Cass. com., 21 mars 2000, n° 97-20.302
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Avenir France (SA), Dauphin Ota (SA)
Défendeur :
France affiches (SA), Zervudacki-Farnier (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Rouvière, Boutet, Me Choucroy.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 septembre 1997), rendu sur renvoi après cassation, que la société France affiches, qui imprime des affiches publicitaires, a imputé sa cessation de paiement aux actes de dénigrement commis à son égard par les sociétés Avenir Havas média, devenue Avenir France, et Dauphin Ota (les afficheurs), lesquelles critiquaient dans des correspondances adressées aux agences de publicité la qualité de ses affiches ; qu'elle a assigné devant le président du tribunal de commerce statuant en référé les afficheurs pour faire cesser, sous astreinte, ces agissements et voir ordonner une expertise ; que Mme Zervudacki-Farnier, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société France affiches, s'est jointe à cette procédure ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que les afficheurs font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce et de leur avoir enjoint de cesser la diffusion d'informations ou de documents dénigrant les produits de la société France affiches, alors, selon le pourvoi, d'une part, que toute décision doit être motivée à peine de nullité ; qu'en énonçant que l'existence de leur comportement déloyal résultait des écritures des appelantes dont les faits relatés étaient justes et vérifiés par les pièces produites, sans procéder au visa ni à l'examen des pièces produites sur lesquels elle a déclaré se fonder, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il ne résulte pas de leurs conclusions en appel qu'elles auraient mis en cause systématiquement et de façon répétée auprès de leurs cocontractants en 1992 et 1993 la seule qualité du papier des affiches, qu'elles auraient menacé et effectivement refusé de procéder à la pose des affiches et qu'elles se seraient d'emblée abstenues d'envisager d'autres causes aux décollements ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; alors, encore, qu'en s'abstenant de vérifier le caractère excessif ou discréditoire des propos et des actes imputés aux sociétés exposantes au regard de la réalité des décollements d'affiches, la cour d'appel n'a pas justifié en quoi le fait pour celles-ci d'avoir, en 1992 et 1993, mis en cause auprès de leurs cocontractants respectifs la qualité du papier des affiches que ceux-ci doivent contractuellement fournir en conformité aux spécifications et à la norme, constituait un comportement déloyal et n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite, privant sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 873 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'en énonçant que les actes de dénigrement reprochés étaient manifestement insusceptibles de trouver leur justification dans les obligations contractuelles des afficheurs envers les agences de publicité ou leurs propres mandants, sans préciser quelles étaient ces obligations contractuelles ni les liens unissant les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1382 du Code civil et 873 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel s'est référée aux pièces produites en vérifiant leur contenu au regard des conclusions des parties ; qu'elle en a déduit, appréciant souverainement la portée de ces documents et hors toute dénaturation, que les sociétés poursuivies avaient, systématiquement et de façon répétée en 1992 et 1993, mis en cause auprès de leurs cocontractants la seule qualité du papier lors des décollements d'affiche allégués bien que de tels décollements puissent avoir d'autres causes; qu'ayant ainsi caractérisé le comportement déloyal des afficheurs, dont elle a retenu qu'il était insusceptible de trouver sa justification dans leurs obligations contractuelles auprès des agences de publicité ou leurs propres mandants, la cour d'appel a statué par une décision motivée et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les afficheurs font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'expertise ordonnée par le premier juge sauf "à substituer le Laboratoire national d'essais au Centre technique du papier de Grenoble", alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation replace la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant le jugement cassé et entraîne, sans qu'il y ait lieu à nouvelle décision, la cassation par voie de conséquence de toutes les décisions qui sont la suite, l'application ou l'exécution de la décision cassée ; qu'en confirmant la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge tout en substituant, en qualité de sapiteur, le Laboratoire national d'essais au Centre technique du papier, substitution prononcée par l'arrêt cassé, la cour d'appel a validé a posteriori l'expertise réalisée dans les termes de l'arrêt cassé et, partant, a violé les dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés exposantes avaient fait valoir qu'à la suite de l'arrêt de cassation, la cour d'appel ne pouvait qu'ordonner une nouvelle expertise sans pouvoir valider la mesure d'instruction qui avait été modifiée par l'arrêt cassé ; qu'en omettant de répondre à ce chef des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, devant la Cour de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure telle qu'elle existait au moment où l'arrêt a été cassé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a fait qu'user des dispositions de l'article 631 du nouveau Code de procédure civile en confirmant la mission d'expertise ordonnée par le premier juge, en précisant toutefois que l'expert pourrait se faire assister par le Laboratoire national d'essais à la place du Centre technique du papier de Grenoble ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument éludées, n'encourt pas les griefs du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.