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Décisions

Cass. com., 22 février 2000, n° 97-18.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Guérin Coiffure (SA)

Défendeur :

Romuald (SARL), Cinderella (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

T. com. Paris, 7e ch., du 31 janv. 1995

31 janvier 1995

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 1997), que la société Guérin Coiffure exploite un salon pour hommes et femmes à Paris sous l'enseigne Maniatis ; que M. Magny-Petit, salarié de l'entreprise, en qualité de coiffeur, était lié à son employeur par une clause de non-concurrence lui interdisant de se rétablir pendant un an, dans un rayon de 2 000 mètres, dans un établissement de même nature ; que ce dernier a démissionné le 1er juillet 1993 et a constitué, le 24 août 1993, la société Romuald dont il est devenu le gérant salarié, cette société, située à 514 mètres du salon Guérin Coiffure, ayant la même activité que le précédent et étant liée par un contrat de franchise avec la société Cinderella ; que la société Guérin Coiffure a assigné en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce pour concurrence déloyale les sociétés Romuald et Cinderella ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code Civil . - Attendu que, pour rejeter la demande de la société Guérin Coiffure à l'encontre de la société Romuald, l'arrêt énonce que le premier employeur "se contente d'invoquer le débauchage de l'ancien salarié Magny-Petit dont la démission est antérieure à la création de la société Romuald, et l'embauche du premier par celle-ci, qui, c'est évident ne pouvait ignorer l'existence de la clause contractuelle de non-concurrence compte-tenu de l'identité dans la personne du salarié démissionnaire, du fondateur de la société et de son gérant" ; qu'il relève, toutefois, que la société demanderesse ne prouve pas que la société Romuald ait détourné une clientèle qui lui serait acquise ou se soit livrée à des actes de dénigrement et d'autres manœuvres pour capter la clientèle et qu'il est, par ailleurs, constant que les clientèles respectives des deux salons sont différentes ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors quetoute personne qui sciemment emploie un salarié en violation d'une clause de non-concurrence, dont la licéité n'est pas contestée, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction sans qu'il soit besoin d'établir à son encontre l'existence de manœuvres dolosives et la similitude des clientèles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Guérin Coiffure, l'arrêt énonce, encore, que le seul rapprochement des recettes des deux entreprises n'établit ni une diminution du résultat d'exploitation et du bénéfice comptable ni le lien de cette baisse alléguée avec la seule faute commise par la société Romuald ;

Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il s'inférait nécessairement de la participation de la société Romuald à la violation par M. Magny Petit de la clause de non-concurrence souscrite par lui, un préjudice pour la société Guérin Coiffure, fût-il seulement moral, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil. - Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Guérin, l'arrêt énonce que le franchiseur, la société Cinderella, en l'absence de toute faute propre, ne peut être tenue pour son franchisé dont il n'est pas civilement responsable alors que le contrat de franchise n'a d'effets qu'entre les parties;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'était alléguée la connaissance que le franchiseur avait de l'existence de la clause de non-concurrence, violée par son franchisé, ce qui était de nature à engager sa responsabilité personnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les cinq autres branches du premier moyen et sur la seconde branche du second moyen : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.