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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 30 juin 2000, n° 1998-17217

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lottier, Zucchid, Cinderella (SA)

Défendeur :

Runco, Gérome coiffure (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mmes Collot, Radenne

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Valdelièvre-Garnier, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Baufume

Avocats :

Mes Renevier, Achillas, Meresse, Cohen.

T. com. Paris, 15e ch., du 5 juin 1998

5 juin 1998

La Cour est saisie de l'appel, déclaré le 26 juin 1998, d'un jugement rendu le 5 juin 1998 par le Tribunal de Commerce de Paris ;

Le litige porte principalement sur ce qui suit :

A la suite de difficultés financières, Alan Runco, qui exploitait à Monaco un commerce de coiffure franchisé par la SA Gérome coiffure sous l'enseigne et les marques Jean-Louis David, a vendu son fonds de commerce sans le contrat de franchise à François Lottier qui l'a exploité sous la franchise de la SA Cinderella sous l'enseigne jean-claude Biguine. La SA Gérome coiffure forme d'une part les différentes demandes contre Alan Runco au titre de la résiliation à ses torts et griefs du contrat de franchise qui n'était pas alors venu à échéance. Elle sollicite en outre la condamnation de ce dernier, des époux Lottier, de la SA Cinderella à lui payer diverses indemnités sur le fondement de la concurrence déloyale pour n'avoir pas respecté la clause de non affiliation prévu par l'article 19-4 du contrat.

Le tribunal a statué ainsi qu'il suit

- déclare recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. et Mme Lottier, se déclare compétent,

- rejette comme mal fondées la fin de non recevoir et la demande de disjonction formées par les époux Lottier,

- dit M. Alan Runco redevable à la SA Gérome coiffure de la somme de 211 340,97 F au titre des redevances ainsi que la somme de 13 040,66 F au titre des intérêts de droits calculés conformément aux dispositions contractuelles,

- dit que M. Alan Runco pourra déduire de ces sommes celle correspondant à la valeur comptable au 31 décembre 1996 du Kit Jean-Louis David,

- le condamne en conséquence au paiement de ces deux sommes, déduction faite de cette valeur comptable,

- le condamne à restituer ce Kit sous astreinte de 2 500 F par jour de retard qui commenceront à courir à l'expiration du 8ème jour suivant la signification du présent jugement,

- prononce l'exécution provisoire sur ces chefs de demandes,

- dit que M. Alan Runco a rompu unilatéralement le contrat de franchise au préjudice de la SA Gérome coiffure,

- en conséquence le condamne à payer à titre de dommages-intérêts à la SA Gérome coiffure la somme de 100 000 F ainsi que la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- dit que la société Cinderella et les époux Lottier ont porté préjudice à la SA Gérome coiffure,

En conséquence, les condamne in solidum à payer à la SA Gérome coiffure la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ces condamnations se partageront entre eux à hauteur de 80 % pour la société Cinderella et à hauteur de 20 % pour les époux Lottier,

- condamne enfin les défendeurs aux dépens.

Les époux Lottier, appelants au principal, intimés incidemment demandent à la Cour de :

- Que Mme Lottier n'est intervenue que comme épouse commune en biens et qu'elle n'a jamais eu la qualité de franchisée de Cinderella ou de tout autre, qu'elle n'a jamais été ni le bénéficiaire de la promesse, ni la cessionnaire du fonds,

- faisant application des dispositions des articles 122 et suivants du NCPC,

- déclarer Gérome coiffure irrecevable en toutes ses demandes à son égard et la condamner au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- que Gérome coiffure prétend à la fois à l'application d'une clause 19.4 des conditions générales JLD Tradition et à la résiliation unilatérale et fautive du contrat de franchise, par son franchisé le 1er janvier 1997,

- alors que cette clause est réservée à une situation de droit qui n'était pas celle des parties au moment de la signature de la promesse de cession et de la cession,

- réformer le jugement entrepris et débouter Gérome coiffure de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que M. Lottier ait eu connaissance des clauses du contrat litigieux, le concluant affirmant solennellement le contraire, et qu'il était fondé à faire foi aux déclarations solennelles de son promettant aux termes desquelles celui-ci indiquait que "rien dans sa situation juridique ne s'oppose à la libre disposition du fonds et à la jouissance paisible",

- que le franchiseur et son avocat ayant reçu copie de la promesse de cession, quelques jours après sa signature, ne sont jamais intervenus auprès du bénéficiaire pour lui indiquer que les droits que le franchiseur avait à faire valoir s'opposaient à la cession, que ce soit sur le plan d'un droit de préférence, d'un droit d'agrément ou de la clause litigieuse,

- réformer le jugement en ce que le premier juge a tenu pour acquis que le cessionnaire connaissait la nature des obligations du cédant à l'égard du franchiseur et qu'il les auraient sciemment violées,

- dire et juger que M. Lottier a contracté de bonne foi, sans porter atteinte aux droits légitimes de Gérome coiffure,

- subsidiairement, que le franchiseur prétend avoir subi deux préjudices distincts une atteinte à l'image et l'impossibilité de réinstallation en principauté,

- que le comportement du franchiseur à l'égard du franchisé notamment dans la gestion des arriérés et du référé mis en œuvre par le bailleur du local du Métropole, manifestent le désintérêt total du franchiseur pour le maintien de son enseigne dans la galerie du Métropole,

- que le franchiseur qui bénéficiait d'une autre implantation dans le centre commercial de Fontvieille, n'a pas voulu ou su la conserver et que c'est pour les seuls besoins d'une procédure guidée par un esprit de lucre qu'elle en fait le reproche aux défendeurs,

- réformer le jugement et constatant l'absence totale de préjudice pécuniaire qui n'aurait pas été contractuellement indemnisé,

- débouter Gérome coiffure de toute demande de paiement à son égard, le condamner au paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens.

La SA Cinderella, intimés au principal, appelants incidemment, demandent à la Cour de :

- vu l'article 1382 du code civil, débouter la SA Gérome coiffure de ses entières demandes dirigées contre elle, à toutes fins qu'elles comportent,

- infirmer le jugement,

- condamner la SA Gérome coiffure à lui payer la somme de 200 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et déloyale, la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Alan Runco, intimé au principal, appelant incidemment, demande à la Cour de :

- de lui donner acte de ce qu'il a mis à la disposition de Gérome coiffure dans les délais contractuels le Kit Jean-Louis David, subordonnant sa remise effective à l'indemnité contractuelle prévue et qu'il n'a commis aucune violation aux clauses contractuelles,

- constater qu'en l'état de l'exécution provisoire, il a restitué le Kit,

- dire que la valeur comptable du Kit devra être déduite en tout état de cause des sommes dues par lui au titre des redevances,

- constater que la SA Gérome coiffure ne justifie ni d'une faute commise par lui ni d'un préjudice,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la SA Gérome coiffure la somme de 100 000 F pour les motifs ci-dessus, ainsi que la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamner la SA Gérome coiffure à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- débouter les époux Lottier de leurs demandes tendant à se voir relever et le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- condamner tout contestant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SA Gérome coiffure, appelant au principal, intimée incidemment demande à la Cour de :

- débouter les époux Lottier de leur fin de non recevoir,

En conséquence, dire et juger sa demande recevable à l'encontre de Mme Lottier,

- confirmer le jugement s'agissant du règlement des redevances dues par M. Runco,

- confirmer le jugement s'agissant de la restitution du Kit sous astreinte mais l'infirmer s'agissant de la valeur de reprise de ce matériel et, statuant à nouveau sur ce point, dire et juger qu'elle n'est pas tenue de régler à M. Runco la valeur nette comptable du Kit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de M. Runco pour avoir rompu unilatéralement et de manière abusive le contrat de franchise le liant à elle pour l'exploitation du salon Métropole, et pour avoir cédé ce salon en violation des dispositions de l'article 19.4 du contrat,

- confirmer le jugement en ce qu'il a décidé que les époux Lottier et la SA Cinderella s'étaient rendus complices de la violation par M. Runco des dispositions de l'article 19.4 du contrat et a retenu, à ce titre, leur responsabilité délictuelle pour acte de concurrence déloyale,

- réformer le jugement s'agissant du quantum du préjudice subi par elle et, statuant à nouveau,

- condamner M. Runco à lui payer la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour son manque à gagner résultant jusqu'au 31 décembre 1997 de la rupture abusive du contrat de franchise,

- condamner conjointement et solidairement M. Runco, les époux Lottier et Cinderella à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts correspondant à son manque à gagner au cours des années 1998 et 1999 résultant des actes de concurrence déloyale commis par Cinderella et les époux Lottier en complicité avec M. Runco,

- les condamner tous trois conjointement et solidairement à lui payer la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à l'image du réseau et de l'enseigne Jean-Louis David,

- confirmer le jugement s'agissant des sommes qui lui ont été allouées au titre de l'article 700 du NCPC et condamner conjointement et solidairement M. Runco, les époux Lottier et Cinderella à lui payer, en application de ces mêmes dispositions, une somme supplémentaire de 40 000 F dans le cadre de l'instance d'appel,

- les condamner conjointement et solidairement aux dépens d'appel.

La Cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties se réfère au jugement et aux conclusions d'appel.

Il suffit de rappeler ce qui suit :

Suivant contrat de franchise du 30 décembre 1990 la SA Gérome coiffure a cédé à Alan Runco le droit d'exploiter la marque " Jean-Louis David diffusion pour le salon de coiffure situé au Centre Commercial Metropole à Monaco. Selon contrat de franchise du 13 octobre 1992 cette même société a concédé à Alan Runco le droit d'exploiter la marque Jean-Louis David Tradition au Centre Commercial de Fontvielle sis également à Monaco. Les stipulations contractuelles étaient définies dans des conditions générales complétées par des conditions particulières datées du même jour. Il résulte d'un avenant du même jour que la date d'échéance du premier contrat était portée au 31 décembre 1997 et que les conditions générales du second contrat étaient entièrement opposables au premier.

Des difficultés de paiement quant aux redevances dues au titre du salon de coiffure " Metropole " se sont manifestées à partir de 1991 - Elles sont attestées par de nombreuses lettres entre 1991 et 1997 et ont donné lieu à diverses mises en demeure en septembre 1995, et avril 1996.

Par lettre du 14 août 1961 Alan Runco avisait le franchiseur de son intention de céder son fonds le plus rapidement possible, ce qu'il réitérait le 9 septembre 1996 en indiquant que cette vente lui permettrait de solder ses dettes.

Le 26 septembre 1996 François Lottier obtenait des autorités monégasques l'autorisation d'acquérir et d'exploiter un salon de coiffure franchisé Jean-Claude Biguine. Le même jour était signé un contrat de franchise entre la SA Cinderella et ce dernier à cette fin. Enfin, toujours à cette même date une promesse de cession du fonds de commerce portant sur le salon de coiffure Metropole était signée entre Alan Runco et les époux Lottier, François Lottier étant seul cessionnaire.

Le 2 octobre 1996, la SA Gérome coiffure indiquait qu'elle avait appris un projet de vente et rappelait les dispositions de l'article 7 du contrat initial relatif à l'agrément du franchiseur en cas de cession de fonds de commerce.

Le 14 octobre 1996, Alan Runco adressait le compromis de vente en précisant qu'il ne portait pas sur l'enseigne.

Le 25 octobre 1996, la SA Gérome coiffure relevant l'absence de toute condition suspensive dans le compromis, se prévalait de la violation du pacte de préférence. Le même jour Alan Runco sollicitait la résiliation amiable du contrat de franchise.

Par lettres des 25 octobre et 18 novembre 1996, la SA Gérome coiffure indiquait qu'elle n'acceptait pas la résiliation amiable, refusait l'agrément, et qu'elle entendait mettre en œuvre le pacte de préférence.

Par lettre du 25 novembre 1996, Alan Runco prenait acte de cette décision tout en en déniant le droit à la SA Gérome coiffure, et ne s'y opposait pas dès lors que cette société accepterait d'effacer ses dettes et de le garantir contre les réclamations éventuelles des époux Lottier.

Par lettre du 6 décembre 1996 la SA Gérome coiffure refusait d'exercer le pacte de préférence à de telles conditions.

Suivant acte du 27 décembre 1996, M. Lottier a acquis le fonds de commerce litigieux.

Par lettre du 30 janvier 1997 Alan Runco indiquait avoir cessé l'exploitation du fonds depuis le début lu mois de janvier 1997.

Par lettre du 20 février 1997, Alan Runco réitérait les termes de sa dernière correspondance en résumant les conditions dans lesquelles il avait été amené à vendre son fonds.

Le 12 mars 1997 la SA Gérome coiffure excipait auprès d'Alan Runco comme des époux Lottier et de la SA Cinderella des agissements de concurrence déloyale qui résultaient, selon elle, des conditions dans lesquelles étaient intervenues la cession du fonds de commerce et la signature du contrat de franchise sous la marque Jean-Claude Biguine.

Sur ce,

Considérant que, sur l'appel principal des époux Lottier, Alan Runco pour critiquer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise à ses torts et griefs prétend que l'article 19-2 du contrat définirait la notion de résiliation aux torts et griefs du franchisé, que celle-ci prévoirait notamment la cessation de paiements de ce dernier, que la SA Gérome coiffure n'aurait jamais mis en œuvre les dispositions de l'article précité, que la vente du fonds ne serait nullement assimilée par cet article à une résiliation fautive du franchisé, que selon l'article 19-4, en cas de résiliation imputable au franchisé l'indemnité ne pourrait dépasser la somme de 100 000 F, tandis que la SA Gérome coiffure réclame que cette indemnité soit portée à 150 000 F.

Considérant que, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, c'est par d'exacts motifs que le Tribunal s'est prononcé.

Qu'il suffit d'ajouter que

Alan Runco invoque à tort les dispositions du contrat de franchise du 30 décembre 1990 alors que celles applicables sont celles des conditions générales du 13 octobre 1992 et notamment leur article 18 ;

la résiliation du contrat de franchise n'est pas intervenue sur l'initiative du franchisé mais comme une conséquence nécessaire de la vente, avant le terme du contrat de franchise, du fonds de commerce à laquelle avait procédé Alan Runco,

La SA Gérome coiffure, la Cour n'ayant pas à procéder aux recherches qu'une partie se dispense de faire, n'a pas établi que le préjudice subi aurait été supérieur à l'indemnité minimale contractuellement prévue par l'article 18 (iii) des conditions générales précitées Dès lors que, pour l'année 1997, seule année pour laquelle le défaut d'exploitation a été caractérisé, le montant des redevances fixes était sensiblement inférieur à ce montant de 100 000 F tandis qu'il n'a été fourni à la Cour aucun élément quant aux frais de publicité permettant de déterminer la redevance variable due à ce titre,

Considérant que sur la restitution du " Kit " consécutive à la résiliation du contrat de franchise, la SA Gérome coiffure prétend que par application de l'article 19-2 des conditions générales celui-ci est démonté aux frais et restitué au franchiseur sans indemnité lorsque la résiliation est imputable au franchisé et que le montant de l'astreinte pour obtenir cette restitution devrait être porté à la somme de 5 000 F par jour de retard ;

Considérant que le jugement ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a dit que la valeur nette comptable du " Kit " au 31 décembre 1996 devrait être déduite des sommes dues par Alan Runco, dès lors d'une part, que selon l'article 19-2 précité " dans l'hypothèse où la résiliation du contrat serait imputable à un manquement du franchisé à ses obligations ou à une faute de ce dernier, le Franchisé devra démonter à ses frais et remettre au Franchiseur sans aucune compensation de la part de ce dernier ", d'autre part que, ainsi qu'il a été dit, le manquement du franchisé à son obligation d'exploiter est avéré, de troisième part, qu'eu égard à la nature de ce manquement, la valeur du " Kit" et par suite du montant de la clause pénale, le caractère manifestement excessif de cette dernière n'a pas été caractérisé, et enfin qu'en considération du double caractère de pénalité et de réparation que revêt une clause pénale, celle-ci pouvait s'ajouter à l'indemnité prévue par l'article 18 des conditions générales ;

Considérant que, sur l'astreinte le jugement est confirmé dès lors que les affirmations d'Alan Runco selon lesquelles il aurait restitué le " Kit" dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement n'ont pas été utilement contredites ce qui atteste tout à la fois de la nécessité de cette astreinte et du caractère suffisant de son montant tel que fixé par les premiers juges ;

Considérant que pour critiquer le jugement, en ce qu'il a condamné Madame Lottier au titre de la concurrence déloyale, les époux Lottier prétendent que l'action à l'encontre de cette dernière serait irrecevable en se prévalant des mentions de la promesse de vente du fonds de commerce, de l'acte de vente de ce même fonds, du registre du commerce, du journal de Monaco, de l'autorisation d'exploiter délivrée par le gouvernement monégasque et du contrat de franchise conclu avec la SA Cinderella ;

Mais considérant que cette argumentation est dénuée de toute portée dès lors, d'une part, que, pour n'être pas le cessionnaire du fonds de commerce, Madame Lottier n'en est pas moins intervenue tant à la promesse de vente qu'à l'acte de vente du fonds de commerce et qu'elle a signé ces deux actes, d'autre part, que cette intervention et signature attestent suffisamment la connaissance des négociations relatives à l'acquisition de ce fonds, et enfin, que la SA Gérome coiffure fonde précisément et notamment son action à l'encontre des époux Lottier sur les conditions dans lesquelles est intervenue la vente litigieuse, dont elle soutient qu'elle aurait été faite en fraude à ses droits ;

Considérant que relativement à l'action pour concurrence déloyale diligentée par la SA Gérome coiffure contre Alan Runco, les époux Lottier, la SA Cinderella, qui critiquent les condamnations prononcées de ce chef une discussion s'est développée sur l'objet et la portée du contrat de franchise dont bénéficiait Alan Runco et plus spécialement sur l'article 19-4 des conditions générales du 19 octobre 1992 ;

Considérant que selon les stipulations de ce contrat :

- le contrat était un accord de franchise au sens défini par l'article premier paragraphe 3 alinéa b du Règlement N° 4087 I 88 de la Commission des Communautés Economiques Européennes du 30 novembre 1988,

- l'article 15 rappelait le caractère intuitu personae et les conséquences qui en résultait en cas de cession du fonds de commerce quant à la nécessité d'obtenir l'agrément préalable et écrit du franchiseur suivant une procédure précisée,

- l'article 16 octroyait dans les conditions qu'il déterminait un pacte de préférence au profit du franchiseur,

- l'article 19 définissait les effets de la fin des relations contractuelles et contenait en son article 19-4 une clause de non affiliation,

- cette clause était ainsi rédigée " le Franchisé, qui par l'effet du présent Contrat bénéficiera du Savoir-Faire ainsi que d'une formation continue aux Techniques, s'interdit pendant une durée de deux ans à compter de l'échéance du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, de conclure tout contrat de franchise, convention ou accord avec quelque groupement de coiffure que ce soit. Par ailleurs, le Salon de Coiffure ne pourra, pendant la durée de deux années susvisées être franchisé ou affilié ou associé sous quelque forme que ce soit, même de façon occulte, à un quelconque groupement ou association ou réseau ou structure de coopération, qui aurait notamment pour effet d'en permettre l'exploitation sous une enseigne concurrente des Marques commune à un ou plusieurs autres salons de coiffure que le Franchisé en soit ou non directement ou indirectement propriétaire en tout ou partie "

Considérant qu'au sens du Règlement précité auquel se réfère le contrat, on entend par " accord de franchise un accord par lequel une entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d'une compensation financière directe ou indirecte, le droit d'exploiter une franchise dans le but de commercialiser des types de produits et/ou de services déterminés ; il doit comprendre au moins les obligations suivantes

- l'utilisation d'un nom ou d'une enseigne commune et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens de transport visés au contrat,

- la communication par le franchiseur au franchisé de savoir faire,

et

- la fourniture continue par le Franchiseur au franchisé d'une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l'accord

Considérant que, selon l'article 3 de ce même Règlement " les obligations suivantes imposées au franchisé ne font pas obstacle à l'application de l'article 1er dans la mesure où elles sont nécessaires pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé : (...) c) ne pas exercer, directement ou indirectement une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur ; cette obligation peut être imposée au franchisé après la fin de l'accord pour une période raisonnable n'excédant pas un an, dans le territoire ou il a exploité la franchise

Considérant qu'est vaine l'argumentation, tirée de l'impossibilité de céder le fonds séparément de la franchise dès lors, d'une part, que les dispositions de l'article 15 des conditions générales relatives au caractère intuitu personae du contrat stipulent l'interdiction pour le franchisé de céder les droits qui lui sont concédés et définissent une procédure d'agrément en cas de cession du fonds par le franchisé dont il résulte nécessairement la possibilité pour ce franchisé de céder son fonds sans le contrat de franchise et les signes distinctifs qui s'y attachent ;

Considérant qu'est tout aussi dénuée de portée l'argumentation tirée de l'impossibilité de faire disparaître brutalement l'enseigne " Jean-Louis David " eu égard au préjudice qui en résulterait pour le franchiseur et compte tenu de ce que cette enseigne est l'un des principaux éléments attractifs de la clientèle, dès lors d'une part, que la vente du fonds n'est pas intervenue brutalement puisqu'elle est devenue effective en décembre 1996 et que la SA Gérome coiffure avait été informé dès le 14 août 1996 par Alan Runco de son intention de vendre son fonds de commerce le plus rapidement possible en raison des difficultés financières qu'il éprouvait ce qu'il avait confirmé de façon très précise le 9 septembre 1996, d'autre part, que la SA Gérome avait dès cette date la possibilité de mettre en œuvre la procédure d'agrément et le pacte de préférence, de troisième part, que la SA Gérome coiffure ne fonde pas son action sur la violation des dispositions y afférentes et les prétentions abusives dont se serait prévalu Alan Runco pour y faire obstacle

Considérant que pour soutenir que les dispositions de l'article 194 ne sont pas applicables à la seule cession du fonds de commerce par le franchisé dans le cours du contrat, les époux Lottier prétendent en substance que, cette clause ne figurait pas dans le contrat d'origine, la protection du savoir-faire n'y étant donc pas lié, que la cession du fonds aurait été régie non par l'article 19-4 mais par les articles 15 et 16, qu'il appartenait à la SA Gérome si son intention avait été de défendre ses droits légitimes de s'en prévaloir auprès de François Lottier qui alors n'aurait pas donné suite à l'acquisition projetée, plutôt que de se prévaloir six mois après la promesse et trois mois après la vente de restrictions juridiques que, lui même ignorait ;

Considérant qu'Alan Runco soutient pour sa part que les dispositions des articles 15 et 16 concerneraient seuls la cession du fonds tandis que l'article 19-4 s'applique au seul cas où le franchisé continuerait d'exploiter son fonds, que contrairement à ce qu'a dit le tribunal, le fonds de commerce exploité sous forme de franchise resterait appartenir au seul franchisé, le franchiseur n'ayant aucun droit de quelque nature que ce soit sur la propriété dudit fonds tandis que l'enseigne ne constituerait nullement l'élément essentiel du fonds et encore moins une servitude qui grèverait le fonds, que, en cas de cession de fonds, le franchisé n'étant plus directement ou indirectement propriétaire en tout ou partie du fonds, la clause devient sans objet ;

Considérant que la SA Cinderella après avoir rappelé que la nature du contrat de franchise n'est pas de permettre au franchiseur, à travers son franchisé d'implanter sa marque et son enseigne dans le territoire concédé, que la clientèle du fonds appartient au franchisé, que l'enseigne ne serait pas l'élément essentiel du fonds de commerce et ne constituerait pas une servitude grevant le fonds, soutient qu'admettre une telle servitude aurait pour conséquence de déposséder le commerçant de la propriété de son fonds, le propriétaire des murs de louer, de déposséder le franchiseur de sa marque et de son enseigne, que cette même société, indique ensuite que la stipulation de l'article 19-4 serait nulle en ce qu'elle serait d'une durée excessive, qu'elle serait inopposable au tiers au contrat de franchise, que la seconde partie de la clause litigieuse ne concernerait que le seul franchisé, la clause n'ayant plus d'objet en cas de cession de fonds et l'expression salon de coiffure qui définit une activité commerciale n'ayant aucune signification juridique, que la clause de non affiliation en l'espèce aurait d'autant moins d'objet qu'elle tend à protéger un savoir-faire, que Alan Runco a cessé toute activité dans ce fonds et que les époux Lottier exploiteraient un savoir-faire différent ;

Considérant que par les argumentations ainsi développées les parties précitées, notamment en se prévalant du caractère limité que doit revêtir la clause de non affiliation

Considérant que par application du règlement précité, les clauses de non-concurrence à l'égard du franchiseur ne sont valables que pour autant qu'elles sont, claires, limitées territorialement, pour une durée raisonnable d'un an, et quant à l'activité et lorsqu'elles ont un caractère nécessaire pour la protection d'un intérêt légitime

Considérant qu'il est manifeste que la clause litigieuse n'était pas exempte d'obscurité ce qu'atteste au demeurant les interprétations divergentes qui en sont données dès lors qu'elle regroupait, fut ce dans deux phrases distinctes, dans un même paragraphe une clause de non affiliation dont l'une était applicable au franchisé et l'autre au "Salon de Coiffure" qui en tant que tel n'a pas d'existence juridique et selon les définitions contractuelles s'entend du salon de coiffure exploité par le franchisé.

Considérant que, en ce qu'elle concernait l'exploitation du fonds après qu'il ait été cédé sans le contrat de franchise, la dite clause n'a pas le caractère nécessaire pour justifier la protection d'un intérêt légitime dès lors, d'une part, que ce caractère nécessaire impose que la limitation soit strictement ajustée à la fonction qu'elle poursuit, savoir éviter la communication du savoir-faire et la divulgation des techniques à un tiers au réseau, d'autre part que, le cessionnaire, pour ne pas appartenir au réseau de franchise Jean-Louis David, ne bénéficie ni de ce savoir- faire ni de ces techniques, de troisième part, que la protection du franchiseur en cas de cession du fonds de commerce était déjà assuré par la procédure d'agrément et le pacte de préférence dont il bénéficiait contractuellement, et enfin, que par la généralité de ses termes, cette clause a pour effet, le salon de coiffure exploité par Alan Runco appartenant au réseau de franchise Jean-Louis David Diffusion défini par les stipulations contractuelles comme s'adressant plus particulièrement à une clientèle haut de gamme féminine et masculine, de faire obstacle de fait, eu égard aux caractéristiques et exigences de ce type d'activités, à l'exercice d'une activité similaire pendant une durée, de deux ans, au demeurant supérieure à ce qu'autorise le Règlement, de nature à porter irrémédiablement atteinte à la valeur même du fonds, et constituant comme telle une entrave excessive à la liberté du franchisé de céder son fonds et à la liberté de la concurrence

Considérant que, par suite il y a lieu de réputer non écrite la deuxième phrase de la clause litigieuse et que par voie de conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus de l'argumentation des parties la SA Gérome coiffure ne peut qu'être déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l'encontre tant d'Alan Runco, que des époux Lottier et de la SA Cinderella ;

Considérant que la SA Gérome coiffure ne peut qu'être, le jugement étant réformé de ce chef, déboutée de ses demandes de dommages et intérêts tant au titre du manque à gagner pour les années 1998 et 1999 que pour perte d'image dès lors que les prétentions de ce chef se rattachent à des actes de concurrence déloyale qui n'ont pas été caractérisés ;

Considérant que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux Lottier de leur demande de dommages et intérêts dès lors, que la SA Gérome, qui n'a fait qu'exercer les recours mis à sa disposition, a pu, de bonne foi, se méprendre sur ses droits ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SA Gérome coiffure à payer la somme de 20 000 F à la SA Cinderella et une somme d'un même montant aux époux Lottier, au titre de l'article 700 du NCPC, le jugement étant réformé sur cet article ;

Considérant que les conditions de l'article 700 du NCPC ne sont pas autrement réunies ;

Considérant que les dépens de première instance et d'appel sont partagés par moitié entre la SA Gérome coiffure et Alan Runco chacune de ces parties succombant pour partie dans ses prétentions, le jugement étant réformé en ses dispositions relatives aux dépens

Par ces motifs : Dans la limite de l'appel, Réforme le jugement en ce qu'il a dit que Alan Runco pourra déduire des condamnations prononcées la valeur vénale du " Kit " Jean- Louis David, sur les condamnations prononcées au titre de la concurrence déloyale, de l'article 700 du NCPC et des dépens, Le confirme pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit recevable l'action exercée par la SA Gérome coiffure à l'encontre de Dina Zucci, épouse Lottier, au titre de la concurrence déloyale, Dit qu'il n'y a pas lieu de déduire des condamnations prononcées contre Alan Runco, la valeur vénale du " Kit " Jean- Louis David, Déboute la SA Gérome coiffure de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, Condamne la SA Gérome coiffure à payer à la SA Cinderella une somme de 20 000 F et aux époux Lottier une somme d'un même montant au titre de l'article 700 du NCPC Rejette le surplus des demandes, Partage par moitié entre la SA Cinderella et Alan Runco les dépens de première instance et d'appel, Admet, pour ceux d'appel, les avoués qui y ont droit au bénéfice de l'article 699 du NCPC.