CA Paris, 4e ch. A, 13 décembre 2000, n° 1988-24969
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Etablissements au Capitole (Sté), Galeries Lafayette (SA)
Défendeur :
Burberry's Limited (Sté), Burberrys France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mme Magueur, M. Lachacinski
Avoués :
SCP Cossec, SCP Bourdais Virenque
Avocats :
Mes Lubet, Logeais.
La société de droit anglais Burberry's Limited est titulaire de la marque semi-figurative suivante déposée le 20 février 1985 à l'Institut National de la Propriété Industrielle, enregistrée sous le n° 1 299 849 renouvelée le 5 décembre 1994 pour désigner les produits relevant de la classe 25 et notamment "vêtements, chaussures, chapellerie".
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La société Burberry's Limited reproche à la société Les Etablissements Au Capitole exerçant sous l'enseigne "Aux Galeries Lafayette" d'avoir vendu dans son magasin situé à Bordeaux un polo rayé à manches longues qui porte à l'emplacement de la poitrine un écusson brodé reproduisant dans un ovale un motif de cavalier sous lequel figure la dénomination "Jodphur".
Par acte du 29 avril 1997, les sociétés Burberry's Limited et Burberrys France ont assigné les sociétés des établissements Au Capitole et Galeries Lafayette en contrefaçon de sa marque et en concurrence déloyale.
Par jugement du 23 juin 1998, le tribunal a ordonné les habituelles mesures d'interdiction et de publication et :
- dit que la société des Galeries Lafayette en apposant ou faisant apposer sur les polos litigieux un logo imitant la marque n° 1 299 849 dont la société Burberry's Limited est propriétaire, sans son autorisation et la société Les Etablissements Au Capitole en offrant à la vente lesdits polos, sans l'autorisation de ladite société, ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque sus-visée,
- débouté les demandes formées par les sociétés Burberry's Limited et Burberrys France au titre de la concurrence déloyale,
- condamné in solidum les sociétés Galeries Lafayette et Les Etablissements Au Capitole à verser à la société Burberry's Limited la somme de 70.000 francs en réparation des actes de contrefaçon et de 12.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
LA COUR,
Vu l'appel interjeté le 7 octobre 1998 par la société des Etablissements Au Capitole dont l'enseigne est Aux Galeries Lafayette et par la société Galeries Lafayette et leurs dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2000 tendant à :
- l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles qui ont rejeté les demandes formulées par les sociétés demanderesses au titre de la concurrence déloyale,
- la mise hors de cause de la société Galeries Lafayette,
- la constatation que :
L'écusson figurant sur les polos Jodhpur n'est pas la contrefaçon ni l'imitation illicite de la marque revendiquée par la société Burberry's Limited,
La société des Etablissements Au Capitole n'a commis aucun acte de contrefaçon à l'encontre de la société Burberry's Limited,
Aucun acte de concurrence déloyale n'a été réalisé par la société des Etablissements Au Capitole,
Les sociétés Burberry's Limited et Burberrys France ne justifient d'aucun préjudice,
- la condamnation solidaire des sociétés Burberry's Limited et Burberrys France à leur payer à chacune la somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 19 avril 1999 par lesquelles les sociétés Burberry's Limited et Burberrys France sollicitent :
A titre principal :
- la réformation du jugement déféré en ce qu' :
il n'a retenu que la contrefaçon par imitation de sa marque alors qu'il s'agit d'une contrefaçon par reproduction partielle du cavalier qui constitue l'élément essentiel de celle-ci,
il n'a pas fait droit à leur demande au titre de la concurrence déloyale,
- la condamnation des sociétés Galeries Lafayette et des Etablissements Au Capitole à payer à titre de dommages-intérêts à :
la société Burberry's Limited la somme de 100.000 francs du fait des actes de contrefaçon et de 50.000 francs pour les actes de concurrence déloyale,
la société Burberrys France la somme de 100.000 francs au titre des actes de concurrence déloyale,
A titre subsidiaire,
- la confirmation dudit jugement en ce qu'il a constaté l'existence d'actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 1 299.849, les sociétés appelantes devant être condamnées du fait de ces agissements à payer à la société Burberry's Limited la somme de 80.000 francs à titre de dommages-intérêts,
en tout état de cause,
- la condamnation des sociétés Galeries Lafayette et Les Etablissements Au Capitole à leur payer la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur quoi,
Considérant que la société Burberrys France a fait l'acquisition le 28 mai 1996 d'un polo Jodphur dans le magasin situé à Bordeaux exploité par la société Les Etablissements Au Capitole ;
Considérant que ce polo porte à l'emplacement de la poitrine un écusson bordé reproduisant dans un ovale, un motif de cavalier qui constituerait, selon la société Burberry's Limited, la contrefaçon de sa marque semi-figurative n ° 1. 299.849 ;
- Sur la contrefaçon de marque
Considérant que la marque n° 0 1 299 849 est constituée par un rectangle entouré d'un liseré blanc dans lequel se trouve inscrite l'appellation 'Burberrys' en dessous de laquelle est représenté un chevalier portant armure ainsi qu'un gonfalon dans lequel est inscrite la mention "B et B Prosum" ;
Considérant que le signe contrefaisant est composé d'un ovale dans lequel est reproduit un cavalier entouré de feuilles de lauriers, au dessus duquel se trouve un écusson et en dessous, une flamme portant l'inscription Jodhpur ;
Considérant que les signes opposés servant à désigner des vêtements doivent être examinés tels qu' ils sont présentés aux consommateurs, c'est-à-dire dans leur globalité ;
Qu'il ne saurait donc en être déduit, comme le soutient la société Burberry's Limited, que le signe contesté constitue la reproduction servile de la marque Burberrys alors qu'il ne fait que reprendre l'un des éléments qui compose la marque déposée ;
Considérant que la comparaison de ces signes fait en revanche apparaître, comme l'analysent pertinemment les premiers juges, que le chevalier Jodhpur reproduit sans ambiguïté le chevalier Burberrys ;
Que les différences liées à l'utilisation d'une broderie rouge pour représenter le chevalier Jodhpur, de feuilles de laurier, d'un petit écusson et de la dénomination Jodhpur sont sans incidence sur l'imitation de l'une des caractéristiques de la marque Burberrys, dès lors que le chevalier Jodhpur qui sert à désigner des produits identiques est de nature à engendrer avec la marque antérieure un risque de confusion pour le public, lequel peut être amenée à croire que les produits Jodhpur proviennent de la même entreprise Burberry ou d'entreprises liées économiquement à cette dernière ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu le grief de contrefaçon par imitation de la marque Burberrys ;
- Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant que les sociétés burberry's limited et Burberrys France reprochent aux sociétés appelantes d'avoir, commercialisé des modèles de polos à manches longues, à rayures horizontales de couleurs rouge, blanche et bleu marine, à col en jean et embouts de même facture de couleur bleu marine identiques aux siens, imité le médaillon Burberrys et usurpé la marque Burberrys ;
Considérant que l'usurpation de la marque Burberrys qui a servi de fondement à l'action en contrefaçon de marque ne saurait servir à étayer une action en concurrence déloyale;
Considérant que la commercialisation des polos ci-dessus décrits ne saurait également à elle seule servir de fondement à une action en concurrence déloyale dans la mesure où les sociétés Burberry ne détiennent pas le monopole des polos à rayures ;
Considérant que constitue en revanche une faute le fait d'apposer sur de tels vêtements au même endroit un ensemble figuratif composé d'un chevalier situé dans un ovale de couleur bleu, de feuilles de laurier, d'un écusson et d'une flamme dans laquelle figure une inscription qui reproduit les caractéristiques essentiels du propre motif décoratif de la société Burberry's Limited ;
Que le comportement des sociétés Les Etablissements Au Capitole et Galeries Lafayette qui se sont délibérément placées dans le sillage des sociétés Burberry est fautive en ce qu'il crée un trouble chez le consommateur en lui faisant croire que l'appellation Jodhpur correspond à une gamme de collection fabriquée désormais par Burberrys ou qu'elle sert à identifier la fabrication d'un tiers qui aurait été autorisé à utiliser les éléments distinctifs des sociétés Burberry ;
- Sur les demandes dirigées contre la société Galeries Lafayette
Considérant que la société Galeries Lafayette conteste avoir participé aux actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ;
Considérant que la société des Etablissements Au Capitole exerce ses activités sous l'enseigne Aux Galeries Lafayette ;
Que la marque "Jodphur" constitue l'appellation sous laquelle la société Galeries Lafayette commercialise certains de ses produits par l'intermédiaire des Etablissements Au Capitole ;
Que par lettre datée du 7 octobre 1996, les services juridiques de la société Galeries Lafayette répondait par ailleurs au conseil de la société Burberry's Limited qu'elle s'engageait "à ne plus vendre d'articles reproduisant à l'identique la marque déposée par Burberry's", qu'il n'a jamais été de son "intention de contrefaire la marque revendiquée" et que le logo litigieux " a été retenu car il était proche de notre propre marque représentant un cavalier à cheval tenant un oriflamme..." ;
Que l'ensemble de ces éléments suffit à établir la participation de la société Galeries Lafayette aux actes qui lui sont imputés ;
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu' il a dit que la société Galeries Lafayette avait commis des actes de contrefaçon mais infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée contre elle au titre des actes en concurrence déloyale ;
- Sur le préjudice
Considérant que les sociétés burberry's limited et Burberrys France indiquent douter que seuls 18 polos auraient été commandés par les sociétés appelantes ;
Mais Considérant que les sociétés intimées ne démontrent pas qu'il en a été vendu plus de 18 ;
Que les premiers juges ont donc exactement évalué le préjudice subi au titre de la contrefaçon de la marque Burberrys à la somme de 70.000 francs ;
Que les sociétés des Etablissements Au Capitole et Galeries Lafayette devront en outre être condamnées à payer à chacune des sociétés Burberry's Limited et Burberrys France la somme de 50.000 francs pour les actes de concurrence déloyale commis ;
Considérant que les mesures de publication devront faire mention du présent arrêt ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer aux sociétés Burberry's Limited et Burberrys France la somme de 30.000 francs au titre des frais non compris dans les dépens engagés en cause d'appel, ceux de première instance leur demeurant acquis ;
Considérant que les demandes formées au même titre par les sociétés appelantes devront être rejetées ;
Par ces motifs : confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles se rapportant aux actes de concurrence déloyale ; Le reforme sur ce point et statuant à nouveau ; Dit que les sociétés des Etablissements Au Capitole et Galeries Lafayette ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Burberry's Limited et Burberry France ; Condamne la société des Etablissements Au Capitole et Galeries Lafayette in solidum à payer à chacune des sociétés Burberry's Limited et Burberrys France la somme de 50.000 francs au titre des actes de concurrence déloyale ; Les condamne in solidum à payer aux sociétés Burberry's Limited et Burberrys France la somme de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit que la mesure de publication devra mentionner le présent arrêt ; Condamne les société des Etablissements Au Capitole et Galeries Lafayette aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit des avoués dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.