CA Paris, 4e ch. A, 19 avril 2000, n° 1997-18440
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Miss France (SARL), Comité Miss France Miss Europe Miss Univers
Défendeur :
France 3, Société Nationale de Télévision (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
M. Lachacinski, Mme Magueur
Avoués :
SCP Fanet-Serra, SCP Verdun Seveno
Avocats :
Mes Destremau, de Bouchony.
La société Nationale de Télévision France 3 a assuré, pendant plusieurs années consécutives, la diffusion télévisée de l'élection annuelle de "Miss France", dans le cadre de conventions conclues avec le Comité Miss France.
En 1995, les parties ont mis fin à leurs relations contractuelles et le Comité Miss France a décidé de confier à la chaîne de télévision TFI le soin de diffuser l'élection de "Miss France 1996".
Reprochant à la société Miss France et à l'association dénommée Comité Miss France, Miss Europe, Miss Univers, d'avoir reproduit la marque et la dénomination sociale dont elle est titulaire et d'avoir commis des actes de parasitisme, la société nationale de télévision France 3 les a, par acte du 1er décembre 1995, assignées devant le Tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 23 mai 1997, le tribunal a:
- dit que la société Miss France et le comité Miss France, en reproduisant sur des affiches les termes "France 3" et en reproduisant l'image de l'animateur traditionnellement associé par la société France 3 à la présentation de spectacles semblables, ont commis des actes de contrefaçon de la marque "France 3", porté atteinte à la dénomination sociale "France 3" et commis des actes de parasitisme commercial,
- interdit à la société et au comité Miss France tout usage de la marque et de la dénomination sociale France 3,
- condamné la société et le comité Miss France à verser à la société France 3 les sommes de 70.000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues et celle de 12.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- autorisé la société France 3 à publier le dispositif du jugement aux frais de la société et du comité Miss France, dans deux journaux ou revues de son choix, sans que le coût total de ces insertions ne dépasse la somme de 40.000 F.
LA COUR,
Vu l'appel de cette décision interjeté le 10 juillet 1997 par la société Miss France et le comité Miss France, Miss Europe, Miss univers;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 janvier 2000 par lesquelles les appelantes, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demandent à la cour de dire:
- à titre principal
- qu'elles ne sont pas responsables de la reproduction ou de l'apposition litigieuse de la marque de la société France 3 et que la preuve n'est pas rapportée de l'exposition au public de l'unique exemplaire de l'affiche litigieuse versé aux débats,
- que l'usage litigieux de la marque concerne des services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement et qu'il ne peut être prohibé qu'à la condition qu'il en résulte un risque de confusion,
- qu'un tel risque de confusion était exclu, l'affiche litigieuse étant relative à un gala non télévisé, qualificatif pour l'élection de "Miss France 1996", dont il était clairement indiqué qu'elle serait diffusée par TF1,
- à titre subsidiaire, que le logo de France 3 avait été apposé à des fins non commerciales ou publicitaires mais de simple identification rendue nécessaire par les agissements d'entreprises concurrentes,
- plus subsidiairement,
- que les contrats intervenus entre elles et la société France 3 ne comportaient aucune restriction au droit de faire usage du logo France 3 ou de citer France 3 dans le cadre de la promotion sous toutes ses formes des émissions à laquelle elles étaient tenues contractuellement de participer,
- qu'elles étaient autorisées à vendre la cassette vidéo réalisée par France 3 et que cette vente participait des opérations de promotion contractuellement mises à leur charge,
- que France 3 n'était pas, en application de l'article L. 713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle en droit d'interdire l'usage de sa marque à l'occasion du gala litigieux,
- que l'usage de ladite marque ne saurait constituer ni une atteinte à la dénomination sociale de l'intimée, ni associer à la reproduction licite du visage de Julien Lepers, présentateur non exclusif des émissions de Miss France, un agissement parasitaire,
- que les faits litigieux n'ont pu causer aucun préjudice à l'intimée ;
Vu les conclusions signifiées le 7 janvier 1998 aux termes desquelles la société nationale de télévision France 3 sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages-intérêts qu'elle demande de porter à 150.000 F pour contrefaçon de marque et à 150.000 F pour concurrence parasitaire, et l'allocation d'une somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Sur quoi,
- Sur la contrefaçon de marque :
Considérant que la société France 3 est titulaire de la marque semi-figurative " France 3 " déposée le 14 janvier 1992, enregistrée sous le numéro 92/401 175, pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41 et notamment les divertissements, production de spectacles, divertissements radiophoniques ou par télévision, l'organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que cette marque a été reproduite sur des affiches annonçant des épreuves régionales qualificatives en vue de la finale nationale de l'élection de " Miss France 1996 " qui ont eu lieu à Vergèze;
Considérant que, si ces affiches sont complétées par les organisateurs de chaque gala de qualification, la reproduction de la marque " France 3 " incombe aux appelantes qui reconnaissent avoir commandé l'impression en grand nombre des fonds d'affiches;
Considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre que la manifestation annoncée sur les affiches litigieuses constitue un divertissement et plus précisément l'organisation de concours en matière de divertissement ou encore la production d'un spectacle, services identiques à ceux désignés à l'enregistrement de la marque ; que le fait que le gala annoncé n'était pas retransmis sur une chaîne de télévision est inopérant, la protection accordée par la marque n'étant pas limitée aux divertissements par télévision;
Qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher s'il existe un risque de confusion ;
Considérant que les appelantes ne peuvent pas davantage se prévaloir des dispositions de L'article L. 713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ; qu'en effet, si les accords conclus entre les parties autorisaient le Comité Miss France à exploiter les cassettes sonores et vidéogrammes tirés de l'élection de Miss France 1995, il ne justifie pas du consentement de la société France 3 à la reproduction de la marque sur une affiche sans rapport avec la promotion de ces supports;
Considérant que la seule reproduction du signe constituant la marque caractérise la contrefaçon, sans qu'il soit nécessaire de rechercher s'il s'agit d'un usage à des fins commerciales ou publicitaires
Considérant que les premiers juges ont donc à bon droit retenu qu'en apposant la marque " France 3 " sur des affiches, la société Miss France et le Comité Miss France avaient commis des actes de contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
- Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
Considérant qu'il ressort de l'extrait K bis du registre du commerce produit aux débats que France 3 constitue la dénomination sociale de l'intiméequ'en utilisant cette dénomination, sans son autorisation, les appelantes ont porté atteinte aux droits qu'elle détient sur ce signe;
Considérant que si, comme le relèvent les appelantes, Julien Lepers n'est pas le seul animateur de télévision à avoir présenté l'élection de Miss France sur la chaîne de télévision France 3, il est constant qu'ayant animé cette émission pendant les quatre dernières années précédant la rupture des relations contractuelles entre les parties, son nom était associé par le public à ce spectacle ;
Que par des motifs que la Cour adopte, les premiers juges ont pertinemment retenu que la reproduction du visage de l'animateur associé à la dénomination France 3 traduisait la volonté des appelants d'accréditer la thèse d'un soutien apporté par cette dernière à la manifestation annoncée et d'utiliser son renom;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé ;
- Sur les mesures réparatrices :
Considérant que les appelantes ne peuvent sans se contredire soutenir que l'affiche litigieuse n'a été diffusée qu'en un seul exemplaire alors qu'elles affirment, plus avant dans leurs écritures, avoir commandé l'impression en nombre de ce fond d'affiche destinés aux galas devant se dérouler dans le courant de l'année 1995 ;
Que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par la société France 3 du fait de l'atteinte portée à sa marque et des agissements parasitaires, en l'évaluant à la somme globale de 70.000 F;
Considérant que les mesures d'interdiction et de publication prononcées seront également confirmées, étant observé que la publication devra mentionner le présent arrêt;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la société France 3 ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 30.000 F;
Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne la société Miss France et le Comité Miss France, Miss Europe, Miss Univers à payer à la société Nationale de Télévision France 3 la somme complémentaire de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne les appelantes aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.