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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 22 décembre 2000, n° 1998-05131

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Metal Pointu's (SARL)

Défendeur :

Fanta Bijoux (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Mandel, Regniez

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Annie Baskal

Avocats :

Mes Planty, Marcus Mandel.

T. com. Paris, des 31 janv. 1997 ; 21 no…

31 janvier 1997

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Metal Pointu's de deux jugements rendus par le tribunal de Commerce de Paris les 31 janvier 1997 et 21 novembre 1997 dans un litige l'opposant à la société Fanta Bijoux qui lui reproche d'avoir commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale en commercialisant des bijoux fantaisie, reproduisant un modèle qu'elle aurait créé et dont elle réclame la protection au titre du droit d'auteur.

Le premier de ces jugements rendu le 31 janvier 1997 a :

- dit que la société Fanta Bijoux SA s'est rendue coupable de concurrence déloyale à l'égard de la société Metal Pointu's SARL,

- fait interdiction à cette société de poursuivre la commercialisation des produits litigieux sous astreinte de 5.000 F par produit à compter du 10ème jour qui suivra la signification du jugement,

- ordonné la destruction par la société Fanta Bijoux des produits litigieux dans les 8 jours qui suivront la signification du jugement sous astreinte de 10.000 F par jour de retard,

- condamné la société Fanta Bijoux à payer à la société Metal Pointu's une somme de 1 Franc à titre de dommages et intérêts à titre provisionnel,

- renvoyé la cause du rôle d'attente du fait des parties pour permettre à la société Metal Pointu's de fournir, le cas échéant, tous éléments de preuve relatifs à son préjudice disant qu'à défaut, elle serait déboutée du surplus de ses demandes relatives à ce préjudice,

- autorisé la publication par la société Metal Pointu's de tout ou partie du présent jugement dans le ou les périodiques de son choix, disant que la société Fanta Bijoux devra lui rembourser la somme maximum de 30.000 Francs au titre de cette publication,

- rejeté le surplus des demandes,

- ordonné l'exécution provisoire y compris sur la mesure de publication et sauf sur la mesure de destruction,

- condamné Fanta Bijoux au paiement de la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le second jugement, rendu le 21 novembre 1997, a :

- condamné la société Fanta Bijoux à payer à Metal Pointu's la somme de 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- rejeté le surplus des demandes de la société Metal Pointu's relatives au préjudice subi par elle,

- condamné Fanta Bijoux aux entiers dépens.

Metal Pointu's qui a interjeté appel de ces deux jugements prie la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 31 janvier 1997 à l'exception de celle qui condamne Fanta Bijoux à lui payer une somme de 1 Franc à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Y ajoutant,

- dire que la société Fanta Bijoux s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon à l'égard de la Société Metal Pointu's en vertu des dispositions des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,

- infirmer le jugement du 21 novembre 1997 en ce qu'il a fixé le préjudice de la société Metal Pointu's à la somme de 30.000 F,

En conséquence,

- condamner Fanta Bijoux pour actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à payer à Metal Pointu's la somme de 216.000 F à titre de dommages intérêts,

- condamner Fanta Bijoux à payer à Metal Pointu's la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Metal Pointu's qui a interjeté appel incident demande à la Cour de :

- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Paris des 31 janvier 1997 et 21 novembre 1997,

- dire la société Fanta Bijoux non coupable d'actes de contrefaçon ni de concurrence déloyale à l'encontre de la société Metal Pointu's,

- débouter la société Metal Pointu's en toutes ses demandes,

- condamner la société Metal Pointu's à lui payer la somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- dire que l'estimation du préjudice de Metal Pointu's à une somme de 1 Franc par le tribunal de commerce de Paris est satisfactoire et le fixer comme tel,

- condamner la société Metal Pointu's à lui payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Il est expressément fait référence aux dernières conclusions signifiées respectivement par l'appelante et par l'intimée les 6 avril 2000 et 8 juin 2000.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que Metal Pointu's se présentant comme créatrice d'un modèle de bracelet référencé Sept, a fait diligenter au siège de la société Fanta Bijoux le 4 juillet 1995 une saisie-contrefaçon, à l'occasion de laquelle le Directeur Général de Fanta Bijoux, Monsieur Spielman, a déclaré commercialiser au prix unitaire de 21,15 F HT le modèle incriminé dont il avait acheté 1200 pièces à Hong- Kong ;

Considérant que le tribunal dans son premier jugement, tout en retenant que Metal Pointu's était fondée à se prévaloir de la présomption de titularité établie en faveur des personnes morales ayant les premières divulguées une œuvre sous leur nom et en estimant que le modèle incriminé constituait l'imitation quasi- servile du modèle invoqué n'a pas fait droit, sans s'en expliquer, à la demande en contrefaçon, et a dit que Fanta Bijoux avait commis des actes de concurrence déloyale ;

Considérant que Metal Pointu's formant appel incident pour réclamer que soit retenu son grief de contrefaçon, Fanta Bijoux lui oppose qu'elle ne justifierait pas de sa qualité à agir en contrefaçon au titre du droit d'auteur ; qu'elle soutient en effet que Metal Pointu's ne démontre pas être le créateur du modèle invoqué ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces communiquées que Metal Pointu's a fait réaliser en mai 1993 les moules servant à la fabrication des bracelets Sept (ainsi qu'en témoigne une attestation du gérant de la société qui a réalisé les moules) et qu'elle a commercialisé ce modèle (comme en justifient diverses factures) à partir de février 1994 au prix unitaire de 135 F ;

Considérant que Metal Pointu's est en conséquence réputée à l'égard des tiers, en l'absence de revendication de la personne physique qui a réalisé l'œuvre, être titulaire sur celle-ci des droits patrimoniaux de l'auteur ;

Considérant que Fanta Bijoux ne conteste pas que les bracelets qu'elle a commercialisés reproduisent les caractéristiques de l'œuvre invoquée, dont elle ne discute pas l'originalité et à laquelle elle n'oppose aucune réalisation antérieure ; que la comparaison du bracelet invoqué et du produit incriminé qui ont été présentés à la cour permettent de constater que le produit commercialisé par Fanta Bijoux constitue la copie quasi-servile de l'œuvre invoquée et en constitue par voie de conséquence la contrefaçon ;

Considérant en revanche que Metal Pointu's au soutien de sa demande en concurrence déloyale n'invoque pas de faits fautifs distincts de ceux invoqués et sanctionnés par ailleurs au titre de la contrefaçon ; que la circonstance que les produits incriminés étaient vendus à un prix inférieur à ceux qu'elle pratiquait et que leur commercialisation massive a banalisé son modèle constituent des éléments pris en compte dans l'appréciation du préjudice résultant de la contrefaçon ;

Considérant qu'en conséquence, par réformation du jugement, Metal Pointu's sera déboutée de sa demande en concurrence déloyale, le grief de contrefaçon étant au contraire retenu ;

Considérant que pour motiver sa décision sur les mesures réparatrices, le tribunal a essentiellement relevé que les parties s'étaient refusées à lui donner connaissance du contenu de leurs pourparlers transactionnels, que Metal Pointu's ne justifiait pas du montant des ventes qu'elle avait réalisées avant et après la mise sur le marché du modèle incriminé, ni du coût de la publicité qu'elle avait spécifiquement consacrée au bracelet référencé Sept ; qu'il a dit que " faute de disposer d'éléments plus précis, le préjudice de Metal Pointu's au titre des ventes perdues peut être évalué à la somme de 30.000 F " ;

Considérant que Metal Pointu's, qui critique ce raisonnement, fait valoir qu'elle vend son modèle au prix unitaire en gros de 135 F et au détail de 325 F (elle mentionne également un prix de 340 F) alors que son adversaire commercialise le produit incriminé au prix de 21,15 F HT ; qu'elle évalue sa perte de marge brute, au taux de 71,76 %, à la somme de 116.251 F compte tenu du montant des ventes qu'elle estime avoir perdues, soit 162.000 F (135 x 135 F) ; qu'elle réclame en outre une indemnité de 100.000 F pour l'avilissement de son modèle ;

Considérant que Fanta Bijoux qui affirme sans en justifier n'avoir commercialisé que 948 exemplaires du modèle contrefaisant (elle ne démontre pas avoir conservé le surplus) soutient que les prétentions de son adversaire sont disproportionnées, et que Metal Pointu's ne pouvait vendre son bracelet, au prix très élevé qu'elle avait choisi de pratiquer, qu'en de très petites quantités de sorte qu'elle ne peut pas prétendre avoir subi la perte de marge qu'elle allègue ; qu'elle demande à la Cour de fixer à 1 F le montant du préjudice de son adversaire ;

Considérant, cela étant exposé, qu'au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment les prix respectivement pratiqués, les quantités commercialisées par Fanta Bijoux, l'avilissement incontestable subi par le modèle invoqué, la Cour estime qu'une indemnité de 120.000 F réparera exactement le préjudice de Metal Pointu's ; que par réformation du jugement, Fanta Bijoux sera condamnée au paiement de cette somme à titre de dommages intérêts ;

Considérant que Fanta Bijoux étant déboutée de ses prétentions principales, sa demande reconventionnelle en dommages intérêts ne saurait prospérer ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Metal Pointu's une indemnité complémentaire de 8.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : confirme les jugements entrepris sauf en ce qu'il a écarté le grief de contrefaçon, retenu celui de concurrence déloyale, et fixé à 30.000 F le montant des dommages intérêts alloués à la société Metal Pointu's, réformant de ces chefs et ajoutant, condamne la société Fanta Bijoux à payer à la société Metal Pointu's la somme de 120.000 F à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé à celle-ci par ses actes de contrefaçon, dit que les publications ordonnées par les premiers juges devront faire mention du présent arrêt, condamne la société Fanta Bijoux à payer à la société Metal Pointu's la somme de 8.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toute autre demande, condamne la société Fanta Bijoux aux dépens d'appel, admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.