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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 21 juin 2000, n° 1999-21975

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association Radio Ado

Défendeur :

Vortex (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Laciancinski, Mme Magueur

Avoués :

SCP Faure-Arnaudy, Me Bolling

Avocats :

Mes Wedrychowski, Chappuis.

TGI Paris, 3e ch., sect. 3, du 5 oct. 19…

5 octobre 1999

La société Vortex (ci-après Skyrock) exploite sous la dénomination Skyrock, sur l'ensemble du territoire métropolitain, un programme radiophonique à dominance " rap " s'adressant essentiellement aux moins de 25 ans.

L'association Radio Ado, (ci-après Ado FM), diffuse en Ile de France sur la bande FM 97.8 et sous la dénomination Ado FM un programme musical quasi exclusivement consacré au rap et au groove.

Estimant que par les annonces de ses animateurs et les jingles qu'elle diffuse sur son antenne, Ado FM s'attribue faussement la découverte et/ou l'exclusivité d'artistes ou de titres de rap dont le mérite lui revient, et prétendant que par ces manœuvres déloyales et parasitaires, Ado FM usurpe les qualités et caractéristiques de sa programmation rap fondée sur la découverte de nouveaux talents et le lancement de titres inédits, Skyrock a assigné cette dernière, en concurrence déloyale et parasitaire et en dénigrement devant le tribunal de grande instance de Paris, sollicitant, outre la cessation des agissements critiqués et la diffusion et la publication de communiqués, réparation de son préjudice.

Par jugement rendu le 5 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Paris, rejetant les pièces produites par Skyrock, a :

- dit que l'association Radio Ado, exerçant ses activités sous l'enseigne Ado FM, a commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement au préjudice de la société Vortex au cours de la période s'écoulant du 3 mars 1999 (article Broadcast) jusqu'à la requête à jour fixe du 4 mai 1999,

- interdit à l'association Radio Ado de poursuivre ses agissements sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- condamné l'association Radio FM à payer à la société Vortex la somme de 200 000 F de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de dénigrement,

- ordonné à l'association Radio Ado de diffuser sur son antenne Ado FM le texte suivant :

" Par jugement du 5 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Paris, saisi à la requête de la société Vortex qui exploite Skyrock a condamné l'association RADIO FM qui exploite Ado FM à verser à la société Vortex la somme de 200 000 F de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de dénigrement qu 'Ado FM a commis à son préjudice du 3 mars 1999 au 4 mai 1999 ",

une fois par jour pendant 7 jours (du lundi au dimanche compris) pendant une heure d'écoute choisie par la société Vortex, aux frais de l'association Radio Ado dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, passé ce délai sous astreinte de 20 000 F par jour de retard pendant un mois, se réservant de liquider l'astreinte,

- autorisé la société Vortex à faire publier le dispositif, par extraits ou en entier, dans trois journaux ou revues de son choix aux frais de l'association Radio Ado, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder une somme globale de 60 000 F HT,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné l'association Radio Ado à payer à la société Vortex la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

LA COUR,

Vu l'appel interjeté, le 5 novembre 1999, par l'association Radio Ado de cette décision ;

Vu les conclusions en date du 19 mars 2000, par lesquelles l'association Radio Ado fait valoir à l'appui de son appel :

Liminairement, que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en omettant d'écarter des débats, par application des articles 788 et suivants du nouveau Code de procédure civile, l'intégralité des pièces communiquées, le 30 juin 1999, non jointes à l'assignation à jour fixe délivrée le 7 mai 1999 et en ne rejetant pas les moyens de droits présentés par la société Vortex sans conclusions écrites alors que l'affaire avait été renvoyée à cet effet, ladite société ne pouvant, selon elle, valablement prétendre que les pièces communiquées se suffisaient à elle-mêmes,

- à titre principal :

- que le fondement juridique de l'action intentée par la société Vortex imposait au tribunal de définir un marché concurrentiel restreint entre elles deux et ne lui permettait pas de limiter son appréciation des faits de la cause à une simple situation de concurrence entre les parties au procès,

- qu'en l'absence de marché concurrentiel restreint entre les deux parties, dont la preuve n'a pas été rapportée, Skyrock doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- à titre subsidiaire :

- qu'aucun acte de concurrence déloyale ou de dénigrement ne lui est imputable,

- que les éléments de preuve présentés par Skyrock ne sont pas probants et comportent des erreurs grossières,

- qu'elle n'a commis aucun manquement dans la présentation de ses programmes,

- que le caractère hyperbolique de ses annonces ou jingles fait partie intégrante de l'animation radiophonique et ne saurait encourir une quelconque critique,

- qu'en tout état de cause, Skyrock ne justifie d'aucun préjudice,

et demande en conséquence à la cour,

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de constater que le tribunal aurait dû déclarer irrecevable la communication des 55 nouvelles pièces réalisées par la société Vortex, postérieurement à son assignation à jour fixe,

- de dire que l'association Radio Ado et la société Vortex ne se situent pas sur un marché concurrentiel restreint, que la condition préalable d'un dénigrement indirect n'est pas établi et débouter la société Vortex de l'intégralité de ses demandes,

- subsidiairement, de dire qu'elle n'a commis aucun acte fautif à l'occasion de l'animation de son programme radiophonique et n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de dénigrement,

- de dire que la procédure à jour fixe engagée à son encontre est abusive et a désorganisé son bon fonctionnement, et, en conséquence de :

condamner la société Vortex à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts,

ordonner, à titre de complément de réparation, aux frais avancés de la société Vortex, la diffusion sur sa fréquence parisienne (96.0 FM) pendant une semaine à cinq reprises, entre 8 heures et 20 heures, et à des heures différentes de la journée qu'elle choisira, d'un message consistant en la lecture du dispositif de l'arrêt, et ce, dans la quinzaine à intervenir, sous astreinte de 20 000 F par jour de retard en cas de non diffusion dans ledit délai,

l'autoriser à faire publier, aux frais avancés ou recouvrés à l'encontre de la société Vortex, le dispositif de l'arrêt à intervenir dans trois quotidiens ou revues nationaux de son choix, à hauteur de la somme de 30 000 F par annonce, et ce, dans la quinzaine dudit arrêt,

l'autoriser à diffuser sur sa fréquence 97.8 pendant une semaine, un communiqué correspondant au dispositif de l'arrêt à intervenir,

réserver à la Cour la question de la liquidation de l'astreinte,

- plus subsidiairement encore, réduire à une indemnité de pur principe la somme devant être allouée à la société Vortex en réparation d'un prétendu préjudice inexistant et non prouvé,

- à titre infiniment subsidiaire de :

dire que la société Vortex a commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement à son égard,

condamner la société Vortex à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, outre la diffusion sur la fréquence parisienne de Skyrock et sur sa fréquence, d'un communiqué dans les conditions susdites et la publication de l'arrêt dans trois revues de son choix, selon les modalités susvisées,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner la société Vortex à lui payer la somme de 120 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Vu les conclusions du 20 avril 2000 aux termes desquelles la société Vortex, réfutant point par point l'argumentation présentée par l'association Radio Ado et dénonçant la mauvaise foi de cette dernière :

- sollicite la confirmation du jugement déféré, sauf sur le montant des dommages-intérêts et demande à la Cour de :

- condamner l'association Radio Ado à lui verser une somme forfaitaire de 1 500 000 F à titre de dommages-intérêts,

- ordonner à titre de complément de dommages-intérêts :

la publication de la décision à intervenir dans 5 revues ou journaux de son choix, aux frais exclusifs de l'intimée qui sera tenue d'en supporter le coût à concurrence d'une somme de 40 000 F par insertion,

la diffusion 5 fois par jour, à des heures différentes de la journée, sur l'antenne Ado FM d'un communiqué, aux frais de l'intimée, pendant une durée d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 20 000 F par infraction constatée,

- interdire à l'association Radio Ado la diffusion sur l'antenne de Ado FM de tout message présentant un titre quelconque comme l'une de ses découvertes ou exclusivités, lorsque ce ne serait pas le cas, sous astreinte de 20 000 F par infraction constatée,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- condamner l'association Radio Ado à lui payer la somme de 150 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Sur quoi,

Sur le non respect du contradictoire :

Considérant que tout en critiquant la procédure suivie par les premiers juges, Ado FM ne tire aucune conséquence juridique du non respect du principe du contradictoire qu'elle reproche à ceux-ci ; qu'il convient au surplus de souligner que, devant la Cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, Ado FM s'est amplement et contradictoirement expliquée sur les pièces critiquées ; qu'à défaut pour l'appelante de justifier d'un quelconque intérêt, le moyen sera écarté ;

Sur la situation de concurrence :

Considérant que saisi par Skyrock d'une action en concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, le tribunal a recherché, à bon droit, si les deux parties en présence se trouvaient en situation de concurrence ; qu'il a exactement déduit des éléments produits l'existence d'une telle situation dès lors qu'il est constant que les deux radios diffusent toutes deux, sur la région Ile de France, des programmes radiophoniques consacrés à la musique rap, dont il est constant qu'elle constitue l'une des composantes du mouvement " Hip Hop " né aux Etats Unis dans les années 1970, et que ces programmes s'adressent essentiellement à un public relevant de la même tranche d'âge, à savoir les moins de 25 ans ;

Qu'il importe peu que la programmation de musique rap ne constitue qu'une part de l'activité des deux radios, dès lors que sur ce segment de marché, celles-ci se trouvent en concurrence directe dans une proportion d'ailleurs significative puisqu'il n'est pas contesté que le rap représente 60 % de la diffusion de Skyrock et 38 % de celle d'Ado FM ;

Que la présence sur ce marché d'autres opérateurs, comme Europe 2, Fun Radio, Voltage et Vitamine, est toute aussi inopérante, comme l'est également la différence de secteur géographique de diffusion puisque si Skyrock, à l'inverse d'Ado FM, diffuse sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette zone couvre nécessairement la région Ile de France, ce qui représente un public potentiel de quelques 8 millions de personnes ;

Que la différence de statut des deux parties en présence, l'un associatif, l'autre commercial, n'est pas davantage pertinente dès lors qu'en dépit d'une nature, d'un fonctionnement et de financements différents, elles diffusent, sur un même segment de marché, des programmations identiques pour une part sensible de leurs activités ;

Que le moyen tiré d'une prétendue absence de situation de concurrence " restreinte " est autant dépourvu de pertinence qu'il est mal fondé et doit donc être écarté ;

Sur les griefs formulés par Skyrock :

Considérant que Skyrock soutient qu'en abreuvant ses auditeurs de messages et de jingles assénant, de façon erronée, que telle musique est l'une de ses découvertes, ou que telle autre est uniquement diffusée sur ses antennes, Ado FM accrédite, dans l'esprit du public, l'idée selon laquelle les autres stations concurrentes ne diffuseraient pas tel titre ou n'aurait pas découvert tel autre, ou alors ne le diffuserait qu'après l'avoir découvert grâce à Ado FM ; qu'elle reproche à celle-ci d'usurper ainsi des qualités de programmations qui ne sont pas les siennes mais qui sont le propre de sa station ; qu'étant reconnue, en raison des particularités de sa ligne éditoriale, comme la station la plus écoutée dans le domaine musical du rap concerné, elle estime que les messages erronés d'Ado FM la visent indirectement mais nécessairement et constituent tout à la fois une concurrence déloyale et un acte de dénigrement ; que ce dénigrement se trouve, selon elle, par ailleurs renforcé par les déclarations faites dans la presse spécialisée par les responsables ou programmateurs d'Ado FM qui se positionnent uniquement par rapport à elle et lui reprochent fallacieusement de copier leur radio ;

Considérant que pour s'opposer à ces prétentions, Ado FM conteste le caractère probant de l'étude Ipsos-Aircheck produite par Skyrock à l'appui de ses dires et en dénonce le caractère erroné ; qu'elle soutient que ses programmes n'ayant été " pigés ", c'est-à-dire enregistrés de façon continue, qu'à compter du 1er octobre 1998, l'étude statistique d'IPSOS, qui porte sur la période du 24 février 1998 au 4 mars 1999, n'est pas significative ; qu'elle ajoute que Skyrock, à qui il appartient de rapporter la preuve de l'antériorité de ses diffusions, se trouve de ce fait dans l'impossibilité de le faire ; qu'elle prétend également que le procès-verbal d'huissier concernant le programme radiophonique des 12 et 13 mars 1999, qui cite par extraits les déclarations des animateurs et les jingles diffusés sur ses antennes, comporte des erreurs grossières et se trouve contredit par l'audition des cassettes enregistrées à partir desquelles les constatations ont été effectuées ; qu'elle prétend encore que sept des huit manquements retenus par le tribunal ne sont pas fondés pour en déduire que le comportement déloyal qui lui est reproché n'est pas caractérisé ; qu'elle conteste enfin le caractère dénigrant des propos tenus dans la presse, destinés aux professionnels, soulignant que ces propos ne font que reprendre l'évolution des deux radios ;

a) Sur la valeur probante des pièces produites par Skyrock :

Considérant que les critiques émises par Ado FM sur le caractère non probant des pièces produites par Skyrock sont dépourvues de pertinence qu'en effet, l'étude Ipsos versée aux débats n'a nullement pour objet d'établir, comme le prétend à tort Ado FM, que l'exclusivité et la primauté serait l'apanage de Skyrock, ce que n'allègue nullement cette dernière, mais démontrer que la primauté et l'exclusivité revendiquées par Ado FM, depuis le 1er octobre 1998, sur ses ondes, au travers de ses annonces et de ses jingles, sont, pour certains titres, parfaitement erronées ; que le fait que la société Ado FM n'ait été " pigée " qu'à compter du 1er octobre 1998, n'ôte pas à l'étude Ipsos son caractère probant puisque les seuls griefs opposés sont tous postérieurs à cette date ; qu'il appartenait à Ado FM, dès lors que l'antériorité de la diffusion de Skyrock se trouvait établie, de rapporter la preuve contraire par la production des relevés de son " sélector " où, à l'instar des autres radios, elle est tenue d'enregistrer la date d'entrée des disques qu'elle diffuse, ce qu'elle n'a pas fait ni même jamais proposé de faire ;

Qu'Ado FM ne saurait davantage critiquer la force probante des constatations effectuées par l'huissier, lesquelles se trouvent confortées par les enregistrements magnétiques à partir desquels elles ont été effectuées, produits dans leur intégralité aux débats, les erreurs matérielles qui auraient été commises quant à l'énoncé d'un titre ou un horaire, mais parfaitement vérifiables en se reportant aux enregistrements, n'étant pas de nature à remettre en cause la caractère probant desdites constatations ; que l'assistance du responsable de Skyrock dont a pu bénéficier l'huissier lors de ses constatations objectives et fidèlement transcrites, n'est pas de nature à affecter la validité des opérations de constat ;

Que le moyen tenant à l'absence de valeur probante des pièces communiquées par l'intimée doit donc être écarté ;

b) Sur les griefs opposés :

Considérant, comme l'a exactement analysé le tribunal, qu'en présentant sur son antenne les titres " Bisso Na Bisso ", le 13 mars 1999, " 79 à 99 " de Passi et Jacky des Negs Marrons, le 8 février 1999, et " TLC no scrubs " ... le 19 février 1999, respectivement accompagnés des annonces " découvert en premier chez nous ", " Ado la Hip-Hop radio de Paris, entendu en premier chez nous, et c'est sur Ado 97.8 et nulle part ailleurs " alors qu'il est constant que ces titres avaient été antérieurement diffusés par Skyrock, Ado FM a faussement laissé accroire à ses auditeurs qu'elle était la première, et pour le dernier titre la seule, à diffuser ces titres sur ses ondes ;

Considérant, par ailleurs, qu'en diffusant les jingles " nouvelle rafale Hip-Hop seulement sur Ado ... écoute ", " écoute, écoute, nouvelle tuerie Hip-Hop d'abord sur Ado 97.8, get get the bomb uniquement sur Ado " suivis de titres qui, comme " La fin du monde ", du groupe Nap, le 25 février 1999, au demeurant non diffusé, " Girifriend, Boyfriend " du groupe Blackstreet, le 19 février 1999, " Animalement vôtre " du groupe La Cliqua, le 25 février 1999, " No scrubs " du groupe TLC, le 13 mars 1999, " I'll be that ", le 4 mars 1999, " 79 à 99 " le 8 février 1999, dont il est constant qu'ils ont été antérieurement diffusés par Skyrock, Ado FM procède de manière identique que précédemment, dans la mesure où les termes " uniquement " et " seulement " associés aux adjectifs nouveau ou nouvelle, accrédite la thèse d'une première et/ou exclusive diffusion dont le mérite appartient à Skyrock ;

Que le jingle " 52 minutes de Hip-Hop, 52 minutes de son toutes les heures uniquement sur Ado " suivi du titre " Home Alone " par son ambiguïté, laissant accroire à l'auditeur moyennement attentif que l'adjectif " uniquement " se rapporte, non aux 52 minutes de diffusion de musique en continu mais au titre même dont la diffusion est immédiatement annoncée, apparaît tout aussi critiquable ;

Considérant que le tribunal a estimé, à juste titre, que la réitération à de multiples reprises d'annonces et de slogans, dont il était établi qu'ils étaient erronés, caractérisait des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la radio Skyrock, principale intéressée puisque la primauté des titres ou l'exclusivité lui en revenait ; qu'il importe peu que Skyrock ne soit pas la seule radio concernée dès lors qu'elle se trouve affectée par ce comportement déloyal ; que celui-ci a nécessairement eu pour objet ou peut avoir pour effet de détourner partie de la clientèle au profit d'Ado FM, celle-ci s'attribuant le mérite d'une programmation appartenant à des radios concurrentes ; que l'atteinte qui en résulte pour Skyrock est d'autant plus patente que celle-ci s'est accompagnée dans la presse spécialisée de propos tenus par les responsables ou animateurs de la radio Ado FM directement dirigés contre Skyrock à qui ils reprochent de la copier ;

Que pour échapper aux griefs formulés à son encontre Ado FM ne peut sérieusement, invoquer le fait que les autres opérateurs utilisent également les mêmes termes " seulement ", " uniquement ", " pour la première fois " dans le cadre de leur programmation, sans démontrer, comme il l'a été fait en ce qui la concerne, que ces termes auraient été utilisés de façon erronée ; qu'elle ne peut davantage soutenir que des titres, comme " 79 à 99 " ou " rap, musique que j'aime ", auraient été diffusés dans une version spécifique, le seul fait d'avoir été précédés d'une dédicace personnalisée de l'interprète à l'attention d'Ado FM ne conférant pas à l'œuvre un caractère distinct de celles antérieurement diffusées ; qu'elle est encore mal fondée de soutenir que les jingles ne viseraient que l'enchaînement spécifique des titres et non chaque titre en lui même, l'auditeur moyen étant nécessairement conduit à attribuer la nouveauté et/ou l'exclusivité revendiquée au titre qu'il entend immédiatement après une telle annonce, et non à l'enchaînement desdits titres ;

Considérant enfin qu'Ado FM ne peut valablement prétendre que Skyrock remettrait dangereusement en cause, par les griefs qu'elle formule, l'animation radiophonique en général en interdisant l'utilisation de jingles basiques pour présenter une programmation, dès lors que seul le caractère systématiquement erroné de ces jingles ou leur particulière ambiguïté est concernée ;

Qu'elle soutient, à tort, qu'elle se serait contentée d'utiliser l'hyperbole, à l'instar de la publicité, les annonces et les jingles dénoncés, dont la teneur a été ci-dessus évoquée, se distinguant, non en raison d'une quelconque emphase ou exagération verbale, mais en raison de leur caractère fallacieusement contraire à la réalité, répétés à longueur de journée ;

Que si elle est fondée à opposer à Skyrock, pour la première fois devant la Cour, les propres fautes que celle-ci auraient commises à son encontre, à l'effet de démontrer le caractère particulièrement anodin des griefs formulés, elle ne saurait valablement prétendre que la demande de dommages-intérêts qui l'accompagne, formulée pour la première fois devant la Cour serait recevable, par application de l'article 566 du nouveau Code de procédure civile, une telle demande n'étant nullement virtuellement comprises dans les demandes et défenses qu'elle a soumises aux premiers juges et ne constituant nullement l'accessoire ou le complément de la défense présentée en première instance ;

Qu'il convient d'observer que sur les quatre fautes invoquées, les 22, 23 mai et 4 juin 1999, seule l'annonce diffusée le 23 mai 1999 par Skyrock est erronée ; que le caractère ponctuel de cette erreur ne permet pas d'établir le caractère anodin des annonces ou jingles qui ne correspondrait pas à la réalité mais ne font que renforcer le caractère déloyal de la répétition d'annonces et de jingles mensongers imputable à Ado FM ; qu'aucun des trois autres griefs formulés, que ce soit pour le titre " Sexion Vip ", improprement dénommé " Vif ", pour le titre " Holiday " présenté comme diffusé pour la première fois sur Sky et non comme une nouveauté, ou pour le titre " on lâchera pas l'affaire " dont l'antériorité Skyrock est avérée, n'est établi ;

Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale à l'encontre d'Ado FM ;

Sur la réparation du préjudice de Skyrock :

Considérant que pour solliciter, par voie d'appel incident, la somme de 1 000 000 F de dommages-intérêts, Skyrock invoque le déficit d'image qui lui est créé auprès des annonceurs dans le créneau rap qui est le sien, ainsi que le détournement, par Ado FM, des investissements qu'elle a entrepris pour la découverte de nouveaux talents, assumant seule les frais de lancement et les risques que comporte une telle entreprise ; qu'elle invoque également le mécontentement formulé par certains auditeurs, notamment par e-mail, en raison du climat de suspicion crée par Ado FM ; qu'en raison de la campagne entreprise les 4 et 5 juin 1999 par Ado FM au cours de laquelle celle-ci l'a dénigrée, elle s'estime fondée à solliciter l'octroi d'une indemnité complémentaire de 1 500 000 F ;

Mais considérant que la somme de 200 000 F allouée par les premiers juges à Skyrock est de nature à réparer exactement et entièrement le préjudice qui s'infère des actes de concurrence déloyale ci-dessus relevés, en ce compris ceux qu'Ado FM a pu commettre avant le procès de première instance en se plaignant de la procédure initiée par Skyrock sur ses ondes ou sur Internet, alors que les juges ne s'étaient pas encore prononcés ;

Que la publicité qui doit être donnée à la présente affaire, doit être strictement limitée à la publication dans la presse écrite, dans 3 journaux ou revues au choix de Skyrock, aux frais d'Ado FM dans la limite d'une somme globale de 60 000 F, telle qu'ordonnée par le tribunal, sous réserve de faire mention du présent arrêt ;

Qu'il n'y a lieu d'ordonner ou d'autoriser la diffusion d'un quelconque communiqué sur les antennes respectives des deux radios en présence, cette mesure n'apparaissant pas justifiée ;

Que l'interdiction faite à Ado FM de la poursuite de ses agissements, doit également être confirmée, sous réserve de l'astreinte qu'il convient de porter à la somme de 20 000 F par infraction constatée, la Cour se réservant la faculté de procéder à la liquidation de celle-ci ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il convient, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, d'allouer à Skyrock une indemnité de 150 000 F pour ses frais irrépétibles en cause d'appel en sus de la somme qui lui a été allouée devant les premiers juges ;

Qu'Ado FM qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de la demande qu'elle a formulée à ce titre, ainsi que de la demande de dommages-intérêts et de mesures de publication pour procédure abusive et désorganisation de son bon fonctionnement ;

Par ces motifs :

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a retenu à l'encontre de l'Association Radio Ado, exploitant le service de radiodiffusion sonore Ado FM (97.8) l'existence d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Vortex, exploitant le service de radiodiffusion sonore Skyrock, a fait interdiction à l'association Radio Ado de poursuivre ses agissements, l'a condamné à payer à la société Vortex la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts et 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Le réformant sur le surplus,

Dit que la mesure d'interdiction sera assortie d'une astreinte de 20 000 F par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, la Cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

Autorise la publication du présent arrêt dans trois journaux ou revues au choix de la société Vortex aux frais de l'association Radio Ado, le coût global de ces insertions ne pouvant excéder à la charge de cette dernière la somme de 60 000 F ;

Dit l'association Radio Ado irrecevable devant la Cour en sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale commise les 22, 23 mai et 4 juin 1999 ;

Condamne l'association Radio Ado à payer à la société Vortex la somme de 150 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande et prétentions ;

Condamne l'association Radio Ado aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.