Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 16 avril 1999, n° 1996-19531

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MCL France (SA)

Défendeur :

Micro Cable Limited (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Narrat-Peytavi, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Gossare, Beauvillard.

T. com. Paris, 15e ch., du 7 juin 1996

7 juin 1996

Dans des circonstances relatées par les premiers juges la société Micro Cable Limited constituée en 1985 pour exercer une activité d'import export de produits informatiques qui avait adopté en 1993 le nom commercial MCL Samar et déposée le terme Samar à titre de marque, avait attrait devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 14 mars 1995, la société MCL France créée en 1990 pour exercer une activité d'achat, vente, location, maintenance, exportation de matériel électrique, informatique et tout ce qui s'y rapporte prestations de services, en lui reprochant une usurpation de son nom commercial et de son enseigne et en demandant qu'outre la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, elle soit condamnée sous astreinte à changer sa dénomination commerciale. MCL France (à laquelle Micro Cable Limited avait précédemment adressé le 17 novembre 1994 une mise en demeure restée sans effet) avait conclu au débouté, soutenant n'avoir commis aucune faute parce qu'elle avait fait procéder avant sa constitution à une recherche d'antériorités qui n'avait pas révélé l'existence de son adversaire, et faisant valoir que celle-ci, exerçant une activité différente de la sienne, ne justifiait d'aucun préjudice.

Par son jugement du 7 juin 1996, le tribunal de commerce avait estimé que si un risque réel de confusion existait entre les deux sociétés et si, du fait de l'antériorité de sa constitution et de son immatriculation, la protection de sa dénomination sociale était acquise à la demanderesse, celle-ci ne justifiait pas d'un préjudice effectif. Le tribunal a :

- dit que MCL France a porté atteinte aux droits de Micro Cable Limited sur sa dénomination sociale,

- ordonné sous astreinte à MCL France de modifier sa dénomination sociale,

- ordonné l'exécution provisoire moyennant constitution d'une caution par la demanderesse,

- condamné MCL France au paiement d'une indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Ayant interjeté appel, MCL France poursuit la réformation intégrale du jugement. Elle reprend son argumentation de première instance, soutenant n'avoir commis aucune faute ni causé un quelconque préjudice à son adversaire, celle-ci n'ayant pas la même activité et aucune concurrence n'existant selon elle entre les parties puisqu'elle est établie à Paris, alors que son adversaire a actuellement son siège à Chatou. Elle ajoute qu'il ne peut lui être reproché d'usurpation dès lors qu'elle emploie le terme MCL associé à l'image d'un tigre, et elle soutient que les premiers juges se seraient contredits en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction tout en estimant que son adversaire n'avait pas subi de préjudice. Elle réclame une indemnité de 10 000 F pour ses frais irrépétibles.

Micro Cable Limited conclut à la confirmation du jugement dans son principe mais forme appel incident pour réitérer sa demande en paiement d'une somme de 50 000 F à titre de dommages intérêts. Elle réclame également une indemnité de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats que la première immatriculation de l'intimée au registre du commerce en 1985 mentionnait comme dénomination sociale et sigle, Micro Cable Limited " MCL ", puisqu'en 1993, en déplaçant son siège à Chatou, la société a fait mentionner que sa dénomination sociale était Micro Cable Limited et son nom commercial MCL Samar ; qu'elle justifiait ainsi de droits antérieurs à ceux de MCL France, constituée en 1990, sur la dénomination MCL qui faisait partie de sa raison sociale au moment de la création de la société appelante et qui entre depuis 1993 dans son nom commercial régulièrement mentionné au registre du commerce ;

Considérant que la circonstance que la société appelante ait fait procéder à une recherche d'antériorité infructueuse avant le choix de sa dénomination en 1990 ne permet pas de mettre en doute les droits que l'intimée avait déjà à l'époque sur ce sigle, ainsi qu'en témoignent les extraits du registre du commerce produits devant la cour ; que l'intimée qui indique avoir toujours utilisé ce terme à titre de nom commercial l'a fait mentionner en tant que tel au registre du commerce en 1993 et était fondée à l'opposer à son adversaire, qui a refusé en toute connaissance de cause de donner suite à la mise en demeure qui lui a été adressée en novembre 1994 ;

Considérant que l'appelante qui fait valoir vainement qu'elle utilise le sigle MCL associé à l'image d'un tigre, cette adjonction ne faisant pas disparaître la reproduction de MCL, n'est pas fondée à soutenir que son adversaire ne pourrait pas revendiquer la protection des seules lettres MCL parce qu'elle les emploierait accompagnées du mot Samar; qu'en effet, le signe MCL est détachable du mot Samar et est d'ailleurs utilisé isolément, notamment sur le catalogue que la société intimée verse aux débats ; que l'examen de ce catalogue de 35 pages, et des documents comptables dont il ressort que l'intimée a réalisé des chiffres d'affaires passés de 13 millions à 24 millions de francs entre 1993 et 1998, contredisent l'argumentation de la société appelante selon laquelle sont adversaire n'aurait qu'une activité strictement cantonnée à la commune de Chatou ; que si MCL France affirme offrir principalement des prestations de services, société objet social englobe le commerce de matériels informatiques et est donc de nature à entraîner un risque de confusion avec les activités de son adversaire qui opère dans le même secteur de l'informatique;

Considérant que si le risque de confusion ci-dessus retenu est en lui-même préjudiciable, il est suffisamment réparé dans les circonstances de la cause par la mesure d'injonction sous astreinte ordonnée par les premiers juges ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé, étant simplement précisé que l'astreinte assortissant l'injonction faite par le tribunal courra à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ;

Considérant qu'il convient d'accorder à l'intimée une indemnité complémentaire de 5 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant : Dit que l'injonction faite à la société MCL France de modifier sa dénomination sociale, son inscription au registre du commerce et ses papiers commerciaux sera assortie d'une astreinte de 500 F par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ; Condamne la société MCL France à payer à la société Micro Cable Limited une indemnité de 5 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société MCL France aux dépens d'appel ; Admet la SCP Gibou Pignot Grapotte Benetreau au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.