CA Besançon, 2e ch. civ., 26 janvier 2000, n° 97-02225
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vuillemin, Alfaro
Défendeur :
American Express Company (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rastegar
Conseillers :
M. Polanchet, Mme Vignes
Avoués :
Mes Leroux-Meunier, Graciano
Avocats :
Mes Dufour, Alcairaz.
Faits et prétentions des parties
Entre 1975 et 1995, la société de droit américain, American Express Company a déposé et régulièrement renouvelé auprès de l'INPI, la marque American Express pour les classes de produits et services n° 16-25-35- 36-38-39-41 et 42 ainsi que 14 autres marques déclinées à partir de la dénomination American Express.
Reprochant à Messieurs Vuillemin et Alfaro d'avoir porté atteinte à ses droits en procédant au dépôt le 23 août 1995 de la marque American Express pour les produits et services des classes 9-29-30-32-33 et 34, la société American Express Company les a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Besançon pour obtenir l'annulation de ce dépôt et la réparation de son préjudice.
Par jugement rendu le 23 septembre 1997, le Tribunal a :
- rejeté les exceptions de procédure soulevées par les défendeurs,
- dit qu'en procédant au dépôt des signes American Express à titre de marques, Messieurs Vuillemin et Alfaro ont commis des agissements parasitaires au préjudice de la société de droit américain American Express Company,
- condamné solidairement Messieurs Didier Vuillemin et Roger Alfaro à payer à la société American Express Company la somme :
- soixante mille francs (60.000 F) à titre de dommages et intérêts de ce chef,
- dit que la marque American Express déposée à l'INPI le 13 août 1995 par les défendeurs sous le numéro 95 585 682 est nulle,
- dit que dans le mois de la signification du présent jugement Messieurs Vuillemin et Alfaro devront solidairement notifier leur renonciation aux marques American Express déposées les 6 juin et 23 août 1995 à l'INPI et qu'à défaut la radiation sera faite par la société American Express aux frais des défendeurs,
- fait interdiction aux défendeurs d'utiliser la marque American Express sous astreinte de 2.500 F par infraction constatée,
- ordonné la publication du présent jugement par extraits dans deux journaux au choix de la demanderesse, le coût de chaque insertion ne dépassant pas la somme de 4.000,00 F,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné solidairement les défendeurs aux dépens ainsi qu'au versement à la société demanderesse d'une somme de
- sept mille cinq cents francs (7.500 F) au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 24 octobre 1997, Messieurs Vuillemin et Alfaro ont interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28/12/1998;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par les appelants le 17 février 1999;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par la société American Express Company, intimée et appelante incidente le 20 mai 1999;
Vu les pièces régulièrement versées aux débats et la procédure
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée en la forme.
Au fond,
Attendu qu'il convient liminairement de constater que les exceptions de litispendance et connexité soulevées devant les premiers juges sont devenues sans objet et ne sont donc pas reprises par les appelants devant la Cour;
Attendu que la marque litigieuse a fait l'objet de la part des appelants de deux dépôts:
- le 6 juin 1995 sous le n° 95-580 601 pour les classes n° 3-14-18 et 34,
- le 23 août 1995 sous le n° 95-585 682 pour les classes n° 9-29 30-31-32-33-34,
Attendu que par deux arrêts rendus les 16 juin 1997 et 18 novembre 1997, la Cour d'Appel de Nancy a confirmé les décisions rendues par l'INPI rejetant partiellement
1) la demande d'enregistrement de la marque American Express déposée le 6 juin 1995 pour la classe 34, laissant subsister le dépôt pour les classes 3-14-18,
2) la demande d'enregistrement de la marque American Express déposée le 23 août 1995 pour tous les produits des classes 9-29-30-31-32-33-34 à l'exception du café
Attendu que compte tenu du caractère partiel des décisions de rejet des dépôts faits par les appelants, la demande de nullité formée par la société American Express demeure donc recevable, contrairement à ce que soutiennent Messieurs Vuillemin et Alfaro, à l'encontre des deux dépôts faits les 6 juin 1995 et 23 août 1995;
Attendu que sur le fond, Messieurs Vuillemin et Alfaro se prévalent du principe de spécialité et soutiennent essentiellement être fondés à procéder au dépôt de la marque litigieuse pour des classes de produits totalement différentes de celles visées dans les dépôts de la société American Express Company et pour lesquelles il n'existe aucun risque de confusion;
Mais attendu que la marque American Express dispose incontestablement pour les activités de tourisme et de crédit d'une notoriété et renommée mondiale, que dès lors, son dépôt pour des produits aussi divers que les produits à blanchir, les métaux précieux, les cuirs et les imitations, le café....ne peuvent que traduire la volonté de Messieurs Alfaro et Vuillemin d'évoquer dans l'esprit du public la marque notoire et profiter de manière déloyale de son pouvoir attractif sur un public qui n'a pas une conscience claire de l'étendue des activités et produits couverts par la société American Express; qu'une telle utilisation parasitaire de la renommée d'une marque crée un risque de confusion et entraîne un affaiblissement du caractère distinctif et attractif de la marque; que dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal a fait droit aux Demandes d'annulation du dépôt de la marque American Express par Messieurs Vuillemin et Alfaro et d'interdiction d'utilisation, que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point y compris sur le montant des astreintes fixées sauf à préciser que l'annulation s'appliquera aux deux dépôts des 6 juin 1995 et 23 août 1995;
Attendu que de même l'utilisation frauduleuse faite par Messieurs Vuillemin et Alfaro de la marque American Express et Le préjudice subi par la société qui en est propriétaire justifient leur condamnation à indemnisation ; qu'eu égard aux éléments du dossier et à la persistance des appelants dans leurs agissements parasitaires, il y a lieu de porter à 100.000 F la condamnation prononcée à leur encontre ;
Attendu que Messieurs Vuillemin et Alfaro, succombant en appel seront condamnés à supporter les dépens des deux instances;
Attendu qu'en outre, l'équité conduit à les condamner à payer à la société American Express Company 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les procédures de l'instance et d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt Contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare l'appel principal recevable mais mal fondé ; Déclare l'appel incident recevable et partiellement fondé ; Constate que les exceptions de litispendance et connexité soulevées en première instance et devenues sans objet, n'ont pas été reprises devant la Cour ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - dit qu'en procédant au dépôt des signes American Express à titre de marques, Messieurs Vuillemin et Alfaro ont commis des agissements parasitaires au préjudice de la société American Express Company, - dit que la marque American Express déposée à l'INPI le 23 août 1995 par Messieurs Vuillemin et Alfaro sous le n° 95585682 est nulle, Y ajoutant : Dit que la marque American Express déposée à l'INPI le 6 juin 1995 sous le n° 95580601 est nulle ; Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions relatives à l'injonction faite à Messieurs Vuillemin et Alfaro de procéder à la renonciation des marques American Express, à l'interdiction de faire usage de ladite marque sous astreinte et à la publication de la décision ; Condamne Messieurs Vuillemin et Alfaro à payer à la société American Express Company la somme de cent mille francs (100.000 F) à titre de dommages et intérêts ; Condamne Messieurs Vuillemin et Alfaro à payer à la société American Express Company la somme de vingt mille francs (20.000 F) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne Messieurs Vuillemin et Alfaro aux dépens de première instance et d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Graciano, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.