Livv
Décisions

Cass. com., 16 mai 2000, n° 98-15.638

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Peintures Cimentol (SA)

Défendeur :

Boiro (SA), Dussouillez (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde

T. com. Lyon, du 12 janv. 1998

12 janvier 1998

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Lyon, 20 mars 1998) que la société Boiro, fabricant et distributeur de peintures, a fait réaliser des photographies d'illustration pour ses supports publicitaires et en a acquis les droits de reproduction ; que constatant la présence d'une photographie identique sur un catalogue édité par la société Peintures Cimentol, laquelle exerce la même activité, pour la promotion d'un produit de peinture, la société Boiro, s'estimant victime de concurrence déloyale et parasitaire, a assigné la société Peintures Cimentol en référé pour voir cesser cette situation ; que par ordonnance du 12 janvier 1998, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré incompétent ratione loci au profit du tribunal de commerce de Bobigny, dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société Peintures Cimentol ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Peintures Cimentol reproche à l'arrêt infirmatif d'avoir retenu la compétence territoriale du tribunal de commerce de Lyon, alors, selon le pourvoi, qu'en dehors du Tribunal du domicile du défendeur, le seul tribunal territorialement compétent pour statuer sur des agissements de concurrence déloyale est celui dans le ressort duquel l'acte de concurrence déloyale a été commis et non celui dans le ressort duquel sont constatées les conséquences financières consécutives aux agissements litigieux ; qu'en l'espèce il était acquis aux débats que la reproduction de la photographie litigieuse sur les produits Cimentol avait eu lieu en région parisienne ; qu'en affirmant néanmoins qu'il suffisait que les brochures litigieuses aient été distribuées même partiellement dans le ressort du tribunal de Lyon pour en déduire la compétence de cette juridiction, la cour d'appel a violé l'article 46 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'ayant retenu que le fait dommageable allégué consistait dans l'utilisation et la diffusion auprès de la clientèle, par la société Peintures Cimentol, d'une photo apposée sur ses produits et sur ses brochures publicitaires, et constaté la diffusion d'une telle documentation à Lyon, la cour d'appel a retenu à bon droit la compétence du juge des référés du Tribunal de cette ville; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Peintures Cimentol reproche à l'arrêt infirmatif d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, de lui avoir ordonné sous astreinte la cessation immédiate de l'utilisation gratuite ou onéreuse de tout support reproduisant la photographie litigieuse, d'avoir commis un expert et de l'avoir condamnée au paiement d'une provision ad litem, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge des référés est tenu de se placer à la date à laquelle il statue pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite de sorte que ne peut être ordonnée en référé une mesure de cessation d'un tel trouble ou de toute autre mesure lorsque ce dernier a d'ores et déjà cessé à la date à laquelle le juge statue ; qu'en ordonnant à la société Cimentol la cessation de l'utilisation de la photographie litigieuse sans rechercher comme elle y était expressément invitée si la société Cimentol n'avait pas d'ores et déjà cessé l'utilisation litigieuse en procédant au rapatriement de l'ensemble des produits la comportant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'interdiction est faite au juge des référés de préjudicier du fond des affaires, que statue ainsi le juge qui qualifie les agissements litigieux d'actes de concurrence déloyale et se prononce sur l'existence d'un préjudice commercial subi par le demandeur ; qu'en commettant un expert en vue de déterminer le préjudice commercial subi par la société Boiro du fait du trouble manifestement illicite dont elle a été victime de la part de la société Cimentol et de donner à la cour tous éléments permettant d'évaluer le manque à gagner subi par la société Boiro du fait de l'acte de concurrence déloyale perpétré par la société Cimentol, la cour d'appel a violé l'article 484 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin que l'octroi d'une provision par le juge des référés est subordonné à la constatation du caractère non sérieusement contestable de l'obligation litigieuse ; qu'en condamnant la société Cimentol à verser à la société Boiro une provision ad litem de 20 000 francs à valoir sur les frais de l'expertise ordonnée destinée à évaluer le préjudice commercial subi par la société Boiro sans rechercher si la contestation opposée par la société Cimentol sur l'existence d'un tel préjudice était sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté la diffusion, par la société Cimentol de produits et de brochures représentant la photo, dont le droit de reproduction est protégé, d'un produit de sa concurrente la société Boiro, et ainsi caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel, qui a prononcé une mesure destinée à faire cesser ce trouble ou à prévenir sa réitération, n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée au moyen et a légalement justifié sa décision;

Attendu, d'autre part, qu'en ordonnant une expertise destinée à apprécier l'ampleur du trouble subi et à évaluer le préjudice pouvant résulter des fautes alléguées à l'encontre de la société Cimentol, et qui ne lie pas la juridiction qui sera appelée à statuer, la cour d'appel n'a pas violé le texte visé au moyen ;

Attendu, enfin, qu'en mettant à la charge de la société Cimentol une partie de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 269 du nouveau Code de procédure civile et a légalement justifié sa décision ;

Attendu qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.