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Décisions

Cass. com., 14 décembre 1999, n° 97-20.988

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Foncia Gros Horloge (SA)

Défendeur :

Cabinet Descolas (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Rapporteur :

Mme Champalaun

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Le Bret, Laugier, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.

Versailles, 13e ch. civ., du 11 sept. 19…

11 septembre 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 1997), que Mme Bussy, employée depuis 27 ans par la société Agence du Château, laquelle exerce une activité de transaction immobilière et de gestion d'immeubles, a démissionné de son emploi et a été embauchée par la SARL Cabinet Descolas (le cabinet Descolas) qui exerce la même activité ; que constatant qu'une partie de sa clientèle l'avait quittée au profit du Cabinet Descolas, l'Agence du Château, à présent dénommée la société Foncia Gros Horloge, a assigné ce dernier en dommages-intérêts pour débauchage d'un salarié et détournement de clientèle constitutifs de concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Foncia Gros Horloge reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande et de l'avoir condamnée à payer au Cabinet Descolas une certaine somme à titre de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile alors, selon le pourvoi, d'une part, que la simple concommitance entre le départ d'un salarié et le transfert de clientèle est de nature à caractériser la concurrence déloyale ; que l'arrêt attaqué, qui a relevé la concomitance entre l'embauche de Mme Bussy et le transfert de clientèle d'un employeur à l'autre, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement, et a, dès lors, violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d appel, qui a aussi constaté que le transfert de clientèle résultant du départ de Mme Bussy s'expliquait par le fait que les propriétaires désiraient entretenir avec le gérant de leurs biens des relations de confiance et de longue durée, et que M. Descolas reconnaissait qu'il avait contacté de son propre chef Mme Bussy, n'a pu écarter l'existence du détournement de clientèle commis par le Cabinet Descolas au préjudice de la SA Agence du Château, et a, par suite, encore violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, enfin, que l'emploi par une décision judiciaire d'un motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en employant l'adverbe "vraisemblablement" pour justifier que la résiliation des mandats de gestion dont profitait jusqu'au départ de Mme Bussy la société Agence du Château était due aux changements de locataires-gérants de son fonds, et expliquer ainsi le transfert de clientèle, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif en violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir justement énoncé que la simple concomitance entre le départ de Mme Bussy et le transfert de clientèle ne suffit pas à caractériser la concurrence déloyale, que les clients du premier employeur sont libres de suivre le salarié chez son nouvel employeur, dès lors que ce transfert de clientèle n'est pas suscité, mais résulte du libre choix de l'intéressé, et que de même le nouvel employeur peut accepter la clientèle qui suit le salarié et n'a aucune obligation de refuser ce transfert de clientèle, dès lors qu'il n'en est pas à l'origine, la cour d'appel a constaté que l'Agence du Château ne proposait aucune preuve d'un éventuel démarchage de clientèle ; que la cour d'appel, qui, par le motif visé à la troisième branche, a exprimé son opinion, et non pas un doute sur l'origine de la résiliation d'un certain nombre de mandats de gestions confiés à l'Agence du Château, a, pu déduire de ces énonciations et constatations qu'aucun des actes de concurrence déloyale reprochés au Cabinet Descolas n'était démontré ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Foncia Gros Horloge fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel, ayant expressément constaté que le Cabinet Descolas avait de son propre chef contacté Mme Bussy, n'a pu écarter la faute commise par ledit employeur dans le débauchage de ce salarié appartenant à un cabinet concurrent, les énonciations de l'arrêt selon lesquelles cette prise de contact aurait été effectuée sur l'indication d'une tierce personne ne pouvant suffire à exclure cette faute ; que, par suite, l'arrêt a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'aucune anomalie révélatrice d'une faute du nouvel employeur, qui a pris contact avec Mme Bussy, dont le désir de ne plus être salariée de l'Agence du Château était depuis longtemps divulgué, pour qu'elle vienne travailler dans son cabinet, n'était établie, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.