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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 6 septembre 2000, n° 99-02031

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Solica (SA), Saint-Michel (SA)

Défendeur :

Tou-Slou (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frizon de Lamotte

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

SCP Rivel-Combeaud, SCP Labory-Moussie & Andouard

Avocats :

Mes Domenech, Magret.

T. com. Libourne, du 16 mars 1999

16 mars 1999

Par jugement du 16 mars 1999, le Tribunal de Commerce de Libourne a condamné la Société Saint-Michel exerçant sous l'enseigne Europcar à cesser l'exploitation de la ligne téléphonique 05.57.51.14.13, a condamné in solidum la Société Solica et la Société Saint-Michel à payer à Tou Slou 70.000 Francs de dommages et intérêts, outre 4.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; le jugement est assorti de l'exécution provisoire.

La Société Solica et la Société Saint-Michel ont interjeté appel le 1er avril 1999, et par dernières écritures du 28 avril 2000, sollicitent la réformation du jugement au motif que la cession de la ligne téléphonique est régulière ; subsidiairement, elles s'opposent à toute demande de dommages et intérêts ; elles demandent 30.000 Francs de dommages et intérêts pour procédure malicieuse et abusive, et 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Tou Slou, par dernières écritures du 2 juin 2000, demande la révocation de l'ordonnance de clôture et son report au jour des plaidoiries, la confirmation du jugement et 15.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, subsidiairement, une mesure d'expertise aux fins de chiffrer très précisément les préjudices subis par elle du fait des agissements des sociétés appelantes.

Attendu qu'en l'absence de toute contestation des appelantes, et le principe de la contradiction ayant été respecté, un délai suffisant entre le dépôt des dernières écritures et l'audience de plaidoiries ayant permis aux appelantes de répondre éventuellement, l'ordonnance de clôture est reportée au 14 juin 2000 ;

Attendu que Solica était liée à Ada SA par un contrat de franchise lui conférant le droit d'exploiter une agence spécialisée dans la location de véhicules d'occasion, sous l'enseigne Ada, qu'elle a résilié en octobre 1997 ;

Que le 19 novembre 1997, Tou Slou est devenue franchisée de Ada pour 7 années ;

Que Solica SA a écrit le 10 mars 1998 à France Télécom qu'à la suite de la cessation de son activité de location de véhicules, elle demandait la résiliation de sa ligne 05.57.51.14.13 et autorisait Saint-Michel SA à reprendre ce numéro dans le cadre de son activité professionnelle ;

Que le même jour, elle a établi au nom de Saint-Michel SA une facture du " prix de cession de la ligne téléphonique rattachée à l'activité de location de voiture " de 7.839 Francs ;

Que Saint-Michel SA, le 12 mars 1998, a écrit à France Telécom disant qu'elle souhaitait reprendre la ligne 05.57.51.14.13 dont Solica était titulaire et qui la lui cédait dans le cadre de la même activité " location d'automobiles tourisme et utilitaire " ; qu'elle demandait, " pour récupérer ce numéro, l'installation d'une ligne analogique dans [son] local 109 avenue Galliéni à Libourne, en liste rouge avec signal de rappel et transfert d'appel " ; que Saint-Michel SA exerçait son activité sous l'enseigne Europcar ;

Qu'à la requête de Tou Slou SARL, Maître Vincent Bouchet, huissier, le 21 avril 1998, a composé le numéro de téléphone 05.57.51.14.13; qu'une voix lui a répondu : " location de véhicules et de camion, bonjour " ;

Que le 22 avril 1998, l'huissier a appelé à nouveau le 05.57.51.14.13, qu'il lui a été répondu: " Europcar à votre service, bonjour " ;

Que par ordonnance de référé du 11 mai 1998, le Président du Tribunal de Commerce de Libourne, statuant sur assignation de Tou Slou, a condamné Solica à provoquer auprès de France Télécom la résiliation des lignes téléphoniques n° 05.57.51.14.13 et 05.57.74.10.84 ; que par ordonnance du 26 mai 1998, l'exécution provisoire a été suspendue concernant la résiliation de la ligne 05.57.51.14.13 ;

Que Saint-Michel SA avait écrit le 15 mai 1998 à Solica qu'elle n'avait l'intention, ni de restituer, ni de résilier cette ligne acquise le 10 mars 1998 ;

Attendu que sur l'annuaire du téléphone daté de 1997, Ada Loc véhicules 19 Port du Noyer Rotonde à Arveyre est inscrite sous le n° 05.57.51.14.13, que Ford Solica concessionnaire 19 Port du Noyer Rotonde à Arveyre est inscrite sous le n° 05.57.51.34.96, que Solica (SA) 19 Port du Noyer Rotonde est inscrite sous le même numéro ;

Que sur la Commune de Libourne, Ada Location de véhicules Ford concessionnaire 19 Port du Noyer Rotonde est inscrite sous le n° 05.57.51.14.13 ;

Que Ford Solica Concessionnaire 19 Port du Noyer Rotonde Arveyres est inscrite sous le n° 05.57.51.34.96 ;

Que dans les pages jaunes du même annuaire 1997, Ada Solica Agent location voitures et utilitaires est inscrite sous le n° 05.57.51.14.13 à Libourne ; que sur la commune d'Arveyres est mentionnée Solica SA 05.57.31.34.96 alors que sur la Commune de Libourne est Ford Solica Concessionnaire 05.57.31.34.96 ; que Solica utilisait donc le 05.57.51.14.13 pour sa seule activité de loueur de voitures sous l'enseigne Ada ;

Attendu que Solica, en application de l'article 15-2 alinéa 2 du contrat de franchise la liant à Ada, devait, dès la fin du contrat, cesser immédiatement toute utilisation à quelque titre que ce soit de la marque Ada; qu'en conservant la ligne téléphonique 05.57.51.14.13, liée à l'activité de location de véhicules sous l'enseigne Ada après octobre 1997, et en la cédant à une autre société exerçant la même activité sous une autre enseigne Europcar, Solica a commis une faute de nature à détourner la clientèle du nouveau franchisé de Ada, Tou Slou, qui est donc fondé à lui en demander réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil;

Que la Société Saint-Michel a acquis la partie de l'activité de location de véhicules, du fonds de commerce de Solica, et la ligne téléphonique correspondante, a bénéficié de la clientèle qui connaissait le numéro téléphonique d'Ada, qui est resté celui de cette enseigne jusqu'à la parution du nouvel annuaire téléphonique en septembre 1998 ; que le fait que Saint-Michel a demandé l'inscription de la ligne sur la liste rouge a donc été sans effet jusqu'à cette époque pour le client consultant l'annuaire téléphonique ; que Saint-Michel en acquérant cette ligne, jusqu'alors celle du seul franchisé d'Ada, alors qu'elle exerce sous l'enseigne Europcar, avait nécessairement conscience du préjudice qu'elle allait ainsi créer au nouveau franchisé d'Ada;

Qu'elle a nécessairement reçu des appels téléphoniques de clients qui, après consultation de l'annuaire téléphonique ou parce qu'ils connaissaient le numéro d'Ada à Libourne, l'ont appelée croyant s'adresser à Ada ; que certains ont certes téléphoné à une autre agence Ada, pour connaître le numéro de l'agence Ada à Libourne, que d'autres ont traité avec elle et non avec l'agence Ada au détriment de Tou Slou, qui a ainsi perdu des clients du fait des agissements déloyaux de Solica et de Saint-Michel ;

Attendu, sur le préjudice, que Tou Slou accepte la somme allouée par le tribunal, même si elle l'estime insuffisante au regard de la réalité de son préjudice ; qu'elle précise avoir réalisé pour son exercice 1999/2000 un chiffre d'affaires de 700.000 Francs environ, pour l'activité de location de véhicules Ada, qu'en suivant le raisonnement de Solica qui opte pour 10% de bénéfices, la somme de 70.000 Francs allouée est justifiée ;

Que Tou Slou a versé aux débats le chiffre d'affaires de l'agence Ada à Libourne, pour l'année 1997, celui de Solica, et pour l'année 1998 celui de Tou Slou, établi par Ada le franchiseur, et donc tiers au litige ;

Qu'au vu de ces chiffres, en l'absence de tout autre élément, la somme de 30.000 Francs doit réparer le préjudice de Tou Slou, limité dans le temps ;

Attendu que le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne le montant du préjudice ;

Attendu que chaque partie conserve la charge de ses dépens d'appel, ceux de première instance étant maintenus à la charge de Solica et de Saint-Michel ;

Que celles-ci sont déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure malicieuse et abusive, la demande de Tou Slou étant fondée ;

Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, révoque l'ordonnance de clôture et la reporte au 14 juin 2000, dit Solica SA et Saint-Michel SA fondées pour partie en leur appel, confirme le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à Tou Slou SARL et, statuant à nouveau, condamne in solidum Solica SA et Saint-Michel SA à payer à Tou Slou SARL 30.000 Francs de dommages et intérêts, y ajoutant, déboute Solica SA et Saint-Michel SA de leur demande de dommages et intérêts, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens d'appel, application étant faite des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.