Livv
Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 24 octobre 2000, n° 9801361

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Premac (SA), Etablissements Drujon (SA)

Défendeur :

Atlantic Peinture (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Andrault

Conseillers :

M. Baret, Pascot

Avoués :

SCP Paille-Thibault, SCP Musereau-Mazaudon

Avocats :

Mes Criquet, Moreau.

T. com. Niort, du 8 avr. 1998

8 avril 1998

Vu le jugement rendu le 8 Avril 1998 par le Tribunal de Commerce de Niort qui a condamné la SA Atlantic Peinture à payer à la SA Premac 1 Franc de dommages et intérêts et trois mille Francs au titre de l'article 700 du NCPC, débouté les parties de leurs autres demandes, sans exécution provisoire, en condamnant aux dépens la SA Atlantic Peinture.

Vu les conclusions régulièrement déposées pour la SA Premac et la SA Etablissements Drujon, le 6 Août 1999, demandant à la Cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a violé les règles applicables en matière de concurrence déloyale, et, statuant à nouveau :

- de confirmer l'appropriation par la Société Atlantic Peinture des éléments essentiels de la publicité de la SA Premac.

- de dire et juger la publicité de la Société Atlantic Peinture constitutive de publicité trompeuse.

- de dire et juger que la Société Atlantic Peinture a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la SA Premac et des Etablissements Drujon SA, et que sa responsabilité est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil.

- de condamner la SA Atlantic Peinture à payer à la SA Premac pour le trouble commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale la somme de 620 000 francs, et à chacune des appelantes 150 000 Francs de dommages et intérêts pour le préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale.

- de faire injonction à la SA Atlantic Peinture de cesser toute campagne publicitaire utilisant les photographies litigieuses appartenant à la société Premac, sous astreinte de 1 000 francs par infraction constatée, à savoir par nombre d'exemplaires tirés de la revue litigieuse, ou de toute autre revue.

- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans le journal gratuit "Bonjour Flash 79", ou son équivalent local en cas d'arrêt de publication, ainsi que dans un quotidien national, par un encart de dimension identique à celle utilisée pour réaliser la publicité litigieuse, aux frais d'Atlantic Peinture.

- de condamner la société Atlantic Peinture à payer à la Société Premac et à la Société Drujon la somme de 20 000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi que les entiers dépens.

Vu les conclusions régulièrement déposées par la SA Atlantic Peinture le 23 Juin 2000, demandant pour sa part à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner les Sociétés Premac et Drujon à lui payer 20 000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi que les dépens, et, à titre subsidiaire, de fixer l'indemnisation des Sociétés Premac et Drujon au préjudice réel, en diminuant très substantiellement leurs prétentions.

Vu la déclaration d'appel des SA Premac et Etablissements Drujon en date du 5 Mai 1998, et les autres pièces de la procédure régulièrement produites.

Vu l'ordonnance de clôture du 31 Août 2000.

Il convient liminairement de rappeler que la SA Premac fabrique et commercialise un produit Algimousse destiné à traiter sols, façades et toitures. Pour le commercialiser, elle a fait réaliser un dispositif publicitaire ayant nécessité un budget photo de départ de 214 850 Francs HT en 1987. Des plaquettes publicitaires reprenant ce dispositif sont mises à disposition chez tous les revendeurs, dont notamment la SA drujon.

Dans le courant de l'été 1997, la SA Atlantic Peinture a lancé une campagne publicitaire pour un produit fongicide VYC, reproduisant à cette occasion à l'identique les photographies publicitaires d'Algimousse. Estimant avoir été victime d'un acte de concurrence déloyale, la SA premac et la SA Drujon ont engagé une procédure à l'encontre de la SA Atlantic Peinture.

Il s'agit du litige soumis à la Cour.

I) Sur la concurrence déloyale :

Il doit être rappelé que se rend coupable de concurrence déloyale une société qui se sert de la photographie figurant sur un dépliant d'un concurrent pour faire paraître une annonce publicitaire.

Cependant, si les premiers juges ont à juste titre relevé qu'il était constant et non contesté que la SA Atlantic Peinture avait utilisé des photographies appartenant à la SA Premac, ils n'en ont néanmoins pas tiré toutes conséquences, estimant qu'elles représentaient des toits et façades avant et après traitement, et que le sujet n'avait pas ainsi de caractère original.

Or, les photographies publicitaires de la société Premac représentent des façades et toitures de maisons ou constructions utilisées par des clients de cette société, qui ont accepté de prêter leur concours à la réalisation publicitaire avant et après application du produit de la société Premac.

Le choix a concerné des supports précis pour prouver de façon visuelle l'efficacité du produit commercialisé par cette société, et des prises de vue étudiées ont été nécessaires, une attestation de l'imprimeur de la SA Premac confirmant l'utilisation constante des photos ainsi réalisées depuis 1989, dont le caractère original est ainsi démontré.

La décision déférée sera donc réformée, étant établi la volonté par la SA Atlantic Peinture de bénéficier des conséquences publicitaires de ces photos originales par leur utilisation, commettant par là-même un acte de concurrence déloyale.

II) Sur le préjudice :

Cette parution dans le département 79, où se trouve en grande part la clientèle réelle ou potentielle de ces sociétés était de nature à détourner une partie de la clientèle des SA Premac et Etablissements Drujon vers la SA Atlantic Peinture, une part importante de l'apport de clientèle se faisant par l'intermédiaire de la publicité insérée dans ce type de publication, touchant directement les particuliers.

Si les sociétés appelantes ne justifient pas d'un préjudice commercial directement imputable aux agissements de la SA Atlantic Peinture, il convient de relever que celui-ci résulte du constat même des actes déloyaux.

La SA Atlantic Peinture ne rapporte pas pour sa part la preuve que ses agissements n'ont pas causé de préjudice.

En relevant que la SA Atlantic Peinture a semé la confusion parmi les utilisateurs potentiels en laissant espérer un résultat identique quel que soit le produit choisi, et qu'elle est en tout état de cause responsable d'un détournement d'investissement, mais en notant également que l'investissement de départ a été réalisé en 1987 et qu'il convient de tenir compte de son amortissement depuis 10 ans, il y a lieu de condamner la SA Atlantic Peinture à payer aux SA Premac et Etablissements Drujon la somme de 50 000 Francs à titre de dommages et intérêts.

III) Sur les demandes accessoires :

L'infraction ayant cessé, et les faits incriminés remontant à l'été 1997, soit à plus de trois ans, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes accessoires de publication et d'astreinte formulées par les sociétés appelantes.

IV) Sur l'article 700 du NCPC et les dépens :

En équité, la SA Atlantic Peinture sera condamnée à payer à la SA Premac et à la SA Etablissements Drujon la somme de 10 000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

La SA Atlantic Peinture, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Par ces motifs : LA COUR ; Reforme le jugement déféré ; Et, statuant à nouveau ; Dit que la SA Atlantic Peinture a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre des SA Premac et Etablissements Drujon ; Condamne la SA Atlantic Peinture à payer à la SA Premac et à la SA Etablissements Drujon la somme de 50 000 Francs (soit 7 622.45 euros) à titre de dommages et intérêts ; condamne la SA Atlantic Peinture à payer à la SA Premac et à la SA Etablissements Drujon la somme de 10 000 Francs (soit 1 524,49 euros) au titre de l'article 700 du NCPC ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la SA Atlantic Peinture aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement pourra s'effectuer pour ces derniers conformément aux termes de l'article 699 du NCPC.