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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 18 octobre 2000, n° 1999-17551

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mailleux (SA)

Défendeur :

Alo France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Machacinski, Mme Magueur

Avoués :

Mes Moreau, Blin

Avocats :

Mes Chevalier, Muyl.

T. com. Bobigny, 5e ch., du 1er avr. 199…

1 avril 1999

La société Alo France, anciennement Agram Manutention, et la société Mailleux fabriquent et vendent du matériel agricole et notamment des chargeurs, appareils reliés aux tracteurs sur lesquels peuvent être accrochés divers outils agricoles.

Reprochant à sa concurrente, la société Alo France, d'avoir dans les catalogues qu'elle diffuse pour promouvoir les chargeurs "Série Q" et dans une publicité parue dans le magazine "Paysan Breton" du 2 octobre 1998, indiqué de manière inexacte :

"la série Q dispose du nouveau système européen d'accrochage" et employé l'expression "Euro-Click-on (standard européen) ", la société Mailleux l'a assignée devant le tribunal de commerce de Bobigny en réparation des actes de concurrence déloyale ainsi commis à son encontre. Par jugement du 1er avril 1999, le tribunal a condamné la société Agram Manutention, devenue Alo France, à payer à la société Mailleux la somme d'un Euro symbolique à titre de dommages-intérêts et rejeté le surplus des demandes.

La Cour,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 28 juin 1999 par la société Mailleux;

Vu les dernières écritures signifiées le 31 août 2000 par lesquelles la société Mailleux, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soutient qu'en prêtant au matériel qu'elle fabrique et offert en vente en particulier sous la dénomination "série Q" une prétendue conformité à un "nouveau système européen d'accrochage", la société Alo France s'est rendue coupable de concurrence déloyale à son égard et a contrevenu aux dispositions des articles 1382 du code civil et 10 bis de la Convention de l'Union de Paris et demande à la cour de:

- faire interdiction à la société Alo France de poursuivre la diffusion de document publicitaire, promotionnel ou technique comportant une référence à ce "nouveau système européen d'accrochage " sous astreinte de 1.000 F par document revêtu de cette mention dont la diffusion aura pu être constatée postérieurement à la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la confiscation et la remise à la société Mailleux de tous les catalogues, prospectus ou documents visés ci-dessus,

- condamner la société Alo France à lui payer la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale et celle de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques de son choix, aux frais de la société Alo France, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 30.000 F HT ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2000 aux termes desquelles la société Alo France, faisant valoir que l'expression "nouveau système européen" utilisée dans son catalogue relatif aux chargeurs "série Q" ne constitue ni une publicité mensongère, ni un acte de concurrence déloyale, dès lors qu'elle se limite à définir le produit auquel elle s'applique sans lui attribuer une qualité qu'il n'aurait pas, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de retenir à son encontre les dispositions de l'article 1382 du code civil et de l'article 10 bis de la Convention de l'Union de Paris, et à son infirmation en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Mailleux la somme d'un Euro, réclamant en outre l'allocation d'une somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Sur quoi,

Considérant que le catalogue relatif aux chargeurs "série Q de 35 à 250 CH", diffusé par la société Alo France, mentionne pour présenter les "supériorités de la série Q" et en particulier l'Euro Click-On System :

"La série Q dispose du nouveau système européen d'accrochage";

Que dans un encart publicitaire paru dans le magazine "Paysan Breton" daté du 2 octobre 1998, la société Alo France emploie pour qualifier l'accrochage Euro Click-on l'expression "Standard européen" ;

Considérant que la société Mailleux prétend qu'en utilisant des expressions délibérément abstraites, qui renvoient à un nouveau système particulier, défini, normalisé ou réglementé, en conformité duquel auraient été mis son matériel, alors qu'il n'en est rien, la société Alo France a entendu prêter une qualité à son produit pour se constituer un avantage à l'encontre de ses concurrents; qu'elle ajoute qu'il en résulte nécessairement une dépréciation de ses produits dans l'esprit de la clientèle, laquelle s'agissant d'agriculteurs est particulièrement sensible à la mise en conformité du matériel qu'elle utilise avec la réglementation en vigueur ;

Mais considérant que les annonces incriminées s'adressent non au consommateur moyen mais à des professionnels, en l'espèce les agriculteurs ; que les mots "norme" ou "réglementation" ne sont pas utilisés dans les publicités incriminées; que si dans l'une de ses acceptions, le terme "standard" signifie "norme", il n'évoque pas spontanément une réglementation mais, comme le relève justement la société Alo France, une caractéristique technique du matériel, à savoir un type d'accrochage standard permettant l'adaptation sur le chargeur d'outils fabriqués par différents constructeursqu'en effet, l'examen des différents catalogues diffusés par les fabricants concurrents versés aux débats fait apparaître que les qualificatifs "Euro" et "Européen", largement employés, renvoient à ce même système d'accrochage dont la caractéristique est d'être compatible avec des outils de provenance diverse;

Que pour ce public initié, les termes employés sont donc dépourvus de toute ambiguïté et ôtent tout caractère mensonger ou trompeur sur les qualités du produit;

Qu'il s'ensuit que la preuve du comportement déloyal de la société Alo France n'est pas rapportée; que la société Mailleux doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Alo France au paiement d'un Euro;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la société Alo France ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 30.000 F;

Que la société Mailleux qui succombe en son appel doit être déboutée de sa demande sur ce même fondement;

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Agram Manutention devenue Alo France à payer la somme d'un Euro à la société Mailleux et aux dépens, le réformant sur ce point et statuant à nouveau, déboute la société Mailleux de l'ensemble de ses demandes, condamne la société Mailleux à payer à la société Alo France la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Mailleux aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.