CA Bordeaux, 1re ch. C, 19 janvier 2000, n° 99-05573
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
K par K (SA) ; K par K Sud (SA) ; K par K (GIE)
Défendeur :
GPA (Sté) ; Aquitaine Distribution Confort (SARL) ; Lonne (ès qual.) ; Bouron ; Pons ; Mourge ; Champagne ; Meynard ; Cabrillat ; Estrach ; Chretien ; Lancereau
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boutie
Conseillers :
MM. Septe, Bertrand
Avoués :
SCP Labory-Moussie & Andouard, SCP Puybaraud
Avocats :
Mes Moulin-Boudard, Duran-Blondel.
Estimant que la démission de douze salariés de son agence de Carbon-Blanc était la conséquence d'un acte de concurrence déloyale commis par la société GPA et la société ADC à son détriment, les sociétés K par K assignaient en référé ces deux sociétés et les salariés concernés afin que soit ordonnée une expertise afin de chiffrer le préjudice subi du fait de cette infraction et que lui soit versée une provision de 500.000 F.
Par ordonnance du 21 octobre 1999, le juge des référés au tribunal de commerce de Bordeaux, après s'être déclaré compétent, rejetait les demandes des sociétés K par K et rejetait les demandes des défendeurs fondées sur l'allocation de sommes en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration du 4 novembre 1999, dont la régularité n'est pas contestée, les sociétés K par K relevaient appel de cette décision. Dans une ordonnance du 8 novembre 1999, le premier président de cette Cour autorisait l'assignation à jour fixe et déterminait la date de l'audience.
Dans ses conclusions déposées le 25 novembre et le 8 décembre 1999, les sociétés K par K soutiennent que les pièces communiquées démontrent que les actes de concurrence déloyale accomplis tant par la société GPA que par la société ADC et par les salariés sont pleinement établis et qu'ils n'ont aucun lien ni rapport avec les clauses des contrats de travail ayant existé entre les sociétés K par K et les anciens salariés.
Elles concluent à la réformation de cette ordonnance et demandent que soit mise en place la mesure d'expertise sollicitée et que la société GPA et la société ADC lui payent solidairement un somme de 500.000 F à titre de provision. Elle réclame encore la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur Bouron, Madame Pons et Monsieur Mourge, dans leurs écritures déposées le 07 décembre 1999, soutiennent tout d'abord que le juge des référés du tribunal de commerce était incompétent pour connaître de la demande faite à leur encontre. A titre subsidiaire, ils estiment que le premier juge a fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce et sollicitent donc la confirmation de la décision entreprise, ils réclament encore la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 15.000 F en remboursement de leurs frais irrépétibles.
Monsieur Champagne, Mademoiselle Estrach et Monsieur Cabrillat, régulièrement assignés à personne, n'ont pas constitué avoué pour faire connaître leurs moyens de défense.
La société GPA et la société ADC ont été régulièrement assignées en la personne de Maître Lonne, prise en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de ces sociétés. Par courrier du 8 décembre 1999, ce mandataire indique qu'il n'interviendra pas dans l'instance.
Monsieur Lancereau était cité à domicile le 18 novembre 1999 et réassigné en mairie le 7 décembre 1999. Monsieur Chretien était réassigné en mairie le 7 décembre 1999.
Monsieur Meynard était assigné selon les formalités prévues à l'article 659 du nouveau code de procédure civile le 18 novembre 1999. Aucun renseignement n'a pu être recueilli par l'huissier sur son nouveau domicile ou son nouveau travail. Il n'est donc pas utile de procéder à sa réassignation. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du nouveau code de procédure civile.
Le 2 décembre 1999, les sociétés K par K produisaient leur créance à la liquidation judiciaire de la société GPA et de la société ADC.
Sur quoi,
Sur la compétence
Attendu que les intimés constitués soulèvent l'incompétence du juge commercial ; qu'ils estiment en effet que n'étant pas commerçants, seul le tribunal de grande instance pouvait connaître de la demande formée contre eux ;
Attendu en effet que l'action en concurrence déloyale obéit aux règles du droit commun ; que sont compétents le tribunal de commerce lorsque cette action est dirigée contre un commerçant, le tribunal de commerce lorsqu'elle est dirigée contre un non-commerçant et le conseil de prud'hommes en cas de manquement par un salarié aux obligations résultant de son contrat de travail ou à la violation d'une clause de non-concurrence après l'expiration de celui-ci ;
Qu'en l'espèce, il est constant qu'aucun des salariés n'était dans les liens d'une clause de non-concurrence ; qu'il n'est pas démontré qu'ils exerçaient à titre personnel une activité salariée ; qu'ainsi, le tribunal de commerce était incompétent pour connaître de la demande faite contre ces personnes physiques et que l'ordonnance sera réformée sur ce point ;
Que toutefois, en application de l'article 79 du nouveau code de procédure pénale, la Cour statuera sur le litige étant juridiction d'appel du tribunal de grande instance de Bordeaux, normalement compétent ;
Sur la concurrence déloyale
Attendu en droit que l'action en concurrence déloyale est une action en responsabilité fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil ; qu'elle nécessite la preuve d'une faute, soit un acte de concurrence fautif, d'un préjudice démontré et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice qui en est résulté ;
Attendu en l'espèce qu'au soutien de leur appel, les sociétés K par K expliquent que les conditions légales ci-dessus rappelées sont réunies car elle démontre, par les pièces qu'elles ont régulièrement communiquées :
- le débauchage massif de salariés de l'agence qui démissionnaient pour raisons personnelles,
- l'embauchage dans les semaines suivantes de ces salariés par la société GPA ou par la société ADC, société crée à cette fin,
-la signature de contrats par les anciens salariés, maintenant au service de la société GPA ou de la société ADC, avec des clients des sociétés K par K,
le dénigrement, la confusion, la désorganisation interne des sociétés K par K par les propos tenus par d'anciens salariés à certains clients ;
Qu'elles en tirent l'existence d'une faute caractérisée ; que leur préjudice est démontré par l'existence d'une baisse du chiffre d'affaires réalisé durant l'année 1999 en relation directe avec la faute ainsi commise ;
Mais attendu tout d'abord que l'ensemble des salariés incriminés n'ont pas démissionné puisqu'il résulte des débats que Madame Pons était licenciée par lettre du 6 janvier 1999 ;
Que si les autres démissionnaires indiquent qu'ils agissent pour raisons personnelles, il ne peut pas être sérieusement contesté que certains d'entre eux agissaient ainsi par suite de changements dans leurs conditions de travail (Monsieur Bouron) ; que certains courriers font état de discussions préalables et notamment à une réunion du 14 décembre 1998, ce qui révèle un climat tendu comme le relève le premier juge ;
Attendu ensuite que les actes de dénigrement ne reposent que sur trois attestations ; que force est de constater que celles des époux Coulais et de Madame Gabriel ne correspondent pas aux exigences de l'article 202 du nouveau code de procédure civile et que la Cour ignore ainsi dans quelles circonstances ces lettres ont été obtenues ni l'identité précise de leurs auteurs ; Que celle de Madame Peyronnet, régulière en la forme, ne met en cause aucune des parties à l'instance, puisque les propos rapportés auraient été tenus par "une personne qui s'est présentée comme étant de la société K par K de Libourne" ;
Attendu sur le détournement de clientèle allégué qu'il n'apparaît pas à la Cour, statuant en matière de référé, que la production de 14 contrats suffit à démontrer de manière incontestable ce détournement alors au surplus qu'il résulte du propre résumé fait par les sociétés K par K que seul celui intéressant Pineau est conclu avec la société GPA à un montant très approchant ;
Qu'en outre, il est établi que les sociétés K par K et la société GPA et la société ADC, si elles exercent leur activité en partie dans un domaine identique, n'ont pas totalement les mêmes prestations puisque ces dernières vendent des fermetures électriques, produits que ne vendent pas les sociétés K par K ;
Attendu enfin que les sociétés appelantes ne démontrent objectivement aucune désorganisation de leur entreprise ; que surtout, le préjudice qu'elles prétendent avoir subi ne repose sur aucun élément comptable objectif, aucun bilan ou prévisionnel comptable n'étant produit ;
Attendu en conséquence que, pas plus qu'en première instance, les sociétés K par K ne font la preuve d'une faute commise par les intimés ni d'un préjudice certain en son principe ;que l'ordonnance les déboutant de leur demande sera confirmée ;
Attendu que les sociétés K par K, qui succombent dans leurs prétentions, supporteront les dépens ;
Que, tenues aux dépens, elles devront payer à Monsieur Bouron, Madame Pons, Monsieur Mourge la somme de 15.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu sur les dommages-intérêts qu'il n'est pas démontré une faute dans l'exercice de la voie de l'appel ni l'existence d'un préjudice supérieur à celui inhérent à l'exercice de toute action en justice ; qu'ils ne seront donc pas accordés ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier ; Au fond, infirme l'ordonnance rendue le 21 octobre 1999 par le juge des référés au tribunal de commerce de Bordeaux en ce que ce magistrat retenait sa compétence pour l'ensemble du litige ; Statuant à nouveau ; Dit et juge que le tribunal de grande instance de Bordeaux était compétent pour connaître des demandes diligentées à l'encontre des anciens salariés des sociétés K par K ; Faisant application des dispositions de l'article 79 du nouveau code de procédure civile ; Confirme pour le surplus la décision déférée ; Y ajoutant ; Dit n'y avoir lieu à octroi de dommages-intérêts ; Condamne les sociétés K par K à payer à Monsieur Bouron, Madame Pons et Monsieur Mourge la somme de 15.000 F (2286,74 Euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne les sociétés K par K aux dépens et autorise la SCP d'Avoués Puybaraud à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.