Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 22 septembre 2000, n° 1999-24446

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Swedish Match Advertising Products (SA)

Défendeur :

Marin's Edition (SARL), Marin's Distribution (SARL), TAP Creaciones Publicatarias (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Mandel, Regniez

Avoué :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Gillot, Cussac, Volkringer.

T. com. Paris, du 29 nov. 1996

29 novembre 1996

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

La société Marin's Edition qui a notamment pour activité la création, la fabrication et la diffusion d'objets publicitaires, est propriétaire d'un modèle " d'étui en matière transparente pour briquet, surligneur ou objet divers de taille similaire " déposé le 6 décembre 1990 à l'INPI sous le n° 907578.

Le 4 décembre 1994 elle a signé avec la société Marin's Distribution un contrat par lequel elle conférait à cette société l'exclusivité de la distribution de son boîtier pour briquet auprès de la clientèle des annonceurs (à l'exception de certains clients que se réservait Marin's Edition) en France métropolitaine et pour une durée de trois années renouvelable par tacite reconduction. Le 13 octobre 1995, Marin's Distribution a dénoncé le contrat.

Marin's Edition ayant appris que la société Cricket Communication proposait à la vente des boîtiers pour briquet qui reproduiraient les caractéristiques de son modèle, a fait procéder le 25 juillet 1995 à une saisie contrefaçon dans les locaux de cette société après y avoir été autorisée par ordonnance en date du 19 juillet 1995.

Cette saisie lui ayant révélé que les étuis incriminés étaient fabriqués par la société de droit espagnol Tap Creationes Publicatarias, la société Marin's Edition a, par exploit en date du 3 août 1995, assigné devant le tribunal de commerce de Paris cette société espagnole ainsi que la société Cricket Communication pour contrefaçon sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants et L. 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ainsi que pour actes de concurrence déloyale. Elle sollicitait, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation et de publication, la condamnation in solidum des deux sociétés défenderesses à lui payer la somme de 300.000 F portée ultérieurement à 800.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La société Marin's Distribution intervenait volontairement à la procédure et concluait à ce que les sociétés Cricket Communication et Tap Creaciones Publicatarias soient condamnées solidairement à lui payer la somme de 938.730 F à titre de dommages et intérêts et celle de 20.000 F pour ses frais hors dépens.

Cricket Communication demandait au tribunal de prononcer la nullité du modèle, de rejeter les prétentions de Marin's Edition et Marin's Distribution et de les condamner à lui verser la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Subsidiairement, elle sollicitait la garantie de Tap Creaciones Publicatarias.

Cette dernière se présentait sans conclure.

Le tribunal par le jugement entrepris a :

- reçu Marin's Distribution en son intervention,

- dit valable le modèle déposé par Marin's Edition et débouté Cricket Communication de sa demande en nullité dudit modèle,

- dit que Cricket Communication et Tap Creaciones Publicatarias avaient commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à l'égard de Marin's Edition,

- prononcé des mesures d'interdiction sous astreinte en disant toutefois que les sociétés Cricket Communication et Tap Creaciones Publicatarias pourront commercialiser d'autres étuis à briquet, même transparents, dès lors que leur aspect sera suffisamment différent du produit de Marin's Edition pour ne pas créer de risque de confusion,

- condamné Cricket Communication à payer à :

-- Marin's Edition la somme de 300.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

-- Marin's Distribution la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

- ordonné la confiscation aux fins de destruction de tous les produits litigieux aux mains des défenderesses,

- autorisé diverses mesures de publication,

- ordonné l'exécution provisoire sauf pour les mesures de destruction.

Appelante de cette décision selon déclaration du 18 décembre 1996, Cricket Communication aujourd'hui dénommée Swedish Match Advertising Products demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la nullité du modèle n° 907578, de dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon et de concurrence déloyale, de débouter Marin's Edition et Marin's Distribution de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts outre celle de 50.000 F pour ses frais hors dépens. A titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de préjudice pour les sociétés intimées et sollicite en cas de condamnation la garantie de Tap Creaciones Publicatarias.

Marin's Edition par ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 1999 poursuit la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne les mesures réparatrices de son préjudice. Formant appel incident sur ce point, elle prie la Cour de condamner solidairement Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias à lui payer la somme de 800.000 F à titre de dommages et intérêts et une somme de 30.000 F supplémentaires au titre de l'article 700 du NCPC, d'autoriser la publication de l'arrêt dans trois périodiques à concurrence de 40.000 F TTC par publication, aux frais de ces deux sociétés et d'étendre à Tap Creaciones Publicatarias l'interdiction de commercialiser les produits litigieux.

Marin's Distribution par ses dernières conclusions signifiées le 5 août 1999 poursuit également la confirmation du jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués. Formant appel incident sur ce point, elle prie la Cour de condamner conjointement et solidairement Cricket Communication (aujourd'hui dénommée Swedish Match Advertising Products) et Tap Creaciones Publicatarias à lui payer la somme de 938.730 F à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du code civil et celle de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Tap Creaciones Publicatarias n'a pas constitué avoué mais les conclusions prises par les autres parties lui ont été signifiées.

Sur ce, LA COUR

I. Sur la validité du modèle déposé le 6 décembre 1990

Considérant que l'appelante fait tout d'abord valoir que l'étui argué de contrefaçon ayant fait précédemment l'objet d'un dépôt à titre de brevet est dépourvu de nouveauté, la société Marin's Edition ne rapportant pas au surplus la preuve intangible des droits opposables aux tiers qu'elle détiendrait sur ce brevet ; qu'elle ajoute que le modèle déposé ayant une finalité strictement utilitaire, une forme inséparable de sa fonction ne présente aucune " originalité " et ne peut donc faire l'objet d'une protection au titre des modèles ;

Considérant que les sociétés Marin's Edition et Marin's Distribution répliquent que l'étui en cause est protégeable tant au titre des modèles que du droit d'auteur, que le brevet ne porte que sur la charnière du couvercle du boîtier, que la forme extérieure de l'étui, laquelle n'est pas dépendante de la forme de l'objet qu'il contient, et son aspect transparent confèrent au boîtier un aspect à la fois léger, massif et cristallin propre à lui donner une ligne de grande pureté, un aspect esthétique particulier ; qu'elles exposent également que le dépôt d'un brevet antérieurement au dépôt d'un modèle pour le même objet, n'est pas susceptible d'avoir la moindre influence sur la validité du modèle, qu'un dessin réalisé pour les besoins d'un dépôt de brevet ne confère à l'inventeur aucun droit d'auteur sur l'objet réalisé à partir de ce dessin ;

Qu'elles ajoutent que Marin's Edition titulaire des droits d'auteur est également titulaire du brevet et qu'au surplus seul l'auteur ou les auteurs originaires des dessins annexés au brevet seraient fondés à contester ses droits ;

Considérant ceci exposé, qu'il résulte des pièces mises aux débats et notamment de la copie officielle du brevet que Marin's Edition est titulaire du brevet français déposé le 16 mars 1990, délivré le 18 septembre 1992 et désignant en qualité d'inventeurs Messieurs L'Hotel et Tenenhaus ; que ce brevet a pour objet un dispositif de boîte ou d'étui à couvercle mobile et que les revendications qui délimitent la portée de l'invention se rapportent aux caractéristiques de la charnière reliant le couvercle au corps du boîtier ; que si les figures 2 et 5 montrent un étui ayant la même forme que celui objet du dépôt de modèle, il demeure que cette forme ne fait pas l'objet du brevet ;

Que par ailleurs, les sociétés intimées font à juste titre valoir que si la forme intérieure de l'étui est dictée par sa fonction, à savoir de contenir un briquet, en revanche la forme extérieure en est indépendante, qu'elle peut avoir une configuration distincte de la forme intérieure comme le prouvent les modèles d'étui contenant des briquets jetables produits aux débats ; que de même, il n'est pas nécessaire pour commercialiser un briquet à vocation publicitaire d'adopter pour l'étui un matériau transparent, que le texte ou le logo publicitaires peuvent être gravés ou apposés par sérigraphie sur l'étui lui même ;

Considérant que les modèles Taffin De Givenchy invoqués à titre d'antériorité par l'appelante ne détruisent nullement la nouveauté du modèle Martin's ; qu'en effet alors que l'étui invoqué se caractérise en ce qu'il est constitué de deux droites parallèles se rejoignant par un demi cercle formant ainsi des arêtes arrondies et est transparent, le modèle 219002 a une forme extérieure rectangulaire avec des coins biseautés et le modèle 219003 pour briquet jetable cylindrique a vu du dessous une forme extérieure plus ou moins en forme d'ellipse dont aucun des côtés n'est rectiligne ; que les dessins communiqués ne permettent pas de déterminer si l'étui est transparent ;

Considérant que le fait qu'un des dessins du brevet montre un étui ayant la même forme que celui déposé à titre de modèle est sans incidence sur la validité de celui ci, dès lors qu'en vertu de l'article L. 511-6 du Code de la propriété intellectuelle la publicité donnée à un dessin ou modèle, antérieurement à son dépôt par une mise en vente ou par tout autre moyen n'entraîne la déchéance ni du droit de propriété ni de la protection spéciale accordée par le présent livre (Livre V sur les dessins et modèles) et que Marin's Edition est titulaire du brevet ;

Qu'il en est de même au titre du droit d'auteur eu égard au fait, qu'en l'absence de toute revendication de la ou des personnes physiques qui seraient les auteurs des dessins annexés au brevet, à partir desquels a été conçu l'étui pour briquet en cause, Marin's Edition qui les a exploités sous son nom est présumée titulaire des droits d'auteur sur ces dessins et que ceux ci ne peuvent donc lui être opposés pour établir le défaut d'originalité de son étui ;

Considérant que la forme extérieure particulière de l'étui déposé à titre de modèle et son aspect transparent permettant de voir soit le briquet, soit le visuel publicitaire entourant le briquet confère à cet étui une physionomie propre et nouvelle permettant de le distinguer d'autres étuis pour briquet et révélant un effort créatif ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du modèle n° 907578 déposé le 6 décembre 1990 ;

Que Marin's Edition est également bien fondée à se prévaloir de la protection des dispositions du Livre 1 du Code de la propriété intellectuelle dès lors que le créateur de l'étui l'a marqué de l'empreinte de sa personnalité, lui a conféré un caractère original en concevant un étui pour briquet jetable dont la forme extérieure, formée de deux lignes parallèles reliées par deux demi cercles, est distincte de la forme intérieure et dont l'aspect transparent permet de mettre en valeur la publicité qui y est insérée tout en donnant à l'ensemble de la légèreté ;

II. Sur la contrefaçon

Considérant que l'appelante ne conteste pas la matérialité de la contrefaçon ; qu'au demeurant l'examen comparatif des deux étuis établit qu'exception faite de la hauteur, l'étui incriminé reproduit toutes les caractéristiques de l'étui déposé à titre de modèle, qu'il y a coïncidence totale de la forme extérieure et que le matériau choisi est également transparent ;

Considérant que Tap Creaciones Publicatarias en fabriquant pour Swedish Match Advertising Products les étuis pour briquet contrefaisants a également commis des actes de contrefaçon ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné ces deux sociétés pour contrefaçon de modèle ;

III. Sur la concurrence déloyale

Considérant que Swedish Match Advertising Products soutient qu'il n'est justifié d'aucun fait distinct de concurrence déloyale, que la différence de prix entre ses briquets et ceux commercialisés par Marin's Distribution n'est ni significative, ni répréhensible et que " son comportement témoigne d'une certaine prudence dans sa volonté d'exploiter en France une simple idée avec le souci de ne porter atteinte à aucun droit protégé " ;

Mais considérant que la société Marin's Distribution réplique à juste titre qu'étant licenciée exclusive de la société Marin's Edition pour la distribution des étuis à briquet, objet du dépôt de modèle déposé, l'offre en vente par la société Cricket Communication d'étuis similaires auprès d'une même clientèle d'annonceurs, ainsi que l'établit le catalogue 1996 du Sypocraf constitue à son égard des actes de concurrence déloyale ;

Considérant en revanche, que si les plaquettes publicitaires diffusées par Cricket Communication et Marin's Distribution présentent de manière quasi similaire les briquets offerts à la vente alors qu'il n'existe sur ce point aucune nécessité fonctionnelle ou impératif technique (sur le côté droit, un briquet dans son format réel, ouvert et allumé se détachant sur un fond uni tandis que sur la partie gauche sont photographiés des briquets fermés en format réduit et disposés en lignes horizontales, les uns à côté des autres) Marin's Distribution ne justifiant pas avoir adopté cette plaquette antérieurement à Cricket Communication (les plaquettes de Marin's Distribution ne comportant aucune date) ce grief de concurrence déloyale ne saurait être retenu ; que les plaquettes publicitaires de Marin's Edition, versées aux débats, étant d'une conception totalement distincte de celle de Cricket Communication quant à la présentation des produits, montrant à la fois des surligneurs et des étuis pour briquet, il ne saurait être fait grief à Cricket Communication d'avoir cherché à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle en diffusant la plaquette incriminée ;

Que le fait d'avoir copié l'étui de Marin's et de l'avoir commercialisé à un prix inférieur à celui de Marin's Edition ne constitue pas vis à vis de cette société, un fait distinct de concurrence déloyale mais un élément devant être pris en compte dans l'appréciation du préjudice subi du fait de la contrefaçon ;

Considérant qu'aucun grief de concurrence déloyale ne saurait être retenu à l'encontre de Tap Creaciones Publicatarias qui fabricant les étuis incriminés mais ne les commercialisant pas en France auprès des annonceurs n'était pas en concurrence avec les sociétés intimées ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

IV. Sur le préjudice

A) de Marin's Edition

Considérant que cette société fait tout d'abord valoir que la commercialisation par Cricket Communication de l'étui contrefaisant a eu pour effet non seulement de banaliser son produit mais d'entraîner une baisse importante de son chiffre d'affaires en raison notamment de la dénonciation par Marin's Distribution de son contrat lequel prévoyait un quota d'approvisionnement de 250.000 pièces par an ; qu'elle ajoute que la somme de 907.000 F investie pour la création, la fabrication et la protection du produit contrefait l'a été en pure perte du fait de la contrefaçon.

Considérant que l'appelante réplique que Marin's Edition ne justifie d'aucun préjudice, qu'elle n'a commercialisé aucun des étuis fabriqués par Tap Creaciones Publicatarias et qu'elle a cessé toute présentation ou publicité dès que Marin's Edition a engagé son action en contrefaçon ;

Considérant ceci exposé, qu'il résulte des pièces mises aux débats et notamment du procès verbal de saisie contrefaçon que Cricket Communication a reçu le 7 décembre 1994 de Tap Creaciones Publicatarias 6 caisses d'étuis contrefaisants après que cette société lui a adressé le 11 novembre précédent un devis et qu'en dépit des engagements qu'elle avait pris auprès de l'huissier, Cricket Communication s'est abstenue de fournir le nombre d'étuis expédiés par Tap Creaciones Publicatarias ; que cependant son cabinet d'expertise comptable a précisé le 3 mai 1996 que la société Tap Creaciones Publicatarias avait facturé 10.000 étuis de briquet, que 186 clients avaient été prospectés mais qu'aucun étui n'aurait été vendu ;

Considérant par ailleurs, que contrairement à ce qu'elle soutient, la société appelante a entrepris, après la procédure de saisie contrefaçon des démarches pour commercialiser l'étui contrefaisant en adressant ses conditions de vente le 28 août 1995 à Frédéric Henry Communication et le 28 septembre suivant à la société Ranstad et a présenté une page publicitaire, montrant notamment l'étui contrefaisant, dans le catalogue 1996 du Syprocaf, syndicat des producteurs de cadeaux d'affaires et objets publicitaires, après avoir fait paraître une publicité dans le catalogue 1995 ;

Considérant enfin qu'il résulte de la consultation du cabinet espagnol Ungria du 9 juillet 1994 que l'appelante a fait fabriquer l'étui litigieux par Tap Creaciones Publicatarias en pleine connaissance de cause et qu'elle s'est contentée, pour échapper à une action en contrefaçon de brevet, de modifier le système d'articulation entre le couvercle et le corps de l'étui mais a repris la forme extérieure de l'étui Marin's alors même que le consultant espagnol avait attiré son attention sur ce point ;

Considérant en outre que si Marin's Edition ne démontre pas qu'au cours des exercices 1993 à 1998 son chiffre d'affaires a été réalisé exclusivement avec les ventes de l'étui, objet du modèle déposé le 6 décembre 1990, son expert comptable atteste cependant que les ventes de boîtiers Marin's ont été de

- 658.587 exemplaires en 1993

- 725.997 exemplaires en 1994

- 530 460 exemplaires en 1995

ce qui atteste du succès remporté auprès des annonceurs avec ce produit ;

Qu'aucune information n'est donnée pour l'année 1996 et les années suivantes quant au nombre d'étuis commercialisés ;

Considérant que si les ventes ont diminué au moment où le produit de Cricket Communication a été proposé sur le marché en 1995, il demeure que l'appelante ayant arrêté en 1997 de proposer à la vente son étui, la très forte baisse de chiffre d'affaires subie par Marin's Edition au cours des années 1997 et 1998 est due manifestement à d'autres facteurs, observation étant faite au surplus que les écritures de Marin's Distribution établissent que manifestement le contrat de distribution a continué à être exécuté en dépit de la lettre de cette société du 13 octobre 1995 ; qu'en outre l'appelante établit qu'un autre étui transparent similaire à celui objet du présent litige, commercialisé par la société Tokai était également présent sur le marché français en 1996 ;

Considérant enfin que les frais les plus importants ayant été engagés par Marin's Edition pour protéger son invention et obtenir un brevet français et européen lesquels ne font pas l'objet du présent litige et n'ont pas été contrefaits par les intimées, Marin's Edition est mal fondée à soutenir que son investissement a été perdu ;

Considérant que compte tenu de ces éléments le préjudice subi par Marin's Edition du fait des actes de contrefaçon sera exactement réparé par le versement d'une somme de 200.000 F ;

B) de Marin's Distribution

Considérant que Marin's Distribution soutient que son préjudice qui résulte de la dépréciation brutale d'un produit leader pour elle, de la concurrence déloyale et des contraintes commerciales résultant du contrat de distribution signé avec Marin's Edition doit être réparé par le versement d'une somme de 938.730 F ; qu'elle fait valoir qu'elle a subi une perte de marge brute de

- 438.730 F au titre de l'année 1995

- 156.090 F au titre de l'année 1996

- 375.136 F au titre de l'année 1997

Considérant que Swedish Match Advertising Products lui oppose les mêmes moyens de défense qu'à la société Marin's Edition ;

Considérant ceci exposé, qu'il résulte des éléments de la cause que la société Marin's Distribution a été constituée essentiellement pour commercialiser l'étui transparent déposé à titre de modèle et dénommé Le Marin's ; qu'aux termes du contrat de distribution exclusive signé avec Marin's Edition, elle a passé commande de 250.000 étuis pour l'année 1995 et s'est engagée à en commander chaque année le même nombre; que de son côté la société Cricket Communication devenue Swedish Advertising Products appartient à un groupe puissant et disposait de moyens financiers et humains beaucoup plus importants que ceux de Marin's Distribution pour distribuer ses produits ;

Considérant que pour l'année 1995, elle justifie par une attestation de son expert comptable que sur les 250.000 boîtiers achetés, il en a été vendu 152.230, échantillonné 2270 et qu'il est resté en stock 95.500 unités ; que pour l'année 1996 elle a réalisé avec Le Marin's un chiffre d'affaires de 827.863 F représentant environ 120.000 unités et en 1997 un chiffre d'affaires de 309.450 F soit environ 44.000 unités ; qu'en revanche en 1998 son chiffre d'affaires avec ce produit a été de 522.591 F ;

Considérant que ces chiffres démontrent que l'offre à la vente par Swedish Match Advertising Products d'un étui pour briquet publicitaire identique au Marin's a causé à Marin's Distribution qui s'adressait à la même clientèle, un préjudice commercial indéniable ; que le produit de Marin's Edition ayant remporté un succès certain au cours des deux premières années d'exploitation, Marin's Distribution pouvait légitimement espérer que les ventes se maintiendraient à un niveau élevé en 1995 ; que cependant le produit étant sur le marché depuis 1993 et la preuve n'étant pas rapportée que l'appelante ait reçu et honoré des commandes de l'étui incriminé, la baisse enregistrée en 1996 et 1997 trouve manifestement sa cause dans d'autres facteurs dont un désintérêt de la clientèle, observation étant faite qu'il n'est pas démontré que le boîtier commercialisé en 1998 (année où le chiffre d'affaires a à nouveau progressé par rapport à 1997) n'a pas été modifié par rapport à celui déposé en 1990 ;

Considérant cependant que Marin's Distribution justifie avoir baissé ses prix au cours de l'exercice 1995 pour s'aligner manifestement sur ceux de l'appelante, réduisant ainsi sa marge ; que les tarifs diffusés par Marin's Distribution montrent que cette société a, dans un premier temps, proposé un prix de 11,50 F hors taxe forestière pour 1.000 exemplaires puis l'a ramené à 8 F alors que Cricket Distribution offrait dans le même temps pour 1.000 pièces un prix de 7,50 F également hors taxe ;

Que dans ces conditions le préjudice subi par Marin's Distribution sera exactement réparé par le versement d'une somme de 200.000 F ; que seule la société Swedish Match Advertising Products devra en assurer le paiement, la société Tap Creaciones Publicatarias n'étant pas condamnée pour concurrence déloyale à l'encontre de Marin's Distribution ;

Considérant qu'il sera fait droit aux mesures d'interdiction, de confiscation et de publication dans les conditions précisées au dispositif ; qu'il ne peut être utilement fait droit à la demande de destruction du moule, la société Tap Creaciones Publicatarias étant implantée en Espagne ;

V. Sur l'appel en garantie

Considérant que Swedish Match Advertising Products ayant fait fabriquer les étuis contrefaisants par Tap Creaciones Publicatarias en pleine connaissance de cause, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de son appel en garantie ;

VI. Sur les autres demandes

Considérant que Swedish Match Advertising Products qui succombe sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des sociétés Marin's Edition et Marin's Distribution pour les frais hors dépens par elles engagés devant la Cour une somme supplémentaire de 15.000 F, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des frais de première instance ;

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du modèle n° 907578 déposé le 6 décembre 1990 par la société Marin's Edition, dit que les sociétés Cricket Communication aujourd'hui dénommée Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias ont commis des actes de contrefaçon de ce modèle à l'égard de la société Marin's Edition, dit que la société Cricket Communication aujourd'hui dénommée Swedish Match Advertising Products s'était rendue coupable de concurrence déloyale à l'encontre de la Société Martin's Distribution, le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, dit que l'étui pour briquet dénommé Le Marin's est protégeable par le droit d'auteur, déboute la société Marin's Edition de sa demande en concurrence déloyale, déboute la société Marin's Distribution de sa demande en concurrence déloyale en ce qu'elle est dirigée contre la société Tap Creaciones Publicatarias, condamne in solidum les sociétés Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias à payer à la société Marin's Edition la somme de 200.000 F en réparation du préjudice par elle subi du fait des actes de contrefaçon et une somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, condamne la société Swedish Match Advertising Products à payer à la société Martin's Distribution la somme de 200.000 F en réparation du préjudice par elle subi du fait des actes de concurrence déloyale et une somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, fait interdiction aux sociétés Tap Creaciones Publicatarias et Swedish Match Advertising Products d'introduire en France, d'y offrir en vente et vendre l'étui pour briquet, objet du présent litige sous astreinte de 300 F par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, ordonne la confiscation en vue de leur destruction par devant huissier aux frais in solidum des sociétés Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias des étuis contrefaisants en possession ou sous le contrôle de ces deux sociétés en France à la date de signification du présent arrêt, autorise les sociétés Marin's Edition et Marin's Distribution à faire publier le dispositif du présent arrêt dans trois revues de leur choix aux frais in solidum des sociétés Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias à concurrence de 20.000 F par insertion, rejette toute autre demande des parties, condamne in solidum les sociétés Swedish Match Advertising Products et Tap Creaciones Publicatarias aux dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt rectificatif en date du 15 décembre 2000, la Cour a dit que le dispositif du présent arrêt sera rectifié en ajoutant les termes suivants : " confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : condamné la société Cricket Communication devenue Swedish Match Advertising Products à payer à la société Marin's Edition la somme de 30.000 F et à la société Marin's Distribution la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ".