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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 3 mars 1999, n° 1997-04802

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Riedel

Défendeur :

High Tech Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Bommart-Forster, Me Ribaut

Avocats :

Mes Caretto, Telemaque.

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 8 nov. 1…

8 novembre 1996

Faits et procédure

Paul Riedel est titulaire des marques Trisomouss et Trisodur respectivement déposées et enregistrées le 8 octobre 1993 sous le n° 93-488512 et le 11 octobre 1989 sous le n° 1 557 195. servant à désigner les produits relevant des classes 17, 22 et 24 de la classification internationale et notamment les : Caoutchouc, gutta-percha, gomme, amiante, mica et produits en ces matières non compris dans d'autres classes ; produits en matières plastiques mi-ouvrés ; matières à calfeutrer, à étouper, à isoler ; tuyaux flexibles non métalliques. Corde, ficelles, filets, tentes, bâches, voiles, sacs (non compris dans d'autres classes) ; matières de rembourrage (à l'exception du caoutchouc) ; matières textiles fibreuses brutes. Tissus et produits textiles non compris dans d'autres classes ; couvertures de lit et de table ".

Après avoir procédé le 30 septembre 1995 au salon camping car au Bourget sur le stand de la société High Tech Développement à la saisie contrefaçon de produits isolants Trimousse que celle-ci fabriquait et distribuait sous cette dénomination depuis le mois d'octobre 1994, Paul Riedel assignait cette société le 12 octobre 1995 devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de constatation des actes de contrefaçon de ses marques Trisomouss et Trisodur ainsi que des actes de concurrence déloyale, et de condamnation à lui payer la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts pour les actes de contrefaçon et celle d'un même montant au titre des actes de concurrence déloyale, outre la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société High Tech Développement concluait au rejet des demandes présentées aux motifs que les marques que lui oppose Paul Riedel sont descriptives et ne servent qu'à désigner les qualités essentielles du produit auquel il s'applique, que les points de ressemblance entre la marque Trisomouss et l'appellation Trimousse sont banals pour désigner un produit isolant composé d'une triple épaisseur de mousse et que la marque Trisodur ne peut être confondue avec Trimousse.

Par jugement du 8 novembre 1996, le tribunal saisi a débouté Paul Riedel de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société High Tech Développement la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Paul Riedel a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe de la Cour du 31 janvier 1997.

En faveur de la validité des marques qu'il a déposées, il soutient que celles-ci, dénominatives constituent des néologismes dépourvus de signification particulière et que le choix des termes qui sert à désigner les différents produits, parfaitement arbitraire, n'entre pas dans la désignation nécessaire, générique ou usuelle de produit isolants.

IL admet la motivation du jugement déféré concernant la contrefaçon de la marque Trisodur mais conteste celle ayant trait à la dénomination Trimousse qui s'appliquant à des produits identiques aux siens constitue selon lui la contrefaçon par imitation et usage de sa marque Trisomouss.

Il soutient que la société High Tech Développement en usurpant sa marque pour désigner des produits identiques a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale résultant de ce qu'elle a profité de son travail, de ses efforts et de sa réputation et de ce qu'elle est placée dans son sillage dans le but de créer une confusion dans l'esprit du public.

Il sollicite, outre les habituelles mesures d'interdiction et de publication de la décision à venir, la condamnation de la société High Tech Développement à lui payer la somme de 50 000 F pour chacun des agissements qu'il reproche à la société intimée qui devra, d'une part être déboutée de sa demande reconventionnelle, d'autre part être condamnée à lui payer la somme de 40 000 F pour ses frais non compris dans les dépens.

La société High Tech Développement intimée demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré la marque Trisomouss suffisamment distinctive et a rejeté les demandes formées par Paul Riedel.

Subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement qui a estimé qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon au préjudice de l'appelant qui devra être condamné à lui payer, outre la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, celle de 200 000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subi du fait de la procédure abusive engagée contre elle.

Sur quoi, LA COUR

- Sur la validité des marque Trisomouss et Trisodur

Considérant que si la marque est un signe dont la fonction est de distinguer les produits ou services et que le caractère distinctif de celui-ci s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés, elle ne peut désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service.

Considérant que la société High Tech Développement soutient que Paul Riedel réplique que la société High Tech Développement qui conteste la validité de la marque Trisomouss n'en revendique cependant pas la nullité.

Considérant que le marque déposée Trisomouss sert à désigner un produit isolant constitué de matériaux superposés comprenant 3 plaques ondulées en polyéthylène prises en sandwich entre 4 films de papier en aluminium métallisé semi-rigide.

Considérant qu'il apparaît ainsi comme le relève pertinemment la société intimée que la marque Trisomouss analysée globalement évoque les qualités et les fonctions essentielles du produit, puisqu'elle s'applique à les décrire, à indiquer leur destination et leur mode d'utilisation, à savoir trois couches de matériaux isolants comportant une texture évoquant de la mousse aplanie et rigidifiée.

Que Paul Riedel admet d'ailleurs ce fait dans sa brochure publicitaire qui décrit le produit Trisomouss comme étant " constitué de 4 films réfléchissants et de 2 feuilles de mousses fines alternées ".

Que cette marque qui révèle essentiellement la qualité et la destination du produit ne peut sans enfreindre les dispositions de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle être déclarer valide.

Considérant que la marque Trisodur qui décrit comme la marque Trisomouss les caractéristiques essentielles et la destination du produit constitué par 3 plaques rigides et dures servant d'isolant pris en sandwich entre 4 feuilles d'aluminium ne saurait pour les mêmes motifs que pour le signe Trisomouss être déclarée valide.

Considérant qu'il convient de constater que la société High Tech Développement n'a pas solliciter l'annulation des deux marques dont elle conteste la validité.

- Sur les actes de contrefaçon

Considérant que le défaut de validité des deux marques déposées par Paul Riedel ne lui permet pas d'imputer à la société High Tech Développement les actes de contrefaçon qu'il allègue.

Que le jugement entrepris par des moyens propres à la Cour sera par conséquent confirmé.

- Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant que la liberté de la concurrence autorise tout acteur économique à chercher par des procédés loyaux à attirer vers lui la clientèle de son concurrent.

Considérant que Paul Riedel reproche à la société High Tech Développement d'avoir en usurpant ses marques pour désigner des produits identiques commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme résultant de ce qu'elle a selon lui profité de son travail, de ses efforts et de sa réputation et a cherché à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle en vue de son détournement, notamment en exposant dans les mêmes salons que lui.

Considérant que tant le produit commercialisé par Paul Riedel que celui proposé à la vente par la société High Tech Développement se présentent sous la forme de feuilles en mousse ou en matériau dur et en aluminium en plus ou moins grand nombre superposées destinées à former un ensemble isolant.

Mais considérant que si les feuilles d'aluminium armé apparaissent ressemblantes, voire identiques pour les deux produits opposés présentés à la Cour, en revanche les plaques de mousses prises en sandwich entre les feuilles métallisées révèlent des aspects totalement différents.

Qu'en effet si le produit Trisomouss comporte 3 feuilles rigides gondolées de même épaisseur et de texture strictement identique, en revanche celui de la société High Tech Développement comporte deux feuilles rigides granulées (à cellules fermées mentionne la plaquette publicitaire), une feuille présentant un aspect ouaté et enfin un tissu leur donnant ainsi un aspect très différent l'un de l'autre.

Qu'il s'ensuit que l'utilisation d'éléments isolants différents qui confère aux deux produits opposés une application distincte conduit à ne pas retenir le grief de concurrence déloyale que Paul Riedel impute à la société High Tech Développement dans la mesure où il apparaît que la clientèle concernée par les matériaux isolants est parfaitement en mesure de distinguer les deux produits et éviter toute confusion quant à leur origine.

Considérant que Paul Riedel reproche également à la Société High Tech Développement d'avoir profité de son travail, de ses efforts, de sa réputation et d'avoir cherché à se placer dans son sillage.

Mais considérant qu'il ne fournit aucun élément de preuve permettant à la Cour d'apprécier les critiques qu'il formule à l'encontre de la société intimée.

Que ce grief est par conséquent infondé.

- Sur les demande de réparation

Considérant que Paul Riedel dont toutes les demandes ont été rejetées devra être débouté de l'ensemble des prétentions tendant à obtenir réparation des préjudices qu'il allègue.

Considérant que la société High Tech Développement soutient avoir subi un préjudice du fait de Paul Riedel qui a engagé contre elle une procédure de saisie contrefaçon un samedi sur le stand qu'elle tenait lors d'une manifestation commerciale.

Qu'elle rappelle que Paul Riedel a également introduit contre elle une procédure en contrefaçon de brevet qui a fait l'objet le 4 avril 1996 d'une ordonnance de radiation pour défaut de conclusions du demandeur.

Mais considérant que l'appelant qui a pu se méprendre sur la portée et la valeur de ses droits n'a pas manifestement commis de faute en procédant à une saisie contrefaçon et en assignant la société High Tech Développement.

Que sa demande de réparation sera par conséquent rejetée.

- Sur les frais hors dépens

Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société High Tech Développement la totalité des frais qu'elle a dû engager en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens et qu'il convient de compenser à hauteur de la somme de 30 000 F.

Par ces motifs, Infirme le jugement rendu le 8 novembre 1996 par le tribunal de grande instance de Paris en e qu'il a considéré que la marque Trisomouss était distinctive, Le confirme en ce qu'il a débouté Paul Riedel de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux frais de la société High Tech Développement non compris dans les dépens ; Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives, Condamne Paul Riedel à payer à la société High Tech Développement la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, Condamne Paul Riedel aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Alain Ribaut dans les conditions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.