Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-10.895
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gréaux ; AMTM (Sté)
Défendeur :
Société Manutention Transport Agence (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Attendu qu'employé de la Société manutention transports agence (SMTA) dont l'objet est notamment la manutention portuaire et extraportuaire et le transport par voie maritime et terrestre, M. Jean-Baptiste Gréaux a démissionné et a créé une EURL, la société AMTM, ayant la même activité ; que se plaignant de concurrence déloyale par désorganisation, débauchage de ses salariés et détournement de clientèle, la SMTA a assigné M. Gréaux et la société AMTM en réparation de son préjudice ; que, par jugement du 5 juillet 1995, le tribunal mixte de Basse-Terre a condamné in solidum M. Gréaux et la société AMTM à payer à la SMTA des dommages-intérêts et une indemnité de procédure ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Attendu que M. Gréaux et la société AMTM font grief à l'arrêt (Basse-Terre, 27 octobre 1997) d'avoir jugé qu'ils s'étaient livrés à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SMTA et de les avoir condamnés à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors selon le pourvoi, que le choix d'un signe distinctif voisin de celui d'une autre société, telle que sa dénomination sociale n'est constitutif d'un acte de concurrence déloyale qu'à la condition que ce signe soit de nature à créer une confusion entre les deux sociétés auprès des personnes ayant recours à leurs services, ce risque étant écarté, notamment lorsque la dénomination choisie est suivie d'un autre nom ; qu'ainsi que le faisait valoir M. Gréaux et la société AMTM dans leurs conclusions d'appel, tout risque de confusion était écarté, concernant la dénomination de la société de M. Gréaux, dès lors qu'en premier lieu, la société SMTA avait pour seul interlocuteur la société Levalois qui dirigeait ses clients vers elle qui ne faisait aucune confusion entre les deux sociétés puisqu'elle avait désigné dans sa lettre du 25 juillet 1994, la société de M. Gréaux "JBG" et non "AMTM", en sorte qu'aucune similitude avec la dénomination de la SMTA ne permettait d'entretenir une confusion dans son esprit (conclusions déposées le 13 décembre 1995, page 57), et qu'en second lieu, il résultait des connaissements régulièrement produits aux débats que la désignation de la société AMTA était suivie de la mention "Jean-Baptiste G", ce qui excluait toute confusion avec la société dénommée SMTA ; qu'en estimant néanmoins que la dénomination sociale AMTM est constitutive d'un agissement déloyal sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'utilisation de la dénomination JBG pour désigner la société de M. Gréaux par l'unique intermédiaire mettant en relation les clients et les sociétés de dégroupage et de manutention et la désignation aux connaissements de cette société sous la dénomination "AMTM/Jean- Baptiste G" n'était pas de nature à exclure tout risque de confusion entre les sociétés SMTA et AMTM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par un motif non critiqué, qu'en faisant louer par la société qu'il avait fondée les anciens locaux de son précédent employeur, M. Gréaux avait entretenu un risque de confusion entre les deux établissements, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur la deuxième branche du moyen unique : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour décider que M. Gréaux et la société AMTM s'étaient rendus coupables du débauchage de deux salariés, l'arrêt retient que M. Gréaux a débauché un chauffeur manutentionnaire, et un manutentionnaire, et que ces deux salariés secondaient M. Gréaux au sein de la SMTA , laquelle a donc perdu, en quelques mois, sur ses six salariés outre M. Gréaux, deux autres salariés qui occupaient des fonctions essentielles eu égard aux activités de l'entreprise, perte qui ne pouvait que provoquer sa désorganisation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si eu égard à la faible qualification des salariés, la SMTA n'était pas en mesure de procéder à leur remplacement rapide, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur la troisième branche du moyen unique : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour décider que M. Gréaux et la société AMTM s'étaient rendus coupables de détournement de clientèle, l'arrêt retient qu'il est établi que M. Gréaux a démarché pour son propre compte, des clients de la société SMTA alors qu'il était encore salarié, en se faisant livrer le 23 juillet 1994, soit le lendemain de l'expiration de son préavis, deux containers expédiés le 9 juillet 1994, les connaissements relatifs à ce transfert étant émis le même jour et qu'il est également démontré, au vu des pièces du dossier et plus spécialement d'un fax de CGM Interline du 26 août 1994 et d'une carte de visite de la société AMTM que cette dernière est devenue, dès le départ de M. Gréaux, le nouveau représentant et le nouvel agent des principales sociétés clientes de la SMTA ;
Attendu qu'en statuant par ces motifs qui ne font que constater le transfert de la clientèle de la première société vers la deuxième, sans caractériser des actes positifs de détournement de clientèle imputables à M. Gréaux et à la société AMTM, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que M. Gréaux et la société AMTM avaient commis des actes de concurrence déloyale par débauchage et détournement de clientèle, l'arrêt rendu entre les parties le 27 octobre 1997 par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.