Cass. com., 16 mai 2000, n° 98-10.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Schabaver (SA)
Défendeur :
Marcel Justet (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq (Conseiller faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Choucroy
LA COUR, - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 septembre 1997), que la société Schabaver, qui produit des pompes centrifuges, a assigné la SARL Marcel Justet pour concurrence déloyale en reprochant à celle-ci de fabriquer et de commercialiser des produits constituant la copie servile de ses propres productions ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches ; - Attendu que la société Schabaver reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en concurrence déloyale, ayant pour objet notamment d'assurer la protection de celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, peut être efficacement mise en œuvre par le concepteur et fabricant d'un matériel de haute technologie destiné à une clientèle réduite à quelques grands groupes internationaux, mais dont les composants ne sont pas protégés par un brevet, à l'encontre de l'entreprise s'immisçant dans cette clientèle en offrant à la vente et en vendant à des prix minorés des pièces de rechange de ce matériel fabriquées par copie servile des composants, y ajoutant même - autant que faire se pouvait - un rappel des références des pièces originales ; qu'un tel comportement est nécessairement déloyal, même si dans l'esprit de la clientèle restreinte, il ne pouvait pas y avoir confusion certaine ; qu'en l'espèce, où il était établi avec certitude que la société Marcel Justet avait utilisé de tels procédés pour s'introduire dans la clientèle privilégiée de la demanderesse, constituée notamment par les sociétés du groupe Péchiney, l'arrêt aurait dû retenir le caractère déloyal de ces procédés à l'égard de la société Schabaver sur le terrain de la concurrence déloyale et proprement dite, même s'il n'y avait pas eu nécessaire confusion ; qu'il a donc violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, et en tout cas, qu'il y avait à tout le moins parasitisme économique de la part de la société Marcel Justet, qui ne pouvait proposer des prix inférieurs à la clientèle, que parce que son seul travail avait consisté à copier servilement - vraisemblablement par surmoutage - les composants des pompes de la société Schabaver, sans avoir fait l'effort coûteux nécessité par leur création d'origine ; que cette société s'est ainsi nécessairement mise dans le sillage de la demanderesse par le biais de la seule fabrication des pièces de rechange des pompes de cette dernière; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir, constaté que la société Schabaver ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif interdisant toute concurrence, et que la société Marcel Justet commercialise des pièces de rechange adaptables aux pompes fabriquées par la société Schabaver, l'arrêt énonce à bon droit qu'une pareille concurrence est licite; que relevant que les pièces fournies par cette société sont la réplique exacte de celles provenant de la société Schabaver, réalisées sur la base de plans fournis par le client lui-même, l'arrêt retient que la correspondance existant entre les références des produits des deux sociétés se justifie par le caractère interchangeable de la production litigieuse, appelant une certaine équivalence dans l'identification des composants, excluant ainsi le caractère déloyal de ce procédé ; qu'ayant écarté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation la possibilité d'une confusion dans l'esprit de la clientèle des deux entreprises, la cour d'appel a également relevé que l'initiative de la recherche d'un fournisseur plus avantageux revient à l'utilisateur lui-même qui cherche à acheter moins cher ailleurs ce qu'il trouve d'habitude chez son fournisseur; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir, constaté que les pièces reproduites, non protégées par un droit privatif, avaient été réalisées sur la base de plans fournis par le client et que la seule similitude, obligée, de ces pièces ne prouvait pas l'appropriation déloyale du travail d'autrui ou l'utilisation fautive de techniques propres au concurrent qui eussent été démontrées si la société Schabaver avait établi la réalité du surmoulage dont elle se bornait à alléguer l'éventualité , la cour d'appel, qui n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'apprécier la portée des preuves qui lui étaient soumises, a pu décider que les faits de concurrence parasitaire allégués n'étaient pas établis, dès lors qu'il n'était pas soutenu que les plans des pièces litigieuses avaient été copiés ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.