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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 17 mai 2000, n° 1997-23876

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Neptune (SA), Cuisine de la Mer Cuisimer (Sté)

Défendeur :

Fleury Michon (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lachacinski, Mme Régniez

Avoués :

SCP Lecharny Calarn, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Gaultier, Monegier du Sorbier.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 10 sept…

10 septembre 1997

Appartenant toutes deux au groupe Bongrain, les sociétés Neptune et Cuisine de la Mer - Cuisimer sont spécialisées dans la commercialisation des produits de la mer.

La société Neptune est propriétaire de plusieurs marques dont les trois marques complexes suivantes :

- la marque complexe n° 94.525.525, déposée le 17 juin 1994, en couleur, représentant un petit étui transparent contenant deux bâtonnets de surimi et comportant l'inscription "les Petits Coraya" en lettres bleues sur fond blanc, ainsi que la silhouette d'un crabe inscrite en transparence dans un rectangle,

- la marque complexe n° 94.525.526, déposée le 17 juin 1994, représentant un emballage en forme de sachet de bonbons, portant la dénomination, "Les Petits Coraya" en bleu sur fond blanc, avec une touche de rouge et laissant apparaître, par transparence, les produits emballés deux par deux;

- la marque complexe n° 95.598.630, déposée le 21 novembre 1995, caractérisée par un "emballage type sachet de bonbons portant la marque "Les Petits Coraya", en rouge et bleu sur fond blanc et bleu ciel, laissant apparaître les produits emballés par deux à l'intérieur - Dénomination Mini-Snacks dans un cercle de couleur bleu marine séparant des rayures de même couleur",

pour désigner les produits suivants : Poisson, mollusques comestibles (non vivants), crustacés (non vivants) ; conserves et préparation culinaires à base de poisson et/ou de fruits de mer relevant de la classe 29.

La société Cuisimer fabrique et commercialise des bâtonnets de surimi sous ces trois marques.

Constatant que la société Fleury-Michon, qui fabrique et commercialise également du surimi, venait d'adopter un conditionnement reproduisant, selon elles, les caractéristiques des trois marques susvisées, les sociétés Neptune et Cuisimer ont, par acte du 20 février 1996, saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire pour solliciter, outre les mesures d'interdiction, de destruction et de publication habituelles, paiement d'une provision de 250.000 francs à valoir sur la réparation de leur préjudice à évaluer à dires d'expert, ainsi qu'une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 10 septembre 1997, le tribunal de grande instance de Paris a débouté les sociétés Neptune et Cuisimer de leurs prétentions et alloué à la société Fleury Michon la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté de cette décision par les sociétés Neptune et Cuisimer, le 10 octobre 1996;

Vu les dernières conclusions du 16 mars 2000 par lesquelles les sociétés Neptune et Cuisimer, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise soutiennent :

- sur la marque 94.525.525 :

- que l'élément figuratif de la marque complexe - qu'elles caractérisent par un conditionnement en forme d'étui individuel aux extrémités plates, transparent, revêtu d'éléments graphiques - exerce à lui seul la fonction distinctive de la marque, quelle que soit la nature des éléments graphiques,

- que ce conditionnement, reproduit par la société Fleury Michon, constitue la contrefaçon par reproduction de la marque de la société Neptune,

- sur la marque n° 95.598.630 :

- que l'emballage type "sachet de bonbons", laissant apparaître les produits emballés par deux à l'intérieur et comportant le dessin d'un cercle au milieu duquel apparaît un étui ouvert contenant deux mini-bâtonnets, est arbitraire au regard des produits qu'il désigne et que la société Neptune est donc fondée à s'opposer à toute reproduction des éléments figuratifs de cette marque,

- que le conditionnement du produit commercialisé par la société Fleury Michon constitue la contrefaçon par imitation de la marque sus-visée,

- sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire :

- qu'en changeant son conditionnement pour adopter un conditionnement identique au leur, au moment même de l'arrivée de celui-ci sur le marché, la société Fleury Michon a manifestement cherché à détourner partie du profit des investissements et des efforts publicitaires qu'elles ont déployés et commis ainsi à leur égard des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- que le préjudice qui en est résulté est d'autant plus important que les faits ont été commis au moment du lancement de leur produit,

et demandent en conséquence à la Cour de :

- dire que la société Fleury Michon s'est rendue coupable de contrefaçon des marques 94.525.525 et 9 598.630 dont la société Neptune est propriétaire,

- dire que la société Fleury Michon s'est rendue coupable de concurrence déloyale et parasitaire,

- en conséquence, interdire à la société Fleury Michon la poursuite des agissements incriminés, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée et sous astreinte de 10.000 francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- ordonner la destruction de tous produits, documents, papiers commerciaux, publicités, etc. ... portant la présentation incriminée se trouvant entre les mains de la société Fleury Michon ou de ses représentants ou préposés, sous astreinte de 10.000 francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- dire que la Cour se réservera la liquidation éventuelle de l'astreinte,

- condamner la société Fleury Michon à payer aux sociétés Neptune et Cuisimer :

-- une somme provisionnelle de 250.000 francs à valoir sur la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,

-- une somme provisionnelle de 250.000 francs, à valoir sur la réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

-- lesdits préjudices devant être évalués à dires d'expert,

-- une somme de 50.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans 5 journaux ou revues de leur choix, aux frais de la société Fleury Michon et dans la limite de 30.000 francs HT par insertion;

Vu les dernières conclusions du 27 mars 2000 par lesquelles la société Fleury Michon, fait valoir en réplique :

- sur la marque n° 94.525.525 :

- que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à revendiquer la protection des seuls éléments que constitue l'emballage en raison de sa banalité et des nécessités de laisser apparaître à travers l'étui le produit alimentaire dont la couleur, s'agissant de surimi, est nécessairement orange, que le signe revendiqué est contraire aux dispositions de l'article L. 711-2 c du Code de la propriété intellectuelle, que la marque prise dans son ensemble n'est pas contrefaite par l'emballage qu'elle a adopté, que le grief de contrefaçon par imitation, dont la Cour est en réalité saisi, n'est pas fondé, aucun risque de confusion n'existant, selon elle, entre le produit qu'elle commercialise et la marque de la société Neptune,

- sur la marque n° 94.598.630 :

- que la fonction distinctive de la marque n'étant pas exercée par la forme de l'emballage type "sachet de bonbons", celle-ci doit être prise dans son ensemble,

- qu'il n'existe aucun risque de confusion avec la marque de la société Neptune en raison d'un décor et d'inscriptions totalement différents,

- sur le grief de concurrence parasitaire :

- que celui-ci se confond exactement avec le grief de contrefaçon de marque par imitation,

- que la société Cuisimer ne peut lui reprocher une pénétration sur un marché sur lequel elle ne détient aucun monopole de droit,

- que les affirmations selon lesquelles elle aurait profité indûment des investissements de la société Cuisimer ne sont pas sérieuses;

et demande en conséquence à la Cour de confirmer la décision entreprise et de lui allouer la somme de 30.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur quoi,

Considérant que les sociétés appelantes n'opposent plus devant la Cour que les marques n° 94.525.525 et n° 94.698.630;

I. Sur la marque n° 94.525.525 :

Considérant que la marque complexe n° 94.525.525, déposée, en couleur, le 17 juin 1994, appartenant à la société Neptune, représente un petit étui transparent contenant deux bâtonnets de surimi et comportant dans un cartouche l'inscription "Les Petits Coraya" en lettres bleues sur fond blanc, le tout surmonté, en partie haute et à droite, d'un rectangle dans lequel s'inscrit en transparence la silhouette d'un crabe;

a) Sur le caractère distinctif des éléments figuratifs :

Considérant que la société Neptune prétend que les éléments figuratifs - à savoir deux bâtonnets dans un étui individuel, aux extrémités plates, transparent, comportant divers graphismes - qui sont inclus dans sa marque, sont parfaitement séparables des éléments dénominatifs de celle-ci et revêtent, à eux seuls, un caractère distinctif, indépendamment de la spécificité desdits graphismes, pour désigner les produits qu'ils concernent ; qu'elle précise, à cet effet, qu'il est contraire au principe de spécialité des marques de lui opposer les multiples applications faites de ce conditionnement pour d'autres produits, alors que la présentation de préparations à base de poisson dans un tel emballage et en petites quantités est, selon elle, aussi inhabituelle qu'arbitraire;

Mais considérant que si le recours à un tel conditionnement pour la présentation du surimi a été effectué pour la première fois par la société Cuisimer, et s'il est exact qu'un conditionnement peut être déposé, comme signe figuratif, à titre de marque, encore faut-il, pour que celui-ci soit protégé à ce titre qu'il soit susceptible d'exercer à lui seul, la fonction distinctive de la marque au regard des produits visés;

Or considérant, en l'espèce, que l'étui individuel, dont la transparence est destinée à laisser apparaître la nature du produit, nécessairement orange s'agissant de surimi, et qui en épouse étroitement et exclusivement la forme, n'est susceptible d'exercer, en soi, aucune fonction distinctive ne présentant aucun caractère particulier de fantaisie au regard du produit ; qu'il enveloppe que la forme plate des extrémités, qui résulte de la nécessité technique de fermer l'étui pour lui permettre d'exercer sa fonction d'emballage, ne confère pas davantage audit signe un caractère distinctif;

Que la société Fleury Michon souligne, par ailleurs, pertinemment, en raison de ce qui précède, que la forme du conditionnement est imposée par la nature du produit, même si celui-ci est limité à deux bâtonnets, ou lui confère sa valeur substantielle, et, comme tel, est dépourvu de caractère distinctif, au sens des dispositions de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle;

Que le caractère distinctif du signe opposé ne peut donc s'exercer indépendamment des éléments graphiques spécifiques et dénominatifs de cette dernière ;

Que la marque doit donc être considérée dans son ensemble;

b) sur la contrefaçon :

Considérant que les seuls éléments figuratifs de la marque opposée n'étant pas distinctifs des produits qu'elle désigne, le grief de contrefaçon de marque par reproduction, formulé par la société Neptune à l'encontre de la société Fleury Michon, à raison de la présentation par cette dernière de deux bâtonnets de surimi enveloppés dans un étui individuel transparent aux extrémités plates, n'est pas fondé;

Que la société Neptune invoque en vain, pour prétendre à la contrefaçon par reproduction de sa marque, la reproduction d'éléments graphiques "quels qu'ils soient", de tels éléments étant dépourvus de caractères distinctifs indépendamment de leur spécificité;

Que le grief de contrefaçon par reproduction doit donc être écarté;

Considérant, sur la contrefaçon par imitation, que celle-ci n'est pas alléguée, même à titre subsidiaire, par les sociétés appelantes ; qu'il convient toutefois d'observer, comme le fait pertinemment la société Fleury Michon, que celle-ci n'est pas davantage établie en l'absence de tout risque de confusion; que le public, même d'attention moyenne qui ne dispose pas des deux signes en même temps sous les yeux, ne peut, en effet, confondre le cartouche blanc liseré de bleu comportant, en gros caractère la mention "Les Petits Coraya", avec le cartouche bleu foncé, en forme de drapeau, de la société Fleury Michon comportant, outre la reproduction, dans une nuance plus pâle, d'un bateau, les mentions superposées "2 Minibâtonnets" "saveur crabe" ; qu'il ne peut non plus confondre le petit cartouche blanc sur fond bleu situé en partie haute et gauche de l'étui en dépit de couleurs similaires au grand cartouche, habituelles en matière de produits de la mer, dès lors que figure en gros caractère la dénomination Océane et qu'il ne présente aucune similarité avec le petit cartouche de la société Cuisimer reproduisant en transparence la silhouette d'un crabe;

II Sur la marque n° 94.698.630 :

Considérant que la marque complexe n° 95.598.630, déposée le 21 novembre 1995, en couleurs, est caractérisée, ainsi qu'il résulte de la brève description qu'en donne le déposant, "par un emballage de bonbons portant la marque "Les Petits Coraya" en rouge et bleu sur fond blanc et bleu ciel, laissant apparaître les produits emballés par deux à l'intérieur. Dénomination Mini-Snacks dans un cercle de couleur bleu marine séparant des rayures de même couleur ";

a) Sur le caractère distinctif des éléments figuratifs :

Considérant que la société Neptune soutient que le conditionnement particulier de type "sachet de bonbons" laissant apparaître les produits emballés par deux à l'intérieur et comportant le dessin d'un cercle au milieu duquel apparaît un étui ouvert contenant deux mini-bâtonnets, constitue, en soi, un signe protégeable, même s'il remplit une fonction pratique, soulignant qu'une marque peut valablement être constituée d'une forme connue dès lors que cette forme est arbitraire par rapport à la nature ou à la fonction des produits désignés ; qu'elle prétend qu'un tel conditionnement pour "des conserves et préparations culinaires à base de poisson et/ou de fruits de mer" est parfaitement arbitraire et qu'il est donc sans importance qu'au moment du dépôt la forme du sachet ait été connue dans d'autres domaines comme celui des confiseries et des salades, puisqu'elle n'était ni usuelle, ni nécessaire pour commercialiser des produits de la mer ; qu'elle s'estime, en conséquence, bien fondée à s'opposer à toute reproduction ou imitation des éléments figuratifs de sa marque, y compris de la forme de l'emballage, par un tiers non autorisé;

Considérant que tout en invoquant comme signe protégeable une combinaison d'éléments figuratifs, la société Neptune entend voir reconnaître au seul sachet qu'elle qualifie de "type sachet à bonbons" un caractère distinctif et en soi protégeable ;

Mais considérant que pour être en soi protégeable, un élément d'une marque complexe doit, non seulement être séparable des autres éléments, mais être également susceptible d'exercer à lui seul la fonction distinctive de la marque ; qu'il en est ainsi des conditionnements, ainsi qu'il l'a été précédemment indiqué, qui ne peuvent constituer un signe figuratif valable à titre de marque que si leur caractère de fantaisie est suffisamment avéré pour permettre de distinguer les produits auxquels ils se rapportent, des autres produits ; qu'en l'espèce, le simple sachet, qualifié "type sachets à bonbons" par la société qui le revendique ne présente aucune forme particulière qui le distinguerait des autres sachets et par voie de conséquence aucun arbitraire ni aucun caractère de fantaisie, même en raison de sa transparence, pour désigner le produit alimentaire qu'il enveloppe, fût-il de la mer ; qu'il n'est pas de nature à exercer, en soi, de fonction distinctive et n'est pas, comme tel, protégeable au titre des droits des marques;

Que le sachet déposé à titre de marque ne recouvre sa fonction distinctive qu'en raison des autres éléments figuratifs qu'il comporte avec lesquels il forment un tout inséparable;

Que la marque opposée doit donc être considérée dans son ensemble;

b) Sur la contrefaçon :

Considérant que la société Neptune prétend que le sachet de la société Fleury Michon, en reprenant les caractéristiques telles que ci-dessus décrites ainsi que la couleur bleu marine dont elle n'établit pas qu'elle les aurait utilisées auparavant, constitue la contrefaçon par imitation de sa marque;

Mais considérant que si la contrefaçon doit s'apprécier par les ressemblances et non par les différences, la contrefaçon par imitation d'une marque n'est établie qu'autant qu'un risque de confusion existe pour un public d'attention moyenne qui ne dispose pas des deux signes en même temps sous les yeux;

Or attendu que si les deux sachets présentent en leur partie centrale un cercle, celui de la société Neptune, comporte sur son pourtour les mentions "Mini Snacks", "en sachet de deux", séparées par deux petits points rouges, qui ne sont pas sans évoquer un hublot ou une bouée ; que ce cercle sépare au surplus une dizaine de rayures bleues marine et blanches d'où résulte une impression d'ensemble non reproduite par le sachet critiqué de la société Fleury Michon ; que l'élément figuratif reproduisant deux bâtonnets de surimi situé au centre du hublot de la société Neptune ne se retrouve pas au centre du cercle de la société Fleury Michon mais en partie basse, selon une autre disposition et partiellement occulté par la reproduction du graphisme du sachet individuel adoptée par cette société ; que la société Neptune ne peut sérieusement prétendre que l'écriture cursive de la dénomination "Les Petits" aurait été reprise sous forme de vagues inclinées dans le même sens, le graphisme du logo "Fleury Michon" ne pouvant se confondre avec une écriture fût-elle cursive ; que bien davantage encore l'adoption par la société Fleury Michon, non d'un bleu marine mais d'un bleu roi, largement bordé de vert, ne peut se confondre avec l'impression blanche et bleue qui se dégage de l'ensemble du sachet de la société Neptune plus proche de l'évocation de la mer et des éléments qui mythiquement s'y trouvent rattachés, impression d'ensemble que l'apposition, par la société Fleury Michon, du logo "saveur océane", de modeste dimension et dans des couleurs rappelant celui de la société Neptune "Coraya", mais de volume et de forme différentes n'affecte pas en raison de leur rôle secondaire ;

Qu'en l'absence de tout risque de confusion, le grief de contrefaçon par imitation doit donc être écarté;

III Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que les sociétés appelantes se prétendent victimes d'actes de concurrence déloyale et parasitaire qui procéderaient de la modification par la société Fleury Michon des conditionnements de ses produits surimi concomitamment à la mise sur le marché de leur nouveau produit; que cet acte traduit, selon elles, la volonté délibérée de cette société de détourner à son profit les investissements qu'elles ont entrepris en se plaçant dans leur sillage, entraînant à leur détriment une perte de parts de marché et permettant à la société Fleury Michon, grâce à une action parasitaire, de pénétrer le marché;

Mais considérant que la société Neptune, qui ne peut opposer à la société Fleury Michon que la titularité de ses marques, n'est pas fondée à se prévaloir à l'encontre de celle-ci d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à défaut d'actes distincts de ceux résultant des griefs de contrefaçon, lesquels ont été précédemment écartés;

Que la société Cuisimer, exploitante des produits, qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif sur les conditionnements en cause tels que précédemment analysés, ne démontre pas que la société Fleury Michon aurait commis une faute en modifiant, fin 1995, le conditionnement de ses propres produits dans des conditions analogues mais exemptes de tout risque de confusion;

Que la reprise, dans la campagne publicitaire de Fleury Michon, de thèmes évoquant des scènes de la vie familiale, ne caractérise nullement une démarche parasitaire dès lors que l'imagerie utilisée (pique nique familial, table de cocktail, et goûter d'enfants à la maison) se démarque, par la déclinaison qui en est faite et par son graphisme, de celle de la société Cuisimer sur les thèmes "dans les restaurants", "dans l'avion" et "dans l'école"

Que la société Cuisimer ne peut davantage reprocher à la société Fleury Michon d'avoir accompagné ses produits de sauces, comme les siens, n'étant nullement démontré qu'elles constitueraient l'élément attractif du produit et alors qu'aucun risque de confusion n'est susceptible d'en résulter en raison des conditionnements respectivement adoptés ;

Qu'elle ne peut non plus reprocher à la société Fleury Michon de chercher, par les emballages qu'elle critique, de toucher un public d'enfants et familial, lequel constitue leur clientèle commune qu'aucune des sociétés ne peut s'approprier;

Que les similitudes dénoncées par la société Cuisimer comme autant d'éléments révélateurs d'un esprit de parasitisme ne procèdent, en réalité, que de l'exercice de la libre concurrence et ne s'accompagne d'aucun comportement fautif qui puisse être reproché;

Qu'il convient également d'observer qu'il n'est nullement établi, avec la certitude requise, que la baisse des ventes enregistrée par la société Cuisimer procéderaient de l'arrivée sur le marché du produit nouvellement conditionné de la société Fleury Michon alors que de telles baisses avaient déjà été enregistrées antérieurement;

Que le grief de concurrence déloyale et parasitaire doit donc également être écarté;

Que le jugement entrepris doit, en conséquence, être confirmé en toutes ses dispositions;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant qu'il convient de faire bénéficier la société Fleury Michon des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de lui allouer une indemnité de 30.000 francs pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ; que les sociétés appelantes, qui succombent en leurs prétentions, doivent être déboutées des demandes qu'elles ont formées à ce titre ;

Par ces motifs, confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, condamne in solidum les sociétés Neptune et Cuisine de la Mer - Cuisimer à payer à la société Fleury Michon la somme de 30.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en cause d'appel, rejette toute autre demande, condamne in solidum les sociétés Neptune et Cuisine de la Mer - Cuisimer aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.