CA Paris, 14e ch. B, 16 juin 2000, n° 2000-01797
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Förch (SA)
Défendeur :
Berner (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cuinat
Conseillers :
MM. André, Valette
Avoués :
Me Baufumé, SCP Monin
Avocats :
Mes Bastian, Heintz.
La SA Förch a relevé appel d'une ordonnance de référé du 22 décembre 1999 rendue par le président du Tribunal de commerce de Joigny qui, faisant droit à la demande de la SARL Berner a notamment :
- rejeté les exceptions d'incompétence soulevées in limine litis;
- constaté, dit et jugé que :
-- la société Förch s'est livrée à des agissements déloyaux en débauchant massivement plus de 40 salariés commerciaux de la branche automobile de la société Berner, expérimentés et formés, en centrant spécifiquement son choix sur les équipes les plus rentables, en l'appuyant sur des offres de rémunération supérieure, en utilisant des contrats de travail copiés sur ceux de la société Berner, en détourant des listes et fichiers propres à la société Berner, en éludant directement ou indirectement les clauses de non-concurrence auxquelles sont tenus les salariés démissionnaires de la société Berner;
-- la société Berner souffre d'une désorganisation interne du fait des agissements de la société Förch en raison notamment du démantèlement de secteurs complets et les plus rentables, d'une baisse du chiffre d'affaires sur ces secteurs, d'une inquiétude grandissante des salariés restants;
-- que ces pratiques constituent un trouble manifestement illicite et un dommage imminent pour la société Berner;
- en conséquence condamné la société Förch à cesser toute action de débauchage à l'égard de la société Berner et, en conséquence, interdit à la société Förch :
-- de faire à l'avenir des offres à des salariés de Berner moins de six mois après leur départ de cette société, sous astreinte de 500.000 F par infraction constatée ;
-- d'utiliser des documents confidentiels de la société Berner, sous astreinte de 100.000 F par infraction constatée ;
- constaté, dit et jugé que les actes de concurrence déloyale de la société Förch ont d'ores et déjà causé un préjudice à la société Berner qui est supérieur à 2.000.000 F et, en conséquence, condamné la société Förch à payer à titre provisionnel une somme de 2.000.000 F à la société Berner;
- pour le surplus, désigné M. François Montenot, expert près la Cour d'appel, pour effectuer, avec toute la confidentialité requise à l'égard des parties, la mission de :
-- se rendre chez les sociétés Förch et Berner et en tout autre lieu utile, se faire communiquer tout document utile, entendre tous sachants, s'adjoindre tout sapiteur dans une discipline autre que la sienne,
-- décrire les conditions matérielles du recrutement de l'ensemble des salariés de Förch, décrire les conditions de rémunération de chacun des salariés de Förch recruté chez Berner et les comparer avec les rémunérations perçues antérieurement par ces mêmes salariés,
-- décrire les secteurs géographiques et de clientèle attribués à chaque salarié de Förch.
-- rechercher la clientèle travaillée pour chaque salarié de Förch et le détail du chiffre d'affaires réalisé pour chaque client et par secteur,
-- fournir à la juridiction qui sera saisie tous éléments permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par Berner du fait de Förch, de ses salariés ou actionnaires,
-- répondre aux dires des parties;
- dit que l'expert remettra son rapport dans le délai maximum de 3 mois à compter de sa saisine, et, en cas de difficultés dans l'accomplissement de sa mission, en saisira le juge qui l'a désigné;
- fixé à 100.000 F le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au greffe par la société Berner, dans la quinzaine de la notification qui lui sera faite ;
- condamné la société Förch à payer à la société Berner la somme de 100.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, la SA Förch expose par dernières conclusions du 12 mai 2000 que la société Berner s'est saisie de trompeuses apparences nées en réalité de ses propres défaillances, pour prétendre fallacieusement à une déloyauté de Förch et tenter de l'évincer du marché; elle dénie tout débauchage fautif et invoque le taux habituel de fluctuation du personnel, aggravé par une segmentation nouvelle du marché imposée par Berner à ses salariés et réduisant leur revenu, ainsi que par la mise en service d'un nouveau centre logistique qui s'est avéré préjudiciable aux commerciaux, provoquant une migration inévitable des personnels concernés, avec un effet d'entraînement mutuel auquel la société Förch est étrangère.
Elle soulève à nouveau l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Joigny comme étant celui du domicile du demandeur, sans que l'article 46 alinéa 3 du NCPC puisse s'appliquer au titre du lieu du fait dommageable ou du lieu du dommage subi, dès lors que ces dispositions doivent être appliquées restrictivement et que le lieu où le dommage a été subi ne doit pas être assimilé à celui où ont pu être mesurées les conséquences financières des agissements allégués ; elle précise que, même au regard de l'article 79 du NCPC, son exception d'incompétence n'est pas dépourvue d'intérêt pour dissuader la société Berner de tenter de poursuivre l'instance au fond devant la juridiction de son propre domicile, à l'encontre de la compétence de principe qui est celle du domicile du défendeur; elle estime qu'aucun élément constitutif du délit prétendu n'est localisé au siège social de la société Berner avec la force et l'évidence nécessaires pour faire échec à l'un des principes majeurs de la procédure civile.
Elle soulève aussi l'incompétence matérielle du juge des référés, en l'absence d'urgence ou de dommage imminent, et le trouble allégué n'étant pas "manifestement" illicite. Elle excipe enfin d'une contestation sérieuse, le fait d'ordonner une expertise sur les conditions de recrutement, de rémunération et d'attributions des salariés montrant que des interrogations subsistent à tous ces égards. Elle invoque la liberté constitutionnelle du travail et celle du commerce et de l'industrie, qui ont pour corollaire la libre concurrence, laquelle postule la licéité du préjudice concurrentiel ; elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute, le débauchage massif n'étant pas en lui-même déloyal et aucun moyen anormal n'ayant été mis en œuvre pour recruter les anciens salariés de Berner, outre que les clauses de non-concurrence s'avèrent excessives et en tout état de cause n'ont pas été transgressées puisque les salariés concernés ont eu une configuration d'activité différente ; elle estime que l'existence du dommage pas plus que le lien de causalité avec la faute alléguée ne sont établis, y compris par les conclusions provisoires de l'expert. Elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance et prie la Cour de :
- vu l'article 46 du NCPC, dire le Tribunal de commerce de Joigny territorialement incompétent, au profit de celui de Montereau ;
- évoquer l'entier litige et, vu les articles 872 et 873 du NCPC, ainsi que les articles 1382 et 1383 du code civil, débouter la société Berner de l'ensemble de ses demandes, ce y compris son appel incident, après avoir notamment :
-- principalement, constaté l'absence de faute susceptible de caractériser une concurrence déloyale de la part de la société Förch,
-- subsidiairement, constaté l'absence de preuve d'un dommage et d'un lien de causalité susceptible d'engager la responsabilité de la société Förch,
-- en tout état de cause, constaté la contestation sérieuse des allégations et demandes de la société Berner et l'absence d'urgence ;
- condamner la société Berner à lui payer la somme de 500.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL Berner, intimée, fait valoir par conclusions du 119 avril 2000 que la société Förch s'est effectivement livrée à des actes de concurrence déloyale caractérisés qui ont provoqué une désorganisation interne de Berner, et invoque un faisceau d'indices qu'elle estime probant à cet égard, d'autant que la plupart de ces indices sont renforcés par le rapport préliminaire d'expertise déposé le 6 avril 2000 et par l'enquête clôturée en avril 2000 par le Parquet, suite à la plainte déposée par elle contre Förch.
Elle soutient que les agissements déloyaux de Förch ne se limitent pas à un débauchage massif, sélectif et programmé, mais ont été également accompagnés de dénigrement, d'offres d'embauche à des conditions supérieures et appuyées sur des contrats copiés sur ceux de Berner, des détournements de fichiers confidentiels, et de reconstitution d'équipes identiques au mépris de la clause de non-concurrence des intéressés. Elle conclut en priant la Cour de bien vouloir :
- se faire communiquer une expédition des documents de l'enquête préliminaire diligentée par le Parquet de Sens et enregistrée sous le numéro 1999-0913, et particulièrement les pièces 6, 13, 24, 25, 28, 31, 34, 36, 37, 49 ;
- débouter la société Förch de toutes ses demandes ;
- constater, dire et juger que Förch s'est livrée à des actes de concurrence déloyale caractérisés, qui ont provoqué une désorganisation interne de Berner ;
- confirmer l'ordonnance en toutes les dispositions déjà prises par le premier juge ;
- la réformer partiellement afin de condamner Förch :
-- à cesser toute relation avec les salariés qu'elle a débauchés de Berner, sous astreinte de 1.000.000 F par infraction constatée,
-- à payer à Berner, à titre provisionnel, la somme de 3.000.000 F ;
- y ajoutant, condamner Förch à payer à Berner la somme de 300.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'aux termes de l'article 46 du NCPC, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
Qu'il s'avère en l'espèce que l'un des cadres de Berner, M. Roucayrol, atteste avoir été sollicité par téléphone à son bureau du siège social, par MM. Vincelot et Da Silva, chefs régionaux des ventes, démissionnaires et passés au service de Förch;
Qu'il est en outre manifeste et incontestable que le dommage essentiel allégué par la société Berner a été subi à son siège social, s'agissant de la désorganisation profonde de sa division véhicules industriels, laquelle a vu ses résultats économiques et financiers compromis, tandis que le recrutement hâtif et la formation accélérée de nouveaux représentants ont dû être réalisés ainsi que l'expert l'a relevé dans son rapport intermédiaire du 11 avril 2000 ;
Qu'il s'ensuit que la société Berner a pu, en l'espèce, valablement exercer l'option protectrice de la victime d'actes délictuels ou quasi-délictuels offerte par l'article 46 alinéa 3 du NCPC en engageant son action devant le tribunal du lieu du fait dommageable autant que du dommage subi;
Considérant qu'il est constant que les parties sont en concurrence sur le marché de la distribution directe de matériel d'outillage, principalement aux professionnels de l'automobile et du bâtiment; que leur force de vente est constituée de salariés VRP formés en équipes animées par un responsable et chargées d'un secteur géographique, tandis que des cadres sédentaires assurent la direction depuis le siège social;
Que la SARL Berner, filiale d'une société allemande du même nom, est établie en France depuis 1969, son siège social se trouvant dans l'Yonne, dans le ressort du Tribunal de commerce de Joigny ; que, sur un effectif de plus de 1.000 salariés, elle emploie environ 750 représentants, résidant en général dans leur secteur géographique de prospection, dont environ 400 pour la seule branche automobile, objet du présent litige;
Qu'un cadre dirigeant de Berner, M. Kirschenlohr, directeur du service central des achats depuis 1994 puis du marketing technique et membre du comité de direction jusqu'à son licenciement le 10 septembre 1998 - accompagné d'un accord transactionnel du 15 octobre 1999 - a été embauché par la SA Förch, filiale du Groupe allemand concurrent Förch, à la constitution de laquelle il a participé en février 1999, son siège social étant provisoirement établi au domicile de M. Kirschenlohr à Avon en Seine-et-Marne;
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que, après le licenciement de M. Kirschenlohr et sa participation à la création de la filiale française du Groupe Förch, son ancienne assistante chez Berner, Mme Perruchet, a également quitté Berner le 5 février 1999 pour rejoindre la SA Förch, laquelle n'a été immatriculée au RCS que le 12 avril 1999 ; que le chef des produits de Berner, M. Pardoens, a quitté cette société le 29 mars 1999, pour rejoindre Förch ; que 52 démissions ont ensuite, à partir de l'été 1999, été enregistrées chez Berner, dans la branche automobile et sa division véhicules industriels, à raison de 10 démissions sur 14 membres de l'équipe commerciale chargée de la région Normandie, de 10 personnes sur 15 pour la région Rhône-Alpes, de 11 sur 16 pour la région méditerranée, de 4 sur 11 pour le Nord-Picardie et de 7 sur 14 pour la Lorraine-Champagne;
Que l'expert désigné par le premier juge, M. Montenot, précise dans son "rapport intermédiaire" du 11 avril 2000 que les 52 salariés ainsi partis chez Förch - dont 40 sur la période de septembre à novembre 1999 - représentent 45 VRP, 4 chefs régionaux des ventes et 3 salariés sédentaires;
Qu'il s'avère à l'évidence que, même rapportée aux 325 personnes représentant - selon la société Berner - l'effectif moyen de sa branche automobile, une telle proportion de personnels commerciaux quittant cette société pour être embauchés par Förch, concentrés de surcroît sur quelques équipes commerciales et dans un espace de quelques mois, ne peut que désorganiser gravement la société qui le subit;
Qu'il y a lieu de retenir ces chiffres en eux-mêmes, outre que les attestations fournies de part et d'autre montrent que l'initiative est venue de Förch dans la plupart des cas, même si des raisons internes à la société Berner ont également poussé certains de ses salariés à proposer leur candidature à Förch;
Que l'Expert, qui a comparé minutieusement les rémunérations des personnels concernés, chez Berner puis chez Förch, relève que près de la moitié reçoivent une rémunération supérieure de 15 % à celle qu'ils percevaient chez Berner; que l'augmentation moyenne atteint 36 % pour les 4 chefs de région concernés;
Qu'en tout état de cause, le nombre de salariés concernés et la simultanéité de leur départ caractérisent le débauchage, alors même que la SA Förch venait de se constituer avec la participation active de M. Kirschenlohr et, voulant s'implanter sur le marché, a manifestement cherché à prélever chez Berner - compte tenu de la connaissance qu'en avait acquise ledit M. Kirschenlohr - des VRP déjà formés et aptes à lui procurer rapidement de bons résultats commerciaux, et ce, en centrant son débauchage sur la branche automobile et principalement sur la division véhicules industriels constituant le secteur le plus rentable;
Que l'Expert a également observé, à quelques exceptions près, un maintien chez Förch des anciens secteurs géographiques, réduits ou majoritairement élargis, pour les anciens salariés de Berner, ce que la société Förch admet du reste dans ses écritures;
Que Förch excipe vainement du pourcentage de rotation des VRP qu'elle prétend être de 15 à 20 % dans ce type d'activité et atteindre 30 % chez Berner à la suite des erreurs de management de la direction, alors que la concentration des départs dans les équipes commerciales concernées montre précisément que ce taux - à le supposer exact - était très largement dépassé pour les secteurs géographiques principalement affectés;
Considérant qu'il est également établi que Förch a, au soutien du débauchage pratiqué, employé la copie des contrats de travail de Berner, les paragraphes étant généralement repris à l'identique, facilitant ainsi l'acceptation des personnels sollicités et réalisant pour Förch une économie substantielle pour l'élaboration desdits contrats;
Qu'il ressort également d'une ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes de Louviers du 14 février 2000 obtenue par la société Berner que l'un de ses VRP, M. Delhaye, a été embauché par Förch et affecté sur le même secteur de vente, en violation de la clause de non concurrence qu'il aurait dû observer pendant un an ;
Qu'en ce qui concerne l'utilisation par Förch de documents confidentiels de la société Berner, il résulte du constat d'huissier autorisé sur requête et effectué au siège de Förch le 10 décembre 1999, que s'y trouvaient deux documents de la société Berner; qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit du Code NACE constitué par une nomenclature européenne enrichie par Berner et donnant le détail de sa clientèle en France, avec notamment pour chaque marché, sur trois années, le chiffre d'affaires réalisé, le nombre de clients et la marge brute; que le caractère stratégique et confidentiel de ce document apparaît évident; qu'il en est de même pour l'analyse du chiffre d'affaires, du prix de vente et des marges brutes, portant sur les exercices 97 et 98 des principales familles d'articles de Berner ainsi que du listing Berner de comparaison de chiffres d'affaires par articles, également trouvés par l'huissier au siège social de Förch;
Considérant que la société Förch ne peut prétendre valablement que le fait d'ordonner une expertise prouverait qu'il existe une contestation sérieuse, alors que le premier juge, à juste titre, a d'abord caractérisé les actes de concurrence déloyale, puis a dit que ceux-ci ont d'ores et déjà causé un préjudice à la société Berner qu'il a estimé supérieur à 2.000.000 F, avant de condamner en conséquence ladite société à payer cette somme par provision, l'expertise n'étant ordonnée qu'ensuite, afin - comme le précise in fine la mission donnée à l'expert - de "fournir à la juridiction qui sera saisie tous éléments permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par Berner du fait de Förch, de ses salariés ou actionnaires" ; que la mission donnée à l'expert n'est pas autrement critiquée;
Qu'enfin, il n'apparaît pas nécessaire de demander au Parquet de Sens communication de l'enquête préliminaire effectuée à la suite de la plainte déposée par la société Berner, dès lors que la Cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour statuer;
Considérant qu'au vu de ces éléments d'appréciation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres arguments avancés ou combattus par les parties, il apparaît avec l'évidence requise en référé que la société Förch qui venait de se constituer en France, s'est livrée à l'encontre de la société Berner qu'elle venait concurrencer, à un débauchage massif de VRP expérimentés et de 4 chefs régionaux des ventes, qu'elle a utilisé des documents commerciaux stratégiques et confidentiels de Berner qu'elle est parvenue à se procurer par l'entremise des personnels débauchés - outre le recrutement de M. Kirschenlohr, ancien dirigeant de Berner qui venait d'être licencié - et qu'elle a copié manifestement les contrats de travail de sa rivale;
Que de tels agissements, qui par leur ampleur et leur réalisation dans un laps de temps de trois mois pour 40 des 52 départs désorganisent à l'évidence l'entreprise qui les subit, caractérisent la concurrence déloyale et justifient les mesures d'interdiction ordonnées pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte et dont la société Förch prétend vainement que l'illicéité ne serait pas "manifeste" alors que le principe de libre concurrence qu'elle invoque trouve précisément ses limites dans la déloyauté des agissements relevés à son encontre;
Qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a statué comme il l'a fait et a notamment pris à l'encontre de la société Förch diverses mesures d'interdiction sous astreinte ; que l'ordonnance entreprise sera donc confirmée à cet égard;
Considérant que la mesure d'interdiction supplémentaire sollicitée par la société Berner dans son appel incident et visant à condamner Förch, sous astreinte de 1.000.000 F par infraction constatée, à cesser toute relation avec les salariés qu'elle a débauchés de Berner, s'avère manifestement excessive dans ses conséquences alors qu'elle peut se résoudre en indemnités que les juges du fond pourront apprécier au vu du rapport d'expertise définitif; qu'elle sera donc écartée;
Qu'en revanche et au vu des éléments apportés par l'Expert dans son rapport intermédiaire du 6 avril 2000, il y a lieu de retenir le préjudice subi par Berner à la fois du fait des frais de recrutement et de formation imposés par la reconstitution de sa force de vente et du fait de l'importance du chiffre d'affaires dont elle a été privée par le débauchage de ses VRP les plus performants, de sorte que la demande complémentaire de provision, visant à porter à 3.000.000 F la somme de 2.000.000 F accordée par le premier juge, n'apparaît pas sérieusement contestable; qu'il convient par conséquent d'ajouter à l'ordonnance entreprise pour condamner la société Förch à ce complément de provision;
Considérant que l'équité conduit à condamner l'appelante à verser à l'intimée une indemnité compensant une partie de ses frais irrépétibles;
Par ces motifs, Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SA Förch ; Déclare la SA Förch mal fondée en son appel et l'en déboute ; Faisant droit pour partie à l'appel incident formé par la SARL Berner : Infirme l'ordonnance entreprise en sa seule disposition concernant le montant de la condamnation provisionnelle mise à la charge de la SA Förch ; Statuant à nouveau de ce chef : Condamne la SA Förch à payer à la SARL Berner une provision de 3.000.000 F, Confirme, en toutes ses autres dispositions, l'ordonnance entreprise, Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'interdiction supplémentaire formée par la SARL Berner ; Condamne la SA Förch à verser à la SARL Berner la somme supplémentaire de 60.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; La condamne également aux dépens d'appel ; admet la SCP Monin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.