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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 2 novembre 1999, n° 98-0004431

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bespi Zac "Le Fenouillet" (SARL), Cash Converters France (SA)

Défendeur :

Centrale Inter Echange (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

Mme Poli-Sonntag, M. Derdeyn

Avoués :

SCP Jougla-Jougla, SCP Argelliés-Travier

Avocats :

Mes Denel, Cohen.

T. com. Montpellier, du 17 juin 1998

17 juin 1998

Faits et procédure

La société Cash Converters France, qui bénéficie de l'exclusivité de la franchise Cash Converters pour la France depuis 1994, a pour objet social de développer et d'assurer un réseau de sous-franchisés dont l'activité est d'acheter et de revendre des objets d'occasion. L'un de ces sous franchisés, la société Bespi, a ouvert un magasin à Perols le 6 janvier 1997.

Le 3 avril 1997 la société Centrale Inter Echange qui exploite la marque Cash et qui a, également, au moins partiellement, pour objet l'achat puis la vente de matériel d'occasion ouvrait un magasin à Perols.

Arguant qu'il y avait de la part de la société Centrale Inter Echange une concurrence déloyale et des actes de parasitisme les sociétés Bespi et Cash Converters France, après avoir fait désigner un huissier pour constat, saisissaient le tribunal de commerce de Montpellier afin de voir la société Centrale Inter Echange condamnée à leur payer des dommages et intérêts.

Par jugement en date du 17 juin 1998 le tribunal de commerce de Montpellier a débouté les sociétés Bespi et Cash Converters France de leurs demandes et la société Centrale Inter Echange de ses demandes de dommages et intérêts et d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 25 août 1998 la société Bespi et la société Cash Converters France ont relevé appel de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

Il est expressément fait visa aux conclusions déposées et notifiées le 8 juillet 1999 par la société Centrale Inter Echange et le 17 septembre 1999 par les sociétés Bespi et Cash Converters France.

Les sociétés Bespi et Cash Converters France demandent à la Cour de réformer la décision déférée et de condamner la société Centrale Inter Echange à payer à la société Cash Converters France la somme de 5.000.000F à titre de dommages et intérêts et celle de 2.500.000F à la société Bespi outre celle de 15.000F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions les sociétés appelantes soutiennent que la société Centrale Inter Echange a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

La société Centrale Inter Echange demande à la Cour de confirmer la décision déférée et de condamner les sociétés appelantes à lui payer la somme de 20.000F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de sa demande la société Centrale Inter Echange fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Discussion

Il convient, en introduction, de rappeler que la concurrence reste en France un principe fondé sur la liberté du commerce et de l'industrie et que dès lors, le détournement de clientèle à son profit ne peut être, en soi, sanctionné, seuls les moyens déloyaux pour parvenir à ce but tombent sous le coup de la loi.

Il apparaît ainsi que la société Bespi et la société Cash Converters France ne peuvent exiger une protection de la seule idée, même si elle est baptisée concept, d'acheter comptant en numéraire des objets déjà utilisés qui seront ensuite revendus plus chers, ce marché de l'occasion étant universellement connu et pratiqué depuis des temps immémoriaux.

De même le terme anglo-saxon " Cash" pour comptant ne saurait, en l'état de la pénétration de la langue française par la terminologie étrangère, faire l'objet d'une quelconque protection puisqu'il est d'utilisation courante.

En revanche, la marque ou l'enseigne Cash Converters doit être protégée, mais, à l'évidence, il ne peut y avoir ni à la vue ni à l'ouïe de confusion possible avec "P Cash ", ce d'autant que les couleurs utilisées sont différentes, " P Cash" étant inscrit en noir et blanc sur fond vermillon avec bande blanche et bandeau jaune alors que Cash Converters est inscrit en lettre uniquement blanche sur fond bordeaux.

L'agencement des magasins, qui comprend la présentation des produits, reste dans l'ensemble, malgré quelques différences, très comparable chez la société Bespi et la société Centrale Inter Echange. Toutefois, cette similitude d'agencement ne peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale puisqu'elle correspond à des nécessités fonctionnelles actuellement en vigueur dans tous les commerces de grande distribution et correspond, en outre, à des nécessités techniques notamment de sécurité.

La publicité faite par chaque magasin reste différente bien qu'il soit certain que, fondamentalement, l'une comme l'autre, ne font que vanter l'objet social des deux entreprises l'achat et la revente du matériel d'occasion. Il en est de même pour les slogans publicitaires "nous achetons, nous vendons, nous troquons" pour Cash Converters et "J'achète je vends j'échange" pour P Cash qui, par leur banalité même, et parce qu'en réalité ils ne définissent que l'objet social des entreprises ne sauraient être protégés, pas plus d'ailleurs que l'intégration dans certaines formules publicitaires du terme Cash.

C'est vainement que les sociétés Bespi et Cash Converters France soutiennent que la société Centrale Inter Echange aurait commis des actes de parasitisme en s'inspirant de son concept et en copiant son savoir faire. En effet, comme il a été dit ci-dessus rien ne permet de dire que les sociétés Bespi et Cash Converters France aient créé un concept protégeable ou une organisation qui a nécessité des études et des investissements que la société Centrale Inter Echange aurait utilisés à son profit en en économisant ainsi le coût.

Enfin, la Cour ne tirera aucune conclusion, d'ailleurs non sollicitée par les parties, sur le fait que, tant au magasin P Cash, qu'au magasin Cash Converters France le vendeur a maladroitement, ou peut être malhonnêtement, répondu à la question piège de l'huissier, que celui-ci se trouvait bien chez le concurrent.

Il convient donc de confirmer la décision déférée.

L'équité commande d'allouer à la société Centrale Inter Echange La somme de 15.000F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, En la forme reçoit l'appel, Au fond, Confirme le jugement déféré qui produira son plein et entier effet, Y ajoutant, Condamne les sociétés Bespi et Cash Converters France à payer à la société Centrale Inter Echange la somme de 15.000F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne les sociétés Bespi et Cash Converters France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.