CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 27 octobre 1998, n° 9801474
POITIERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sabourin
Défendeur :
Massin, Frank Lucet ATF (SA), Saint-Martin (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lerner
Conseillers :
Mme Baudon, M. Taillebot
Avoués :
SCP Paille-Thibault, SCP Alirol-Laurent, SCP Musereau-Drouineau Rosaz
Avocats :
Mes Primatesta, Belot.
Faits, procédure et prétentions des parties
Monsieur Jacky Sabourin et Monsieur Pierre Massin ont été associés cogérants de la société en nom collectif (SNC) Sabourin-Massin qui a exploité à Echire un fonds de commerce d'ambulances, taxis et véhicules de petite remise.
Par acte du 22 octobre 1992, la SNC Sabourin-Massin a cédé son fonds de commerce à Monsieur Franck Lucet. Cet acte prévoyait que le cédant s'interdisait formellement le droit de se rétablir ou de s'intéresser directement ou indirectement dans un commerce de la nature du fonds cédé pendant une durée de cinq ans et dans un rayon de 50 kilomètres, le tout à peine de dommages et intérêts envers le cessionnaire ou ses propres cessionnaires ou ayants-cause.
Prétextant que Monsieur Massin continuerait d'exercer une activité déloyale sous la couverture juridique de son amie Madame Sabourin, la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires (ATF) a, par acte du 28 juillet 1997 assigné devant le Tribunal de commerce de Niort Monsieur Pierre Massin et Madame Colette Sabourin en paiement de la somme de 500 000 F de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
Monsieur Massin et Madame Colette Sabourin ont, in limine litis, soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Niort en raison de la qualité d'artisan de Madame Colette Sabourin et subsidiairement sur le fond ont prétendu à l'irrecevabilité des demandes de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires qui, en sa qualité de locataire-gérante de Monsieur Franck Lucet, ne pouvait revendiquer le bénéfice de la clause de non-concurrence conclue au profit du seul Monsieur Lucet.
Par jugement du 4 mars 1998 le Tribunal de commerce de Niort, après s'être déclaré compétent ratione materiae a ;
- débouté Monsieur Massin et Madame Sabourin de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné solidairement Monsieur Massin et Madame Sabourin à payer à la SA Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires 50 000 F à titre de dommages et intérêts et 5 000 F sur la base de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
- assorti le jugement de l'exécution provisoire à l'exception de l'indemnité article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
- condamné solidairement Monsieur Massin et Madame Sabourin aux dépens et aux coûts des constats de Maître Agard.
Madame Colette Sabourin a interjeté appel de cette décision et a été autorisée à assigner à jour fixe la Société Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires, Monsieur Pierre Massin et Maître Saint-Martin es-qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de monsieur Pierre Massin qu'elle avait intimés.
Madame Sabourin fait valoir :
1°) In limine litis sur l'incompétence ratione materiae de la juridiction commerciale.
- qu'elle n'a pas été partie à la vente du fonds de la SNC Sabourin-Massin au profit de Monsieur Franck Lucet ; que l'associé concerné était Monsieur Jacky Sabourin ;
- qu'elle exerce une profession artisanale, est inscrite au seul Registre des Métiers et en aucun cas au Registre du Commerce et des Sociétés ; que peu importe, comme prétendu par la Société Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires, que le sort de Madame Colette Sabourin soit étroitement lié à celui de Monsieur Massin ; que cela ne suffit pas à emporter la compétence ratione materiae du Tribunal de commerce ;
2°) Sur l'absence de déclaration de créances et l'absence de mise en cause du liquidateur de Monsieur Massin ;
- qu'il existait une deuxième société en nom collectif Sabourin-Massin qui a exploité un fonds de commerce de bimbeloterie-tabac à Echire ; que cette SNC a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que Monsieur Massin, en tant qu'associé de cette SNC a été placé en liquidation judiciaire ; que la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires n'a procédé à aucune déclaration de créance à l'encontre de Monsieur Massin ; qu'elle n'a pas plus mis en cause le liquidateur de Monsieur Pierre Massin ; que dès lors la décision entreprise doit être considérée comme non avenue et donc si la Cour décidait de ne pas évoquer, elle devrait renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance de Niort ;
3°) Subsidiairement sur l'irrecevabilité des demandes de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires, au cas où la Cour évoquerait :
- qu'en raison du principe de l'effet relatif des contrats, la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires ne peut en aucun cas revendiquer le bénéfice d'une stipulation au profit du seul Monsieur Lucet ; que le fait que Monsieur Franck Lucet ait consenti à la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires un contrat de location-gérance de son fonds de commerce est sans incidence, le locataire-gérant ne pouvant se prévaloir des dispositions souscrites au profit du propriétaire du fonds ;
- que la SARL Franck Lucet ne peut, en aucun cas, se présenter comme un ayant-cause de Monsieur Franck Lucet ; qu'elle est simple créancière de Monsieur Franck Lucet au titre d'un contrat de bail : le contrat de location-gérance ;
4°) Très subsidiairement sur le mal fondé des demandes de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires :
- que l'activité de Madame Colette Sabourin est non seulement parfaitement régulière mais, surtout, totalement étrangère aux transactions ayant pu intervenir entre la SNC Sabourin-Massin et Monsieur Lucet ; qu'à ce titre, la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de vente lui est radicalement inopposable ;
- que la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires est dans l'incapacité la plus totale de prouver qu'elle subirait des actes de concurrence déloyale de la part de Monsieur Massin lequel est actuellement salarié à temps partiel des Ambulances-Taxi Jacky Boinier et a également été employé par l'entreprise de transports Sylvette Réault ; que donc il n'y a rien de surprenant à ce qu'une dame Pouvreau ait été transportée par lui en taxi ;
Finalement, Madame Sabourin demande à la Cour de :
- dire et juger non avenu le jugement du Tribunal de commerce de Niort du 4 mars 1998 ;
- renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance de Niort compétent ratione materiae et loci ;
- à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour évoquerait, dire et juger la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires irrecevable pour défaut de qualité à agir, et en tout cas mal fondée en ses demandes, et l'en débouter ;
- en tout état de cause, condamner la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires à verser à Madame Colette Sabourin la somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Maître Saint-Martin agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur Massin est intervenue volontairement à l'instance n'ayant pas été partie au jugement dont appel. Elle conclut tout d'abord à la nullité du jugement entrepris pour défaut de capacité à ester en justice de Monsieur Massin ; qu'en effet depuis le 18 octobre 1995, date d'ouverture de la liquidation judiciaire de Monsieur Pierre Massin, seul Maître Saint-Martin es-qualités a la capacité pour ester en justice dans les actions concernant le patrimoine de Monsieur Massin ; que la société SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires ayant assigné Monsieur Pierre Massin seul devant le Tribunal de commerce de Niort, alors que ce dernier n'avait pas la capacité pour ester en justice, cette assignation est nulle par application de l'article 117 du nouveau Code de Procédure Civile.
Très subsidiairement sur le fond Maître Saint-Martin es-qualités indique :
- que les dommages et intérêts réclamés à Monsieur Massin seraient dus en raison d'actes de concurrence déloyale dont celui-ci aurait été notamment l'auteur ; que ces faits sont antérieurs à l'ouverture de la liquidation judiciaire de Monsieur Massin puisque constatés les 8 et 10 avril 1995 ; que la prétendue créance de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires est donc antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de Monsieur Massin ; que faute par la société Franck Lucet de justifier d'une déclaration de créance régulière, celle-ci doit être considérée comme éteinte.
Maître Saint-Martin es-qualités demande en conséquence à la Cour de :
- prononcer la nullité du jugement entrepris sur le fondement de l'article 117 du nouveau Code de Procédure Civile ;
- très subsidiairement de déclarer la société Franck Lucet irrecevable en toutes ses demandes, faute pour elle d'avoir régulièrement déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur Massin ;
- condamner la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires à payer à Maître Saint-Martin la somme de 5 000 F au titre de la l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur Pierre Massin intimé dans le cadre de la procédure d'appel initiée par Madame Colette Sabourin demande à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'il déclare adopter le bénéfice des écritures signifiées dans l'intérêt de Madame Colette Sabourin et de ce qu'il déclare également adopter le bénéfice des observations prises par Maître Saint-Martin es-qualité ;
- en conséquence prononcer la nullité du jugement du 4 mars 1998 du Tribunal de commerce de Niort ;
- en toutes hypothèses, réformer le jugement et débouter la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires de toutes ses demandes dirigées contre Monsieur Massin, la Société Franck Lucet étant de surcroît sans qualité à agir contre lui ;
- condamner la Société Franck Lucet à lui payer la somme de 4 000 F par application du nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires indique ;
- que Monsieur Massin n'a pas respecté l'obligation de non-concurrence qui s'imposait à lui aux termes de l'acte de cession du 22 octobre 1992 ; que par ordonnance de référé du 5 avril 1995 le président du Tribunal de commerce de Niort a ordonné sous astreinte à Monsieur Massin de cesser son activité d'ambulances-taxis, véhicules de petites remises ; qu'au mépris de cette décision il a poursuivi son activité déloyale sous la couverture juridique de son amie Madame Colette Sabourin, elle-même inscrite au Répertoire des Métiers pour cette activité à effet du 26 octobre 1995 ;
- que sur la demande de nullité du jugement sollicitée par Maître Saint-Martin es-qualités non assignée devant le tribunal, la Cour statuera ce que de droit mais qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la Cour devra se prononcer sur les faits de concurrence déloyale et de réinstallation de Monsieur Massin sous couvert de son amie Madame Colette Sabourin, sauf à prendre en compte qu'en raison de l'arrêt des poursuites individuelles la société Franck Lucet ne maintient pas sa demande en paiement qu'elle avait formulée à l'encontre de Monsieur Massin ; que cependant les actes reprochés à Monsieur Massin s'étant, postérieurement à la liquidation judiciaire, poursuivis et même aggravés avec la collusion frauduleuse de Madame Colette Sabourin, la société Franck Lucet demande que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun et opposable à Maître Saint-Martin es-qualité ;
- que, quelle que soit la décison de la Cour sur l'exception d'incompétence présentée par Madame Colette Sabourin, la Cour d'appel de Poitiers devra, en application de l'article 79 alinéa 1 du nouveau Code de Procédure civile, se prononcer sur le fond du litige ;
- que l'argumentation développée quant à l'application de l'article 1165 du Code civil doit être rejetée dans la mesure où la clause de non-concurrence dispose "le tout à peine de dommages et intérêts envers le cessionnaire ou ses propres cessionnaires ou ayants-cause" ; que la SARL Franck Lucet est bien l'ayant-cause de Monsieur Lucet ; qu'en tout état de cause, l'action poursuivie par la SARL Franck Lucet à l'égard de Madame Colette Sabourin a un caractère délictuel ;
- que Madame Colette Sabourin ne peut elle-même se retrancher derrière l'effet relatif des conventions en se considérant comme tiers par rapport à la clause de non-concurrence, la violation de celle-ci résultant de l'activité que Monsieur Massin a poursuivi avec la complicité active de son amie Madame Colette Sabourin ;
- que les agissements frauduleux de Madame Colette Sabourin sont établis par les pièces versées par la SARL Franck Lucet et notamment par le fait qu'elle a obtenu l'autorisation d'exercer en se présentant comme le remplaçant de Monsieur Massin affirmant dans sa publicité qu'elle était son successeur ; qu'en outre il y a lieu d'observer que Monsieur Massin ayant été mis en liquidation judiciaire le 18 octobre 1995, Madame Colette Sabourin a déclaré un début d'activité au 26 octobre 1995 ;
- que les faits de concurrence déloyale qui se sont poursuivis depuis le début d'activité de Madame Colette Sabourin en octobre 1995 jusqu'à la date de cessation de l'effet de cette clause, 22 octobre 1997, ont causé à la SARL Franck Lucet un préjudice important.
La SARL Franck Lucet demande en conséquence à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle ne maintient pas sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur Massin compte tenu de la liquidation judiciaire dont il a fait l'objet ;
- déclarer Maître Saint-Martin es-qualités mal fondée en toutes ses demandes, l'en débouter ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la réalité des actes de concurrence pratiqués par Monsieur Massin sous la couverture juridique de Madame Colette Sabourin en violation de la clause de non-concurrence souscrite et l'existence d'un préjudice causé à la SARL Franck Lucet ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame Colette Sabourin au paiement de la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
- condamner Madame Colette Sabourin au paiement d'une indemnité supplémentaire de 5 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner Madame Colette Sabourin aux entiers dépens d'instance et d'appel y compris ceux de l'intervention de Maître Saint-Martin es-qualités.
Motifs de l'arrêt
- Sur la nullité du jugement entrepris demandée par Maître Saint-Martin es-qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur Pierre Massin.
Attendu que le Tribunal de commerce de Niort a, par jugement du 18 octobre 1995, prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur Pierre Massin et désigné Maître Saint-Martin comme mandataire liquidateur ;
qu'en vertu de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date de saisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens... les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ;
que par exploit du 28 juillet, Monsieur Pierre Massin a été assigné par la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires en paiement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence par lui souscrite ; que compte tenu de la liquidation judiciaire dont Monsieur Massin faisait l'objet, il était dépourvu de toute capacité d'ester en justice, seule Maître Saint-Martin es-qualités ayant le pouvoir de le représenter dans le cadre de la procédure intentée à son encontre ;
que Maître Saint-Martin es-qualités n'ayant pas été mise en cause devant le Tribunal de commerce de Niort, le jugement intervenu le 4 mars 1998 doit être déclaré nul en ce qu'il concerne Monsieur Pierre Massin ;
que devant la Cour Maître Saint-Martin es-qualités de liquidateur de Monsieur Massin est intervenue volontairement ;
que compte tenu de la liquidation judiciaire de Monsieur Massin, la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires a déclaré ne pas maintenir sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur Massin ; qu'il lui en sera donné acte ;
que la Cour n'est donc plus saisie que de l'action dirigée contre Madame Colette Sabourin laquelle n'intéresse en aucune façon Maître Saint-Martin es-qualités à qui le présent arrêt ne saurait être déclaré opposable ;
qu'il n'y a pas lieu non plus de statuer sur les demandes émises par Monsieur Pierre Massin devant la Cour, celui-ci n'ayant pas plus que devant le tribunal la capacité d'ester en justice.
- Sur l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce soulevée par Madame Colette Sabourin.
Attendu que Madame Colette Sabourin est inscrite au Registre des Métiers en tant qu'artisan exerçant la profession de Chauffeur de taxi depuis le 26 octobre 1995 ; qu'elle n'a pas la qualité de commerçant ;
Que par ailleurs elle n'a pas été partie à la vente du fonds de commerce intervenue entre la SNC Sabourin-Massin au profit de Monsieur Franck Lucet ; que l'associé de la SNC concernée était Monsieur Jacky Sabourin et non pas Madame Colette Sabourin comme considéré à tort par le Tribunal de commerce de Niort qui a retenu sa compétence au motif que le débat portait sur le respect ou non des clauses d'un contrat commercial auquel a participé Madame Colette Sabourin, ce qui n'est pas le cas ;
Attendu donc qu'aucun des critères de compétence de la juridiction commerciale n'étant réuni au cas présent le jugement entrepris sera infirmé du chef de la compétence ratione materiae ;
Que le litige étant de la compétence du Tribunal de grande instance de Niort, la Cour juridiction d'appel de ce dernier doit statuer au fond en application de l'article 79 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile.
- Sur la recevabilité des demandes de la SARL Franck Lucet.
Attendu d'une part que Madame Colette Sabourin soutient que le cessionnaire du fonds étant Monsieur Franck Lucet et non la SARL Franck Lucet, celle-ci ne peut, en sa qualité de locataire-gérant, revendiquer le bénéfice de la clause de non-concurrence souscrite au profit du seul Monsieur Lucet ;
Attendu que cette argumentation est sans intérêt dans la mesure où la clause de non-concurrence figurant à l'acte de cession du 22 octobre 1992 dispose :
Le cédant, en l'occurrence, la SNC Sabourin-Massin " s'interdit formellement le droit de se rétablir ou de s'intéresser directement ou indirectement, même comme simple associé commanditaire, dans un commerce de la nature du fonds cédé, pendant une durée de cinq années à compter de ce jour, et dans un rayon de cinquante kilomètres à vol d'oiseau du siège actuel du fonds objet de la présente cession le tout à peine de dommages et intérêts envers le cessionnaire ou ses propres cessionnaires ou ayants-cause... " ;
Qu'en l'espèce la SARL Franck Lucet est bien l'ayant-cause de Monsieur Franck Lucet par le fait du contrat de location-gérance du fonds ; que Monsieur Franck Lucet en donnant son fonds en location-gérance à la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires a transmis à celle-ci les droits qui étaient les siens concernant notamment l'exploitation de la clientèle du fonds et donc l'obligation de non-concurrence à laquelle s'était engagée la SNC Sabourin-Massin;
Attendu d'autre part que Madame Colette Sabourin soutient que la clause de non-concurrence ne lui est pas opposable car, n'étant pas partie à l'acte de cession, elle est un tiers par rapport à cette convention qui compte tenu de l'effet relatif des contrats (article 1165 du Code civil) ne saurait s'imposer à elle ;
Attendu que la responsabilité de Madame Colette Sabourin n'est pas recherchée par la SARL Franck Lucet sur le terrain contractuel mais en raison des agissements frauduleux dont elle se serait rendue coupable en permettant par son activité à Monsieur Massin de se réinstaller en violation de la clause de non-concurrence à laquelle il était tenu ;
Que l'action poursuivie par la SARL Franck Lucet à l'égard de Madame Colette Sabourin étant de nature délictuelle, cette dernière n'est pas fondée à invoquer l'application des dispositions de l'article 1165 du Code civil ;
Attendu en conséquence que les demandes dirigées contre Madame Colette Sabourin par la SARL Franck Lucet seront déclarées recevables.
- Sur les actes déloyaux reprochés à Madame Colette Sabourin.
Attendu tout d'abord qu'il convient de remarquer :
- que par ordonnance de référé en date du 5 avril 1995, le président du Tribunal de commerce de Niort avait ordonné sous astreinte à Monsieur Massin, aux motifs qu'il ne respectait pas la clause de non-concurrence, de cesser son activité " d'ambulances-taxi, véhicules de petite remise " ;
- que le 18 octobre 1995 Monsieur Massin était déclaré en liquidation judiciaire ;
- que le 26 octobre 1995, Madame Colette Sabourin débutait une activité de taxi, après avoir formulé auprès de la Commission départementale des taxis et des voitures de petite remise de la préfecture des Deux-Sèvres, une demande pour l'exploitation d'un taxi à Echire en remplacement de Monsieur Pierre Massin ; qu'elle n'avait au demeurant aucun titre pour présenter une telle demande puisque le fonds avait été vendu à Monsieur Franck Lucet ; qu'elle n'a pu agir de la sorte qu'avec l'assentiment de Monsieur Massin qui pourtant aux termes de l'acte de cession du 22 octobre 1992 s'était engagé à présenter Monsieur Franck Lucet comme son successeur à la clientèle ;
- que tant en 1996 qu'en 1997, Madame Colette Sabourin s'est présentée dans les annuaires téléphoniques à la rubrique " Taxi Echire ", sous l'appellation " Colette Sabourin, successeur Massin " ;
- que Madame Sabourin, compte tenu des liens l'unissant à Monsieur Massin ne pouvait ignorer que celui-ci était tenu par une clause de non-concurrence et qu'en se présentant comme son successeur, elle participait au détournement de la clientèle que Monsieur Massin avait cédé à Monsieur Franck Lucet ;
- qu'aux termes d'une sommation interpellative faite 10 avril 1997 à la requête de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires, Madame Pouvreau Pierrette a déclaré : " Monsieur Massin Pierre demeurant 477, chemin de Couture à Echire me conduit en taxi de façon régulière, les lundi, mercredi et vendredi au Centre d'Hémo-Dyalise de Parthenay " ; que Madame Colette Sabourin prétend qu'il n'y a rien de surprenant à ce que Madame Pouvreau ait été transportée en taxi par Monsieur Massin puisqu'à cette époque il était salarié des Ambulances Jacky Boinier à Niort ; que cette affirmation est inexacte dans la mesure où les bulletins de paie versés aux débats mentionnent que Monsieur Massin Pierre est entré aux services des Ambulances Jacky Boinier le 16 avril 1997 donc postérieurement à la sommation interpellative du 10 avril 1997 ; qu'en outre, il n'a été embauché par Madame Réault Sylvette qu'à compter du 14 mai 1997 ; qu'il est donc établi que sous couvert de l'activité de Madame Colette Sabourin, et avec la complicité de celle-ci, Monsieur Massin a continué à ne pas respecter son permis par le comportement déloyal de Madame Colette Sabourin se présentant comme le successeur de Monsieur Pierre Massin, en fraude des droits de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires ;
Attendu en conséquence que la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires est fondée à réclamer à Madame Colette Sabourin en réparation des agissements délictueux dont elle s'est rendue coupable la somme de 50 000 F de dommages et intérêts ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Franck Lucet les frais irrépétibles qu'elle a exposés jusque devant la Cour ; que Madame Colette Sabourin sera condamnée à lui verser pour l'ensemble de la procédure la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; que la demande formée sur le même fondement par Maître Saint-Martin es-qualités à l'encontre de la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires sera rejetée ;
Que Madame Colette Sabourin qui succombe sera condamnée aux entiers dépens ; qu'elle ne peut de ce fait réclamer aucune somme par application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Par ces motifs, LA COUR, donne acte à Maître Saint-Martin es-qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur Massin de son intervention volontaire ; Prononce la nullité du jugement entrepris à l'égard de Monsieur Massin sur le fondement de l'article 117 du nouveau Code de Procédure Civile ; donne acte à la SARL Franck Lucet de ce qu'elle ne maintient pas sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur Massin ; Infirme le jugement entrepris du chef de la compétence en ce qui concerne Madame Colette Sabourin ; Statuant sur le fond en application de l'article 79 alinéa 1 du nouveau Code de Procédure Civile ; Déclare recevables les demandes formées par la SARL Franck Lucet Ambulances-Taxi-Funéraires à l'encontre de Madame Colette Sabourin ; Condamne Madame Colette Sabourin à payer à la SARL Franck Lucet la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts ; Condamne Madame Colette Sabourin à verser à la SARL Franck Lucet pour l'ensemble de la procédure la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne Madame Colette Sabourin aux entiers dépens d'instance et d'appel y compris ceux de l'intervention de Maître Saint-Martin es-qualité et autorise le recouvrement des dépens dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.