CA Paris, 4e ch. A, 7 octobre 1998, n° 96-20127
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mary Cohr (SA)
Défendeur :
Clarins (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, M. Lachacinski
Avoués :
SCP Teytaud, Narrat-Peytavi
Avocats :
Mes Greffe, Bessis.
Statuant sur l'appel interjeté par la société Mary Cohr du jugement rendu le 21 juin 1996 par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 2e section) dans un litige l'opposant à la société Clarins.
Faits et procédure :
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
La société Mary Cohr est propriétaire de la marque complexe ci-dessous représentée, déposée le 21 janvier 1994 sans revendication de couleurs et enregistrée sous le n° 94/502666 pour désigner en classe 3 " préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ".
EMPLACEMENT TABLEAU
Estimant que la société Clarins avait dans le cadre de sa campagne publicitaire utilisé pour présenter ses produits, un code graphique présentant d'évidentes ressemblances avec sa marque et eu à son encontre un comportement parasitaire en associant au quadrillage employé un carré rouge et en adoptant une présentation similaire à la sienne pour des prospectus publicitaires, la société Mary Cohr l'a par exploit en date du 23 décembre 1994 assignée en contrefaçon de la marque susvisée et en concurrence déloyale.
Elle sollicitait outre des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication, la condamnation de la société Clarins à lui verser deux indemnités provisionnelles de 1 000 000 F chacune à valoir sur l'indemnisation de son préjudice à déterminer par voie d'expertise, mesure par ailleurs requise, ainsi que le paiement d'une somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La société Clarins se prévalant de droits d'auteur antérieurs sur le quadrillage opposé, concluait à la nullité de la marque n° 94/502666 et à la condamnation de la société Mary Cohr pour contrefaçon et concurrence déloyale.
Elle réclamait outre le prononcé de mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation et de publication, la condamnation de la société Mary Cohr à lui payer une indemnité provisionnelle de 1 000 000 F à valoir sur son préjudice, la désignation d'un expert aux fins de déterminer l'importance de celui-ci ainsi que l'attribution d'une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'une indemnité de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ailleurs elle demandait par application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 la suppression d'un passage des conclusions de la société Mary Cohr du 28 septembre 1995 et la condamnation de cette société à lui payer de ce chef la somme de 50 000 F.
Chaque partie sollicitait le bénéfice de l'exécution provisoire.
Le tribunal par le jugement entrepris a :
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881,
- dit que la marque " Mary Cohr " porte atteinte aux droits d'auteur dont la société Clarins est investie,
- annulé la marque Mary Cohr n° 94/502666 en application de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle,
- dit qu'en déposant cette marque, en l'exploitant et en utilisant depuis 1993 le pictogramme qui la compose, la société Mary Cohr a commis des actes de contrefaçon,
- interdit à la société Mary Cohr, sous astreinte de 200 F par infraction constatée passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement de poursuivre ses agissements et ce avec exécution provisoire,
- dit qu'en ce qui concerne la nullité de la marque le jugement serait transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre National des Marques,
- condamné la société Mary Cohr à verser à la société Clarins la somme de 80 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 12 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- rejeté la demande de la société Clarins fondée sur une concurrence déloyale,
- autorisé diverses mesures de publication.
Appelante selon déclaration du 29 juillet 1996, la société Mary Cohr demande à la Cour d'infirmer la décision déférée, de dire que la société Clarins n'est titulaire d'aucun droit d'auteur antérieur susceptible d'être opposé à la société Mary Cohr, de dire que la société Clarins a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 94/502666 et de concurrence déloyale, de la condamner à lui verser la somme de 2 000 000 F du chef de la contrefaçon et celle de 1 000 000 F du chef de la concurrence déloyale et ce à titre provisionnel, de désigner un expert aux fins d'évaluation de son préjudice, de prononcer des mesures d'interdiction sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée et de l'autoriser à faire publier l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou revues de son choix aux frais de la société Clarins dans la limite de 30 000 F par insertion.
Par ailleurs elle sollicite le paiement d'une somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société Clarins poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la marque 94/502666 comme portant atteinte aux droits d'auteur de la société Clarins, condamné la société Mary Cohr pour contrefaçon et en ce qu'il lui a alloué la somme de 12 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Formant appel incident pour le surplus, elle demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures de :
- supprimer des conclusions de Mary Cohr du 28 septembre 1995 le passage suivant : " la société Laboratoires René Guinot a donc démontré devant la Cour que la pièce retenue par le tribunal comme constitutive d'un usage sérieux était un faux " et de condamner la société Mary Cohr à un Franc de dommages-intérêts pour diffamation par application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881,
- prononcer à l'encontre de la société Mary Cohr des mesures d'interdiction sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée et de retenir sa compétence pour la liquider,
- autoriser la publication de l'arrêt à intervenir dans 10 quotidiens ou revues de son choix, aux frais de la société Mary Cohr et sans que le coût total de ces insertions ne dépasse la somme de 300 000 F,
- dire qu'en utilisant notamment le quadrillage de 9 carrés utilisé par la société Clarins depuis février 1988 au moins, pour sa marque n° 94/502666, la société Mary Cohr a contrefait le droit d'auteur de la société Clarins,
- à titre subsidiaire et au cas où la Cour estimerait que la création de Clarins est antériorisée, constater que cette société a créé cette publicité pour la première fois dans son domaine d'activité lequel est identique à celui de la société Mary Cohr laquelle en adoptant la même campagne publicitaire a porté atteinte aux droits de la société Clarins,
- en conséquence déclarer nulle la marque n° 94/502666 et en interdire l'exploitation sous quelque forme que ce soit et ce sous astreinte définitive de 10 000 F par infraction constatée,
- à titre plus subsidiaire, dire qu'en adoptant cette publicité imitant celle de Clarins, la société Mary Cohr s'est manifestement inscrite dans son sillage, faisant ainsi preuve de concurrence déloyale et parasitaire par application de l'article 1382 du Code civil et par voie de conséquence de prononcer la nullité de la marque et d'ordonner des mesures d'interdiction,
- condamner la société Mary Cohr au paiement de la somme de 10 000 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire et de celle de 200 000 F pour procédure abusive ainsi qu'au versement d'une indemnité de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur ce, LA COUR :
I. Sur l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881
Considérant que la société Clarins demande à la cour de supprimer des conclusions de Mary Cohr du 28 septembre 1995 le passage suivant : " la société Laboratoires René Guinot a donc démontré devant la Cour que la pièce retenue par le tribunal comme constitutive d'un usage sérieux était un faux " au motif que ce propos était diffamatoire.
Considérant que selon l'alinéa 4 de l'article susvisé les juges saisis de la cause et statuant sur le fond, peuvent prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Mais considérant que c'est aux juges devant lesquels les écrits ont été produits qu'il appartient d'apprécier si ceux-ci présentent un tel caractère.
Que les conclusions comportant les propos incriminés ayant été signifiées devant le tribunal et ceux-ci n'ayant pas été repris dans les écritures prises par Mary Cohr devant la Cour, la société Clarins sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.
II. Sur les droits de la société Clarins
Considérant que la société appelante fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la société Clarins bénéficiait de droits d'auteur antérieurs sur le signe par elle déposé à titre de marque le 21 janvier 1994.
Que d'une part elle expose que la société Clarins ne démontre pas que la publicité sur laquelle elle s'appuie, publiée en Belgique en 1988, est protégée en Belgique.
Que d'autre part elle soutient que le visuel invoqué par la société Clarins n'est pas susceptible de constituer une création au sens de la loi sur le droit d'auteur et qu'il existe de nombreuses antériorités.
Considérant enfin qu'elle prétend que ce visuel n'a rien à voir avec la marque qu'elle a déposée en janvier 1994.
Considérant que la société Clarins lui oppose que dès 1972 elle a utilisé pour ses publicités presse des cases formant quadrillage et composées de 9 carreaux et que par la suite elle a exploité dès janvier 1988 cette idée publicitaire d'un assemblage de 9 carrés de surface identique subdivisés par un quadrillage dont l'un d'eux, situé en bas à droite, est individualisé par rapport aux autres et identifie un produit Clarins de façon quasi identique à la marque de la société Mary Cohr.
Qu'elle ajoute que cette création dont les droits lui appartiennent a été exploitée en Belgique en 1988 et en France en 1993 soit antérieurement au dépôt de sa marque par la société Mary Cohr.
Qu'enfin elle soutient que les antériorités opposées par l'appelante ne sont pas pertinentes.
Qu'elle en conclut qu'elle bénéficie d'un droit antérieur sur le signe en cause.
Considérant les moyens des parties étant ainsi exposés que l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :
" ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :
e) aux droits de l'auteur "
Mais considérant qu'un droit d'auteur antérieur n'est valablement opposable à une marque postérieure qu'à la condition qu'il reproduise les mêmes éléments caractéristiques.
Or considérant qu'en l'espèce la marque de la société Mary Cohr ci-dessus reproduite, se caractérise par :
- une forme géométrique carrée, subdivisée en un quadrillage de 9 carrés de surface identique dont l'un situé en bas à droite, est de couleur foncée alors que les 8 autres sont de couleur blanche (étant précisé que les lignes matérialisant le quadrillage sont de couleur foncée et que la marque est déposée sans revendication de couleurs),
- la dénomination Mary Cohr inscrite en lettres majuscules de couleur foncée sur deux lignes, en surimpression sur les 6 carrés supérieurs dont elle occupe presque toute la surface.
Considérant qu'aucun produit n'est représenté.
Considérant que la publicité faite par la société Clarins en janvier 1972 dans le magazine Marie Claire, celles qui seraient parues la même année dans les revues Jour de France, votre Beauté, Elle, Suffrages ne pouvant être retenues faute d'être datées, se distingue totalement de la marque Mary Cohr.
Qu'en effet si elle comporte un quadrillage, celui-ci est formé de 3 lignes de 3 carrés et 3 lignes de 3 rectangles disposés horizontalement, chaque série de 3 carrés servant à présenter un produit différent de Clarins alors que la nature et les bienfaits de chacun de ceux-ci sont définis en 5 ou 6 lignes dans un rectangle placé sous chacun des carrés.
Considérant s'agissant des quatre publicités parues dans les magazines VIF Express et Femmes d'Aujourd'hui en février, mai et octobre 1988 (pièces 1, 2, 3 et 4 de Clarins) dates de parution attestées par M. Vandermeulen, qu'elles ne reprennent pas davantage les caractéristiques de la marque de la société Mary Cohr.
Qu'en effet, trois d'entre elles sont constituées de la photographie en plus ou moins gros plan d'un visage féminin alors que la quatrième montre un corps de femme photographié de dos des omoplates aux genoux et revêtu d'un slip.
Que chacune de ces photographies est découpée en 9 carrés d'égale surface matérialisés par une ligne blanche.
Que sur trois des visuels (pièces 1, 3 et 4) un produit Clarins est photographié dans le carré placé en bas à droite alors que sur le quatrième il est présenté dans le carré placé au milieu et à droite.
Que la marque Clarins est inscrite en petits caractères dans le carré placé en haut à droite avec la mention : " la beauté c'est sérieux ".
Considérant qu'un texte de plusieurs lignes expliquant les propriétés du produit photographié est imprimé sous chaque visuel.
Considérant que chacune de ces quatre photographies se caractérise essentiellement en ce qu'elle associe un produit de la gamme Clarins à la photographie du visage ou du corps d'une femme sans mettre particulièrement en exergue la marque Clarins contrairement à la marque de la société appelante.
Qu'on ne retrouve pas la forme géométrique carrée subdivisée en 9 carrés dont 8 sont de couleur blanche et le 9e de couleur foncée de la marque de Mary Cohr mais une photographie sur laquelle est surimprimée un quadrillage formant 9 carrés.
Considérant enfin que la marque Clarins est placée à l'intérieur d'un carré et non inscrite en gros caractères sur deux lignes et sur les 6 carrés supérieurs.
Considérant que la société Clarins se prévaut de publicités effectuées en France de septembre à décembre 1993.
Mais considérant que chacune des pages publicitaires communiquées se caractérise par :
- un découpage de la page en 9 rectangles,
- l'inscription d'un texte de trois à treize lignes à l'intérieur de plusieurs des rectangles,
- la photographie d'un visage de femme et/ou d'un produit à l'intérieur d'un rectangle ou sur la surface occupée par 2, 3 ou 5 rectangles,
- la coloration en rouge ou bleu d'un des 3 rectangles supérieurs, la couleur débordant d'environ 1 cm sur les rectangles adjacents,
- l'apposition de la marque Clarins au milieu du rectangle placé en bas à droite.
Considérant que ces pages ne reproduisent pas l'ensemble des éléments caractéristiques de la marque critiquée et la seule matérialisation d'un quadrillage ne suffit pas à conférer à ces publicités la nature d'une œuvre de l'esprit susceptible d'antérioriser le signe déposé à titre de marque par la société Mary Cohr.
Considérant que la société Clarins n'oppose à la société Mary Cohr aucune autre création qui serait antérieure à janvier 1994, la date de 1978 indiquée dans les écritures signifiées le 18 juin 1998 étant manifestement erronée, aucune pièce datée ainsi n'étant communiquée.
Considérant en conséquence que pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin de rechercher si la création de 1978 est protégée par le droit d'auteur, la société Clarins est mal fondée à soutenir qu'elle bénéficie de droits antérieurs d'auteur opposables à la société Mary Cohr.
Que le jugement sera donc infirmé de ce chef.
III. Sur la demande en contrefaçon de la Société Clarins
Considérant que la société Clarins ne bénéficiant, pour les motifs ci-dessus exposés, d'aucun droit antérieur sur le signe déposé par la société Mary Cohr à titre de marque, sera déboutée de sa demande en contrefaçon et de celle en nullité de la marque n° 94/502666.
IV. Sur la demande en contrefaçon de la Société Mary Cohr
Considérant que la société appelante fait valoir que la société Clarins a reconnu que " la comparaison d'ensemble des différents prospectus publicitaires des deux sociétés permettait d'établir qu'ils présentaient des ressemblances incontestables ".
Considérant que la marque de la société Mary Cohr ayant été déposée le 21 janvier 1994, il convient de rechercher si postérieurement à cette date, la société Clarins a utilisé un signe présentant des ressemblances avec cette marque, étant observé que la société intimée ne s'est prévalue que des similitudes existant entre les publicités par elle effectuées en 1988 et 1993 et la marque de Mary Cohr.
Considérant que le seul point commun entre d'une part les prospectus imprimés par la société Clarins aux 2e et 3e trimestres 1994, la page de publicité parue dans un journal daté du 1er-2 octobre 1994 et d'autre part la marque de la société appelante se rapporte à la présence d'un quadrillage formant 9 carrés d'égale surface et d'un carré de couleur sombre.
Mais considérant que sur aucun de ces documents la marque Clarins n'est inscrite en majuscules sur la surface couvrant les 6 carrés supérieurs.
Qu'aucun carré de couleur sombre n'est disposé en bas à droite.
Considérant par ailleurs que le quadrillage de la société Clarins étant combiné soit avec un visuel photographique en occupant toute la surface et montrant un produit ou un visage féminin soit avec des reproductions photographiques de produits accompagnées de textes de plusieurs lignes placés à l'intérieur des carrés, il en résulte pour le consommateur d'attention moyenne une impression d'ensemble distincte de celle retirée de la vision de la marque et insusceptible de générer un risque de confusion entre les deux.
Considérant en conséquence que la société Mary Cohr doit être déboutée de sa demande en contrefaçon de marque.
IV. Sur les demandes en concurrence déloyale
Considérant que la société Clarins fait valoir à titre plus subsidiaire que la société Mary Cohr en adoptant une publicité imitant la sienne, s'est manifestement inscrite dans son sillage, faisant ainsi preuve de concurrence déloyale et parasitaire par application de l'article 1382 du Code civil.
Considérant que la société Mary Cohr réplique que sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la société Clarins ne peut se prévaloir d'aucun droit de propriété en France sur une campagne identique antérieure à celle de la société Mary Cohr.
Qu'elle précise que ce n'est qu'en octobre 1993 que pour la première fois la société Clarins a exploité en France une campagne publicitaire reproduisant le concept quadrillage / carré de couleur rouge alors qu'elle-même l'utilisait depuis 1988.
Qu'elle en conclut que la société Clarins a commis de ce chef des actes de parasitisme.
Qu'elle lui reproche en outre d'avoir adopté pour son prospectus " Bio Ecolia " une présentation similaire à celle choisie par elle pour le produit " Cellulaire Anti-Age ".
Considérant ceci exposé qu'il convient de rechercher qui de la société Clarins ou de la société Mary Cohr a la première exploité en France pour promouvoir des produits de beauté un concept combinant un quadrillage et un carreau de couleur.
Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que si à partir de 1988, la société Mary Cohr a eu recours pour ses conditionnements et sa publicité soit à un simple quadrillage légèrement en relief formant des carrés soit à des visuels photographiques sur lesquels était surimprimé un quadrillage soit encore à un quadrillage associé à des photographies, il apparaît que c'est seulement à partir du début de l'année 1992 qu'elle a combiné, notamment pour son tarif, sa brochure soins cabine et son livret de stage, un quadrillage formé de carrés avec un carré de couleur rose en bas à droit associé ou non avec une photographie (les dates pouvant être établies à partir des références portées tant sur les documents que sur les factures émises par la société Wallace Salmon).
Considérant s'agissant de la société Clarins qu'il a été ci-dessus exposé que si courant 1988 elle avait eu recours pour des publicités à un visuel photographique en noir et blanc sur lequel était imprimé en filigrane un quadrillage, il demeure que ces publicités n'ont été diffusées qu'en Belgique et au Luxembourg selon l'attestation de M. Vandermeulen produite par l'intimée et qu'elles ne comportent aucun carré de couleur.
Considérant que les magazines par elle produits démontrent que ce n'est qu'à partir de septembre 1993, soit postérieurement à la société Mary Cohr qu'elle a adopté pour sa publicité et ses promotions en France un quadrillage formant des rectangles avec un carreau de couleur rouge dont les bords débordent sur les carreaux adjacents.
Mais considérant que la couleur rouge se distinguant nettement de la couleur rose et les proportions et l'emplacement du carreau de couleur de la société Clarins se différenciaient nettement de ceux de la société Mary Cohr, les encarts et promotions publicitaires effectués en 1993 par la société Clarins ne sauraient être qualifiés de déloyaux ou parasitaires.
Considérant en revanche que courant 1994 la société Clarins a, pour ses prospectus publicitaires, modifié les proportions de son quadrillage et de son carreau de couleur pour se rapprocher davantage du concept adopté depuis 1992 par la société Mary Cohr pour promouvoir comme la société intimée des produits de beauté.
Qu'en effet on retrouve notamment sur les brochures " Bio Ecolia ", " Jeunesse des Mains " " Stick Lèvres " de la société Clarins comme sur les brochures " Lifting Beauté " (réf. 95440 mentionnée sur la brochure et reprise sur la facture du 31 mars 1993) " Catiovital " (réf. 95707 et facture du 31 janvier 1993) de la société Mary Cohr un quadrillage formant des carrés dont un est de couleur foncée associé avec un visuel photographique montrant un visage de femme.
Qu'au surplus il convient de relever qu'alors que la société Clarins n'avait pas recours en France au principe du visuel photographique représentant un visage de femme ou un produit sur lequel est apposé en surimpression un quadrillage, elle a, à partir de septembre 1993, eu recours à ce procédé lequel était en revanche utilisé en France par la société Mary Cohr depuis 1992 si on se réfère aux factures et prospectus par elle produits, ceux-ci portant des références qui se retrouvent sur les factures émises par la société Wallace Salmon (dépliants référencés 95653 du 30 octobre 1992, 95440 du 31 mars 1993, 95707 du 31 janvier 1993 pour n'en citer que quelques uns).
Qu'un tel comportement qui révèle la volonté de s'inscrire progressivement dans le sillage d'un concurrent et de profiter à moindres frais des recherches et études effectuées par la société Mary Cohr pour mettre au point une nouvelle charte graphique et se démarquait précisément d'autres sociétés distribuant des cosmétiques, est constitutif de concurrence déloyale et engage la responsabilité de la société Clarins sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a débouté société Mary Cohr de sa demande de ce chef.
Considérant que la société appelante sollicite en réparation du préjudice par elle subi du fait des actes de concurrence déloyale paiement d'une indemnité provisionnelle de 1 000 000 F et la désignation d'un expert.
Considérant qu'il résulte des documents produits que la campagne publicitaire lancée en 1994 par la société Clarins a revêtu une ampleur importante puisqu'elle déclare elle-même que : " 11 000 000 femmes seront touchées par cette annonce " et que ces annonces publicitaires sont parues tant dans des magazines féminins et journaux s'adressant au grand public que dans une revue professionnelle comme " Cosmétique News ".
Que par ailleurs la société Clarins justifie avoir engagé depuis 1992 des frais conséquents pour mettre au point son concept publicitaire et se faire connaître des consommateurs.
Que le comportement déloyal de la société Clarins lui a indéniablement causé un préjudice commercial qui sera réparé par le versement d'une somme de 500 000 F.
Considérant qu'il convient de faire droit aux mesures de publication dans les conditions précisées au dispositif.
VI. Sur la demande de la Société Clarins en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que la société Clarins qui succombe pour partie, ne saurait qualifier d'abusive la procédure diligentée à son encontre.
Qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.
VII. Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions du l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la société Clarins.
Considérant en revanche qu'il y a lieu d'allouer à la société Mary Cohr au titre des frais hors dépens par elle engagés une somme de 20 000 F.
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau ; Déboute la société Mary Cohr de sa demande en contrefaçon de la marque numéro 94/502666 ; Déboute la société Clarins de l'intégralité de ses demandes ; Dit qu'elle a commis à l'encontre de la société Mary Cohr des actes de concurrence déloyale et la condamne à lui payer la somme de cinq cent mille francs (500 000 F) à titre de dommages-intérêts ; Autorise la société Mary Cohr à faire publier le dispositif in extenso du présent arrêt dans trois revues ou journaux de son choix et aux frais de la société Clarins à concurrence de vingt mille francs HT (20 000 F HT ) par insertion ; Condamne la société Clarins à payer à la société Mary Cohr la somme de vingt mille francs (20 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Teytaud titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.