CA Paris, 4e ch. B, 5 mars 1999, n° 1996-01204
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
City Flight (SARL)
Défendeur :
Arnell (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boval
Conseillers :
M. Ancel, Mme Regniez
Avoués :
SCP Bollet-Baskal, SCP Verdun-Gastou
Avocats :
Mes Hoffman, Juster.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société City Light, devenue City Flight, d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la société Arnell.
Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures échangées en cause d'appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments qui suivent.
Arnell exploite sous l'enseigne Light un fonds de commerce de prêt à porter féminin au 92 avenue des Champs Elysées à Paris. Elle commercialise ses articles sous la marque Light qu'elle a déposée le 21 décembre 1972 en classes 18, 24 et 25.
City Light constituée en septembre 1992 exploite un fonds de commerce de prêt à porter féminin dans la galerie commerciale du Palais des Congrès de la Porte Maillot à Paris. Elle a déposé le 4 septembre 1992 sous le numéro 92.444775 la marque dénominative City Light en classe 25 pour des vêtements.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 1993, Arnell a mis en demeure City Light de retirer la demande d'enregistrement de la marque City Light, de cesser de faire usage de cette dénomination à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne, de procéder à toutes démarches nécessaires à cette fin et de la dédommager de son préjudice.
City Light a renoncé à sa marque n° 92.444775 le 8 juin 1993. Le 14 janvier 19994 par décision de son assemblée générale extraordinaire publiée le 26 janvier suivant, elle a modifié sa dénomination sociale en City Flight.
Faisant valoir qu'en dépit de sa renonciation à sa marque, City Flight utilisait toujours la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne City Light pour le même commerce que le sien, Arnell a fait assigner City Light aux fins de constatation judiciaire des actes de contrefaçon de sa marque Light ainsi que d'actes de concurrence déloyale. Elle réclamait, outre des mesures d'interdiction, de destruction et de publication la condamnation de son adversaire à lui payer les sommes de 100 000 F pour l'atteinte à la valeur patrimoniale de la marque, 100 000 F pour son préjudice économique et 200 000 F pour le préjudice né des actes de concurrence déloyale.
City Light a fait valoir qu'elle avait à la dois radié sa marque City Light et modifié son nom commercial en City Flight pour éviter toute confusion. Elle soutenait que le litige se limitait à la simple utilisation d'une enseigne City Light apposée sur son magasin et qu'aucune confusion n'était possible entre Light et City Light.
Arnell a répliqué que City Light qui s'était constituée le 28 septembre 1992 avait contrefait sa marque jusqu'au retrait effectué le 8 juin 1993 et que la modification de dénomination sociale n'était intervenue qu'après l'assignation, l'enseigne n'ayant pour sa part été changée que le 22 mars 1994 comme l'établissait un constat d'huissier. Elle ajoutait que la dénomination City Flight adoptée par son adversaire était également contrefaisante de sa marque Light et portait atteinte à ses autres signes distinctifs. Elle indiquait encore que la modification apportée par City Light à son enseigne laissait substituer cette dénomination, la lettre F ajoutée sur la vitrine étant plus terne que les autres lettres.
Arnell priait le Tribunal de condamner City Light pour les nouveaux faits de contrefaçon et de concurrence déloyale aux même sommes que pour les faits précédents.
City Light concluait à l'irrecevabilité de cette demande reconventionnelle et à son mal fondé.
Le jugement a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité,
- dit qu'en procédant au dépôt de la marque City Light et en utilisant la dénomination City Light comme dénomination sociale, nom commerciale et enseigne pour son commerce de vêtements, sans l'autorisation d'Arnell, City Light avait commis des actes de contrefaçon de la marque Light dont Arnell était titulaire ainsi que des actes de concurrence déloyale.
- prononcé des mesures d'interdiction, de modification de l'enseigne et de publication,
- condamné City Light à payer à Arnell la somme de 50 000 F pour la contrefaçon et la même somme pour les faits de concurrence déloyale, outre la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
City Flight (ex City Light) poursuit la réformation de cette décision sauf en ce qu'elle a débouté Arnell de sa demande en contrefaçon fondée sur l'utilisation par City Flight de la dénomination City Flight.
Arnell conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné City Flight pour contrefaçon et concurrence déloyale du fait de sa marque City Light et à sa réformation pour le surplus. Elle prie la Cour concernant la marque City Light de condamner l'appelante à lui payer les sommes de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la valeur patrimoniale de la marque, de 100 000 F pour le préjudice causé par la perte économique et de 200 000 F pour le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.
Concernant la marque City Flight l'intimée prie la Cour de :
- dire que City Flight continue à se livrer à des agissements constitutifs de contrefaçon sinon d'imitation illicite de la marque Light dont elle est titulaire,
- condamner City Flight à lui payer les sommes de 100 000 F pour atteinte à la valeur patrimoniale de la marque, 100 000 F pour le préjudice causé par la perte économique et celle de 200 000 F pour celui subi du fait des actes de concurrence déloyale,
- prononcer des mesures d'interdiction, de suppression, de destruction et de publication.
Chacune des parties revendique l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR :
Considérant qu'à juste titre le Tribunal a retenu la contrefaçon de la marque Light par la marque City Light ; qu'en effet le terme Light ne se fond pas dans un tout indivisible au sein de la deuxième marque et ne perd pas son pouvoir distinctif propre, peu important au surplus le graphisme dans lequel ont été déposées les deux marques ;
Que cette contrefaçon sera retenue pour la période allant du 4 décembre 1992, dépôt de la marque City Light au 8 juin 1993, date de sa radiation ;
Considérant qu'il résulte des documents produits que malgré une mise en demeure du 22 avril 1993, City Flight a tardé à modifier sa dénomination sociale, et son enseigne ;
Qu'en dépit d'attestations mensongères versées aux débats par City Flight (attestation du CIPCOM indiquant que la modification de dénomination sociale était intervenue en novembre 1993) ce n'est que le 2 février 1994 qu'un K Bis a fait apparaître le changement de dénomination sociale de City Light en City Flight ;
Qu'il résulte d'un procès-verbal de Me Mocci, que la modification de l'enseigne n'est intervenue qu'à la date du 22 mars 1994 et dans des circonstances non dénuées d'ambiguité puisque l'huissier constatant a relevé que City Flight s'était contentée de faire ajouter au mot Light la lettre F, de façon plus terne et moins éclairée que les autres lettres ;
Considérant qu'il ressort d'attestations versées par Arnell et notamment de la part d'un fournisseur (GFT) et d'une cliente (munie d'un bordereau d'exportation pour se faire rembourser la TVA), que plusieurs confusions se sont produites entre les deux sociétés;
Considérant qu'il s'ensuit que l'adoption du terme Light par City Flight dans le même secteur d'activité et à proximité géographique d'Arnell (Porte Maillot et Champs Elysées) constitue une atteinte aux droits de cette dernière sur le nom commercial et l'enseigne Light et sont constitutifs de concurrence déloyale;
Considérant que la demande additionnelle présentée en cours de première instance par Arnell et tendant à voir condamner son adversaire pour contrefaçon du fait de l'usage de la dénomination City Flight a été à bon droit jugée recevable par les premiers juges dès lors qu'elle se rattachait par un lien suffisant aux prétentions originaires de la demanderesse ; que reprise par l'intimée en appel elle n'est pas nouvelle ;
Considérant qu'à juste titre les premiers juges ont retenu que la marque Light n'était pas reproduite par la dénomination City Flight et qu'aucun risque de confusion n'était possible entre les deux signes du fait de différences tenant tant à leur allure d'ensemble qu'à l'architecture des termes et à leur pouvoir évocateur ;
Considérant enfin qu'eu égard aux circonstances de la cause, les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi par Arnell tant en ce qui concerne les faits de contrefaçon que de concurrence déloyale ; que les mesures d'interdiction et de modification sous astreinte ainsi que de publication seront également confirmées ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à City Flight une indemnité complémentaire de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré ; Y ajoutant : Condamne la société City Flight à payer à la société Arnell la somme de 10 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société City Flight aux dépens ; Admet la SCP Verdun Gastou au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.