CA Paris, 4e ch. B, 22 septembre 2000, n° 1997-18275
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
The Sales Machine (SA)
Défendeur :
Laboratoires Garnier Paris (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
Mmes Mandel, Regniez
Avoués :
SCP Valdelièvre- Garnier, Me Pamart
Avocats :
Mes Larere, Rivoir.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société The Sales Machine (la machine à vendre) d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 juin 1997 dans un litige l'opposant à la SNC Les Laboratoires Garnier Paris (ci-après Garnier).
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
The Sales Machine est une agence de communication créée le 1er mai 1993, spécialisée dans la promotion publicitaire.
En mai 1994, Garnier lui a demandé de travailler sur un plan de promotion pour les produits de rasage de marque Start.
C'est dans ces conditions que The Sales Machine a remis le 30 mai 1994 un plan de promotion contenant trois possibilités dont l'une s'intitulait "le pari Start". Pour illustrer ce dernier projet, The Sales Machine a réalisé notamment un projet de vignette autocollante à apposer sur le produit constitué par: - un cadre rectangulaire de couleur bleu foncé, comportant la photographie d'un visage d'homme accompagné du slogan (écrit sur six lignes) "100 F pour vous si dans trois mois vous pouvez vous passer de Start", le montant du remboursement étant en gros caractères, - au dessus de ce cadre, un bandeau de couleur jaune dans lequel s'inscrit l'expression "le pari Start" en caractères de couleur bleue.
Après présentation de ce projet à Garnier le 10 juin 1994, The Sales Machine a réalisé des maquettes couleur puis au cours du mois de juin, une réunion a été organisée dans les locaux de Garnier et une facture n° 94 06283 d'un montant de 26 685 francs TTC a été envoyée à Garnier, portant sur les postes suivant: réflexion, présentation de plusieurs axes opérationnels (forfait de 20 000 francs) et réalisation d'un matériel de présentation finalisée pour séminaire commercial (2 500 francs).
En octobre 1994, les parties sont entrées de nouveau en relation, Garnier demandant à l'agence de lui faire parvenir une proposition de "budgétisation pour la mise en œuvre de l'opération "le pari Start". Puis, aucune suite n'a été donnée, et la facture sus-mentionnée n'a pas été payée.
En mai 1995, The Sales Machine a pris connaissance de l'opération de promotion lancée par Garnier pour la mousse à raser "Start" sous la dénomination "Le défi qualité". Estimant que cette campagne de promotion était directement inspirée du travail élaboré par elle, The Sales Machine a fait citer Garnier, devant le tribunal de commerce de Paris, par acte d'huissier du 7 juillet 1995 pour obtenir, outre la publication de la décision: - d'une part, paiement de la somme de 26.685 francs, montant de la facture impayée et de celle de 10.000 francs pour réticence dolosive au paiement de cette facture, - d'autre part, invoquant des agissements parasitaires, condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts.
Elle réclamait encore paiement de la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Garnier ne contestait pas devoir "le prix des prestations fournies dès qu'elle recevrait une facturation cohérente" mais soutenait n'avoir commis aucun acte de parasitisme.
Par le jugement déféré, le tribunal a:
- rejeté la demande de The Sales Machine pour agissements parasitaires,
- condamné la société Laboratoires Garnier à payer la somme de 30.000 francs au titre de la facturation des prestations fournies par The Sales Machine.
Appelante de ce jugement, The Sales Machine en poursuit la réformation sauf sur la condamnation au paiement de la facture de 26.685 francs TTC. Elle prie la cour de:
- condamner son adversaire à lui verser la somme de 10.000 francs pour résistance dolosive au paiement de la facture,
- dire que Garnier s'est rendue coupable d'agissements parasitaires en utilisant depuis au moins le mois d'avril 1995 une campagne de promotion des produits Start dénommée "le défi qualité" et des étiquettes autocollantes qui présentent la reprise des éléments caractéristiques de la campagne "le pari Start" et des étiquettes conçues par elle,
- la condamner pour le préjudice ainsi causé à la somme de 500.000 francs.
- ordonner la publication de la décision dans cinq journaux ou périodiques au choix de l'agence et aux frais de Garnier dans la limite de 25.000 francs HT par insertion, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- la condamner au paiement de la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Garnier conclut à la confirmation du jugement et sollicite de la cour la condamnation de The Sales Machine au paiement de la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR:
Considérant que The Sales Machine agit sur un double fondement, un fondement contractuel pour le travail qu'elle a effectué sur commande de Garnier, qui a fait l'objet de la facture n° 94 06283, et sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil pour des agissements parasitaires, postérieurs à la fin de leur relation ; que l'appelante ne prétend nullement qu'un accord serait intervenu pour que la totalité de la mise au point de la campagne promotionnelle lui soit confiée ;
Considérant que pour le montant des prestations commandées par Garnier, le tribunal a retenu la somme de 30.000 francs, supérieure au montant de la facture réclamée ; que ce montant est toutefois accepté par Garnier qui demande confirmation du jugement ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef;
Considérant que The Sales Machine réclame en outre paiement de la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance dolosive au paiement de la facture; qu'il convient de faire droit à cette demande dès lors que rien ne justifiait de la part de Garnier qu'elle refuse de s'acquitter purement et simplement alors qu'elle ne contestait pas le principe de la créance ;
Considérant sur les agissements parasitaires que The Sales Machine reproche à Garnier de s'être approprié le fruit de son travail, d'avoir ainsi profité des efforts importants développés par elle et d'avoir bénéficié, à moindre frais, du travail des professionnels de l'agence;
Considérant qu'il ressort des documents versés aux débats, que la campagne promotionnelle litigieuse de mai 1995 s'est inspirée des projets élaborés par The Sales Machine; que cela résulte très clairement d'une facture du 31 mars 1995 établie par la société Isseo, qui a réalisé les "visuels" apposés sur les produits sur commande de Garnier ; qu'il est en effet indiqué sur cette facture : "gamme start / développement promotion "pari Start";
Considérant que, toutefois, il ne peut être fait grief à Garnier d'avoir utilisé le travail réalisé par The Sales Machine dès lors
- que, d'une part, le travail a été réalisé dans le cadre d'un contrat de prestation de services qui a fait l'objet d'une facture, et a été payé, et qu'il n'est pas prétendu par The Sales Machine que les logos et textes proposés seraient protégeables au titre de droit d'auteur ;
- que, d'autre part, le projet élaboré par The Sales Machine a été retravaillé et modifié par Garnier, dans la présentation des vignettes (suppression notamment de la photographie et forme différente de la vignette), le slogan ("le défi qualité : essayez start" au lieu de "le pari start"), les modalités du principe du remboursement du produitet que Garnier justifie en outre avoir pris à sa charge toute une partie importante du projet de la campagne promotionnelle qui consiste dans l'étude de l'influence de celle-ci sur le marché ;
Qu'en outre, l'appelante ne prétend pas qu'il serait d'usage dans la profession ou qu'il aurait été convenu en l'espèce que le client, ayant chargé une agence de promotion de l'élaboration de projets, doive lui en confier ensuite la réalisation ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des observations qui précède qu'en l'espèce, aucun comportement fautif ne peut être imputé à l'intimée qui avait le choix de réaliser elle-même la campagne promotionnelle, à partir d'un travail d'étude qu'elle avait payé ; que le jugement sera en conséquence confirmé ;
Considérant que compte tenu des circonstances particulières du litige, l'équité ne commande pas d'allouer aux parties une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que la demande de publication ne se justifie pas ;
Considérant que les dépens d'appel seront laissés à la charge de chacune des parties ;
Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il n'a pas été fait droit à la demande de dommages et intérêts pour retard dans le paiement; le réformant de ce chef, statuant à nouveau, condamne la société Les Laboratoires Garnier à payer à la société La Machine à Vendre (The Sales Machine) la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance dolosive; rejette toute autre demande; dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens d'appel.