CA Amiens, 1re et 4e ch. civ. réunies, 15 mai 2000, n° 99-01827
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lenoir
Défendeur :
Lenoir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
MM. Delzoide, Chapuis, Mme Merfeld
Conseillers :
Mmes Rohart-Messager, Boisselet
Avoués :
SCP Millon Plateau Crépin, SCP Le Roy
Décision :
I - Exposé du litige
Madame Lenoir, après le décès de son époux, a continué la profession de courtier de frêt que celui-ci exerçait.
Monsieur Bernard Lenoir, son fils, salarié de cette entreprise, était spécialement chargé de la représenter à la bourse d'affrètement.
Le 3 août 1991, Bernard Lenoir a adressé à sa mère une lettre de démission avec préavis pour le 3 septembre 1991.
Madame Lenoir, estimant que son fils s'était rendu coupable d'agissements anti-concurrentiels à son égard en créant une entreprise concurrente pendant la durée de son préavis, l'a assigné devant le Tribunal de Commerce de Béthune en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 6 octobre 1993, le Tribunal de Commerce de Béthune a débouté Madame Lenoir de sa demande.
Par arrêt en date du 8 juin 1995 la Cour d'Appel de Douai a infirmé ce jugement, déclaré Monsieur Bernard Lenoir coupable de concurrence déloyale et l'a condamné à payer à Madame Lenoir 450.000 Francs et 6.000 Francs.
Par arrêt en date du 12 janvier 1999 la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt sus-visé et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel d'Amiens.
La Cour de Cassation a jugé qu'en se déterminant comme elle l'avait fait par des termes impropres à justifier que Monsieur Lenoir, qui n'était pas lié avec son ancien employeur par une clause de non-concurrence, avait pu entretenir une confusion constitutive d'une concurrence déloyale entre l'entreprise qu'il avait quittée et celle qu'il avait créée, la Cour d'Appel de Douai n'avait pas donné de base légale à sa décision.
II - Prétentions et moyens des parties devant la Cour de céans
Vu les conclusions déposées le 21 septembre 1999 par Madame Odette Lenoir née Helle, lesquelles tendent à dire et juger que Monsieur Bernard Lenoir a manqué aux obligations de loyauté et de fidélité caractéristiques d'actes de concurrence déloyale, dire qu'il a engagé sa responsabilité délictuelle, le condamner en application de l'article 1382 du Code Civil au paiement de 1.200.000 Francs et 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et, subsidiairement, d'ordonner une mesure d'expertise et statuer ce que de droit sur les dépens.
Vu les dernières conclusions déposées le 25 janvier 2000 par Monsieur Bernard Lenoir, lesquelles tendent à confirmer le jugement entrepris, à débouter Madame Lenoir-Helle de sa demande, à la condamner au paiement de 15.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction en date du 25 janvier 2000.
III - Motifs de la décision
Attendu que la demande d'indemnisation présentée par Madame Lenoir-Helle n'est fondée qu'à la condition qu'elle prouve, à la charge de Monsieur Bernard Lenoir, un acte de concurrence fautif;
Attendu, en l'espèce, que Monsieur Bernard Lenoir n'a commis aucune faute de cette nature ; qu'en particulier il n'a commis aucun détournement de clientèle et n'a entretenu aucune confusion déloyale avec l'activité de Madame Lenoir-Helle;
Attendu, en effet, que Monsieur Bernard Lenoir, à la suite de sa démission, n'a jamais laissé entendre qu'il continuait à travailler pour le compte de Madame Lenoir-Helle ; qu'au contraire, il est acquis, à raison des mentions portées sur les documents d'affrètement, qu'il travaillait pour son propre compte et de façon clairement distincte de Madame Lenoir, ce que ne pouvait ignorer aucun client avec qui il a traité postérieurement à sa démission;
Attendu qu'il n'est pas établi que Monsieur Bernard Lenoir a usé de manœuvres déloyales pour s'attirer la clientèle de Madame Lenoir-Helle;
Attendu, dans ces conditions, que la circonstance que Monsieur Bernard Lenoir n'aurait pas respecté le délai de préavis dans l'exécution de son contrat de travail, ne caractérise pas l'existence d'actes de concurrence déloyale;
Attendu que les motifs qui précèdent conduisent à dire que la demande présentée par Madame Lenoir-Helle n'est pas fondée;
Attendu que le jugement entrepris doit être purement et simplement confirmé;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application, au profit de Monsieur Bernard Lenoir, des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Attendu que les entiers dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Madame Lenoir-Helle.
Par ces motifs, la Cour: statuant publiquement et contradictoirement, reçoit Madame Odette Lenoir-Helle en son appel, le dit mal fondé, confirme le jugement entrepris, dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Monsieur Bernard Lenoir, condamne Madame Lenoir-Helle aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au profit de la SCP Le Roy, Avoué.