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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 27 octobre 2000, n° 1998-05540

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Neris

Défendeur :

Sebdo Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Mandel, Regniez

Avoués :

SCP Narrat-Peytavi, Me Bodin-Casalis

Avocats :

Mes Billard Sarrat, Leclerc, Le Gunehec.

TGI Paris, 3e ch., du 5 nov. 1997

5 novembre 1997

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

Le 12 mai 1987, Monsieur Neris a déposé à l'INPI la marque complexe Point Plus (ci dessous reproduite) laquelle a été enregistrée sous le n° 1 743 674 pour désigner divers services en classes 35, 38, 39, 41 et 42 dont la communication et les offres de prestations par voie télématique ou téléphonique.

EMPLACEMENT TABLEAU

Afin de multiplier les accès à l'information pour les membres de son association dénommée association française pour l'amélioration de la qualité des services, Monsieur Neris a envisagé en 1995 la création d'un code minitel 3614 " Point Plus " mais il s'est heurté à un refus de France Télécom qui lui a fait savoir qu'un code 3617 " Point Plus " avait déjà été attribué à la société éditrice du magazine Le Point.

Estimant que cette société portait atteinte à ses droits, Monsieur Neris, après l'envoi d'une lettre de mise en demeure restée vaine, l'a, par exploit en date du 1er août 1995, assignée en contrefaçon de la marque Point Plus. Il sollicitait outre le paiement d'une somme de 300.000 F à titre de dommages et intérêts et de celle de 17.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, que soit ordonné avec exécution provisoire et sous astreinte le décablâge du code 3617 Point Plus.

Sebdo Le Point concluait au rejet des prétentions de Monsieur Neris et formait une demande reconventionnelle en nullité de la marque Point Plus en se prévalant de ses droits antérieurs sur la dénomination Le Point. Par ailleurs, elle réclamait le paiement d'une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour usurpation de dénomination sociale et de nom commercial et de celle de 20.000 F pour ses frais hors dépens ainsi que des mesures de publication.

Le tribunal par le jugement entrepris a

- dit qu'en utilisant la marque " Point Plus ", Monsieur Neris a commis des actes de contrefaçon de la marque Le Point appartenant à " Sebdo Le Point " et porté atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de cette société, faits distincts de concurrence déloyale,

- prononcé l'annulation de la marque Point Plus appartenant à Monsieur Neris,

- condamné Monsieur Neris à payer à " Sebdo Le Point " la somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de marque et la même somme au titre de la réparation de la concurrence déloyale,

- autorisé diverses mesures de publication,

- condamné Monsieur Neris à payer à " Sebdo Le Point " la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Neris qui a interjeté appel de cette décision le 14 janvier 1998, demande à la Cour aux termes de ses dernières écritures signifiées le 29 août 2000 d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner Sebdo pour contrefaçon de la marque Point Plus à lui payer la somme de 300.000 F à titre de dommages et intérêts, d'ordonner le décâblage du code 3617 Point Plus sous astreinte définitive de 5.000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de lui allouer la somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Sebdo poursuit la confirmation du jugement. Subsidiairement si la Cour la déclarait forclose à demander la nullité de la marque Point Plus, elle réclame la condamnation de Monsieur Neris à lui verser la somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 123 du Nouveau Code de procédure civile. Par ailleurs, au titre de ses frais hors dépens, elle sollicite le paiement d'une somme de 20.000 F.

Sur ce, LA COUR

I. Sur la demande en nullité de la marque Point Plus

Considérant que l'intimée opposant à Monsieur Neris des droits antérieurs et notamment son nom commercial, sa dénomination sociale et une marque Le Point déposée le 30 mars 1989 en renouvellement d'un dépôt effectué le 6 octobre 1978 et enregistrée sous le n° 1521707 pour désigner divers produits en classe 16 dont les journaux et périodiques, c'est à juste titre que les premiers juges ont d'abord statué sur la validité de la marque déposée postérieurement par Monsieur Neris ;

Considérant que devant la Cour, l'appelant fait valoir que Sebdo est forclose à solliciter la nullité de la marque Point Plus, presque 10 ans s'étant écoulés entre le dépôt de cette marque (12 mai 1987) et la demande en nullité (29 janvier 1996) ;

Considérant ceci exposé, qu'il convient de rappeler que la forclusion par tolérance de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle a été instituée par la loi du 4 janvier 1991 entrée en vigueur le 28 décembre 1991 ; que la loi nouvelle ne pouvant pas avoir d'effet rétroactif, la période de tolérance de l'usage de la marque seconde ne peut donc courir qu'à compter du 28 décembre 1991 ; qu'en l'espèce Sebdo ayant sollicité la nullité de la marque Point Plus par conclusions en date du 29 janvier 1996, soit moins de cinq ans avant l'expiration du délai de cinq ans (28 décembre 1996), Monsieur Neris est mal fondé en sa fin de non recevoir ;

Considérant que l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

" ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :

a) à une marque antérieure enregistrée

b) à une dénomination sociale ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public,

c) à un nom commercial ou à une enseigne connus de l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; "

Considérant que Monsieur Neris fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la marque Point Plus constituait la contrefaçon de la marque Le Point dès lors d'une part, qu'il n'existe aucune similitude entre les services de la classe 38 (visés dans son dépôt) et les produits de la classe 16, d'autre part que les signes en cause sont différents dans leur configuration et leur graphisme et que l'intimée ne peut pas revendiquer un monopole total sur le mot Point ;

Mais considérant que la marque de l'appelant est enregistrée pour désigner notamment l'édition de revues et la communication et offres des prestations par voie télématique ou téléphonique alors que la marque Le Point est enregistrée pour désigner en particulier les journaux et périodiques, les livres ; que les premiers juges ont exactement retenu que ces produits et services qui relèvent de l'activité de la communication d'informations sont similaires ; que les sociétés de presse ayant aujourd'hui recours tant à l'impression papier qu'aux moyens modernes de communication par internet ou par minitel, le public est susceptible de rattacher à la même origine ces deux types d'informations et de penser que c'est la même société ou deux entreprises liées économiquement qui les diffusent ; que le risque de confusion qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l'espèce existe d'autant plus que la marque Le Point étant particulièrement connue sur le marché depuis de nombreuses années pour désigner un hebdomadaire, les consommateurs sont susceptibles d'associer le signe Point Plus qui reprend l'élément essentiel Point à la marque Le Point et de croire qu'il en est une déclinaison ; que l'expression Point Plus n'a aucune signification propre et que le graphisme qui la complète est parfaitement dissociable ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la marque Point Plus constituait la contrefaçon par imitation de la marque Le Point, en a prononcé la nullité et a débouté par voie de conséquence Monsieur Neris de sa demande en contrefaçon ;

II. Sur la concurrence déloyale

Considérant que les premiers juges ont retenu que Monsieur Neris avait commis des actes distincts de concurrence déloyale en usurpant la dénomination sociale et le nom commercial de Sebdo par l'usage qu'il a fait de la marque Point Plus ;

Considérant que dans ses dernières écritures Monsieur Neris n'a fait valoir de ce chef aucun moyen à l'appui de son appel ;

Que l'intimée justifie, par les nombreux numéros de l'hebdomadaire Le Point versés aux débats, utiliser depuis au moins 1976 cette même dénomination à titre de nom commercial, notamment dans les rapports avec la clientèle pour la souscription des abonnements ; que par ailleurs il résulte de son extrait K bis que sa dénomination sociale est : Société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point ; qu'en utilisant la marque Point Plus pour une activité se rattachant au domaine de l'information et de la communication, Monsieur Neris a généré un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle avec le nom commercial et la dénomination sociale de l'intimée ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a condamné pour concurrence déloyale ;

III. Sur les mesures réparatrices

Considérant que Monsieur Neris ne critiquant pas le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme globale de 100.000 F et prétendant lui-même avoir exploité sa marque de manière continue et notoire dans le cadre de son activité de Président de l'Association Française pour l'amélioration de la qualité des services, il convient de confirmer la décision entreprise de ce chef ;

Considérant en revanche que les mesures de publication seront limitées à une seule parution aux frais de Monsieur Neris à concurrence de 15.000 F

IV. Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Considérant que Monsieur Neris qui succombe sera débouté de sa demande de ce chef;

Considérant en revanche que l'équité commande d'allouer à Sebdo une somme supplémentaire de 10.000 F.

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a autorisé trois mesures de publication, le réformant de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant, autorise la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (Sebdo) à faire publier le présent arrêt dans une revue de son choix et aux frais de Monsieur Neris dans la limite de 15.000 F HT, rejette toute autre demande des parties, condamne Monsieur Neris à payer à la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (Sebdo) une somme supplémentaire de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, le condamne aux dépens d'appel, admet Maître Bodin Casalis au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.