CA Paris, 4e ch. B, 18 février 2000, n° 1998-15442
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Enjalabert (ès qual.), SGB Prodibois
Défendeur :
Probois (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
Mmes Mandel, Regniez
Avoués :
Mes Kieffer-Joly, Baufumé
Avocats :
Mes Breu, Gilbey de Hass.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société SGB Prodibois, aujourd'hui en liquidation judiciaire et représentée par son liquidateur, Maître Enjalabert, d'un jugement rendu le 23 juin 1993 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la société Probois.
Le jugement entrepris a
- dit la société Probois bien fondée en ses demandes du chef de la contrefaçon par imitation de la marque Probois n° 1 584 180, d'usurpation de dénomination sociale et de concurrence déloyale,
- fait interdiction à la société SGB Prodibois d'utiliser la dénomination Prodibois à quelque titre que ce soit dans le cadre de ses activités et ce sous astreinte de 100 F par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque Prodibois n° 1 568 289 déposée le 3 janvier 1990 et autorisé la société Probois à faire inscrire le jugement au Registre National des Marques,
- condamné la société SGB Prodibois à payer à la société Probois la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts et une indemnité de 10.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ayant interjeté appel, Prodibois a conclu à la réformation intégrale du jugement, demandé que son adversaire soit déboutée de toutes ses prétentions, réclamé qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 50.000 F pour ses frais irrépétibles. Au soutien de son appel elle a fait valoir :
- que sa marque ne contrefaisait pas celle de son adversaire, les produits désignés (Meubles divers, en particulier bibliothèques, étagères pour Prodibois; Moulures pour Probois) n'étant pas identiques ou similaires, le signe Probois (peu distinctif selon elle) n'étant pas imité par la désignation Prodibois, et aucun risque de confusion dans l'esprit du public n'étant établi,
- qu'il n'y avait pas d'atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de son adversaire en l'absence de risque de confusion, (alors d'ailleurs que les signes en présence avaient coexisté plusieurs années avant l'introduction du procès),
- que son adversaire n'avait subi aucun préjudice.
Probois a conclu à la confirmation, formant toutefois appel incident sur les mesures réparatrices pour réclamer que lui soit allouée une provision de 600.000 F à valoir sur l'indemnisation de son préjudice à déterminer par la voie d'une expertise qu'elle prie la cour d'ordonner, et pour solliciter que soient ordonnées 5 mesures de publication aux frais de son adversaire dans [la] limite d'un coût de 8.000 F par insertion. Elle a demandé en outre une indemnité complémentaire de 50.000 F pour ses frais non taxables de procédure.
L'appelante ayant été placée en redressement judiciaire le 9 octobre 1996, l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle par arrêt du 29 novembre 1996.
Maître Enjalabert ès qualités de liquidateur de Prodibois est intervenu volontairement en reprise d'instance par conclusions du 15 juillet 1998.
La procédure a ainsi été rétablie. Aucune des parties n'a conclu par la suite. Probois a justifié avoir déclaré sa créance pour un montant de 120.000 F.
A l'audience tenue, le 12 janvier 2000, Maître Enjalabert ès qualités n'a pas fait plaider son dossier.
Sur ce LA COUR :
Considérant que la marque invoquée Probois a été déposée en 1965 et renouvelée en dernier lieu le 30 janvier 1990 pour désigner des moulures en classe 20 ;
Que la marque incriminée Prodibois a été déposée le 3 janvier 1990 pour désigner des meubles divers en particulier bibliothèques et étagères en classe 20 également ;
Considérant que Maître Enjalabert ès qualités (qui conteste le caractère distinctif de la marque invoquée mais n'en réclame pas la nullité, qui évoque une coexistence passée mais n'allègue pas d'une quelconque forclusion par tolérance) ne développe en réalité en appel aucun moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges qui, par des motifs pertinents que la cour adopte, ont justement retenu :
- que les deux signes présentant la même syllabe d'attaque " Pro " et la même terminaison " Bois ", la présence dans la marque incriminée de la syllabe intermédiaire supplémentaire " Di ", n'empêchait pas que leur ressemblance visuelle et phonétique suscite un risque de confusion pour le client d'attention moyenne ne les ayant pas simultanément sous les yeux ou dans un temps rapproché à l'oreille,
- que les moulures désignées par la marque invoquée étaient de même nature (le bois) que les meubles de la marque incriminée et que ces produits étaient vendus dans les mêmes magasins, en particulier Conforama, de sorte qu'ils pouvaient être attribués par la clientèle à la même origine,
- que l'imitation illicite sanctionnée à l'article L. 713-3 b du Code de la propriété intellectuelle était ainsi constituée ;
Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef, de même qu'en ce qu'il a prononcé la nullité de la marque incriminée et ordonné la publication de la décision au Registre National des Marques ;
Considérant qu'ayant constaté par ailleurs l'antériorité dont bénéficie Probois sur sa dénomination sociale et son nom commercial, et relevé qu'il était apporté de multiples justifications des confusions suscitées de ce fait auprès des clients, et notamment des distributeurs des produits des sociétés en présence, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu à l'encontre de Prodibois (qui a fait valoir vainement, alors que la dénomination sociale est protégée sur l'ensemble du territoire, qu'elle avait son siège dans le Tarn tandis que son adversaire est établie dans le Nord) les griefs d'usurpation de dénomination sociale et de concurrence déloyale;
Considérant qu'eu égard à la procédure collective dont fait l'objet Prodibois, le jugement sera réformé du chef des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre auxquelles seront substituées des fixations de créances - l'intimée, bien qu'elle ait fait appel incident, ayant limité ses déclarations au montant des condamnations prononcées en première instance; que la cour en effet adopte les motifs du tribunal concernant l'estimation du préjudice subi par Probois et de ses frais irrépétibles mis à la charge de son adversaire ; qu'il sera simplement précisé que les mesures d'interdictions ordonnées par le tribunal s'appliquent à l'usage du terme Prodibois comme marque pour les produits de la classe 20 ou comme signe distinctif ;
Considérant que le tribunal a estimé avec raison que des mesures de publication n'étaient pas nécessaires ;
Considérant qu'il convient de dire que chaque partie supportera ses dépens d'appel qu'il n'y pas lieu de faire droit aux demandes formées en appel au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, confirme le jugement entrepris, sauf du chef des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la société Prodibois, réformant de ce seul chef précisant et ajoutant, dit qu'aux condamnations pécuniaires prononcées par le tribunal à l'encontre de la société Prodibois seront substituées des fixations de créances ; dit que les mesures d'interdiction ordonnées par le tribunal s'appliqueront à l'usage du terme Prodibois comme marque, pour les produits de la classe 20, ou comme signe distinctif, rejette toute autre demande, dit que chaque partie supportera ses dépens d'appel.