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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 1 juillet 1998, n° 95004942

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Publi Déco Média Plus (SARL)

Défendeur :

MRT (SARL), Barthe (ès qual.), Bernard, Lastère, Marciquet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frizon de Lamotte

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

SCP Rivelk-Combeaud, Me Le Barazer, SCP Julia

Avocats :

Mes Ciria, Boncenne, Cousin.

T. com. Angoulême, du 29 juin 1995

29 juin 1995

Par acte du 10 juillet, mis au rôle le 9 août 1995, la SARL Publi Média Plus a relevé appel d'un jugement du Tribunal de commerce d'Angoulême en date du 29 juin 1995, qui l'a déboutée de ses demandes dirigées contre la société MRT et Messieurs Marciquet, Lastère et Bernard.

Par ces conclusions du 19 octobre 1995, l'appelante expose que la société MRT, qui a un objet semblable au sien, a été constituée le 7 janvier 1994 par les trois autres intimés alors qu'ils étaient encore ses salariés. Monsieur Marciquet a quitté l'entreprise sans préavis le 30 décembre 1993, suivi dans des conditions identiques le 14 janvier 1994 par Monsieur Lasterre puis le 17 janvier par Monsieur Bernard. Le 27 mai 1994, un employé Monsieur Servant rejoignait aussi la société MRT.

Elle soutient que si des salariés encore dans les liens d'un contrat de travail peuvent constituer une société concurrente, ils ne peuvent la faire fonctionner, détourner la clientèle de leur employeur et désorganiser celui-ci.

En l'espèce, les préparatifs de constitution de la société ont commencé trois mois avant le départ du premier salarié. Le départ concerté de trois salariés et le détournement d'un autre salarié constituent des actes de concurrence déloyale qui ont désorganisé l'entreprise.

La société MRT a démarché ses fournisseurs et ses clients puisqu'à ce jour jusqu'à 90 % de l'activité de cette entreprise est constituée de ses clients, de ses fournisseurs et de ses employés.

Elle sollicite que la décision entreprise soit réformée et que les intimés soient condamnés à lui verser 1 500 000 F à titre de dommages et intérêts. Elle désire qu'il soit fait interdiction à la société MRT d'accomplir tout acte de concurrence sous astreinte. Elle demande 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. La société MRT, ayant été mise en liquidation judiciaire par acte du 11 mars 1997, l'appelante a assigné son liquidateur, ès qualités : Maître Barthe. Ayant déclaré sa créance, elle sollicite qu'elle soit fixée de la façon suivante :

- 1 500 000 F au titre de la concurrence déloyale,

- 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

- 50 000 F au titre de l'astreinte.

Elle sollicite qu'il soit fait interdiction à Maître Barthe, ès qualités de poursuivre l'activité de la société MRT sous astreinte de 10 000 F par jour de retard. Elle désire 10 000 F par jour de retard. Elle désire 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Maître Barthe ès qualités a conclu le 31 octobre 1997. Il conteste l'existence d'une concurrence déloyale : l'appelante ne caractérise aucun fait susceptible de constituer une faute. Elle n'a pas demandé à ses salariés d'effectuer leur préavis, ils n'étaient pas liés par une clause de non-concurrence, il n'est pas soutenu que le salarié embauché ultérieurement ait désorganisé sa production, si les fournisseurs des deux sociétés sont les mêmes, la preuve de manœuvres déloyales n'est pas rapportée, et il n'était pas interdit à la société MRT de profiter de la compétence et du réseau de relations de ses associés.

Maître Barthe forme un appel incident. Il soutient que l'appelante a utilisé des pratiques condamnables pour contrecarrer la concurrence de la société MRT. Il sollicite 50 000 F à titre de dommages et intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

M. Lastère a répliqué le 14 novembre 1997. Il indique qu'il a quitté la société appelante, libre de tout engagement, son contrat ne comportant pas de clause de non-réinstallation. Il désire 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Messieurs Marciquet et Bernard ont conclu le même jour en reprenant les mêmes moyens et demandes que ceux exposés par Monsieur Lastère.

L'appelante ayant communiqué 4 pièces le 24 novembre 1997, les intimés ont sollicité qu'elles soient écartées des débats en application des articles 15 et 16 du nouveau Code de Procédure Civile.

Sur quoi LA COUR :

Attendu que la clôture de l'instruction est intervenue le 17 novembre 1997, que malgré cela sans justifier d'une cause grave l'appelante a communiqué 4 pièces le 24 novembre et deux le 1er décembre, que ces pièces en application de l'article 783 du nouveau Code de Procédure Civile doivent être écartées des débats.

Attendu qu'il appartient à une partie qui se prétend victime d'une concurrence déloyale de rapporter, non l'existence d'un faisceau de présomptions, mais la preuve de faits constitutifs de manœuvres dépassant les limites de la libre concurrence.

Attendu que l'appelante fonde sa demande sur le départ concerté et brutal de trois salariés, puis le débauchage d'un autre salarié et sur le démarchage de ses clients et fournisseurs.

Attendu qu'il découle de la liberté du travail que des salariés sont libres à tout moment de quitter leur employeur, ce dernier ne pouvant exiger que l'accomplissement du préavis et le cas échéant le respect d'une clause de non-concurrence.

Attendu qu'en l'espèce une telle clause n'existe pas dans les contrats de travail des trois intimés, que l'appelante n'a pas exigé qu'ils exécutent leur mois de préavis, qu'elle est donc mal venue à soutenir l'existence d'une faute ou d'un préjudice.

Attendu que le débauchage d'un salarié ne peut constituer une faute que s'il s'accompagne de la volonté de désorganiser la production d'un concurrent, qu'en l'espèce, la preuve de la désorganisation de la société appelante par le débauchage d'un seul salarié sur un nombre d'employés inconnu n'est pas rapportée ni même soutenue.

Attendu que rien n'interdit à d'anciens salariés ayant constitué leur propre entreprise de se rapprocher des clients et des fournisseurs de leur ancien employeur, à condition que leur comportement soit exclusif de tout dénigrement à l'encontre de ce dernier.

Attendu, si en l'espèce, il est soutenu et établi que la société MRT a pris contact avec les fournisseurs et les clients de la société Publi Déco, il ne résulte pas des pièces produites que des parts de marché aient été conquises à l'aide de manœuvres déloyales : dénigrement ou autres, que dans ces conditions, la décision des premiers juges ne peut être que confirmée en ce qu'elle a rejeté les prétentions de la demanderesse.

Attendu sur la demande reconventionnelle de Maître Barthe ès qualités, il faut constater que si ce dernier établit bien le comportement parfaitement déloyal de l'appelante : pressions faites sur un fournisseur, il n'établit pas le lien entre ce comportement et les difficultés que la société MRT a rencontrées, que cette demande ne peut être que rejetée.

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer.

Attendu que l'appelante supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR écarte des débats les pièces communiquées les 24 novembre et 1er décembre 1997. Déclare la SARL Publi Média Plus mal fondée en son appel, en conséquence l'en déboute et confirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions, Y ajoutant en cause d'appel, Dit qu'il n'y a lieu à allocation de dommages et intérêts. Dit qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. Met les dépens exposés devant la Cour à la charge de l'appelante dont distraction au profit de Maître Le Barazer et de la SCP Julia, Avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.