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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 7 mai 1999, n° 1997-18104

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Images (SARL), Liszka, Surveillance Application (SARL)

Défendeur :

Périphériques et Matériels de Contrôle - PMC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Verdun Gastou, Me Huyghe

Avocats :

Mes Tellier, Vesselovsky.

TGI Melun, du 20 mai 1997

20 mai 1997

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Monsieur Liszka et les sociétés Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Images (Vinci) par le tribunal de grande instance de Melun dans un litige les opposant à la société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC).

Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures d'appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants.

PMC qui, de janvier 1988 à fin juillet 1993 a employé Monsieur Liszka en qualité d'analyste programmeur puis de ce chef de projet chargé de développer un logiciel de télésurveillance vidéo dénommé Vigipack, lui reproche d'avoir, aussitôt après son départ, soit à partir de septembre 1993, commercialisé un logiciel selon elle contrefaisant baptisé Space Sensor, dont douze exemplaires ont été vendus entre septembre et décembre 1993 par intermédiaire de la société Surveillance Application qui avait précédemment été en relations avec elle en vue de la commercialisation de Vigipack, et de la société Vinci constituée par Monsieur Liszka et immatriculée au registre du commerce le 6 octobre 1993.

Après y avoir été autorisée, PMC a fait procéder le 26 novembre 1993 à des saisies contrefaçon dans les locaux de Vinci (au domicile de Monsieur Liszka) et au siège de Surveillance Application. Par actes des 7 et 8 décembre 1993, elle a fait assigner Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application devant le tribunal de grande instance de Melun, sollicitant l'institution d'une expertise et réclamant diverses mesures réparatrices en invoquant la contrefaçon ainsi que la concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 15 mars 1994 le tribunal a commis en qualité d'expert Monsieur Huot.

L'expertise

Monsieur Huot a déposé le 12 janvier 1996 son rapport comportant les conclusions suivantes :

- Sur le plan technique :

Vigipack est un logiciel réalisé par PMC entre 1991 et 1993. A l'exception de quelques modules qui auraient pu être apportés par Monsieur Liszka et qui représentent moins de 10 % de l'ensemble, le reste est une création propre à PMC.

Pour sa part, Space Sensor est composé de programmes ayant trois origines :

- Programmes d'interface avec périphériques : disques magnétiques, cartes graphiques qui proviennent de chez PMC. Ils représentent en termes de " poids ", environ 30 % à 40 % du système. Les défendeurs font valoir que ces programmes ont été réalisés par M. Liszka avant son entrée chez PMC. Cela est possible mais non prouvé pour une partie (moins de 10 % de l'ensemble), mais n'explique pas les autres emprunts.

- Une seconde partie qui constitue le coeur du système en terme d'application puisqu'il s'agit de l'analyse de l'image, du positionnement des cibles et de la détection des mouvements. Le poids de cette partie centrale représente environ 30 % à 40 % de l'effort de programmation. Elle a été élaborée à partir des programmes de Vigipack destinés aux mêmes fonctions qui ont été recopiés, réassemblés différemment et améliorés. Il n'est pas techniquement possible d'expliquer les similitudes rencontrées autrement que par le fait que M. Liszka a travaillé à partir d'une copie magnétique des programmes PMC sans doute à partir de mars 1993. Il a conservé environ 50 % des instructions de Vigipack.

- La dernière partie correspond à la détection des alarmes transmises par capteur à la compression de l'image, à sa transmission sur ligne de communication " réseau commuté ". Cette dernière partie qui représente 20 à 30 % de l'ensemble peut être considérée comme très différente de son homologue chez Vigipack.

- Sur le plan du préjudice

Le préjudice de PMC pourrait être situé entre 180 000 F, chiffre (sujet à caution car il s'appuie sur les seules déclarations des défendeurs) casé sur le manque à gagner, et 1 500 000 F, chiffre basé sur l'investissement.

Le premier chiffre ferait manifestement la part belle au salarié indélicat qui aurait " acquis " un logiciel d'un prix de revient de plus de 1 500 000 F pour un préjudice de seulement 180 000 F.

Il nous paraît plus justifié de retenir un préjudice basé sur le second chiffre de 1 500 000 F.

Dans la mesure où Vinci n'utilise qu'une partie de l'ensemble approximativement la moitié, nous proposons au Tribunal de retenir un préjudice de 750 000 F. "

A la suite du dépôt du rapport :

- PMC a réitéré des demandes tendant au prononcé de diverses mesures réparatrices au titre de la contrefaçon ainsi que de la concurrence déloyale et parasitaire,

- les défendeurs ont principalement demandé un complément d'expertise et l'audition par le tribunal de leur expert amiable, Monsieur Lemaire, tout en concluant au débouté de PMC en invoquant en particulier l'incertitude de la datation de Vigipack et le fait que l'originalité de ce logiciel n'aurait pas été établie.

Le jugement entrepris

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement entrepris, comportant le dispositif ci-après :

Dit n'y avoir lieu à ordonner un complément d'expertise ni à audition de Monsieur Lemaire.

Déclare la Société Périphériques et Matériels de Contrôle PMC, propriétaire du logiciel Vigipack.

Dit que le logiciel Space-Sensor est la contrefaçon du logiciel Vigipack.

Déclare Monsieur Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image " Vinci ", et la Société Surveillance Application responsables de cette contrefaçon et responsables d'actes constitutifs de concurrence déloyale et parasitaires.

En conséquence,

Condamne in solidum Monsieur Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image " Vinci " et la Société Surveillance Application à verser à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle " PMC " la somme globale de Neuf Cent Mille Francs (900 000 F) en réparation de l'ensemble des préjudices subis.

Déboute la Société Périphériques et Matériels de Contrôle " PMC " de sa demande de publication en réparation du préjudice moral et de celle de dommages et intérêts pour comportement dilatoire.

Fait interdiction à Monsieur Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image " Vinci " et la Société Surveillance Application de poursuivre la réalisation, la reproduction, la représentation, l'édition, la diffusion ou la commercialisation du logiciel Space Sensor, ainsi que l'utilisation et l'exploitation de tout élément contrefaisant ou partiellement reproduit de tout élément du logiciel Vigipack et ce sous astreinte de Trente Mille Francs (30 000 F) par infraction constatée.

Condamne la Société Surveillance Application à payer à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle " PMC " la somme de 55 623 40 F correspondant à la facture du 19 mars 1993 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1994 date de la mise en demeure.

Dit n'y avoir lieu à restitution sous astreinte du logiciel remis par la Société Périphériques et Matériels de Contrôle " PMC " à la Société Surveillance-Application en février 1993.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Condamne in solidum Monsieur Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image " Vinci " et la Société Surveillance Application à payer à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle " PMC " la somme de 215 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, en ce inclus le remboursement des honoraires de Monsieur Augendre, expert conseil.

Condamne in solidum Monsieur Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image " Vinci " et la Société Surveillance Application aux dépens.

L'appel

Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application poursuivent la réformation intégrale du jugement et prient la cour de :

" Déclarer PMC irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes et de l'en débouter à toutes fins qu'elles comportent.

Ordonner à Monsieur Huot de reprendre ses opérations d'expertise conformément à la mission qui lui a été confiée, notamment de décrire les architectures des deux logiciels en cause et de répondre aux questions comprises dans les dires des appelants ;

Condamne la société PMC à verser à Monsieur Liszka une somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Condamne la société PMC à verser à la société Surveillance Application une somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Condamner la société PMC à verser à la société Vinci une somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Condamner également la société PMC à verser à chacun des appelants une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ".

PMC conclut à la confirmation du jugement dans son principe mais forme appel incident sur les mesures réparatrices. Elle s'oppose aux demandes de ses adversaires en concluant notamment au rejet de la demande d'expertise complémentaire et à l'irrecevabilité de la demande de dommages intérêts, selon elle nouvelle en appel, formée par Monsieur Liszka. Elle prie la cour de :

Déclare recevable et bien fondée la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) en son appel incident du jugement prononcé le 20 mai 1997 par le Tribunal de grande instance de Melun,

Déclarer recevable et bien fondée la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) en tous ses moyens, fins et prétentions,

Y faisant droit,

Déclarer irrecevable Monsieur Jan Liszka en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 500 000 F comme étant une demande nouvelle,

Débouter Monsieur Jan Liszka, la société Vinci et la société Surveillance Application de toutes leurs demandes,

Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Melun du 20 mai 1997 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts de 900 000 F alloués à la société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC), le débouté de la demande de publication et le débouté de la demande de restitution du logiciel prêté à Surveillance Application,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Melun du 20 mai 1997 en ce qu'il a alloué à la société Périphériques et Matériel de Contrôle (PMC) la somme globale de 900 000 F en réparation de l'ensemble des préjudices subis, en ce qu'il a rejeté la demande de publication et la demande de restitution du logiciel à la société Surveillance Application,

Condamner in solidum Monsieur Jan Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image (Vinci) et la Société Surveillance Application à verser à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) une somme de 493 800 F HT, soit 585 646,80 F TTC, correspondant aux gains qu'elle a manqués,

Condamner in solidum Monsieur Jan Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image (Vinci) et la Société Surveillance Application à verser à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) une somme de 3 061 915 F HT augmentée de la TVA correspondant à ses investissements en personnel détournés et/ou perdus,

Condamner in solidum Monsieur Jan Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image (Vinci) et la Société Surveillance Application à verser à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) une somme de 1 042 833 F HT augmentée de la TCA, correspondant à ses investissements en matériels et en participation à des salons professionnels détournés et/ou perdus,

Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou revues au choix de la société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC), Monsieur Jan Liszka, la société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image (Vinci) et la société Surveillance Application étant condamnés in solidum aux frais correspondants, sans que le coût de ces publications puisse être supérieur à 500 000 F HT, soit 593 000 F TTC,

Ordonner à la société Surveillance Application de restituer à la société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC) sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le matériel remis par PMC à Vigipack le 15 février 1993, à titre de démonstration,

Condamner in solidum Monsieur Jan Liszka, la Société Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Image (Vinci) et la Société Surveillance Application à verser à la Société Périphériques et Matériels de Contrôle (PMC), à la somme de 400 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Dire et juger que la somme allouée au titre de l'article 700 du NCPC par les premiers juges portera intérêts à compter du jugement ".

Sur ce LA COUR :

Considérant que les multiples contestations émises à cet égard par les appelants imposent de détailler d'abord les faits et le déroulement de l'expertise ;

Considérant que s'agissant des faits, il ressort du dossier :

- que PMC, à l'origine spécialisée dans la fabrication et la maintenance de terminaux transactionnels pour le PMU, a entrepris le développement de Vigipack suite à des discussions fin 1990/début 1991, avec une société Technom - qui a déposé son bilan en 1992,

- qu'elle a principalement affecté au développement de Vigipack, Monsieur Liszka, entré à son service en 1988 en qualité de programmeur puis, à compter de 1992, de chef de projet, après avoir travaillé pour la Direction des Musées de France qui l'avait notamment chargé de la réalisation d'un système informatique en temps réel de contrôle du processus de la fabrication de céramique pour les ateliers Francine Delpierre à Paris,

- qu'en janvier 1993, PMC a exposé le système Vigipack au salon Insig Banque de Sécurité,

- qu'en février 1993, PMC a remis à la société Surveillance Application ayant pour objet la distribution de matériel de surveillance vidéo un système Vigipack qu'elle lui a facturé le 19 mars 1993,

- que par lettre du 3 mai 1993 Monsieur Liszka a donné sa démission pour le 30 juillet 1993,

- qu'il a effectivement cessé ses fonctions à cette date après avoir adressé aux dirigeants de PMC une note du 22 juin 1993, mise à jour le 1er juillet 1993 comportant la liste détaillée " des programmes étudiés et développés pour le produit Vigipack ",

- que PMC qu'il avait informée de son intention de créer sa propre entreprise, s'était efforcée sans succès de lui faire signer avant son départ (alors qu'auparavant aucun contrat en dehors de la lettre d'embauche n'avait été formalisé entre les parties) un engagement très détaillé de non-concurrence,

- qu'au début du mois de septembre 1993, Monsieur Liszka qui aurait rencontré fortuitement Monsieur Delair de la société Promodeal Promoservices a effectué au siège de celle-ci une démonstration de son nouveau logiciel Space Sensor,

- que Promodeal étant en relations avec PMC lui a rendu compte de cette démonstration qui aurait fait appraître selon elle de fortes ressemblances entre Space Sensor et Vigipack,

- que le 8 novembre 1993, PMC a déposé à l'Agence de Protection des Programmes environ 500 pages de listings sur papier des programmes source de Vigipack,

- que des saisies contrefaçon ont été pratiquées le 26 novembre 1993 aux sièges des sociétés Vinci et Surveillance Application,

- qu'à l'occasion de la saisie effectuée à son domicile, servant également de siège à Vinci, Monsieur Liszka a notamment déclaré : " je suis le seul créateur de logiciel de PMC existant au moment de mon départ (juillet 1993) ... j'ai créé ma propre société enregistrée au mois de septembre au tribunal de commerce de Melun. Depuis sa création, j'ai écrit mon logiciel que j'ai baptisé Space Sensor... le logiciel que je développe actuellement est beaucoup plus élaboré que celui sur lequel je travaillais au sein de PMC... le produit de PMC était uniquement destiné à enregistrer les images provenant de caméras sur disque dur et de les transmettre via une ligne Numéris vers un site central.

Mon produit Space Sensor quant à lui est un vidéosensor et centrale d'alarme doté de possibilités de connexion par réseau RTC ",

- qu'à l'occasion de la saisie pratiquée chez Surveillance Application au cours de laquelle ont été saisies dix-huit disquettes de programmes sauvegardés sur les ordinateurs de la société par l'homme de l'art accompagnant le commissaire de police et six factures de commercialisation de systèmes Space Sensor de Vinci vendus par Surveillance Application, le gérant de Surveillance Application Monsieur Jessel a indiqué :

* qu'il avait connu Monsieur Liszka alors que celui-ci était employé chez PMC,

* qu'il avait vendu un seul système Vigipack dans le cadre de ses relations avec PMC, mais ne s'était pas acquitté de la facture de 55 623,40 F établie par PMC le 19 mars 1993 parce que le programme vendu ne comportait pas les fonctionnalités promises,

* que depuis septembre 1993, date de création de Vinci par Monsieur Liszka, il avait passé avec celui-ci un accord verbal de commercialisation du logiciel Space Sensor développé par Monsieur Liszka et argué de contrefaçon par PMC,

* que Space Sensor présentait plusieurs différences par rapport à Vigipack dans l'état qui était le sien au moment où Monsieur Liszka avait quitté PMC, qu'en particulier il effectuait une analyse tridimensionnelle des images provenant des caméras, ainsi que l'analyse d'images de référence de ces caméras, qu'en outre il était doté d'algorithmes de compression permettant une très grande rapidité dans la transmission d'images ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'expertise, il convient d'indiquer :

- que PMC a remis à Monsieur Huot deux disquettes 3 "1/4 étiquetées respectivement " machine JL fichiers /C/H/ASM/ARJ sources et objets 7/93, 1/2 " et " machine JL fichiers EXE/LIB/FNT/PRJ/TC/RCP/PMC/JL sources et objets 7/93, 2/2 " dont elle a déclaré qu'elles étaient la sauvegarde des programmes figurant sur le disque dur de l'ordinateur de Monsieur Liszka fin juillet 1993, au moment de son départ,

- que Monsieur Huot a également reçu une caisse sous scellés contenant environ 500 pages de listings de Vigipack déposés par PMC à l'Agence de protection des programmes le 8 novembre 1993,

- que l'expert a en outre obtenu de Surveillance Application deux disquettes comportant les étiquettes " Vigipack PCM 1/2 copie du 1/12/1993 " et " Vigipack PCM 2/2 copie du 1/12/1993 ", Surveillance Application indiquant que ces disquettes contenaient les programmes exécutables de Vigipack livrés par PMC en février 1993,

- que les codes sources et les codes objets de Space Sensor ont été remis à l'expert au travers des scellés provenant des saisies du 26 novembre 1996,

- que les défendeurs ayant fait valoir en cours d'expertise qu'une part importante des similitudes constatées entre Space Sensor et Vigipack résultaient de l'intégration dans celui-ci de programmes (des " outils interfaces " selon eux) antérieurement conçus par Monsieur Liszka pour les ateliers Francine Delpierre, ces programmes ont été copiés en présence d'un huissier aux ateliers Francine Delpierre en juillet 1995 et remis à l'expert, qui les a comparés à Vigipack et a estimé que s'il existait un recoupement certain, celui-ci était néanmoins très faible ;

Sur la demande de complément d'expertise

Considérant que les appelants réitèrent devant la Cour la demande de complément d'expertise dont ils ont été déboutées par le tribunal ; que dans les motifs de leurs conclusions, ils indiquent contester :

- " les conclusions et le caractère inachevé de la mission accomplie,

- et surtout les compétences techniques de l'expert en matière de langage C " ;

Qu'ils mentionnent encore que :

" 1. Le logiciel dont PMC se prétend propriétaire devait être daté de façon certaine, à défaut de quoi, il ne peut y avoir contrefaçon,

2. Le logiciel revendiqué par PMC à supposer qu'il ait pu être daté devait correspondre à une œuvre originale totalement nouvelle,

3. les architectures des logiciels en cause sont totalement distinctes et il est évident au regard du rapport d'expertise que M. Huot n'a nullement comparé ce qui était comparable, et ce du fait d'une absence de compétence dans le domaine du langage C,

4. alors que l'expert doit répondre aux dires déposés, il n'a pas été répondu aux dires des sociétés défenderesses, ce qui entache l'expertise d'irrégularité " ;

Considérant que PMC s'oppose à la demande de nouvelle expertise en faisant valoir que Monsieur Huot a parfaitement satisfait à la mission qui lui a été confiée et que la Cour dispose de tous les éléments qui lui sont nécessaires pour statuer, de sorte que son information est suffisante au sens de l'article 144 du Nouveau code de procédure civile ;

Considérant que, sur les deux derniers points soulevés par les appelants, à savoir l'incompétence prétendue de Monsieur Huot en matière de langage C et le défaut de réponse à leurs dires, ne peuvent être que repris ici les motifs par lesquels le tribunal a écarté ces griefs ; que les appelants, en effet, n'ont pas développé en appel d'argumentation nouvelle de nature à remettre en cause le raisonnement des premiers juges ;

Considérant qu'il sera ainsi rappelé que Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application ont attendu 18 mois après la première réunion d'expertise pour adresser pour la première fois à Monsieur Huit le reproche de maîtriser insuffisamment le langage C, et qu'ils n'ont jamais saisi de la question le juge chargé de suivre les opérations d'expertise, en particulier pour solliciter la désignation d'un sapiteur spécialisé en langage C ; qu'alors que l'expert a indiqué dans son rapport qu'il avait les connaissances nécessaires et qu'il aurait d'ailleurs refusé sa mission s'il avait estimé ne pas disposer des compétences requises, le tribunal a justement relevé que les défendeurs n'avaient en rien précisé les erreurs qui auraient résulté d'une prétendue méconnaissance par Monsieur Huot du langage C ; que les contestations que les appelants se sont bornés à réitérer à cet égard devant la cour sans prendre la peine de les étayer de la moindre justification précise ne sauraient donc être retenues ;

Considérant que le reproche fait à l'expert d'avoir omis de répondre aux dires a, de la même manière, été écarté avec raison par le tribunal qui a relevé que les défendeurs ne précisaient nullement les points sur lesquels ils n'auraient pas obtenu de réponse du technicien - lequel a consacré les pages 46 à 56 de son rapport à répondre aux dires des parties ; que devant la cour les appelants n'ont pas davantage pris soin d'exposer, et encore moins de détailler, les omissions de réponse qu'ils imputent à Monsieur Huot ;

Considérant qu'en ce qui concerne la datation de Vigipack, les contestations des appelants visent les conclusions de l'expert en ce que celui-ci a estimé pouvoir dater de manière " quasi-certaine " le logiciel contrefaisant à fin juillet 1993 ; que l'expert a indiqué qu'il avait choisi cette terminologie parce qu'il estimait que seule la date de dépôt de programmes auprès d'un organisme agréé (en l'occurrence le 8 novembre 1993) permettait une certitude absolue, mais qu'il avait acquis la " certitude technique " de ce que les programmes sources de Vigipack étaient antérieurs au 28 juillet 1993, de sorte qu'il pouvait retenir cette datation de manière " quasi certaine " ; qu'étant indiqué que seront examinées ultérieurement, au moment de la discussion du fond, les critiques des appelants sur ces conclusions et cette terminologie, il suffit à ce stade de relever que Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application n'indiquent pas quelles investigations complémentaires pourraient être entreprises sur ce point par l'expert, et ne justifient donc pas de l'opportunité, ni, à plus forte raison, de la nécessité d'une nouvelle désignation de celui-ci pour déterminer la date de création des logiciels litigieux ;

Considérant, enfin, que la lecture des pages 44 et 45 du rapport établit que l'expert a recherché si le logiciel Vigipack comportait des emprunts à des programmes antérieurs et a donc répondu, contrairement à ce que soutiennent Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application au chef de sa mission l'invitant à donner son avis sur le point de savoir si le logiciel Vigipack présentait au moment de sa création une originalité par rapport aux logiciels de vidéo surveillance existant déjà sur le marché ;

Considérant qu'il se déduit de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application ont été avec raison déboutés par le tribunal de leur demande de complément d'expertise ; qu'aucun élément nouveau devant la cour ne conduit à réformer le jugement de ce chef ni à faire droit à cette prétention réitérée en appel ;

Sur le fond

Considérant que poursuivant la réformation du jugement en ce qu'il a retenu qu'ils avaient contrefait le logiciel Vigipack, les appelants font valoir :

- que PMC ne démontrerait pas être propriétaire du logiciel Vigipack,

- que la contrefaçon ne peut être retenue qu'à la condition que le logiciel invoqué ait été daté de manière certaine,

- que la contrefaçon supposerait aussi qu'il soit démontré que le logiciel invoqué est une œuvre originale totalement nouvelle,

- que les programmes écrits préalablement à l'arrivée de Monsieur Liszka au sein de PMC ou directement dérivés de ses programmes représentent la quasi totalité des prétendues similitudes relevées entre les deux logiciels, qui n'ont pas été comparés convenablement PMC n'ayant jamais fourni à l'expert l'architecture de Vigipack ;

Sur la propriété de Vigipack

Considérant que si, fin 1990, la société Technom (qui a depuis lors déposé son bilan en 1992 et qui n'a jamais été partie à l'instance) est effectivement intervenue, selon les indications recueillies par l'expert, à l'origine du développement du logiciel dont il était envisagé qu'elle assurerait la commercialisation et pour lequel elle devait fournir une carte de compression, aucun contrat, et en particulier aucune convention emportant dévolution à son profit de la propriété du logiciel, n'a jamais été conclu ; qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait collaboré à l'écriture du programme ; que celui-ci a été créé par les préposés de la société intimée, au premier chef par Monsieur Liszka ; que n'étant pas allégué que les contrats de travail liant l'intimée à ses salariés auraient comporté des stipulations contraires, PMC est titulaire des droits patrimoniaux sur le logiciel et seule habilitée à les exercer ; que la circonstance qu'elle ait attendu le 8 novembre 1998 pour déposer le logiciel à l'APP n'est pas de nature à remettre en cause sa qualité de titulaire des droits d'auteur sur le logiciel invoqué qui avait d'ailleurs été divulgué par elle sous son nom à l'occasion du salon Insig au début de l'année 1993 et dont elle avait, à la même époque, entrepris la commercialisation comme en témoigne la facture adressée à Surveillance Application datée du 19 mars 1993 ;

Sur la datation des logiciels

Considérant que les appelants soutiennent à tort que les faits qui leur sont reprochés ne pourraient être retenus qu'à condition que le logiciel invoqué ait été daté de manière certaine, alors que la contrefaçon résultant de la reproduction d'une œuvre préexistante, il suffit pour que soit établie l'antériorité de l'œuvre invoquée par rapport à l'œuvre incriminée ; que de ce point de vue il sera relevé que les appelants ne prétendent pas que Space Sensor aurait été créé avant Vigipack ; qu'il convient de rappeler qu'au contraire, à l'occasion de la saisie du 26 novembre 1993, Monsieur Liszka avait déclaré que le logiciel de PMC existait au moment où il avait quitté cette société, en juillet 1993, et qu'il avait lui-même écrit son logiciel baptisé Space Sensor depuis la création de sa propre société, Vinci, en septembre 1993 ;

Considérant que si l'expert a indiqué que les deux disquettes présentées comme datant de juillet 1993 qui lui avaient été remises par PMC ne suffisaient pas à démontrer que les fichiers constituant le programme, portant comme dernière date de modification celle du 27 juillet 1993, avaient bien été créés avant cette date (compte-rendu des possibilités de manipulation de l'horloge interne de l'ordinateur qui inscrit automatiquement la date et l'heure de la dernière modification), il a, comme l'a mentionné le tribunal, " après étude des dires, examen comparatif de ces disquettes et des programmes déposés à l'APP le 8 novembre 1993, comparaison des fichiers figurant dans la note technique adressée par Monsieur Liszka le 22 juin 1993 et de ceux de la disquette remise par PMC, longuement explicité les raisons le conduisant à valider ces disquettes à juillet 1993 " ; que les appelants sans critiquer la démonstration longuement développée par l'expert (pages 14 à 21 et 40 à 44 du rapport) contestent les termes (datation quasi certaine) de la conclusion de Monsieur Huot ; que cependant, la circonstance que l'expert ait fait état d'une datation à juillet 1993 " quasi-certaine " (c'est à dire, selon lui, certaine pour le technicien quoique non corroborée par un dépôt auprès d'un organisme agréé) ne remet nullement en cause la valeur de ses conclusions, alors qu'en l'absence de dispositions particulières, la preuve de la date de création d'un logiciel peut être rapportée par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique ; que les premiers juges doivent donc être approuvés d'avoir dit que Vigipack avait été créé antérieurement au départ de Monsieur Liszka et à la constitution de la société Vinci, et donc antérieurement au logiciel Space Sensor dont l'expert a estimé compte tenu des dates des premiers fichiers qui lui sont spécifiques retrouvés sur l'ordinateur de Monsieur Liszka qu'il avait commencé à être développé antérieurement à juillet 1993, probablement à partir de mars 1993 ;

Sur l'originalité de Vigipack

Considérant que, contestant l'originalité du logiciel invoqué, les appelants exposent que :

- le logiciel revendiqué par PMC, à supposer qu'il ait pu être daté, devait correspondre à une œuvre originale totalement nouvelle,

- de très nombreuses fonctionnalités ou spécifications appartenaient soit au domaine public, soit à d'autres concepteurs de vidéo surveillance, ainsi qu'à Monsieur Liszka,

- l'expertise ne renseigne pas sur ce point et ne répond pas à la partie de la mission confiée à Monsieur Huot concernant l'état des connaissances au jour de la prétendue création du logiciel PMC,

- il est crucial pour les parties défenderesses que l'ampleur des éléments appartenant incontestablement à Monsieur Liszka préalablement à son arrivée chez PMC soit déterminée avec précision ;

- alors que Monsieur Liszka a apporté tous les éléments nécessaires pour justifier des logiciels créés antérieurement à son entrée chez PMC et notamment auprès des ateliers Delpierre, l'ensemble de ces éléments n'ont pas été sérieusement examinés ;

Considérant qu'il sera préalablement relevé que la protection d'un logiciel par le droit d'auteur suppose que soit démontrée son originalité notamment dans sa composition, son architecture et son expression, sans qu'il y ait lieu de se référer, comme le prétendent les appelants, à la notion de nouveauté ;

Considérant que l'expert a procédé dans son rapport à une distinction, qui n'est pas critiquée par les appelants, entre spécifications externes (l'interface utilisateur), et spécifications internes au logiciel, ces dernières étant caractérisées par :

- sa structure interne, découpage en programmes, sous-programmes modules,

- l'utilisation des données en bases de données, fichiers, tables,

- les caractéristiques précises de chacune des données figurant en fichiers : nombre de caractères, format (numérique ou alpha numérique),

- la forme littérale utilisée par le programmeur pour écrire les différentes instructions ;

Considérant que Monsieur Huot a indiqué que dès lors que PMC ne reprochait pas à ses adversaires d'avoir reproduit les spécifications externes de son logiciel, mais leur faisait grief d'avoir copié ses spécifications internes, il s'était limité à rechercher si lesdites spécifications internes étaient originales ; qu'à cet égard, il a conclu à l'absence d'emprunt à des programmes antérieurs et à l'originalité pratiquement totale de Vigipack par rapport aux produits préexistants, sous réserve de la traduction de deux programmes inspirés d'ouvrages du domaine public représentant au total 14 000 octets et des programmes provenant des ateliers Delpierre apportés par Monsieur Liszka à son arrivée chez PMC d'un volume de 35 000 octets ; qu'il a estimé ainsi que mis à part ces programmes d'une taille totale de 50 000 octets au regard des 700 000 octets que représentent les fichiers en langage source de Vigipack, ce logiciel était original ;

Considérant que les appelants se bornent à faire valoir que plusieurs logiciels de télésurveillance (dont ils versent aux débats des publicités ou des plaquettes de présentation) étaient déjà disponibles sur le marché au moment de la création de Vigipack, mais ne tentent aucunement d'établir que celui-ci aurait emprunté aux spécifications internes desdits logiciels, de sorte qu'ils ne remettent pas sérieusement en cause la démonstration de l'expert ; que le tribunal doit être approuvé d'avoir dit que les éléments ci-dessus mentionnés quant aux spécifications internes caractérisaient l'originalité du logiciel invoqué au regard de l'apport novateur de l'auteur ;

Sur la matérialité de la contrefaçon

Considérant que pour contester que Space Sensor ait constitué la contrefaçon de Vigipack, les appelants (qui ont conclu en premier, et une seule fois, devant la cour) font valoir que PMC se serait bornée à s'appuyer de ce point de vue sur deux arguments qu'ils estiment inopérants, " les ressemblances trop évidentes " présentées par le logiciel de PMC relevées par Promodeal lors de la démonstration de Space Sensor effectuée pour cette société par Monsieur Liszka en septembre 1993, et " la conception trop rapide " du logiciel incriminé ; qu'ils ne développent cependant pas leur argumentation sur ce second point - alors qu'il apparaît manifeste qu'un programme de l'importance de Space Sensor, dont les fichiers en langage source représentent plus de 700 000 caractères n'a pas pu être développée sans des emprunts massifs à une œuvre antérieure, entre fin juillet et courant septembre 1993 comme l'indiquait Monsieur Liszka lors de la saisie contrefaçon, ou même entre mars 1993 et septembre 1993, dates retenues par l'expert à l'examen des fichiers saisis chez Vinci ; que si, le premier point, ils soulignent que la référence aux observations de Promodeal témoignerait de la carence de PMC à faire état de ses propres constatations techniques, leur argumentation est dénuée de pertinence dans la mesure où les conclusions de PMC en appel sur la contrefaçon ne s'appuient nullement sur un avis qui aurait été émis par Promodeal ;

Considérant qu'il ne peut qu'être constaté que les appelants s'abstiennent de critiquer les développements précis et circonstanciés consacrés à la question de la contrefaçon par le tribunal dont la cour adopte les motifs ;

Considérant qu'ayant ainsi justement rappelé que la contrefaçon était constituée par la reproduction, même partielle, des trais originaux de l'œuvre antérieure, les premiers juges ont relevé que l'expert avait mis en évidence :

- au niveau de l'architecture générale des programmes dans l'un et l'autre progiciel, une grande similitude des programmes appelés ,

- au niveau des sous-programmes, une correspondance certaine dans le nom et la chronologie d'écriture,

- au niveau des codes sources, dans un bon nombre de cas une identité de la totalité des lignes d'instruction d'un sous-programme d'un progiciel à l'autre, dans d'autres cas une grande correspondance entre la séquence d'instruction, son contenu, le nom des variables, la forme des commentaires et même les fautes de frappe entre les deux sous-programmes correspondants des deux logiciels ;

Que le tribunal a également rappelé que l'expert avait écrit un programme pour extraire les " noms propres " (noms de programmes, de sous-programmes, de variables) des deux logiciels, les classer et les comparer, et qu'il avait constaté que 780 et 1.502 " noms propres " utilisés par Space Sensor étaient identiques à ceux utilisés par Vigipack ;

Considérant que ces similitudes n'ayant jamais été sérieusement contestées en défense, le tribunal a écarté, après l'expert, les arguments qui avaient été avancés par les défendeurs en cours d'expertise pour les justifier : l'œuvre antérieure de Monsieur Liszka, son style de programmation, la traduction d'un module assembleur du domaine public dans les deux progiciels, et enfin l'importance des différences ;

Que l'importance des programmes développés pour les ateliers Delpierre par Monsieur Liszka était quantitativement très faible (35 000 caractères), sans commune mesure avec le volume des similitudes constatées entre Vigipack et Space Sensor et insusceptible d'expliquer ou de justifier lesdites similitudes ;

Que les mêmes observations valent pour les fichiers constituant la traduction de programmes du domaine public qui représentent un volume total de 14 000 octets ;

Que le style de programmation de Monsieur Liszka ne peut pas non plus expliquer les similitudes relevées alors que l'expert, qui a précisé que " le langage C autorise de part et d'autre des signes arithmétiques ou des variables, un nombre quelconque d'espaces, soit aucun espace, soit un ou plusieurs espaces, et chaque programmeur, selon son style, en met un ou plusieurs ou aucun ou change de manière aléatoire ", a établi à titre d'exemple des comparaisons entre plusieurs programmes relevant respectivement de chacun des logiciels qui l'ont conduit à constater, dans un cas, " que plusieurs variables sont définies dans le même ordre, de manière identique, avec les mêmes décalages, les mêmes blancs... ", et, dans un autre cas, " que le nombre d'espaces est exactement le même au même endroit " ; que Monsieur Huot a conclu qu'il était impossible qu'un programmeur puisse réaliser une telle similitude à quelques jours d'intervalle, et que la circonstance que le nombre d'espaces soit parfaitement aléatoire à l'intérieur du même programme et parfaitement identique dans les deux programmes comparés montrait à l'évidence une filiation commune ; qu'il ressort d'ailleurs du rapport qu'à " l'occasion d'un " test " spontanément proposé par Monsieur Liszka, celui-ci a été incapable de reproduire à l'identique une seule instruction du programme qu'il avait eu loisir d'étudier immédiatement avant " ;

Considérant que Monsieur Liszka, Vinci et Surveillance Application ayant encore soutenu que les architectures des programmes étaient différentes parce qu'ils mettaient en jeu des programmes d'exploitation différents, Monsieurr Huot a affirmé, sans que les intéressés fassent la démonstration du contraire, que " le système d'exploitation ne conditionne pas l'architecture des progiciels d'application " et qu'on peut trouver des architectures de logiciels identiques avec des systèmes d'exploitation différents ; que l'expert a encore indiqué dans son rapport, page 30, qu'il " avait adressé " aux parties la correspondance (annexe " documents " pièce D7) entre les programmes constitutifs de Space Sensor et ceux de Vigipack. Cette correspondance n'a jamais été contredite par les défendeurs ". ; que, devant la cour, les appelants soutiennent en page 12 de leurs conclusions que " les architectures des deux logiciels sont totalement distinctes ", mais ne procèdent pas à la moindre démonstration de cette affirmation ;

Considérant qu'en définitive l'expert a estimé que " la plus grande partie des similitudes ne peut s'expliquer que par le fait que Monsieur Liszka a emporté tout ou partie du logiciel Vigipack, l'a recopié sur le ou les ordinateurs de Vinci, l'a modifié en l'améliorant, pour finalement en faire Space Sensor, qui, certes n'est pas une copie servile, mais qui comporte beaucoup d'éléments de Vigipack " ; qu'il a établi que les similitudes représentaient environ 50 % des instructions de Vigipack, et précisé que ces similitudes devraient être ramenées à 40 ou 45 % si étaient exclues les similitudes résultant des programmes provenant des programmes développés pour les ateliers Delpierre (ou traduits du domaine public) ;

Considérant que la reproduction de multiples éléments originaux du logiciel invoqué caractérise en l'espèce la contrefaçon qui été justement retenue par le tribunal, et qui résulte de l'utilisation non autorisée de Vigipack par Monsieur Liszka et Vinci, et de la commercialisation du logiciel contrefaisant Space Sensor à laquelle a contribué Surveillance Application ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que le tribunal a retenu qu'en s'épargnant des efforts de conception et de commercialisation et en économisant de nombreux frais en s'emparant d'un produit existant pour réaliser et commercialiser en un temps extrêmement bref un produit amélioré, Monsieur Liszka (qui a démarché la clientèle avant l'immatriculation de Vinci le 6 octobre 1993) et Vinci avaient eu un comportement parasitaire; que celui-ci résulte particulièrement du fait qu'ils ont tiré profit sans bourse délier des investissements promotionnels effectués par PMCqui justifie de dépenses de participation au salon Insig où elle a présenté Vigipack ; que Surveillance Application, en concourant à ces agissements (d'ailleurs en connaissance de cause puisqu'elle avait auparavant entrepris la distribution de Vigipack) a également commis des actes de concurrence déloyale.

Sur le préjudice

Considérant que PMC avait réclamé devant les premiers juges à titre de dommages intérêts les sommes de 493 800 F HT soit 585 645,80 F TTC pour son manque à gagner, 3 061 915 F pour ses investissements en personnel détournés ou perdus, 932 833 F HT soit 1 106 339,90 F TTC pour ses investissements en personnel ou en participation à des salons professionnels détournés ou perdus ;

Considérant que le Tribunal a estimé :

- que le manque à gagner invoqué qui devait plutôt s'analyser comme une perte de chances ne pouvait pas être évalué à la somme réclamée par PMC, correspondant au produit du prix auquel elle facturait Vigipack par le nombre de logiciels contrefaisants vendus, en relevant que Space Sensor était tout à la fois plus perfectionné et sensiblement moins coûteux que Vigipack de sorte qu'il n'était pas établi que tous les clients ayant traité avec Vinci (ou Surveillance Application) auraient acheté auprès de PMC si Space Sensor ne leur avait pas été proposé,

- que s'agissant des frais de personnel les pièces versées tant en cours d'expertise que devant le tribunal ne permettaient pas de quantifier avec certitude les temps passés sur le projet Vigipack, alors que seul l'emploi du temps de Monsieur Liszka était connu et que s'il était vraisemblable que d'autres salariés avaient travaillé avec lui, le chiffre de 1 500 000 F proposé par l'expert pouvait être retenu,

- que pour les investissements en matériel, s'il n'était pas contestable que la réalisation du projet avait exigé l'acquisition d'un certain nombre d'équipements, PMC, ainsi que l'avait relevé l'expert, n'avait pas fourni de " documents vérifiables " permettant de retenir avec certitude que le matériel acheté et justifié par factures était destiné ou nécessaire à la seule mise au point de Vigipack, le seul fait que certains matériels aient été achetés à la demande de Monsieur Liszka étant insuffisant pour apporter la preuve de ce lien de causalité,

- que les défendeurs n'utilisant qu'une partie de l'ensemble du système Vigipack, la perte d'investissement devait être évaluée à 750 000 F, somme à laquelle il convenait d'ajouter le manque à gagner pour fixer le préjudice subi par PMC toutes causes confondues à la somme de 900 000 F ;

Considérant qu'alors que les appelants n'ont pas conclu sur le préjudice, PMC forme appel incident du jugement sur le montant des dommages intérêts et réitère ses demandes initiales, sous la seule réserve qu'elle prétend ajouter la TVA au montant des investissements en personnel qu'elle aurait perdus soit 3 061 915 F ;

Considérant qu'il sera tout d'abord observé que le montant global net de sa demande s'élevant ainsi à près de 5 500 000 F est sans commune mesure avec l'estimation faite par l'expert qui avait proposé de fixer son préjudice à 750 000 F, et que ces prétentions sont dénuées de fondement en ce qu'elles intègrent dans le préjudice des TVA qui n'étaient pas dues, notamment sur les salaires, ou qui, pour l'essentiel du surplus, ne seraient pas restées définitivement à la charge de l'intimée ;

Considérant que PMC ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal et de l'expert quant à ses frais de personnel ; qu'elle n'a jamais produit de comptabilité analytique ni établi de manière précise quels auraient été les salariés effectivement employés avec Monsieur Liszka au développement de Vigipack ; que les circonstances de la cause démontrent qu'en réalité Monsieur Liszka a travaillé pratiquement seul à la mise au point de Vigipack, ce dont témoigne l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée PMC de fournir diverses explications techniques sur le logiciel réclamées par l'expert et qu'elle aurait été en mesure d'apporter si ce programme avait été réalisé comme elle le prétend par une équipe comportant plus de 10 personnes dont, outre Monsieur Liszka, 6 ingénieurs analystes ou électroniciens et analystes programmeurs ; que la somme de 1 500 000 F retenue par l'expert et le tribunal au titre des frais de personnel engagés pour ce développement (le coût salarial de Monsieur Liszka, dont il n'est pas contesté qu'il a été employé exclusivement à la réalisation de Vigipack, s'élevant à 1 348 870 F) est en conséquence justifiée ;

Considérant que PMC ne produit en appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'avis de l'expert et l'appréciation du tribunal qui ont retenu avec raison qu'elle ne démontrait pas que les investissements en matériels par elles invoqués auraient été employés au développement de Vigipack ; que la cour fait également sienne l'appréciation du tribunal qui a estimé que le montant réclamé au titre des gains manqués était très exagéré ;

Considérant qu'en définitive, le seul chef de préjudice sur lequel les critiques adressées au jugement par PMC apparaît fondé se rapporte aux dépenses de promotion pour le lancement commercial de Vigipack ; qu'elle réclame à ce titre une somme de 113 979 F HT correspondant, selon elle, à sa participation aux salons Expo Protection organisé en septembre 1992 et Insig au début de l'année 1993 ; que toutefois, seule et établie par les pièces produites, la présentation de Vigipack au salon Insig ;

Considérant qu'en retenant ces frais de promotion, compte tenu par ailleurs de la nature et de l'ampleur des agissements fautifs commis par les appelants, eu égard afin à la circonstance que PMC a indiqué en cours d'expertise avoir développé après le départ de Monsieur Liszka une version modifiée de Vigipack qu'elle a commercialisée à partir de 1995 (ce dont il résulte qu'elle n'a pas exposé en pure perte les investissements engagés pour ce logiciel), la cour estime, par réformation du jugement, qu'une indemnité de 1 million de francs à la charge des appelants in solidum réparera exactement le préjudice matériel de PMC ;

Considérant que la demande de mesures de publication formée par PMC a été justement écartée par le tribunal au motif que le préjudice moral exclusivement invoqué par PMC à l'appui de cette demande et qui aurait résulté selon cette société du dénigrement dont elle aurait été victime de la part de ses adversaires n'était pas établi ;

Considérant que la cour adopte également les motifs par lesquels les premiers juges ont rejeté la demande de PMC tendant à voir ordonner sous astreinte à Surveillance Application de lui restituer un logiciel Vigipack qu'elle lui avait confié en démonstration en janvier 1993, celui-ci ayant été remis à l'expert ;

Considérant que les appelants étant déboutés de leurs prétentions principales, leurs demandes reconventionnelles en réparation de préjudices financier et commercial ne sauraient manifestement prospérer ;

Considérant que la somme de 215 000F allouée à PMC au titre de ses frais irrépétibles de première instance n'a pas eu lieu d'être assortie ainsi qu'elle le réclame des intérêts au taux légal à compter du jugement ; qu'il convient en revanche de lui accorder une indemnité complémentaire de 20 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages intérêts alloués à la société Périphériques et Matériels de Contrôle ; Réformant de ce seul chef, statuant à nouveau et ajoutant : Condamne in solidum Monsieur Liskza et les sociétés Vidéo Informatique par Numérisation et Compression d'Images (Vinci) et Surveillance Application à payer à la société Périphériques et Matériels de contrôle la somme de 1 million de francs à titre de dommages intérêts ; Les condamne in solidum à lui payer une indemnité complémentaire de 20 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ; Rejette toute autre demande ; Admet la SCP Verdun Gastou au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.