CA Paris, 4e ch. B, 26 mars 1999, n° 1996-88471
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Comité National Olympique et Sportif Français
Défendeur :
Hom Innovations pour l'Elégance Masculine (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
M. Ancel, Mme Regniez
Avoués :
SCP Baskal, SCP Duboscq-Pellerin
Avocats :
Me Binn, SCP Nataf Fagenbaum.
Appel interjeté par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 11 octobre 1996, dans un litige l'opposant à la société Hom Innovations pour l'Elégance Masculine (Hom).
Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures échangées en cause d'appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments qui suivent.
Le CNOSF est titulaire de la marque figurative ci-dessous reproduite enregistrée sous le n° 1 361 389 (dépôt du 12 février 1976, renouvelé le 9 avril 1986 et en dernier lieu le 6 février 1996) pour distinguer l'ensemble des produits et services de la classification internationale, comportant les revendications de couleurs " anneaux bleu, jaune, noir, vert, rouge " ;
EMPLACEMENT TABLEAU
HOM, à l'occasion des jeux olympiques de l'été 1996, a proposé une gamme de sous-vêtements pour hommes sur lesquels étaient apposés dans un losange figurant à la ceinture, cinq anneaux, offerts en vente sous le sigle " les Olympiens ", avec un présentoir sur lequel figuraient sous les termes " HOM " et " Olympiens ", cinq anneaux dans chacun desquels s'inscrivait le dessin d'un slip aux couleurs de la marque.
Soutenant que les produits et le présentoir reproduisaient par imitation la marque ci-dessus invoquée, le CNOSF, après avoir fait pratiquer saisie contrefaçon dans les locaux de la société HOM en son établissement secondaire à Paris le 20 juin 1996, a fait assigner HOM à jour fixe devant le tribunal de grande instance sur le fondement de la contrefaçon de la marque (articles L. 713-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle), et du parasitisme économique pour obtenir, outre des mesures d'interdiction, de destruction et de publication, paiement de la somme de 1 000 000 F en réparation de l'atteinte portée à sa " marque notoire ", de 1 000 000 F à titre provisionnel en réparation du préjudice économique subi du fait de l'imitation de la marque, de 1 000 000 F du fait des actes de parasitisme, la nomination d'un expert ainsi que paiement de 50 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
HOM a contesté l'ensemble des demandes formées à son encontre, et a accepté de retirer le présentoir litigieux.
Par le jugement déféré, le tribunal a :
- dit que HOM avait commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 1 361 389 dont est titulaire le Comité National Olympique et Sportif Français en utilisant un présentoir où figurent sous les termes HOM et Olympiens cinq anneaux entrelacés reproduisant les couleurs revendiquées,
- rejeté l'action en contrefaçon de la marque fondée sur l'apposition dans un losange de cinq anneaux non entrelacés sur les produits de la gamme " les olympiens ",
- fait interdiction à HOM de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte, avec exécution provisoire,
- condamné HOM à payer au CNOSF la somme de 250 000 F à titre de dommages intérêts,
- autorisé la publication dans trois journaux ou revues dans la limite d'un coût global de 75 000 F,
- condamné HOM à payer la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- rejeté les demandes fondées sur " la concurrence déloyale et le parasitisme ".
Appelant de ce jugement, le CNOSF en poursuit la réformation sur les dispositions lui faisant grief. Il soutient que la reproduction de cinq anneaux dans une même disposition (3 sur une rangée et 2 en dessous même non entrelacés, avec des couleurs identiques à celles de la marque déposée) constitue la contrefaçon par imitation de ladite marque dont la notoriété n'est au surplus pas discutable, que HOM a eu un comportement parasitaire en choisissant le terme " Olympiens " et que le préjudice a été insuffisamment apprécié par les premiers juges. Il demande en conséquence à la cour, outre les mesures d'interdiction, de destruction et de publication, de :
- " dire que HOM a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 1361 389 en commercialisant une gamme de sous-vêtements sous la référence " Olympien " sur lesquels figurent cinq anneaux disposés comme les anneaux olympiques et dans les mêmes couleurs,
- dire que HOM s'est également rendue coupable d'actes distincts de parasitisme économique en usurpant la notoriété attachée aux Jeux Olympiques grâce à ses efforts et en ayant laissé croire à un parrainage de sa part notamment en utilisant, pour désigner sa gamme de produits, le terme " Olympien " dans des conditions tendancieuses,
- valider la saisie contrefaçon,
- condamner HOM à payer la somme de 1 000 000 F en réparation de l'atteinte portée à sa marque notoire, celle de 1 000 000 F à titre provisionnel en réparation du préjudice économique subi par le CNOSF du fait de l'imitation de sa marque, et celle de 1 000 000 F du fait des actes de parasitisme ",
- ordonner une mesure d'instruction,
- condamner au paiement de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
HOM conclut à la confirmation du jugement sauf en ce que la contrefaçon a été retenue pour le présentoir. Elle conclut sur ce point au déboutée du CNOSF en faisant valoir que la marque de son adversaire n'a pas été reproduite, et qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les signes. Elle sollicite de la cour paiement de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Cela exposé :
Sur la contrefaçon de la marque figurative par imitation sur les sous-vêtements
Considérant que le signe apposé sur la ceinture élastique des sous-vêtements de la gamme " Olympiens ", exactement décrit par les premiers juges, se compose d'un losange dans lequel sont inclus les inscriptions et dessins suivants :
- sur la première ligne, trois anneaux espacés, de couleur bleue, noire, rouge, comportant chacun la lettre H de même couleur, inscrite à l'intérieur de l'anneau,
- sur la troisième ligne, deux anneaux également espacés de couleur jaune et verte, comportant chacun la lettre H (de même couleur) et placés en dessous de l'espace libre de chacun des anneaux de la ligne précédente,
- sur la quatrième ligne, le terme Team ;
Considérant que le tribunal a rejeté la demande en contrefaçon formée par le CNOSF en retenant :
- que celui-ci ne pouvait, sauf à revendiquer la protection d'un genre, incriminer toute reproduction comportant cinq anneaux,
- qu'en l'espèce, les anneaux reproduits ne sont pas entrelacés, cet élément étant caractéristique et essentiel de la marque, symbolisant la fraternité olympique,
- qu'il existe ainsi aucun risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne qui n'a pas simultanément les deux signes sous les yeux, l'élément distinctif de la marque n'étant pas reproduit ;
Considérant que le CNOSF fait grief aux premiers juges de n'avoir retenu la distinctivité de la marque que pour l'entrelacs des anneaux, en omettant de prendre en compte leur nombre, leur disposition, leurs couleurs, ainsi que la notoriété de la marque qui accroît le risque de confusion ;
Considérant cela exposé que, comme le relève exactement le CNOSF, la marque figurative incriminée se caractérise non seulement par l'entrelacs des anneaux mais par leur nombre, leur disposition (trois sur une ligne et deux en-dessous), ainsi que par les couleurs adoptées pour chacun des anneaux ; que les premiers juges ne sauraient en conséquence être suivis en ce qu'ils ont écarté la contrefaçon par imitation, en constatant que l'élément essentiel n'était pas reproduit ;
Considérant qu'au regard de la comparaison d'ensemble des éléments figuratifs en présence, et compte tenu au surplus de la notoriété de la marque du CNOSF (qui la concède par de nombreux contrats de licence aux fins d'exploitation, notamment, pour des vêtements), les seules différences consistant dans la disparition de l'entrelacs et l'adjonction à l'intérieur des anneaux de la lettre H ne suffisent pas à écarter une similitude visuelle très forte ; que les adjonctions des termes " hom " et " team ", au dessus de ces anneaux et en dessous, ne dissipent aucunement le risque de confusion existant entre les signes figuratifs pour un consommateur d'attention moyenne qui n'a pas de manière simultanée les signes sous les yeux ; qu'il importe peu en l'espèce que le terme " hom " soit également déposé à titre de marque ; que le jugement sera de ce chef réformé, la contrefaçon par imitation étant caractérisée par le reprise des anneaux sur les produits litigieux ;
Sur la contrefaçon de la marque par imitation sur les présentoirs
Considérant que le CNOSF conclut à la confirmation du jugement sur le principe de la condamnation ;
Qu'au contraire, l'intimée en poursuit la réformation, exposant qu'aucun risque de confusion ne peut exister entre la marque incriminée et la décoration figurant sur le présentoir, consistant dans sa partie verticale en l'apposition des signes suivants :
- la marque HOM,
- la dénomination " les Olympiens ",
- la reproduction de 5 disques pleins disposés sur deux rangées parallèles, trois sur la rangée du haut et deux sur la rangée du bas ;
Qu'HOM soutient :
- que les disques se recouvrent partiellement les uns les autres, le disque central de la rangée du haut recouvrant partiellement tous les autres, leur couleur étant un dégradé de bleu similaire à celui du support, avec une partie circulaire blanche sur le bord et que ce chevauchement évite tout risque de confusion, donnant au disque du centre de la rangée du haut une position prééminente par rapport aux autres,
- que les autres éléments du présentoir évitent également tout risque de confusion, les disques comportant pour chacun d'eux un slip de couleur, ce qui leur confère l'aspect de présentoirs publicitaires et non pas " d'anneaux constituant une chaîne fraternelle ", la marque HOM qui encadre les disques empêchant au surplus toute référence à la marque adverse ;
Mais considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont retenu que la présentation de cinq cercles superposés de façon telle qu'ils simulent l'entrelacement, et comportant à l'intérieur, des slips reprenant pour chacun d'eux les couleurs revendiquées dans la marque, était constitutive de contrefaçon par imitation de la marque déposée ; que les différences alléguées par l'intimée n'altèrent nullement la ressemblance d'ensemble tenant au nombre identique des anneaux (5), à une disposition similaire sur deux lignes, 3 puis 2, et à l'utilisation successive de chacune des couleurs revendiquées ; que le jugement sera donc de ce chef confirmé ;
Considérant que la saisie contrefaçon, non contestée sera déclarée valable, comme sollicité par l'appelante ;
Sur le parasitisme
Considérant que selon le CNSOF, les premiers juges l'ont à tort déboutée en retenant qu'il n'existait aucun acte distinct de ceux retenus au titre de la contrefaçon de nature à caractériser un comportement parasitaire et qu'il ne saurait être interdit de faire référence aux termes olympiques ou olympiens et aux jeux olympiques qui constituent un événement mondial auquel chacun est libre de se référer ;
Considérant qu'il soutient qu'au contraire, en mettant en vente, à la veille des jeux olympiques d'Atlanta, des produits sous le nom " les Olympiens " associé à une imitation de la marque dont il est titulaire, " son adversaire n'a pas hésité à profiter de la notoriété d'un événement entretenu par les efforts du comité olympique et à détourner, sans contrepartie, les retours qu'il est en droit d'attendre, de ses efforts en vue de maintenir l'image de la notoriété des jeux " ;
Considérant cela exposé que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont écarté l'existence d'agissements parasitaires dès lors que l'usage du terme " les Olympiens ", même s'il est admis par HOM qu'il a été employé en raison de l'existence des jeux olympiques d'été en 1996, ne peut à lui seul être assimilé à un acte de parasitisme ; qu'il serait en effet contraire à la liberté du commerce d'interdire aux entreprises d'utiliser des termes qui gravitent autour du terme " olympique " mais sur lesquels le CNOSF n'a aucun droit privatif ; que l'usage de ce terme (à lui seul non répréhensible) n'est pas fautif ni constitutif d'un agissements parasitaire, étant observé que les actes d'imitation illicite de marque simultanément incriminés sont retenus et sanctionnés par ailleurs; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le CNOSF de ses prétentions de ce chef ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que le CNOSF estime que les premiers juges n'ont pas fait une appréciation exacte du préjudice causé par les actes de contrefaçon eu égard à la notoriété de celle-ci, qu'il n'a pas été non plus tenu compte du préjudice économique, résultant du fait que les partenaires officiels du comité olympique souscrivent des contrats de licence moyennant des redevances importantes afin de pouvoir exploiter la marque et que l'offre de produits contrefaisants dans de telles conditions " entraîne des réactions négatives de la part des véritables partenaires " ; qu'il expose, ainsi, qu'il avait souscrit avec la société Sarah Lee notamment pour les sous-vêtements un contrat de licence pour un montant forfaitaire de 200 000 dollars ; qu'elle soutient encore qu'en l'absence de précision donnée par son adversaire sur l'importance de son exploitation litigieuse, il est nécessaire de procéder à une mesure d'instruction ;
Considérant que compte tenu des actes de contrefaçon ci-dessus retenus, qui portent non seulement sur le présentoir mais sur chacun des produits de la gamme " les Olympiens " commercialisés avec le logo litigieux, les dommages intérêts alloués par les premiers juges sont insuffisants pour réparer l'entier préjudice causé au CNSOF ; qu'en outre à l'atteinte portée au caractère attractif de la marque en raison de sa vulgarisation, s'ajoute un préjudice économique particulier résultant du trouble apporté à l'exploitation importante faite de cette marque par voie de concession de licences ; que sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise sollicitée, la cour, en l'état des pièces versées au dossier, dispose d'éléments suffisants pour fixer à 500 000 F, par réformation du jugement sur ce point, le montant des dommages intérêts qui répareront l'ensemble du préjudice du CNOSF ;
Considérant que les mesures d'interdiction et de publication tiendront compte du présent arrêt dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ; que la mesure de destruction sollicitée n'est pas nécessaire ;
Considérant que l'équité commande d'allouer au CNSOF la somme complémentaire de 15 000 F pour les frais d'appel non compris dans les dépens ;
Par ces motifs : Confirme le jugement sauf sur le montant des dommages intérêts et sur le rejet de la demande en contrefaçon par imitation de la marque sur les sous-vêtements ; Réformant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant ; Dit que la société Hom Innovations a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 1 361 389 en commercialisant une gamme de sous-vêtements sur lesquels figurent cinq anneaux ; Interdit à la société Hom Innovations pour l'élégance masculine de poursuivre de tels actes à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 5 000 F par infraction constatée ; Valide la saisie contrefaçon pratiquée le 20 juin 1996 dans les locaux de la société HOM ; Condamne la société Hom Innovations pour l'élégance masculine à payer au Comité National Olympique et Sportif français la somme de 500 000 F à titre de dommages intérêts ; Dit que les mesures de publication tiendront compte du présent arrêt ; Condamne la société Hom à payer la somme complémentaire de 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société HOM aux entiers dépens qui seront recouvrés, par la SCP Baskal, avoué, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.