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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 22 septembre 2000, n° 2000-04322

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

F1 International (SARL)

Défendeur :

Société Nouvelle AGS Formule 1 (SA), Sallaz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cuinat

Conseillers :

MM. André, Valette

Avoués :

SCP Buboscq-Pellerin, MeBaufumé, SCP Varin-Petit

Avocats :

Mes Bargiarelli, Chartier, Herlemont.

T. com. Paris, du 11 févr. 2000

11 février 2000

Statuant sur l'appel formé par la SARL F1 International d'une ordonnance de référé rendue le 11 février 2000 par le Président du Tribunal de Commerce de Paris, lequel a notamment :

- fait interdiction à la SARL F1 International, sous peine d'astreinte de 60.000 francs par jour de retard commençant à courir après deux jours ouvrables à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant soixante jours, d'utiliser les services de MM. Pau Jean-Louis, Kurtz Jean-Claude, Rotolo Thierry et Delaflor Patrick ou de l'un quelconque d'entre eux, pour des activités se rapportant directement ou indirectement à la conduite des voitures de course ;

- dit qu'il se réserve expressément la liquidation éventuelle de l'astreinte ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande ;

- condamné la SARL F1 International à payer à la partie demanderesse la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par arrêt rendu le 12 mai 2000, auquel il est fait expresse référence pour plus ample exposé des faits de la cause ainsi que des moyens et prétentions des parties, la Cour de ce siège a notamment :

- rejeté l'exception de nullité soulevée par la société F1 International ;

- fait injonction à celle-ci de communiquer ses pièces et de conclure sur le fond du référé avant le 26 mai 2000 ;

- dit que l'ordonnance de clôture sera rendue le 8 juin 2000, l'affaire étant fixée à l'audience des plaidoiries du 22 juin 2000 à 14 heures ;

- condamné la société F1 International à payer à la société Nouvelle AGS Formule1 la somme de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- condamné la même aux dépens exposés à ce jour. Dans ses dernières écritures au fond déposées devant la Cour le 20 juin 2000, la SARL F1 International, appelante, soutient essentiellement que faute de protestations émises par la société AGS Formule 1 au sujet de la démission de ses différents salariés concernés, aucune urgence ne s'attache aux mesures prises en conséquence à tort par le premier juge, alors en outre que, selon l'appelante, aucun élément fourni par l'intimée n'est de nature à rapporter de manière évidente la preuve incontestable des agissements qu'elle lui impute et dont la connaissance et l'interprétation ressortissent donc à la seule compétence du juge du fond. Subsidiairement, elle prétend qu'il n'est pas au pouvoir du juge des référés de se prononcer sur le fait de savoir si les activités de la société AGS Formule 1 et les siennes propres étaient ou non concurrentielles.

Elle estime en outre irrecevable en cause d'appel l'intervention volontaire des époux Sallaz, laquelle, en tout état de cause, en raison de sa nature même, n'entre pas dans les pouvoirs de la juridiction des référés. Elle allègue enfin que la procédure diligentée à son encontre par les intervenants volontaires revêt un caractère fautif. L'appelante conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance déférée, la Cour devant se déclarer incompétente (sic) pour statuer sur les demandes de la société AGS dirigées à son encontre ou, subsidiairement, étant jugé n'y avoir lieu à référé sur ces demandes.

Elle sollicite en outre que les époux Sallaz soient déclarés irrecevables en leur intervention volontaire, étant subsidiairement jugé que la présente Cour est "incompétente" pour en connaître, les époux Sallaz étant renvoyés à se pourvoir au fond devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Elle demande enfin la condamnation de la société AGS Formule 1 à lui verser la somme de 50.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et celle des époux Sallaz à lui payer la somme de 20.000 francs sur le même fondement, ces derniers devant en outre lui verser une somme de 15.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 juin 2000, la SA Nouvelle AGS Formule 1, intimée, réplique qu'elle démontre que la société appelante a commis à son détriment des actes fautifs constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme commercial ayant entraîné à son détriment un trouble manifestement illicite dont elle était bien fondée à réclamer et obtenir du premier juge la cessation. Elle souligne en outre que la société F1 International n'a pas respecté durant 5 jours la mesure d'interdiction prononcée par l'ordonnance déférée, assortie sur ce point d'une astreinte.

L'intimée conclut donc au rejet des prétentions de l'appelante et sollicite la confirmation, en toutes ses dispositions, de l'ordonnance entreprise. Y ajoutant, elle réclame en outre :

- la condamnation de la société F1 International à lui verser la somme de 300.000 francs au titre de la liquidation de l'astreinte décidée par le premier juge ;

- qu'interdiction soit faite à la société appelante, pendant un délai de 3 mois à dater de la signification à elle faite de l'arrêt à intervenir et sous astreinte définitive de 60.000 francs par infraction constatée: de continuer à utiliser les services de MM. Pau Jean-Louis, Kurtz Jean-Claude, Rotolo Thierry et Delaflor Patrick; de se servir des mêmes agents qu'elle-même utilise pour démarcher sa clientèle ; de continuer de présenter une identité de programmes de nature à entretenir la confusion entre les activités de chacune des parties de continuer à travailler avec la société de droit espagnol "Formula Club", représentée par M. Canga, qui possède l'exclusivité sur le circuit de Barcelone ;

- la condamnation de la société F1 International à dénoncer à ses frais la décision à intervenir aux agents étrangers habituellement utilisés par la société AGS Formule 1 et qu'elle a démarchés, notamment AL Promotion Adler, Wildside, Formula Event, Max et DCA Perfect Events ;

- l'autorisation de faire publier, aux frais de la société F1 International, l'arrêt à intervenir dans deux revues spécialisées de son choix, pour une somme ne pouvant excéder 40.000 francs ;

- la condamnation de la société F1 International à lui verser la somme de 80.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

François et Marie-Chantai Sallaz, intervenants volontaires, concluent pour leur part à la recevabilité et au bien fondé de leur intervention en cause d'appel, soutenant que les allégations de la société appelante contenues dans le paragraphe "Historique" de ses conclusions revêtent un caractère mensonger et fallacieux.

Au visa des articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881, ils sollicitent que soient écartées des débats les pièces 1 et 6 de la production de la société F1 International, que soit bâtonné l'ensemble des paragraphes qu'ils estiment diffamatoires et qu'ils énoncent dans leurs écritures auxquelles il est fait expresse référence sur ce point, acte leur étant donné de ce qu'ils se réservent de demander au fond la réparation de leur préjudice. Ils réclament enfin la condamnation de la société F1 International à leur payer la somme de 20.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce,

LA COUR : - Considérant que la déclaration de la constitution de la SARL F1 International dont l'objet social est identique à celui de la société Nouvelle AGS Formule 1 a été déposée au greffe du Tribunal de commerce de Paris le 29 janvier 1999, indiquant un début d'activité au 1er février 1999 ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'entre la date précitée du 1er février et celle du 8 février 1999, six salariés sur les neuf alors employés par l'intimée ont présenté leur démission, soit MM. Jean-Louis Pau, Directeur technique et administratif, Jean-Claude Kurtz, chef d'atelier Formule 1, Philippe Perroteau, motoriste Formule 1, Thierry Rotolo, mécanicien-électricien Formule 1, Patrick Delaflor, mécanicien-soudeur-carrossier Formule 1 et Mlle Marguerite Goldschmidt, secrétaire de direction ;que M. Perroteau étant seul revenu sur sa décision, la société Nouvelle AGS Formule 1 s'est donc brusquement trouvée dans l'impossibilité de fonctionner, ayant été privée, en l'espace d'une semaine, de la quasi-totalité de son personnel qualifié ;

Qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de leur démission, MM. Pau, Kurtz Rotolo et Delaflor ont été immédiatement embauchés par la société F1 International ; qu'il résulte du courrier de Philippe Perroteau du 3 février 2000, non utilement contesté par l'appelante, que ces démissions sont le fruit de l'action auprès des autres salariés de l'intimée de M. Pau, dont les coupures de la presse spécialisée communiquées par la société AGS, non sérieusement contrebattues par l'appelante, établissent que ce dernier est l'une des personnes à l'origine de la création de la société F1 International dont il est le "team manager", alors en outre qu'il est constant qu'il est lié vis-à-vis de la société intimée par une clause de non-concurrence, ce que l'appelante, dont il est l'un des animateurs, ne pouvait ignorer ;

Considérant, par ailleurs, qu'immédiatement après sa création, la société F1 International a proposé au public par le biais des mêmes magazines spécialisés, des stages de pilotage de voitures de Formule I dont les tarifs étaient très voisins (à partir de 6.127 francs TTC pour l'appelante et de 6.054 francs TTC pour l'intimée) et dont les programmes - jusqu'à l'horaire même de ceux-ci - étaient identiques à ceux, antérieurs, de la société Nouvelle AGS Formule 1 ;

Considérant que les agissements ci-dessus retenus, imputables à l'appelante, revêtent à l'évidence, par la désorganisation brutale de la société intimée qu'ils ont entraînée ainsi que par la confusion qu'ils n'ont pas manqué d'induire dans l'esprit de la clientèle, le caractère d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial constitutifs d'un trouble manifestement illicite auxquels, par une exacte application de l'article 783 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile, le premier juge était fondé à mettre un terme en prenant les dispositions ordonnées par la décision déférée qui sera en conséquence confirmée, sauf, y ajoutant, ainsi que le réclame l'intimée et en vue de mettre un terme aux actes illicites relevés plus haut, à ordonner à la société F1 International, sous astreinte définitive dont les modalités seront définies dans le dispositif du présent arrêt, de cesser de présenter une identité de programmes des stages de conduite qu'elle commercialise, de nature à entraîner une confusion avec ceux proposés par la société Nouvelle AGS Formule 1.

Considérant que la société intimée ne rapportant pas la preuve du caractère manifestement illicite des autres agissements qu'elle impute à la société F1 International, ses prétentions de ces chefs seront rejetées;

Considérant que l'ordonnance déférée faisant interdiction, sous astreinte - nécessairement provisoire - de 60.000 francs par jour de retard commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux jours ouvrables à compter de la signification de la décision querellée, d'utiliser les services de MM. Pau, Kurtz, Rotolo et Delaflor, a été signifiée à l'appelante le mardi 15 février 2000 qu'il résulte du procès-verbal de constat de M. Gys, huissier à Nevers, que la société appelante utilisait encore les services de MM. Pau et Rotolo les 19 et 20 février 2000, ce fait étant par ailleurs corroboré par le rapport de mission du Cabinet Circe, non critiqué par la société F1 International, dont il ressort en outre que M. Pau était encore employé par l'appelante les 21 et 22 février 2000 ; que cette inexécution de la décision entreprise imputable à la société appelante justifie sa condamnation à verser à la société Nouvelle AGS Formule 1 la somme de 100.000 francs, montant de la liquidation provisoire de l'astreinte, outre qu'elle conduit la Cour à accueillir la demande de la société intimée, dans les conditions fixées dans le dispositif ci-dessous, tendant à ce que soit renouvelée - sous astreinte définitive cette fois - l'interdiction faite à la société F1 International d'utiliser les services des quatre personnes précitées. Considérant qu'eu égard à la décision ci-dessus, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de la société intimée relative à la publication du présent arrêt ;

Qu'il est en revanche inéquitable de laisser supporter à la société Nouvelle AGS Formule 1 les frais irrépétibles qu'elle a exposés postérieurement à l'arrêt précité du 12 mai 2000 ;

Considérant que l'intervention volontaire en cause d'appel des époux Sallaz, ni parties ni représentés devant le premier juge, qui soumettent à la Cour des prétentions entièrement différentes de celles de la société Nouvelle AGS Formule 1, outre qu'elles n'ont pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, alors que le litige opposant les parties initialement dans la cause n'a subi aucune évolution, sera déclaré irrecevable.

Considérant qu'aucun des éléments de l'espèce ne démontrant le caractère fautif de l'intervention volontaire des époux Sallaz, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée à leur encontre par l'appelante sera rejetée ;

Qu'il n'est pas contraire à l'équité de rejeter les prétentions de la société F1 International et des époux Sallaz fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Que la société F1 International, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens ;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ; Y ajoutant ; Fait interdiction à la société F1 International, pendant un délai de 2 mois à dater de la signification à elle faite de l'arrêt à intervenir et sous astreinte définitive de 60.000 francs par infraction constatée, de continuer à utiliser les services de MM. Pau Jean-Louis, Kurtz Jean-Claude, Rotolo Thierry et Delaflor Patrick et de continuer de présenter une identité de programmes de nature à entretenir la confusion entre les activités de chacune des parties ; Condamne la société F1 International à payer à la société Nouvelle AGS Formule 1 la somme de 100.000 francs au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte, outre celle de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Déclare les époux Sallaz irrecevables en leur intervention volontaire ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société F1 International aux entiers dépens ; Accorde à la SCP Varin-Petit et à la SCP Duboscq-Pellerin, avoués, le droit prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.