CA Montpellier, 2e ch. A, 18 mars 1999, n° 97-0005424
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Promosud (SARL)
Défendeur :
Radio Grands Causses (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ottavy
Conseillers :
MM. Derdeyn, Ilhe-Delannoy
Avoués :
SCP Touzery-Cottalorda, SCP Argellies-Travier
Avocats :
Mes Aimonetti, Friggeri.
Faits et procédure
La SARL Radio Grands Causses dite ci-après société RGC émet, depuis mai 1993, sur les départements de l'Aveyron et de la Lozère les programmes radio de la station Chérie-FM, ce, sur les fréquences qui lui ont été accordées par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel.
Cette société a été constituée avec, pour membre fondateur, Philippe Cluzel lequel a été associé-gérant jusqu'au 31 mai 1993 puis associé jusqu'au 10 mars 1997 date à laquelle il a cédé ses parts.
Par ailleurs la Société Promosud exerce une activité de publicitaire dans le cadre de l'exploitation d'une radio connue sous le nom de Fun Radio dans les départements de l'Aveyron et de la Lozère.
Plus précisément, la société Promosud est titulaire de l'autorisation d'émettre sur la fréquence utilisée par les programmes Fun Radio en Lozère et elle est régisseur publicitaire de la société Média Leader laquelle est titulaire de l'autorisation d'émettre sur la fréquence utilisée par les programmes Fun Radio pour le département de l'Aveyron.
De janvier 1988 à novembre 1991 Philippe Cluzel avait des relations contractuelles avec la société Promosud pour laquelle il intervenait, comme agent commercial chargé de trouver des annonceurs publicitaires.
Le 1er novembre 1991 Philippe Cluzel signait un contrat de travail avec la société Promosud.
Ce contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence interdisant à Philippe Cluzel en cas de cessation de contrat " de s'intéresser directement ou indirectement à quelque titre que ce soit à toute activité touchant au secteur de la publicité radiophonique, pendant une durée de 10 ans, et sur les départements de l'Aveyron et de la Lozère ".
Le 15 novembre 1991 Cluzel Philippe démissionnait.
De nombreuses procédures opposaient ensuite Philippe Cluzel et son ex-employeur la société Promosud.
Arguant que la société RGC lui faisaient une concurrence déloyale par ce que complice de la violation de la clause de non-concurrence imposée à Cluzel Philippe, la société Promosud l'assignait par devant le juge des référés du tribunal de commerce de Millau lequel a dit n'y avoir lieu à référé par ordonnance du 1er février 1994.
Cette ordonnance était confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 5 décembre 1995.
Sur l'assignation, au fond, délivrée à la requête de la société Promosud, le tribunal de commerce Millau l'a, par jugement du 29 juillet 1997, déboutée de ses demandes, et l'a condamnée à payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile à la société RGC laquelle était déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Le 2 septembre 1997 la société Promosud a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
La société Promosud demande à la Cour de réformer la décision déférée, de dire et juger que la société RGC devra rompre toute relation directe ou indirecte avec Philippe Cluzel et ce sous astreinte journalière de 10 000 F pendant un mois à compter de la signification de l'arrêt, de désigner un expert avec mission de déterminer précisément le préjudice subi et de condamner la société RGC à lui payer la somme de 100 000 F à titre de provision et celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions la société Promosud soutient qu'elle démontre que Cluzel a violé la clause de non-concurrence qui lui était imposée, que la société RGC est complice de cette violation puisqu'elle ne pouvait ignorer la clause de non-concurrence, eu égard aux liens qu'elle entretient avec Cluzel, et que cela lui a occasionné un préjudice important.
La société RGC demande à la Cour de dire n'y avoir lieu à lui ordonner de rompre ses relations avec Cluzel et de confirmer la décision déférée.
Au soutien de ses demandes la société RGC fait valoir que Cluzel, qui réside à l'étranger, n'a plus aucune fonction chez elle et que sa femme ne détient que 19,6 % du capital, part très minoritaire ne conférant aucune possibilité de blocage.
Elle fait également valoir qu'il n'y a eu aucune concurrence déloyale et que la société Promosud ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice.
Discussion
Il y a lieu tout d'abord de replacer le débat dans le cadre juridique et judiciaire qui est le sien, à savoir une action en paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice qui aurait été occasionné à la société Promosud par la société RGC qui se serait livrée à une concurrence déloyale en employant Cluzel dont elle savait qu'il était tenu par une clause de non-concurrence.
Une telle action ne peut s'envisager que dans le cadre d'une responsabilité délictuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil qui impliquent non seulement l'existence d'une faute, mais également celles d'un préjudice et d'un lien entre celui-ci et celle-là.
Il résulte des pièces versées au débat, et il n'est d'ailleurs pas contesté par la société RGC, que Cluzel Philippe a été son créateur, puis son gérant et a eu, pendant un certain temps en son sein un rôle d'animateur de radio. Dès lors Cluzel a été intéressé, peu importe à quel titre, à l'activité de la société RGC laquelle avait pour objet, au moins pour partie, la collecte et la réalisation de publicité radiophonique.
Cluzel Philippe a donc violé la clause de non-concurrence et la société RGC ne pouvait ignorer, ni l'existence de cette clause ni sa violation. En employant Cluzel, même à titre de bénévole, la société RGC commettait un acte fautif générateur de responsabilité.
La société Promosud soutient qu'une telle violation lui a occasionné un préjudice puisqu'elle a perdu des recettes publicitaires.
La Société Promosud tend à démontrer ce préjudice en fournissant différents listings desquels il résulte que son chiffre d'affaires a baissé depuis 1991 et plus fortement en fin 93, 94 et 95.
Force est, d'une part, de constater que l'établissement sur le même site d'un concurrent, même s'il ne commet aucun acte déloyal et n'emploie pas de personnes tenues par une clause de non-concurrence, est de nature à prendre des parts de marché jusqu'alors tenu par la seule société installée sur le site.
De plus, dès 1991 le chiffre d'affaires de la société Promosud sur Millau avait commencé à baisser pour passer de 535 000 F à 413 000 F soit moins 22,8 % en 1992, date à laquelle la société RGC n'existait point et cette chute s'est ensuite poursuivie.
Cependant aucun élément de preuve ne permet de justifier cette baisse par l'action de Cluzel, bien au contraire, force est de remarquer que, à plusieurs reprises, la société Promosud a vu ses émissions suspendues par décision du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, ce qui, à l'évidence, entraîne une perte des publicités faites par des annonceurs.
Également la société Promosud ne démontre pas que Cluzel, ou la société RGC, auraient démarché ses anciens clients. Les attestations et sommations versées au débat par la société Promosud ne prouvent, en effet, que les interventions de Cluzel pour obtenir de la publicité mais n'établissent point que les personnes sollicitées étaient antérieurement liées à Promosud, ou même, que, sans la démarche, elles auraient décidé de faire de la publicité radiophonique dans quelque radio que ce soit.
Il apparaît donc que la société Promosud ne justifie d'aucun préjudice en liaison avec la violation par la société RGC de la clause de non-concurrence imposée à Cluzel Philippe et il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, puisque l'expert ne pourrait que calculer un préjudice dont il a été dit ci-dessus qu'il est sans relation avec la faute de la société RGC.
Enfin il convient de remarquer que par jugement du 21 mars 1996 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Millau a condamné Cluzel Philippe, sous astreinte de 1 000F par jour de retard, a cessé toutes relations à quelque titre que ce soit avec la SARL RGC. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 6 juin 1996.
La société Promosud reconnaît que Cluzel a quitté la société RGC en mars 1997 ce qui est affirmé mais non prouvé par la société RGC.
Il n'est donc plus utile d'ordonner à la société RGC de cesser ses relations avec Cluzel Philippe.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, En la forme reçoit l'appel, Au fond, Confirme le jugement déféré qui produira son plein et entier effet, Condamne la société Promosud aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.