Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-17.340
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Armor équipement scientifique laboratoire (Sté)
Défendeur :
Jalenques ; Interscience (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin, Benabent
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris 27 mars 1998), que M. François Jalenques est titulaire de la marque "ensemenceur spiral", qui désigne un appareil destiné au dénombrement rapide de culture microbienne, dont il a concédé l'exploitation à la société Interscience ; que s'estimant victimes d'actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale par publicité comparative illicite et inexacte qui auraient été commis par la société Armor Equipement Scientifique Laboratoire (société AES), M. Jalenques et la société Interscience ont assigné cette société en réparation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société AES fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle avait commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Interscience, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seul le rapprochement avec un produit concurrent déterminé peut constituer une faute, constitutive de concurrence déloyale, lorsque cette comparaison comporte un aspect péjoratif pour le produit en cause ; que la cour d'appel, qui a constaté que la publicité incriminée, présentait l'ensemenceur spiral de la société AES "comme étant plus rapide, plus complet, plus autonome, plus convivial et plus simple d'utilisation", sans que cette publicité comportât aucune comparaison avec un produit déterminé de la société Interscience, ne pouvait imputer à la première un acte de concurrence déloyale au préjudice de la seconde, sans violer l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'après avoir constaté, pour prononcer la nullité de la marque "ensemenceur spiral", que ces mots constituaient la désignation nécessaire d'un appareil scientifique, dans lesquels le mot "ensemenceur" désignait un appareil à ensemencer et l'adjectif "spiral" qualifiait cet ensemenceur selon une spirale, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la désignation identique des produits, pour en déduire que la publicité incriminée ne pouvait viser que le seul ensemenceur spiral de la société Interscience, sans méconnaître la portée juridique de ses constatations et violer l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin, qu'après avoir constaté que la publicité incriminée présentait l'ensemenceur spiral de la société AES comme "répondant à la norme AFNOR", ce qui signifiait seulement que l'appareil était conforme aux exigences de cette norme, la cour d'appel ne pouvait regarder cette mention comme une inexactitude fautive, en se fondant sur le fait que l'appareil n'avait pas reçu la "validation" AFNOR, sans violer l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que répondant à l'argumentation de la société AES selon laquelle les qualificatifs utilisés dans la publicité litigieuse, s'appliquaient à une comparaison avec un premier appareil dénommé "ensemenceur spiral modèle D" qu'elle aurait antérieurement commercialisé, l'arrêt constate d'une part, qu'à l'appui de ses dires, AES verse aux débats plusieurs offres de prix, dont il n'est pas établi qu'elles aient été suivies de ventes et trois factures toutes postérieures à la diffusion du document publicitaire et à l'introduction de l'instance et énonce, d'autre part, que ces pièces ne font pas la preuve que AES ait commercialisé antérieurement un modèle d'ensemenceur spiral ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont elle a déduit, par une appréciation souveraine des éléments de preuve versés aux débats, que la brochure publicitaire comparative ne pouvait que viser que l'ensemenceur spiral de M. Jalenques et la société Interscience, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que, dans la publicité litigieuse, la société AES indiquait que son produit répondait à une norme AFNOR, la cour d'appel, qui relève qu'il résulte des pièces versées aux débats que le produit ainsi commercialisé n'a pas reçu la validation AFNOR, n'a fait qu'exercer son pouvoir souverain d'appréciation des faits en retenant que cette mention constituait une inexactitude fautive constitutive de concurrence déloyale ; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société AES fait grief à l'arrêt, de lui avoir interdit sous astreinte la poursuite des actes de concurrence déloyale constatés et de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, qui a constaté, par adoption des motifs du jugement que, à la date où elle a statué, la société AES avait modifié dans le sens demandé par la société Interscience les termes de la publicité qualifiée d'actes de concurrence déloyale, ne pouvait interdire la poursuite de ces actes sans méconnaître la portée de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'indemnité allouée en réparation d'un préjudice doit être exactement mesurée sur ce préjudice ; qu'en procédant à la réparation du préjudice allégué par la société Interscience en se référant à l'équité, la cour d'appel a, pour cette raison encore, violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la circonstance que la société AES avait modifié la publicité incriminée n'étant pas de nature à empêcher la cour d'appel de prévenir le renouvellement des faits fautifs qu'elle avait constatés, celle-ci a pu à bon droit prononcer l'injonction critiquée ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs propres, que les premiers juges, compte tenu de la modification de la publicité opérée par AES et des autres éléments de la cause, ont exactement et intégralement réparé le préjudice subi par Interscience, la cour d'appel qui s'est déterminée en appréciant le montant des dommages-intérêts à raison du dommage subi par les victimes des agissements déloyaux, a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.