CA Paris, 25e ch. A, 10 septembre 1999, n° 1997-10588
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Infotax (SARL)
Défendeur :
Velon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briottet
Conseillers :
Mmes Deurbergue, Bernard
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Lecharny-Calarn
Avocats :
Mes Paulmier, Cayla.
Par jugement du 13 janvier 1997, le Tribunal de Commerce de Paris :
- a condamné la société Cursus Vidéo à payer à la SARL Infotax :
* la somme de 40 000 F à titre de réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de la convention liant les parties,
* la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
* une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- a fait défense à cette société de produire ou diffuser les vidéogrammes intitulés Novell Netware 3.11 Administrer et Novell Netware 3.12 Présentation,
- a interdit la vente de ces vidéogrammes dans le mois de la signification du jugement sous astreinte de 1000 F par infraction constatée
- a dit qu'il n'y a lieu à l'examen des autres moyens soulevés par les parties et rejeté les demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Le 1er mars 1997, la SARL Infotax a fait signifier cette décision à la société Cursus Vidéo, qui a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 1er avril 1997, à la suite de la déclaration de la cessation des paiements faite par son gérant Jean-Christophe Velon le 14 mars 1997.
La SARL Infotax a interjeté appel uniquement à l'encontre de Jean-Christophe Velon. Elle reproche, en effet, au Tribunal de ne pas avoir motivé sa décision de rejet des demandes qu'elle avait formulées contre ce défendeur dans son assignation, alors qu'elle avait exposé ses griefs. Elle prétend que l'intimé a pris une participation active et délibérée aux faits de concurrence déloyale qui ont été caractérisés à l'encontre de la société Cursus Vidéo. Elle estime qu'il a engagé sa responsabilité personnelle par ses agissements fautifs, se rattachant par un lien direct à la gestion de la société dont il était le mandataire légal et principal associé. Elle souligne qu'à ces faits sont attestés par plusieurs personnes, dont les témoignages ne sauraient être remis en cause par d'autres attestations produites tardivement par l'intimé et qui sont contestables. Elle observe que Jean-Christophe Velon détenait les 9/10 du capital de la société Cursus Vidéo, qui n'employait aucun salarié et dont l'objet social ne concernait pas initialement le même secteur d'activité que celui de la concluante. Elle conteste que ses produits aient été de qualité insuffisante, observant que cette assertion n'avait jamais été formulée. En conséquence, elle sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'elle a été déboutée de ses prétentions contre Jean-Christophe Velon, la condamnation de ce dernier à lui régler, à titre personnel et solidairement, ou à défaut in solidum avec la société Cursus Vidéo, la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 1995, subsidiairement du 13 janvier 1997, ainsi qu'une indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC. Elle demande enfin de débouter l'intimé de ses demande, estimant que son recours n'a aucun caractère abusif, compte tenu de l'absence de motivation du jugement et du caractère irrécouvrable de sa créance contre la société Cursus Vidéo.
Intimé, Jean-Christophe Velon réplique que sa responsabilité ne pourrait être engagée que si c'était caractérisée à son encontre une faute distincte de celle pouvant être mise à la charge de la société, ou détachable de ses fonctions de gérant, ce qui n'est pas le cas, les griefs de la société Infotax étant les mêmes que ceux formulés contre la société Cursus Vidéo, qui a déjà été condamnée.. Il fait valoir ensuite que les reproches ne sont pas fondés, comme cela résulte des témoignages qu'il communique aux débats. Il affirme avoir correctement exécuté sa mission et prétend avoir cessé sa collaboration, parce que la société Infotax refusait ses conseils. Il soutient que la liquidation judiciaire dont la société Cursus Vidéo a fait l'objet démontre que son activité n'a pas prospéré. Il estime que l'appelante fait preuve d'un acharnement abusif à son égard. Il demande donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Infotax de ses demandes contre lui et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 15 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Sur ce,
Considérant que la responsabilité personnelle du gérant d'une SARL à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ;
Considérant qu'il résulte de l'assignation délivrée le 23 mars 1995 que la SARL Infotax a recherché pour des faits de concurrence déloyale, non seulement la responsabilité de la société Cursus Vidéo, mais également celle de son gérant et principal associé, Jean-Christophe Velon, à titre personnel ;
Considérant que toutefois, si le Tribunal a caractérisé à l'encontre de la société des fautes, sur lesquelles il n'y a pas lieu de revenir, le jugement étant définitif à cet égard, il n'a pas examiné si le comportement de Jean-Christophe Velon avait été préjudiciable à la société Infotax ;
Considérant que les Premiers Juges ont retenu à l'encontre de la société Cursus Vidéo comme constitutifs de fautes :
- le fait qu'elle avait étendu son objet social aux activités exercées par la SARL Infotax à la suite de sa collaboration avec elle,
- son positionnement sur le même marché, en réalisant des produits concurrents, en parfaite connaissance des possibilités de développement et d'optimisation du produit pour les avoir étudiés au cours de cette collaboration ;
Que ce comportement a été qualifié de parasitaire ;
Considérant que le démarchage de la clientèle et le pillage d'informations permettant de développer des produits présentant les mêmes caractéristiques que ceux de l'appelante ne constituent pas des fautes séparables des fonctions de gérant exercées par l'intimé ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'attestation de Monsieur Sudaka, ancien responsable technique et commercial de l'appelante, que Jean-Christophe Velon a fait pression sur lui pour " l'éloigner " de cette société ;
Considérant qu'en revanche, en décidant de modifier la dénomination, le siège et l'objet social de la société dont il était le principal associé et l'unique employé, l'intimé a permis de dissimuler que l'entreprise qu'il dirigeait commercialisait des produits semblables à ceux réalisés par une cliente qui l'avait chargé de les promouvoir.
Qu'ainsi il a contribué par un agissement fautif personnel à concurrencer de manière déloyale l'activité de la société Infotax ;
Considérant que les deux attestations communiquées par Jean-Christophe Velon critiquant les vidéogrammes de la SARL Infotax ne suffisent pas à établir qu'ils étaient de mauvaise qualité ;
Considérant que si le comportement de l'intimé a causé un préjudice à l'appelante, force est de constater qu'à défaut de produire les pièces comptables et sociales qui permettraient d'évaluer le dommage qu'elle a souffert, la réparation qui lui sera octroyée ne peut être supérieure à la somme de 50 000 F ;
Que les intérêts au taux légal courront à compter de la présent décision et seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1154 du Code civil ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer en outre à l'appelante une indemnité de 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC,
Par ces motifs : Réforme le jugement déféré en ce qui concerne Jean-Christophe Velon, Et statuant à nouveau, Le condamne à payer à la SARL Infotax la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 10 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles, Ordonne la capitalisation des intérêts, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne Jean-Christophe Velon aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay au bénéfice de l'article 699 du NCPC.