meccano, Maîtres Jean-Marie Becquet et Maître Christian Wiart ès qualités, ainsi que la Société Meccano SN de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- recevoir les Sociétés Atco et ITA en leurs demandes reconventionnelles,

- fixer à la somme de 500.000 Francs la créance de dommages-intérêts des Sociétés Atco et ITA à l'encontre de la Société Meccano,

- condamner la Société Meccano SN, intervenante volontaire, in solidum avec

Maîtres Jean-Marie Becquet et Maître Christian Wiart es qualités, au paiement de la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- fixer à la somme de 50.000 francs la créance de chacune des Sociétés Atco et lTA sur la Société Meccano au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamner la Société Meccano SN in solidum avec Maître Jean-Marie Becquet et Maître Christian Wiart es qualités, au paiement de la somme de 50.000 Francs à chacune des Sociétés Atco et ITA au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 29 mars 2001, Meccano SA, Me Becquet et Wiart ès qualités, et Meccano SN demandent à la cour de :

- déclarer la société Meccano SN recevable en sa demande d'intervention volontaire,

- donner acte à la société Meccano SN de ce qu'elle s'associe pleinement aux demandes de la société Meccano

- déclarer la société Meccano recevable et bien fondée en ses demandes et en son appel incident,

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 8 octobre 1998, en ce qu'il a déclaré les sociétés Atco et ITA coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, et interdit aux dites sociétés la poursuite des actes illicites,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

- débouter les sociétés Atco et ITA de l'ensemble de leurs demandes,

- dire que les modèles n° 1.13, 1.14 et 1.23 sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles, qu'en conséquence leur dépôt est valide,

- dire que le modèle de manivelle de la société Atco contrefait le modèle n° 1.23 de la société Meccano,

- dire que les sociétés Atco et lTA ont commis à l'encontre de Meccano des faits de concurrence déloyale et parasitaire,

- faire interdiction sous astreinte de 5.000 Francs par infraction constatée, de commercialiser, offrir à la vente, importer les jeux litigieux,

- condamner les sociétés Atco et lTA à ce titre à verser à Meccano la somme de 500.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- autoriser la publication de la décision à intervenir à la diligence de Meccano et aux frais avancés des sociétés Atco et lTA, dans 3 revues professionnelles, dans la limite de 15.000 Francs hors-taxes par insertion,

- condamner les sociétés Atco et lTA à verser à la société Meccano la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour vise expressément les écritures ci-dessus mentionnées.

Sur ce, LA COUR :

Sur les contestations relatives aux pièces mises aux débats par Meccano

Considérant que si la validité de la saisie contrefaçon pratiquée à l'initiative de Meccano n'est pas davantage contestée en appel qu'elle ne l'avait été en première instance, Atco et lTA, devant la cour, demandent que soient écartés des débats

- une pièce n° 13 déjà communiquée devant le tribunal par Meccano et qui est une photographie présentant en regard les uns des autres divers composants et accessoires des jeux de construction Atco et Meccano,

- les boites de jeux n° 10001 et 10034 saisies le 27 janvier 1997 et déposées au greffe le 13 février 1997;

Considérant que les appelantes font valoir que :

- rien ne permet de déterminer comment a été réalisée la photographie communiquée sous le n° 13 ni de savoir quelle est l'origine des pièces qui y figurent,

- que les scellés n'ayant pas été examinés devant le tribunal, ils l'ont été à l'occasion d'un incident devant le conseiller de la mise en état qui a permis d'établir que les boites avaient été ouvertes avant leur dépôt au greffe et que plusieurs sachets en plastique contenant des pièces de jeu avaient eux mêmes été ouverts et refermés par agrafage, les autres étant restés thermocollés;

Considérant que Meccano n'oppose aucune argumentation sérieuse à ces contestations ; qu'elle ne s'explique pas sur les conditions dans lesquelles a été prise la photographie portant le n° 13 ; qu'elle ne prétend pas que le contenu des boites de jeux saisies n'ont pas été l'objet de manipulations avant leur dépôt au greffe ; que la pièce n° 13 et le contenu des boites de jeux saisies (hormis les prospectus ou modes d'emploi qui y étaient placés et qui ne sont pas critiqués) seront écartés des débats - étant observé que les intimés font valoir que la comparaison des prospectus des jeux en présence et les pièces produites par leurs adversaires qui rapprochent différents composants des jeux de chaque partie suffisent à démontrer la contrefaçon et la concurrence déloyale et parasitaire qu'ils allèguent

Sur le modèle DM 028 335

Considérant que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a prononcé la nullité (au motif que ses éléments étaient purement fonctionnels ou dépourvus de nouveauté) de ce dépôt de modèles groupés rassemblant des pièces de jeux de construction et des exemples de constructions réalisées à partir de ces pièces, sauf en ce qui concerne les modèles faisant l'objet des représentations 1.13, 1.14 et 1.23;

Considérant que les modèles 1.13 et 1.14 représentent un personnage ; que le modèle 1.13 porte sur le personnage présenté en un bloc unique ; que le modèle 1.14 fait apparaître le même personnage une fois séparées les pièces qui le composent;

Considérant que les sociétés Meccano font valoir que ces modèles (dont elles ne prétendent pas qu'ils auraient été contrefaits) sont protégeables pour présenter une physionomie particulière parce qu'ils se distinguent de leurs similaires en ce que :

- "le modèle 1.14 est composé de trois parties, à savoir, une tête, un tronc et

une partie basse,

- les jambes des deux modèles, constituent un bloc unique, les deux membres étant soulignés par une fente, sans être cependant réellement séparés en deux parties distinctes,

- la partie haute du corps constitue pareillement un bloc unique, les bras étant soulignés par une légère fente suggérant qu'ils sont accolés le long du tronc, ils ne sont cependant pas séparés du reste du corps,

- la tête est encastrée dans le haut du corps, elle ne fait apparaître que la partie supérieure soit la figure et le cou,

- les cheveux sont peints à même la tête, et non par superposition d'une pièce

supplémentaire,

- le dessin de la figure est recherché, détaillé, et travaillé,

- ainsi les yeux ne sont-ils pas représentés par deux banales billes noires, mais à l'inverse, par un dessin soigné demi-ovale, laissant apparaître les pupilles, ainsi que les sourcils,

- le nez n'est pas un vulgaire point mais un petit arc de cercle pointé vers le bas,

- les pommettes sont marquées grâce à des petites taches parsemées sur les joues,

- la bouche est souriante, en demi-lune et soulignée à ses extrémités par deux traits,

- enfin, le menton est suggéré par un court trait droit";

Considérant que si Atco et ITA indiquent que la présentation du personnage en trois éléments séparés est dictée par un impératif fonctionnel, permettre leur assemblage par l'enfant, et que le visage souriant apparaît banal, tandis que le corps est simplement stylisé, elles n'opposent aucune réalisation antérieure comportant l'ensemble des caractéristiques exactement énumérées par les sociétés Meccano, dont la combinaison confère aux modèles 1.13 et 1.14 un caractère de nouveauté témoignant d'un effort créatif et justifiant leur protection au titre du droit des dessins et modèles ; que le jugement sera réformé de ce chef;

Considérant que le jugement sera en revanche confirmé ce qu'il a déclaré nul le modèle 1.23 qui représentant une manivelle, caractérisée comme l'indiquent les sociétés Meccano en ce qu'elle est composée de deux parties, une plaque en plastique dont la forme va en se rétrécissant et l'autre un manche arrondi de forme ovoïde ; qu'Atco et ITA versent aux débats un catalogue de jeux de construction de la société Wa Cheong Plastic Factory Ltd daté de 1977 (régulièrement communiqué et qui ne fait pas l'objet de contestation), dans lequel on relève sur des exemples de montage de grue et de pelleteuse des manivelles présentant exactement les mêmes caractéristiques que celles ci-dessus revendiquées (plaque en plastique dont la forme va en se rétrécissant et manche arrondi de forme ovoïde) ; que le modèle 1.23 est en conséquence dépourvu de nouveauté ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Meccano de sa demande en contrefaçon de ce modèle;

Sur les griefs de concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que le tribunal a retenu le grief de concurrence déloyale et de parasitisme en relevant que :

- "si Atco n'a pas fait exactement une copie servile des pièces Meccano, elle a repris exactement le même nombre de pièces, les mêmes formes géométriques, le nombre de trous d'assemblage en réduisant seulement les dimensions de chaque pièce d'une manière proportionnelle, permettant ainsi de réaliser les mêmes ensembles que Meccano",

- "les reprises systématiques des caractéristiques géométriques, nombre et rythme des évidements sont constitutives d'actes de concurrence déloyale",

- "il est manifeste que Atco a voulu se servir à peu de frais de la notoriété de

Meccano",

- "cette constatation est d'ailleurs pratiquement reconnue par Atco qui a interrogé Meccano avant toute diffusion dans le public. La réponse de Meccano est également significative puisqu'elle indique le 18 juin 1997 que compte tenu de la volonté manifeste de démarquer son jeu, elle ne peut se satisfaire de la proposition Atco de modifier le pourcentage de couleurs, mais qu'elle est ouverte à toute nouvelle proposition prenant en compte des modifications plus substantielles",

- "il est incontestable que compte tenu de la similitude des produits, de l'emploi de couleurs identiques, tant pour les produits que pour la marque, l'acheteur peut croire qu'il existe un lien entre les deux sociétés et se diriger vers le produit le moins cher";

Considérant que Atco et lTA qui critiquent ce raisonnement font valoir que :

- les conditionnements respectifs des jeux Atco (seaux ou valises en matière plastique) et Meccano (boites parallélèpipédiques en carton ou valises en carton munies d'une poignée) excluent tout risque de confusion entre les produits,

- la comparaison faite par Meccano et reprise par le tribunal entre les logos Atco et Meccano est sans portée alors qu'il n'est pas invoqué de contrefaçon de marque et que les couleurs blanche et rouge utilisées pour le Logo Atco sont parfaitement banales,

- il ressort de la comparaison des pièces de construction Atco et Meccano que :

"* les entraxes des pièces du jeu Meccano et du jeu Atco sont différents et excluent toute interchangeabilité,

* les plaques, triangles, barres de raccordement ... sont de dimensions différentes et comportent des trous de formes différentes,

* les clips de fixation comportent un trou de forme arrondie chez Meccano et en forme de H chez Atco,

* la section des axes est de forme différente,

* les écrous sont carrés chez Meccano et hexagonaux chez Atco,

* les têtes de vis sont rondes à l'extérieur et triangulaires à l'intérieur chez Meccano, alors qu'elles sont hexagonales à l'intérieur comme à l'extérieur chez Atco, ces pièces étant naturellement commandées par des outils de forme différente...

* les pièces de forme cubique de la Société Atco ne comportent aucun relief extérieur, à la différence de celles du jeu Meccano,

* l'avant de la cabine est en arc de cercle chez Meccano alors qu'elle est à pan coupé chez Atco,

* les personnages sont tout à fait différents (personnage complet chez Meccano, homme tronc chez Atco).

* le jeu de construction Atco se distingue du jeu Meccano en ce qu'il permet une multiplication des combinaisons de pièces, inexistante dans le jeu Meccano, résultant de ce que tous les trous, qu'ils soient ronds, en as de carreau ou en triangle, peuvent servir à l'assemblage,

* l'examen comparatif des pièces Meccano et Atco révèle donc des différences qui l'emportent largement sur les éventuelles ressemblances, lesquelles tiennent exclusivement à l'appartenance des éléments du jeu de construction en cause à un genre donné ou à la reprise d'éléments purement fonctionnels,"

- en l'absence de droits privatifs, l'utilisation de couleurs de base sans originalité est exclusive de concurrence déloyale,

- Meccano a depuis le jugement elle-même utilisé d'autres couleurs,

- les pièces Atco et Meccano ne sont pas compatibles ni substituables entre elles,

- depuis 1998, Meccano a laissé s'implanter sur le marché une société qui commercialise des jeux tout à fait similaires aux siens;

Considérant, ceci étant exposé, que de l'examen des échantillons, photographies, prospectus et modes d'emplois maintenus aux débats, il résulte :

- que les pièces Atco ne constituent pas un surmoulage pur et simple des pièces Meccano, et que s'il est possible de les associer dans certains montages, elles sont loin d'être parfaitement compatibles avec elles, que les conditionnements Atco se distinguent de ceux de Meccano, que rien ne permet de retenir qu'Atco (à laquelle il n'est d'ailleurs pas reproché de contrefaçon de marque) aurait imité le logo Meccano, qu'enfin la reprise des trois couleurs primaires (bleu, rouge et jaune) utilisées par Meccano ne peut à elle seule être tenue pour répréhensible,

- que cependant Atco a reproduit certes avec des différences de détail, mais pratiquement dans les mêmes dimensions et proportions tout l'assortiment de pièces diverses (tant les éléments de construction -longerons droits et coudés, triangles, axes, plaques perforées, crochets, etc...- que les accessoires de montage, tournevis et clé à molette) des jeux Meccano Junior, en les présentant en outre dans la même gamme de couleurs-bleu, rouge et jaune - exactement de mêmes nuances,

- que cette imitation systématique des différents composants du produit de Meccano, qui au vu des autres jeux de construction (Lego, K'Nex, Fischer, Construx) dont des représentations sont versées aux débats n'apparaît nullement avoir été commandée par des nécessités fonctionnelles ou l'appartenance à un genre, suscite un risque de confusion dans l'esprit du consommateur et est constitutive de concurrence déloyale, qui (sans qu'il y ait lieu de recourir à la notion de parasitisme alors notamment que les parties sont en situation de concurrence directe) engage la responsabilité d'Atco et de l'importateur ITA;

Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef, de même que sur les mesures d'interdiction et de publication qu'il a prononcées ; que l'offre en vente en 1997 des jeux incriminés, même si elle n'a pas été suivie de commercialisation effective (et si le constat qu'a fait à nouveau dresser Meccano en 1998 sur le stand ITA au salon du jouet, qui n'est assorti d'aucune description précise ni d'aucune photographie, ne comporte pas de précisions suffisantes pour permettre de déterminer si Atco et ITA ont à nouveau offert en vente les jeux incriminés) a causé à Meccano un trouble commercial qui n'est pas suffisamment réparé par la somme de 1 F allouée par le tribunal ; que la cour estime au vu de l'ensemble des éléments du dossier que l'allocation à titre de dommages intérêts d'une somme de 50.000 F indemnisera exactement le préjudice subi par les intimés;

Considérant que leur responsabilité étant retenue, Atco et ITA seront déboutées de leur demande de dommages intérêts en réparation du préjudice tenant au fait qu'elles n'ont pas pu commercialiser effectivement en France les jeux incriminés;

Considérant que l'équité commande d'allouer aux intimés une indemnité de 20.000 F pour leurs frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs : Ecarte des débats la pièce n° 13 communiquée par les intimés et le contenu (hormis les prospectus et mode d'emploi) des boites de jeux saisies à l'occasion de la saisie contrefaçon pratiquée le 27 janvier 1997 ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré nuls les modèles 1.13 et 1.14 faisant partie du dépôt de modèle groupé n° DM 028/335, retenu le grief de concurrence parasitaire et fixé à 1 F le montant des dommages intérêts mis à la charge des sociétés Atco Asia Company et International Toys Agency; Réformant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant : Déboute les sociétés Atco Asia Company et International Toys Agency de leur demande en nullité des modèles 1.13 et 1.14 faisant partie du dépôt de modèle groupé n° DM 028/335; Condamne in solidum les sociétés Atco Asia Company et International Toys Agency à payer aux intimés la somme de 50.000 F à titre de dommages intérêts et une indemnité complémentaire de 20.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toute autre demande; Condamne in solidum les sociétés Atco Asia Company et International Toys Agency aux dépens d'appel; Admet la SCP Pisselier Chiloux Boulay au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.