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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2000, n° 97-19.809

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Véloce Auto (SA), Mustière (SA), Centre automobile de l'étoile (SA), Garage Moison (SA), Patrick Gimbert négoce (SA), Bodet J et B (SA), SDVN (SA), SINA (SA), SONADIP (SA)

Défendeur :

Ouest distribution courtage 44 (SARL), Goupil (ès qual.), Brunet-Beaumel (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Peignot, Garreau, SCP Ryziger, Bouzidi.

T. com. Saint-Nazaire, du 17 janv. 1996

17 janvier 1996

LA COUR : - Donne acte à la SONADIP de son désistement de pourvoi ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 juin 1997) que les sociétés Véloce Auto, Mustière, Centre automobile de l'étoile, Moison, P Gimbert négoce, J et B Bodet, SDVN, SINA et SONADIP, concessionnaires exclusifs de plusieurs marques automobiles, ont fait assigner la société Ouest distribution courtage (ODC), lui reprochant de vendre des véhicules importés à des prix déloyaux, au mépris des réseaux de distribution et de la réglementation ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches : - Attendu que les sociétés Véloce Auto, Mustière, Centre automobile de l'étoile, Moison, PGimbert négoce, J et B Bodet, SDVN et SINA reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si l'activité de revendeur de véhicules neufs ou de mandataire, hors réseau de distribution peut être licite, encore faut-il que celles-ci soient exercées régulièrement, que l'article 3, point 10, a, et 11 du règlement de la Commission n° 1475-95 du 28 juin 1995 prévoit que l'exemption s'applique lorsque le distributeur s'engage à ne livrer un revendeur "des produits contractuels que si ce revendeur est une entreprise du réseau de distribution", ou à un "intermédiaire", "mandaté par écrit", de sorte que la responsabilité d'un revendeur hors-réseau peut toujours être recherchée sur le fondement de la méconnaissance de ces textes, si bien qu'en statuant de la sorte, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée par leurs conclusions claires et précises arguant de la fausse qualité de mandataire professionnel dont s'était prévalu la société ODC pour acquérir des véhicules neufs auprès des distributeurs, qui exerçait en réalité une activité de revendeur, ce dont il résultait une acquisition illicite des véhicules par usage d'une fausse qualité, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 1382 du Code civil ; et l'article 3, point 10, a, et 11 du nouveau règlement de la Commission n° 1475-95 du 28 juin 1995 ; alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, si le fait de commercialiser des produits en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficie un concessionnaire exclusif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, il en va autrement si cette commercialisation s'accompagne d'un comportement déloyal, si bien qu'en statuant de la sorte tout en constatant expressément que la société ODC avait de façon fautive pratiqué des ventes à prime au mépris de l'article 29 de l' ordonnance du 1er décembre 1986, codifié à l'article L. 121-35 du Code de la consommation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes précités et l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin, qu'en énonçant qu'elles n'avaient subi aucun préjudice dans la mesure où elles n'avaient pas sollicité la cessation des agissements déloyaux, en dépit du fait que, dans leur exploit introductif, elles avaient sollicité la cessation sous astreinte de la commercialisation des véhicules, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir justement énoncé que l'activité de mandataire ou de revendeur de véhicules neufs est licite, et qu'une importation parallèle ne saurait constituer en elle-même un acte de concurrence déloyale, l'arrêt retient que la preuve d'une faute distincte résultant de l'utilisation, par la société ODC, de mandats fictifs n'était pas rapportée; que par cette appréciation des éléments produits en preuve, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le grief de la première branche n'est pas fondé ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt énonce que les offres promotionnelles illicites auxquelles a procédé la société ODC constituent une faute à sa charge et par voie de conséquence des actes de concurrence déloyale; que s'il énonce à tort que les concessionnaires ne justifient pas avoir exercé une action aux fins de cessation de la publicité litigieuse, l'arrêt n'en déduit pas une absence de préjudice; que les griefs de la troisième et de la quatrième branches manquent en fait ;

Mais sur la deuxième branche du moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande des sociétés concessionnaires relative à la faute commise par la société ODC en revendant des véhicules neufs, l'arrêt retient qu'il appartient aux concessionnaires de faire la preuve d'un approvisionnement irrégulier et que le seul fait que la société ODC ne communique pas ses sources d'approvisionnement ne peut constituer une telle preuve ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il appartient à l'opérateur qui a acquis des véhicules neufs pour les revendre de faire la preuve qu'il les a régulièrement acquis sur un réseau parallèle ou auprès d'un autre concessionnaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la cinquième branche du moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts des sociétés concessionnaires après avoir constaté que les offres promotionnelles illicites effectuées par la société ODC constituent une faute constitutive de concurrence déloyale, l'arrêt énonce que les concessionnaires ne démontrent pas qu'ils aient effectivement subi un préjudice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des actes déloyaux constatés, qui conféraient à la société ODC un attrait spécial pour la clientèle, qu'ils causaient un préjudice, fût-il seulement moral, aux sociétés concessionnaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.